Visualizar en: Inglés - Español
- 153. Le présent cas a fait l'objet de neuf rapports du comité au Conseil d'administration, qui les a tous approuvés.
- 154. Lorsqu'il a examiné ce cas pour la dernière fois, à sa session de mai 1969, le comité a soumis au Conseil d'administration ses conclusions définitives, contenues dans les paragraphes 58 à 88 de son rapport, sur trois séries d'allégations qui restaient en suspens.
- 155. Toutefois, dans une communication en date du 22 mai 1969, la Fédération syndicale mondiale (FSM) a formulé de nouvelles allégations. Le texte en ayant été transmis au gouvernement, celui-ci a envoyé, par communication du 12 novembre 1969, ses observations sur les points en question.
- 156. Le Brésil n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; il a ratifié par contre la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 157. Les nouvelles allégations présentées par la FSM sont liées aux allégations antérieures déjà examinées dans le cas en question, et elles ont trait aux grèves, à la négociation collective et à l'élection des dirigeants syndicaux. Le comité a déjà présenté ses conclusions au Consul d'administration au sujet des allégations antérieures; cependant, la FSM affirme que «la réalité brésilienne du premier trimestre de 1969» diffère de celle qui prévalait à l'époque de sa plainte de 1966. La FSM prétend qu'il y a eu une recrudescence de la répression contre les organisations syndicales.
- 158. Le comité a, dans plusieurs cas antérieurs, considéré qu'il ne lui appartenait pas de procéder à la réouverture d'un cas lorsqu'il avait déjà examiné ce cas au fond et avait formulé en l'espèce ses recommandations définitives au Conseil d'administration, sauf si des éléments nouveaux venaient à intervenir et à être portés à sa connaissance.
- 159. Dans le cas présent, le comité examine les nouvelles allégations qui lui ont été soumises par les plaignants et au sujet desquelles le gouvernement a présenté ses observations.
- Allégations relatives aux restrictions qui seraient apportées à l'exercice du droit de grève
- 160. Dans leur communication du 22 mai 1969, les plaignants affirment que « la nouvelle rédaction de la loi de sûreté nationale » assimile la grève à un acte contre la sécurité de l'Etat, d'où il résulte que les travailleurs qui y ont recours risquent de se trouver sous l'inculpation d'un délit relevant du tribunal militaire.
- 161. Dans ses observations en date du 12 novembre 1969, le gouvernement signale que le droit de grève est consacré par l'article 158, alinéa 21, de la Constitution fédérale, sous la réserve, prévue à l'article 157, paragraphe 7, que la grève est interdite dans les services publics et dans les activités essentielles déterminées par la loi. Le gouvernement indique que la législation de nombreux pays comporte des restrictions de cet ordre et il cite divers articles de la loi no 4330, de 1964, portant réglementation de ce droit constitutionnel.
- 162. Le gouvernement se réfère à un avis émis en 1965 par le ministère du Travail et à certaines dispositions des articles 511 et 521 de la Consolidation des lois du travail, relatifs aux fins licites et aux conditions de fonctionnement des associations syndicales, et il ajoute ce qui suit: « Le syndicat brésilien représente donc des intérêts professionnels ou économiques; il ne représente jamais les intérêts d'un parti politique, ni des intérêts philosophiques ou religieux. Par voie de conséquence, l'autonomie syndicale doit être exercée dans le cadre de la loi, qui établit les limites au-delà desquelles l'action syndicale s'écarte de ses fondements et de ses fins. C'est dire que la liberté syndicale, comme toute autre liberté accordée à des groupes ou à des citoyens, ne se confond ni avec la souveraineté ni avec l'anarchie, et qu'elle ne peut constituer un instrument servant à violer les droits d'autrui, qu'il s'agisse d'une personne, d'une collectivité ou de la nation elle-même. » Le gouvernement cite l'opinion de plusieurs auteurs sur divers aspects des relations existant entre les associations professionnelles ou syndicats et l'Etat, et sur la subordination des intérêts des groupements et individus à l'intérêt général.
- 163. Dans un paragraphe de ses observations, le gouvernement déclare ce qui suit. Pour ce qui est de la sécurité nationale, les mesures adoptées par le gouvernement - qui seul pouvait les prendre - ont été de caractère général, visant tous les Brésiliens sans exception. Il s'agit de normes qui relèvent de l'ordre interne de tout pays. Loin de compromettre les libertés individuelles, elles les ont protégées. Quant aux organisations syndicales, le décret-loi no 314, du 13 mars 1967, prévoit en son article 32 qu'une peine de deux à six ans de réclusion pourra être infligée à quiconque provoque une grève ou un lock-out, entraînant la paralysie de services publics ou d'activités essentielles aux fins d'exercer une pression sur les autorités de la république.
- 164. Le comité rappelle que, parmi les allégations relatives à l'exercice du droit de grève qu'il a déjà examinées dans le cas dont il s'agit, et au sujet desquelles il a présenté antérieurement ses conclusions au Conseil d'administration, figuraient des allégations de la FSM selon lesquelles les travailleurs seraient menacés d'être traduits, pour fait de grève, devant les tribunaux militaires.
- 165. A sa session de février 1968, le comité a indiqué que, d'après les déclarations du gouvernement contenues dans une communication du 5 janvier 1968, le droit de grève est assuré aux travailleurs brésiliens en vertu de la Constitution nationale, son exercice étant réglementé par la loi no 4330, de 1964, « qui ne prévoit aucun tribunal militaire chargé de réprimer les grèves ou de les juger ». Le gouvernement avait indiqué ensuite que les tribunaux pénaux ordinaires étaient compétents pour juger les délits découlant de faits de grève. A cette occasion, le comité a également noté d'autres déclarations du gouvernement selon lesquelles les tribunaux militaires font partie intégrante du Pouvoir judiciaire brésilien; ne sont soumis à des sanctions pénales que les abus dans l'exercice du droit de grève, lorsqu'ils excèdent les limites des relations entre le travail et le capital et affectent l'ordre social; d'autres genres de grèves peuvent provoquer des sabotages, ce qui, dans certaines branches d'activité, peut représenter une menace pour la sécurité nationale. En conclusion, le comité, tenant compte, d'une part, de la dénégation formelle du gouvernement et, d'autre part, du fait que les plaignants ne parlaient que de « menaces » qui pèseraient sur les travailleurs et non pas de la comparution effective des intéressés devant les tribunaux militaires, a estimé qu'il n'avait pas été apporté « de preuves suffisantes tendant à démontrer qu'il y ait eu, en l'occurrence, atteinte à l'exercice des droits syndicaux », et a recommandé en conséquence au Conseil d'administration de décider que cet aspect de l'affaire n'appelait pas de sa part un examen plus approfondi.
- 166. Dans la nouvelle plainte de la FSM dont est maintenant saisi le comité, les plaignants se réfèrent simplement aux dispositions d'une « nouvelle rédaction » de la loi de sûreté nationale. Le gouvernement, pour l'essentiel, se borne à signaler la sanction prévue par un décret-loi de 1967 et applicable à quiconque provoque une grève entraînant la paralysie des services publics ou d'activités essentielles aux fins d'exercer une pression sur les autorités de la république.
- 167. Le comité a toujours appliqué le principe selon lequel les allégations relatives au droit de grève relèvent de sa compétence dans la mesure où elles intéressent l'exercice des droits syndicaux. Dans de nombreux cas antérieurs, le comité a signalé que le droit des travailleurs et de leurs organisations à recourir à la grève comme moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels est généralement reconnu. Cependant, dans divers cas, le comité s'est refusé à examiner des allégations relatives à des grèves qui n'étaient pas considérées comme ayant un caractère professionnel ou qui étaient destinées à exercer des pressions sur le gouvernement dans une affaire politique.
- 168. S'il s'avérait que la disposition pénale citée par le gouvernement, ou une autre disposition analogue, s'applique ou est susceptible de s'appliquer à toute grève décidée exclusivement aux fins de promouvoir ou de défendre les intérêts professionnels des travailleurs, une telle situation serait contraire au principe généralement admis et mentionné au paragraphe précédent. Le comité ne peut que constater, à cet égard, que cette certitude ne ressort pas des éléments succincts contenus dans les allégations dont il s'agit, ni du texte de l'article 32 du décret-loi de 1967 mentionné par le gouvernement.
- 169. Sous réserve des considérations exprimées au paragraphe 168 ci-dessus, le comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect de l'affaire n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
- Allégations relatives aux restrictions qui seraient apportées au droit de négociation collective
- 170. La FSM prétend que la dépendance du Pouvoir judiciaire à l'égard du Pouvoir exécutif, résultant de la suspension des garanties des juges par l'acte institutionnel no 5, a transformé les tribunaux du travail en organes de contrôle - en matière de salaires - des indices maxima fixés par le gouvernement. Les plaignants ajoutent que, contrairement à une déclaration faite antérieurement au Comité de la liberté syndicale et mentionnée au paragraphe 133 du 103ème rapport, il existe au Brésil de très graves restrictions au droit de négociation. A titre d'exemple, ils citent le cas des travailleurs des industries du sucre et du textile de São Paulo (décembre 1968) qui, ayant obtenu une augmentation salariale de 30 pour cent, ont vu cette augmentation réduite à 25 pour cent par le Tribunal supérieur du travail parce que le pourcentage initial dépassait le plafond fixé par le gouvernement.
- 171. Le gouvernement indique que l'acte institutionnel no 5 n'a aucun rapport avec la politique des salaires ni avec les tribunaux du travail. La politique suivie en matière de rajustement des rémunérations est définie par la loi no 5451, de 1968, dont l'objet est de maintenir les nouveaux salaires au niveau du salaire moyen réel des vingt-quatre derniers mois, avec la majoration prévue pour compenser l'effet résiduel de l'inflation et un montant calculé d'après l'accroissement de la productivité. Le gouvernement a également ordonné la révision des ajustements accordés précédemment.
- 172. Par ailleurs, le gouvernement indique que les conventions collectives sont conclues entre les organismes syndicaux des catégories économiques et professionnelles lorsque, conformément à la loi, elles ont un intérêt mutuel à établir de nouvelles conditions de travail pour l'ensemble de la catégorie représentée. En revanche, le contrat collectif est signé entre le syndicat de la catégorie professionnelle et l'entreprise en vue d'établir de nouvelles conditions qui seront valables seulement dans l'entreprise en cause et pour une durée déterminée ne pouvant dépasser deux ans. Le Brésil est à l'avant-garde des Etats qui ont groupé dans un seul texte législatif les avantages accordés au travailleur. C'est pourquoi le droit de conclure une convention collective ne trouve son application que dans des cas tout à fait particuliers. Le gouvernement déclare cependant qu'il y a des accords collectifs dans un grand nombre de branches d'activité, surtout dans le commerce.
- 173. Le gouvernement indique que la réduction du taux d'une augmentation de salaire ne peut intervenir que si, selon la procédure établie par la justice du travail, la première instance a accordé, sans aucun fondement, un pourcentage d'augmentation dépassant la limite fixée par l'organisme officiel chargé par la loi d'orienter la politique des salaires du gouvernement. Il y a plus de vingt ans que le Brésil oriente cette politique de façon impérative: il faut non seulement qu'une phase de conciliation ait précédé le recours à la justice du travail pour les augmentations de salaire sur lesquelles celle-ci est appelée à se prononcer, mais encore que les augmentations soient définies par les indices de l'élévation des prix à la consommation (hausse du coût de la vie) calculée par un organe spécialisé à la suite d'une enquête. Rien n'empêche les travailleurs et les employeurs de parvenir, par l'entremise de leurs organisations représentatives, à des augmentations dépassant les taux fixés, pourvu que l'accord soit homologué par la justice du travail ou reconnu par les organes officiels, et que les augmentations n'entraînent pas une hausse des marchandises ou des services fournis.
- 174. Le comité note que les nouvelles allégations présentées par la FSM concernent, sur la base d'exemples concrets, la limitation des augmentations de salaire qui peuvent être accordées par les contrats collectifs. De ces allégations et des observations du gouvernement, il ressort que les organisations de travailleurs peuvent négocier et négocient avec les employeurs en matière de salaires, mais également que les augmentations de salaire sont soumises par la loi à certaines limites fixées par le gouvernement, système qui, selon celui-ci, est appliqué dans le pays depuis de nombreuses années. Le gouvernement indique également que, pour la détermination des ajustements de salaire, on prend en ligne de compte des facteurs tels que le coût de la vie, l'inflation monétaire, l'augmentation de la productivité et les répercussions éventuelles sur les prix.
- 175. Il convient de signaler, en premier lieu, que la restriction ainsi imposée à la négociation collective et les facultés correspondantes attribuées aux autorités publiques et aux tribunaux du travail semblent s'appliquer seulement aux clauses concernant les salaires, et que les notions « d'homologation par les tribunaux du travail » et de « reconnaissance par les organes officiels » ne semblent pas s'appliquer aux autres domaines visés par le contrat. L'ancien texte de l'article 618 de la Consolidation des lois du travail semblait établir une exigence équivalant à une autorisation préalable pour l'entrée en vigueur de la totalité du contrat collectif, puisqu'il exigeait son homologation par l'autorité compétente et que, ainsi que le fait remarquer un auteur, le ministre pouvait refuser d'approuver le contrat, qui demeurait ainsi sans effet juridique. Le même auteur indique que, avec l'entrée en vigueur du décret-loi no 229, du 28 février 1967, ce problème est résolu étant donné que, depuis, pour faire prendre effet à l'instrument, les parties doivent en envoyer une copie au ministère du Travail, la convention entrant en vigueur trois jours après le dépôt de cette copie. La nouvelle rédaction du titre VI de la consolidation, en son article 614, reproduit cette modification promulguée en 1967 et prévoit que cette copie est déposée « aux fins d'enregistrement et d'archivage ».
- 176. Or il ressort de la lecture de l'article 623 de la Consolidation des lois du travail que toute disposition d'une convention ou d'un accord sera nulle de plein droit si elle s'oppose directement ou indirectement à une interdiction ou à une norme de la politique économique et financière du gouvernement, ou à une disposition réglementaire relative à la politique des salaires en vigueur et, en pareil cas, elle ne produira aucun effet aux yeux des autorités et administrations publiques; la nullité sera déclarée d'office ou sur demande d'une partie, par le ministre du Travail et de la Prévoyance sociale ou par la justice du travail lorsqu'il s'agit de questions de son ressort. L'article 624 dispose que la validité d'une clause d'augmentation ou de rajustement des salaires, qui implique une hausse des prix et tarifs sujets à fixation par une autorité ou une administration publique, dépendra de la consultation préalable de cette autorité ou administration et d'une déclaration expresse faite par elle en ce qui concerne l'augmentation éventuelle des tarifs ou des prix en question.
- 177. Le comité estime nécessaire de rappeler que, en vertu de l'article 4 de la convention no 98, ratifiée par le Brésil, « toutes mesures appropriées aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges des procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi ». Dans divers cas antérieurs, le comité a signalé que le droit des organisations de travailleurs de négocier librement les conditions de travail avec les employeurs constitue un élément essentiel de la liberté syndicale, et que les pouvoirs publics devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter le droit des syndicats à chercher, par voie de négociations collectives ou par d'autres moyens licites, à améliorer les conditions de vie et de travail de leurs mandants, ou à en entraver l'exercice légal.
- 178. Dans le cas présent, les observations du gouvernement donnent à entendre que, si cela est justifié, les accords entre organisations représentatives des travailleurs et des employeurs peuvent, dans certaines conditions, prévoir des augmentations qui dépassent les taux fixés.
- 179. Dans ces conditions, afin de poursuivre l'examen de cet aspect du cas en pleine connaissance de cause, le comité recommande au Conseil d'administration d'inviter le gouvernement à bien vouloir fournir des informations complémentaires sur le nombre de contrats collectifs qui sont entrés en vigueur sans modification des clauses relatives aux salaires, et sur le nombre de cas dans lesquels le ministre du Travail et de la Prévoyance sociale ou les tribunaux du travail ont pris une décision d'annulation ou fait modifier les clauses en question, et à bien vouloir indiquer en outre les motifs de ces décisions.
- Allégations relatives aux restrictions qui seraient apportées au droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants
- 180. La FSM se réfère à ses allégations antérieures, déjà examinées par le comité et relatives à la caution d'idéologie qui serait exigée des dirigeants syndicaux. A l'époque, déclare l'organisation plaignante, le directeur général du Département national du travail avait formellement nié cette affirmation, ce qui a empêché le Comité de la liberté syndicale de poursuivre un examen plus approfondi de cette question. La FSM réaffirme que les syndicats n'ont pas le droit de choisir librement leurs représentants. Plus concrètement, les plaignants affirment que, depuis l'adoption de l'instruction no 3045, du 14 février 1969, du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, aucun doute ne subsiste sur l'existence d'une caution d'idéologie comme condition pour être élu en qualité de dirigeant syndical ou pour conserver des fonctions syndicales. Les autorités ont privé de leurs droits les dirigeants de nombreuses organisations de travailleurs, qui avaient été élus et étaient déjà en fonctions, en les accusant de n'être pas en condition de garantir la discipline de l'organisation syndicale en conformité avec l'ordre social.
- 181. Dans les considérants du texte de l'instruction no 3045, transmis par les plaignants, il est dit notamment que l'acte institutionnel no 5 du 13 décembre 1968 prévoit l'adoption de mesures propres à assurer l'ordre, la sécurité, la tranquillité et l'harmonie politique et sociale du pays; que les organisations syndicales jouent un rôle important à cet effet, de par leur nature d'organes de collaboration avec le pouvoir public; que, pour cela même, et en raison de leur finalité supérieure, les organisations syndicales doivent avoir un cadre directeur et une représentation distincte de celle qui, bien qu'ayant été élue et installée dans ses fonctions, n'offre pas les conditions nécessaires pour en garantir la discipline interne conformément à l'ordre social en vigueur; enfin, qu'il incombe au ministère du Travail et de la Prévoyance sociale de veiller au maintien de la paix sociale afin que puisse être menée à bien la solution des problèmes qui se posent dans le domaine de l'action syndicale. Dans le dispositif de l'instruction, il est décidé de destituer les membres titulaires et suppléants du bureau et des organismes de contrôle et de représentation de vingt organisations syndicales. En ce qui concerne trois de ces syndicats (Syndicat des travailleurs de l'extraction du pétrole de l'Etat de Bahia, Syndicat des travailleurs de la construction et de l'ameublement et Syndicat des travailleurs des industries métallurgiques et mécaniques et du matériel électrique de Maringá, Etat de Paraná), l'instruction n'indique pas les noms des personnes destituées; en revanche, ces noms sont indiqués pour les autres syndicats (une ou plusieurs personnes selon le cas).
- 182. Dans ses observations, le gouvernement présente un long exposé de caractère général dans lequel il indique qu'il n'existe aucune restriction en matière d'élection syndicale et que l'éloignement de dirigeants syndicaux ou d'un comité directeur par le moyen de l'intervention est prévu par la loi depuis plus de vingt-cinq ans. Cette mesure est prise, ajoute le gouvernement, quand de tels dirigeants, profitant de leurs fonctions, détournent les fonds de l'organisation ou se livrent à des actes portant atteinte à la sécurité de la nation ou de telle ou telle collectivité, outrepassant ainsi les prérogatives qui leur sont accordées par la Constitution nationale ou par la Consolidation des lois du travail. Le gouvernement mentionne diverses dispositions de la législation nationale relatives à l'exercice du droit d'association, à la liberté d'expression, etc., et aux limites de l'exercice de ces droits. Il se réfère en outre à des décisions rendues par des tribunaux brésiliens et il indique que ceux-ci « ont proclamé à maintes reprises la constitutionnalité des dispositions de la consolidation concernant l'organisation et le fonctionnement des organismes syndicaux, de même que la légitimité de l'intervention de l'Etat, telle qu'elle a été opérée par le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, chaque fois que de tels organismes méprisent ou violent les règles constitutionnelles et légales auxquelles ils sont assujettis ».
- 183. En ce qui concerne l'instruction ministérielle du 14 février 1969, le gouvernement déclare que les considérants mêmes de ce texte justifient l'éloignement de dirigeants syndicaux « en nombre insignifiant »; d'ailleurs il y a eu non pas intervention, mais remplacement par des suppléants désignés conformément à la loi, étant donné que les autorités politiques brésiliennes ont le devoir de veiller au maintien de la tranquillité, de la paix sociale et de l'ordre dans les organismes syndicaux, de façon que les problèmes de la classe ouvrière puissent être définis et résolus. L'objectif des agitateurs et des partisans de la subversion est exactement inverse: ne pas permettre la solution de ces problèmes afin de saper les bases de la paix sociale au Brésil, en vue de jeter le discrédit sur les pouvoirs publics et de semer le trouble dans la nation.
- 184. D'après le gouvernement, l'accusation relative à une attestation d'idéologie n'est pas fondée. Les dispositions du texte pertinent de la législation ordinaire, à savoir l'arrêté ministériel no 40, du 21 janvier 1965, en ce qui concerne les conditions requises des candidats, sont ainsi conçues:
- Article 11. Tout candidat dont le nom figure sur une liste pourra demander l'inscription de celle-ci, la demande devant être présentée en trois exemplaires et adressée au président en exercice.
- Paragraphe 1. La demande devra être accompagnée des renseignements et documents suivants, pour chaque candidat:
- a) nom complet, filiation, Etat (du Brésil) de naissance, état civil et résidence;
- b) numéro d'immatriculation sociale;
- c) nom de l'établissement ou de l'entreprise où il exerce sa profession ou son activité, s'il s'agit d'un salarié ou d'un employeur;
- d) document établissant la durée de l'exercice de l'activité ou de la profession et indication de la durée d'affiliation au syndicat, l'une et l'autre étant comptées jusqu'à la date du vote;
- e) déclaration établie par tous les candidats figurant sur les listes, écrite de leur propre main, l'écriture et la signature étant certifiées conformes, par laquelle ils s'engagent à observer fidèlement la Constitution fédérale et la loi du pays, ainsi qu'à respecter les autorités constituées et à appliquer les décisions qu'elles prennent;
- f) certificat de bonne vie et moeurs, précisant que l'intéressé jouit de ses droits politiques.
- 185. A d'autres stades de l'examen de ce cas, le comité s'est déjà penché sur la question de principe relative à l'intervention du gouvernement dans les activités des organisations syndicales. A cet égard, à sa session de février 1965, en vue de pouvoir examiner certaines allégations relatives à la mise sous contrôle de nombreuses organisations syndicales et les observations du gouvernement sur le processus de retour à une situation normale z, le comité a recommandé au Conseil d'administration, notamment, d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que la mise sous contrôle des organisations syndicales comporte un grave danger d'entraîner une limitation des droits des organisations de travailleurs d'élire librement leurs représentants et d'organiser leur gestion et leur activité. Dans ces conditions, le comité n'estime pas nécessaire d'examiner de nouveau cette question de principe.
- 186. En ce qui concerne les allégations relatives à l'instruction ministérielle du 14 février 1969, le gouvernement ne nie pas l'authenticité du texte transmis par les plaignants et il semble en donner confirmation. Il ressort de ses observations que la mesure d'éloignement de dirigeants syndicaux, qui a atteint vingt syndicats, n'a pas été adoptée dans le cadre de la procédure des mises sous contrôle mentionnée antérieurement par le comité, mais plutôt, selon ce qu'indique le gouvernement, en vertu du devoir des autorités de maintenir la tranquillité, la paix sociale et l'ordre dans les organismes syndicaux.
- 187. Dans d'autres cas antérieurs, le comité a exprimé l'opinion que l'invalidation des dirigeants syndicaux par une autorité administrative est une procédure qui risque de donner lieu à des abus ou de restreindre le droit généralement reconnu aux organisations syndicales d'élire leurs représentants en toute liberté et d'organiser leur propre administration et leur activité. Ce principe est énoncé par l'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qui prévoit également que les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal. Par ailleurs, s'agissant du contrôle des décisions de gestion interne d'un syndicat lorsque celles-ci constituent une infraction à des dispositions légales ou réglementaires, le comité a estimé « qu'il est de la plus haute importance que ce contrôle soit exercé par l'autorité judiciaire compétente, de façon à garantir l'impartialité et l'objectivité de la procédure ».
- 188. Dans le cas présent, l'invalidation des dirigeants syndicaux n'a pas été opérée par décision des membres des syndicats intéressés, mais par l'autorité administrative et, semble-t-il, non pas pour violation de dispositions précises des statuts des organisations syndicales ou de la législation, mais en raison de l'appréciation portée par ladite autorité administrative sur la capacité de ces dirigeants de maintenir la « discipline » dans leurs syndicats. Des mesures de cette nature semblent clairement incompatibles avec le principe selon lequel les organisations syndicales ont le droit d'élire librement leurs représentants et d'organiser leur gestion et leurs activités.
- 189. D'autre part, en ce qui concerne les allégations relatives à la « caution d'idéologie », le comité rappelle qu'à sa session de février 1968, ayant à examiner certaines allégations selon lesquelles une « caution d'idéologie » serait exigée des candidats à des postes de direction syndicale, le comité était saisi d'observations formulées par le gouvernement, d'après lesquelles les certificats d'idéologie ont été abolis par la législation brésilienne. Dans ces conditions, le comité estime qu'il serait pour lui sans objet de poursuivre l'examen de cet aspect du cas.
- 190. Dans ses observations, le gouvernement se réfère à l'arrêté ministériel no 40, du 21 janvier 1965, dont l'article 11, alinéa e), exige que les candidats présentent une déclaration écrite par laquelle ils s'engagent à observer fidèlement la Constitution et la législation ainsi qu'à respecter les autorités constituées et à appliquer les décisions qu'elles prennent. En outre, l'alinéa f) du même article exige un certificat de bonne vie et moeurs précisant que l'intéressé jouit de ses droits politiques.
- 191. Le comité a toujours estimé que l'examen des allégations de caractère purement politique échappe à sa compétence mais qu'il doit connaître des mesures de caractère politique prises par le gouvernement qui peuvent toucher indirectement l'exercice des droits syndicaux. Dans le cas présent, il ressort de la disposition réglementaire citée par le gouvernement et spécialement applicable à l'élection des dirigeants syndicaux qu'une personne qui a été privée de ses droits politiques ne peut être élue pour exercer des fonctions syndicales. Par conséquent, le comité estime qu'il serait utile de connaître les motifs pour lesquels, conformément à la législation du pays, des personnes peuvent être privées de leurs droits politiques et s'il existe des recours judiciaires contre des mesures de cet ordre.
- 192. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de signaler à l'attention du gouvernement l'importance du principe généralement reconnu en vertu duquel les organisations de travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants et d'organiser leur gestion et leurs activités, les autorités publiques devant s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal;
- b) de signaler également à l'attention du gouvernement que, dans le cas où les décisions de gestion interne des syndicats enfreignent des dispositions légales ou réglementaires, il est de la plus haute importance que le contrôle soit exercé par l'autorité judiciaire compétente, de façon à garantir l'impartialité et l'objectivité de la procédure;
- c) d'inviter le gouvernement à bien vouloir communiquer les renseignements complémentaires spécifiés au paragraphe 191 ci-dessus.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 193. En ce qui concerne l'ensemble du cas, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) s'agissant des nouvelles allégations présentées dans cette affaire au sujet des restrictions qui seraient apportées à l'exercice du droit de grève, de décider, compte tenu du fait que les allégations se rapportant au droit de grève n'échappent pas à la compétence du comité dans la mesure où elles concernent l'exercice des droits syndicaux, et sous réserve des considérations exposées au paragraphe 168 ci-dessus, que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi;
- b) s'agissant des allégations relatives aux restrictions qui seraient apportées au droit de négociation collective, d'inviter le gouvernement à bien vouloir fournir des renseignements complémentaires sur le nombre de contrats collectifs qui sont entrés en vigueur sans modification des clauses relatives aux salaires, sur le nombre de cas dans lesquels le ministre du Travail et de la Prévoyance sociale ou les tribunaux du travail ont déclaré la nullité ou demandé la modification de telles clauses, et indiquer les motifs de ces décisions;
- c) s'agissant des allégations relatives aux restrictions qui seraient apportées au droit d'élire librement les représentants syndicaux:
- i) de signaler à l'attention du gouvernement l'importance du principe généralement admis en vertu duquel les organisations de travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants et d'organiser leur gestion et leurs activités, les autorités publiques devant s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal;
- ii) de signaler également à l'attention du gouvernement que, dans le cas où les décisions de gestion interne des syndicats enfreignent les dispositions légales ou réglementaires, il est de la plus haute importance que le contrôle soit exercé par l'autorité judiciaire compétente, de façon à garantir l'impartialité et l'objectivité de la procédure;
- iii) d'inviter le gouvernement à bien vouloir indiquer les motifs pour lesquels, conformément à la législation nationale, des personnes peuvent être privées de leurs droits politiques (sanction qui empêche les intéressés de se porter candidats lors d'élections syndicales), et les voies de recours judiciaire existant contre des mesures de cet ordre;
- d) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport dès réception des renseignements complémentaires demandés au gouvernement sous b) et c) iii) du présent paragraphe.