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  1. 47. Le Comité a déjà examiné ce cas à ses trente-huitième et trente-neuvième sessions, tenues respectivement aux mois de novembre 1964 et février 1965. A ces occasions, il a formulé à l'adresse du Conseil d'administration ses recommandations définitives sur certains aspects du cas, savoir: les allégations relatives à la constitution des syndicats, à l'enregistrement des syndicats, à l'accès aux livres et registres des syndicats, et les allégations relatives au licenciement de dirigeants syndicaux.
  2. 48. Il ne sera question, dans les paragraphes qui suivent, que des allégations restées en suspens et qui portent sur les élections syndicales, sur l'affiliation des syndicats aux fédérations professionnelles et sur les effets de l'ordonnance militaire du 30 avril 1964 sur l'exercice du droit de grève.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Allégations relatives au droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants a
    1. 49 Les plaignants alléguaient qu'en vertu des dispositions transitoires du décret-loi du 2 mars 1964 sur la réorganisation du mouvement syndical, le ministre des Affaires sociales et du Travail était habilité à désigner un comité de la Fédération générale des syndicats et un comité pour chaque syndicat, composés de membres choisis par lui, et à confier à ces comités le soin de remplacer le Conseil de la Fédération et les bureaux des syndicats.
    2. 50 Dans ses observations, le gouvernement insistait sur le fait qu'il ne s'agissait là que de dispositions essentiellement transitoires et que la mission première des comités en question était d'organiser le déroulement d'élections libres.
    3. 51 Lors de sa session du mois de novembre 1964, le Comité avait rappelé que la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, par les dispositions de laquelle la République arabe syrienne est liée, prévoyait formellement à son article 3 que les organisations de travailleurs et d'employeurs devaient avoir le droit d'élire librement leurs représentants.
    4. 52 Avant de se prononcer de manière définitive sur cet aspect du cas, et pour pouvoir apprécier s'il avait ou non été porté atteinte au principe rappelé au paragraphe précédent, le Comité avait estimé qu'il lui serait nécessaire, d'une part, de savoir si des élections syndicales avaient eu effectivement lieu en Syrie, d'autre part, dans l'affirmative, de connaître avec précision les conditions dans lesquelles celles-ci s'étaient déroulées. Il avait par conséquent recommandé au Conseil d'administration de solliciter du gouvernement des informations complémentaires sur ces points.
    5. 53 Cette demande d'informations ayant été portée à la connaissance du gouvernement par une lettre en date du 10 mars 1965, celui-ci y a donné suite par une communication datée du 30 mars 1965.
    6. 54 Dans cette communication, le gouvernement indique que les élections syndicales se sont déroulées au mois de janvier 1965. Les travailleurs - déclare-t-il - ont choisi leurs représentants en toute liberté, sous le contrôle de commissions indépendantes présidées par des magistrats et sans aucune intervention de la part des autorités gouvernementales. Il ajoute que les modalités ayant présidé aux élections ont été fixées en accord avec la Fédération générale des syndicats; partant du principe que chaque travailleur a le droit d'élire librement ses représentants, ces modalités ont prévu, entre autres, que tout membre d'un syndicat qui jugerait que certaines formalités sont propres à limiter ce droit aurait la possibilité de former contre elles un recours devant les commissions instituées dans chaque circonscription administrative (Mouhafazat) et présidées par un magistrat.
    7. 55 Dans ces conditions, estimant que les dispositions incriminées par les plaignants et dont il est question au paragraphe 49 ci-dessus, non seulement revêtaient un caractère essentiellement transitoire, mais encore visaient uniquement à préparer la tenue d'élections syndicales libres, lesquelles, ainsi qu'il ressort des observations du gouvernement analysées au paragraphe précédent, se sont déroulées ultérieurement dans des conditions qui ne paraissent pas mettre en question le principe de la convention no 87 rappelé au paragraphe 51 ci-dessus, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
  • Allégations relatives à l'affiliation obligatoire des syndicats de métier aux fédérations professionnelles de métier correspondantes
    1. 56 Les plaignants alléguaient qu'en vertu de l'article 47 du décret-loi du 2 mars 1964, les syndicats de métier étaient contraints, sous peine de dissolution de leur bureau, de s'affilier aux fédérations professionnelles correspondantes.
    2. 57 Dans sa réponse, le gouvernement confirmait qu'à défaut d'affiliation aux fédérations professionnelles, les bureaux des syndicats étaient effectivement dissous. « Dans ce cas - poursuit le gouvernement -, l'assemblée générale du syndicat est conviée à procéder à l'élection d'un nouveau bureau pour l'exercice de ses fonctions. Et ainsi, il sera donné à tous les membres du syndicat l'occasion de discuter le sujet de l'affiliation à la fédération professionnelle. »
    3. 58 A sa session du mois de novembre 1964, le Comité avait noté qu'au vu de la dernière phrase des observations gouvernementales, citée au paragraphe précédent, il semblerait qu'un nouveau bureau syndical une fois élu, les travailleurs auraient la possibilité de décider s'ils entendent ou non que leur syndicat soit affilié à la fédération professionnelle. Mais alors, poursuivait le Comité, si une telle latitude leur est effectivement laissée, on s'explique mal la raison pour laquelle on procéderait, en vertu de l'article 47 du décret incriminé, à la dissolution des bureaux syndicaux ayant refusé l'affiliation de leur syndicat à la fédération professionnelle. Enfin, constatait le Comité, il semble bien que, pris isolément, l'article 47 du décret fasse une obligation aux syndicats de métier de s'affilier aux fédérations professionnelles correspondantes.
    4. 59 En conséquence, le Comité avait recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir l'informer s'il appartient effectivement aux travailleurs eux-mêmes de décider s'ils entendent que leur syndicat adhère à une fédération professionnelle ou si l'affiliation à une telle fédération découle d'une obligation légale.
    5. 60 Dans sa communication du 30 mars 1965, le gouvernement donne à cet égard les explications suivantes. Par l'article 47 du décret-loi du 2 mars 1964, le législateur entendait « que les syndicats professionnels constituent dans leurs différents Mouhafazats une fédé ration professionnelle représentant tous les travailleurs de la profession et défendant leurs intérêts », créant ainsi « une organisation syndicale forte qui serait à même de réaliser ses objectifs et empêcherait la dislocation du mouvement syndical et sa division en plusieurs organisations et corps établis sur la base des différends et des litiges personnels, de partis ou autres ». Le gouvernement indique encore « que la fédération professionnelle, suivant l'énoncé de la loi, est, en un sens, un syndicat général d'une seule profession auquel la loi a garanti tous les facteurs de travail constructif dans le domaine de la seule profession au niveau du pays. Ce sont les organisations des travailleurs qui ont demandé l'unification des organisations syndicales dans la profession en une seule fédération professionnelle en considération du fait que le but principal de cette organisation est d'établir un mouvement syndical fort qui contribuerait avec d'autres organisations populaires à l'évolution économique et sociale du pays à tous les niveaux. »
    6. 61 Il paraît ressortir des observations formulées par le gouvernement tant dans sa dernière communication que dans celle que le Comité avait examinée lors de sa session du mois de novembre 1964, que les syndicats de métier sont, en vertu de la loi, tenus de s'affilier à la fédération professionnelle correspondante. En outre, l'existence de plusieurs fédérations professionnelles pour un métier donné paraissant exclues, les syndicats de base ne semblent pas pouvoir choisir librement l'organisation intersyndicale à laquelle elles désirent adhérer.
    7. 62 Aux termes de l'article 5 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par la République arabe syrienne, les organisations de travailleurs et d'employeurs doivent avoir le droit de constituer des fédérations et des confédérations ainsi que celui de s'y affilier. Selon l'article 6 de la même convention, les dispositions de l'article 2 qui définissent les droits des individus, travailleurs et employeurs, sont également applicables aux organisations de base qui désirent constituer une fédération ou une confédération. Or, parmi ces droits, figure la liberté du choix de l'organisation à laquelle on entend s'affilier.
    8. 63 Par cette clause - ainsi que le Comité a déjà eu l'occasion de le préciser -, la convention n'entend nullement prendre position en faveur, soit de la thèse de l'unité syndicale, soit de celle du pluralisme syndical. Toutefois, elle vise à tenir compte du fait, d'une part, que dans nombre de pays il existe plusieurs organisations parmi lesquelles les travailleurs comme les employeurs pourront vouloir librement choisir d'adhérer, d'autre part, que travailleurs et employeurs pourraient vouloir créer des organisations distinctes dans les pays où cette diversité n'existe pas ou n'existe que partiellement.
    9. 64 Il est vrai que, dans ses observations, le gouvernement déclare que « ce sont les organisations des travailleurs qui ont demandé l'unification des organisations syndicales dans la profession en une seule fédération professionnelle ». Pour aussi exacte que puisse être cette déclaration, il n'en reste pas moins que le voeu prêté aux travailleurs a fait, par voie législative, l'objet d'une consécration équivalant maintenant à une obligation légale.
    10. 65 A cet égard, le Comité juge opportun de rappeler ce que disait la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations lorsqu'elle s'est trouvée appelée à se prononcer sur des situations analogues. La Commission d'experts a eu l'occasion de signaler que, lorsque l'unité syndicale résulte de la seule volonté des travailleurs, cette situation n'a pas besoin d'être consacrée par des textes légaux, dont l'existence peut donner l'impression que l'unité syndicale n'est que le résultat de la législation en vigueur ou n'est maintenue que par celle-ci.
  • Il existe - disait en particulier la Commission d'experts- une différence fondamentale vis-à-vis des garanties établies pour la liberté syndicale et la protection syndicale entre, d'une part, cette situation où le monopole syndical est institué ou maintenu par la loi et, d'autre part, les situations de fait qui se rencontrent dans certains pays où toutes les organisations syndicales se groupent volontairement en une seule fédération ou confédération, sans que cela résulte directement ou indirectement des dispositions législatives applicables aux syndicats et à la création d'organisations syndicales. Le fait que les travailleurs et les employeurs ont, en général, avantage à éviter une multiplication du nombre des organisations concurrentes ne semble pas, en effet, suffisant pour justifier une intervention directe ou indirecte de l'Etat et notamment l'intervention de celui-ci par voie législative.
    1. 66 Etant donné que la République arabe syrienne a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et qu'elle est donc liée par les dispositions qui y sont contenues, le Comité estime nécessaire de rappeler au gouvernement l'importance qu'il convient d'attacher au principe énoncé à l'article 2 de cet instrument selon lequel les travailleurs doivent avoir le droit de constituer les organisations de leur choix ainsi que celui de s'y affilier. Rappelant ensuite qu'en vertu du paragraphe 2 de l'article 8 de la convention no 87, la législation nationale des Etats parties à cette convention ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties qui y sont prévues, le Comité juge opportun d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que, dans sa forme actuelle et selon l'interprétation que ce dernier semble en donner, la législation en vigueur risque de mettre en cause la garantie contenue à l'article 2 de la convention no 87 et, par la suite, de le prier d'envisager l'élimination de cette législation de toute disposition risquant d'aller à l'encontre de la garantie en question.
  • Allégations relatives à l'exercice du droit de grève
    1. 67 Les plaignants alléguaient que le Président du Conseil de la Révolution aurait promulgué, le 30 avril 1964, un décret prévoyant que toute personne qui inciterait quiconque à la grève serait déférée devant une cour martiale.
    2. 68 Dans les observations qu'il présentait le 30 décembre 1964, le gouvernement déclarait qu'une ordonnance militaire (et non pas un décret) avait été effectivement prise le 30 avril 1964 déférant auprès des cours martiales toute personne ayant incité autrui à fermer son établissement ou à troubler la sécurité et l'ordre publics. Il précisait toutefois que cette ordonnance avait été promulguée, alors que la sécurité du pays était menacée, « en vue de ramener le calme et la vie naturelle au pays ». Il affirmait enfin que, même au moment des troubles qui avaient motivé la promulgation de l'ordonnance, celle-ci n'avait pas été appliquée dans la pratique.
    3. 69 Lors de sa session du mois de février 1965, notant que le gouvernement n'indiquait pas si l'ordonnance en question avait ou non été rapportée, le Comité avait estimé qu'il lui serait nécessaire, avant de formuler ses recommandations définitives au Conseil d'administration, de savoir si ladite ordonnance avait été abrogée ou s'il était dans les intentions du gouvernement de procéder à une telle abrogation.
    4. 70 Dans sa communication du 30 mars 1965, le gouvernement indique que l'ordonnance du 30 avril 1964 est toujours en vigueur. Il déclare toutefois avoir l'intention de l'abroger dès que les circonstances le permettront et, en attendant, affirme n'envisager son application que dans le seul cas où la sécurité du pays se trouverait menacée.
    5. 71 Il semble bien que le texte en question qui, d'ailleurs, d'après le gouvernement, ne paraît pas avoir reçu d'application pratique, ait été promulgué durant une période de crise pour faire face à des circonstances exceptionnelles.
    6. 72 Cependant, ce texte risquant de mettre en cause l'exercice des libertés en général et des droits syndicaux en particulier, le Comité exprime l'espoir que le gouvernement verra, dans un proche avenir, la possibilité, qu'il envisage lui-même, de procéder à son abrogation.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 73. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider, pour les raisons indiquées aux paragraphes 49 à 55 ci-dessus, que les allégations relatives au droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi;
    • b) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à l'affiliation obligatoire des syndicats de métier aux fédérations professionnelles de métier correspondantes:
    • i) de rappeler au gouvernement l'importance qu'il convient d'attacher au principe énoncé à l'article 2 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par la République arabe syrienne, selon lequel les travailleurs doivent avoir le droit de constituer les organisations de leur choix ainsi que celui de s'y affilier; principe qui implique, pour les organisations elles-mêmes, le droit de constituer les fédérations et les confédérations de leur choix ainsi que celui de s'y affilier;
    • ii) de prier le gouvernement d'envisager l'élimination de sa législation de toute disposition risquant d'aller à l'encontre de cette garantie;
    • iii) d'appeler sur les conclusions qui précèdent l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations;
    • c) d'exprimer l'espoir, en ce qui concerne les allégations relatives à l'exercice du droit de grève, que le gouvernement verra, dans un proche avenir, la possibilité d'abroger l'ordonnance militaire du 30 avril 1964, qui risque de porter atteinte au principe de la liberté syndicale.
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