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- 110. Quand le Comité, qui avait déjà examiné ce cas lors de sa vingt-cinquième session (mai 1960), en a repris l'examen lors de sa réunion du 23 février 1961 il a soumis de nouvelles conclusions aux paragraphes 79 à 122 de son cinquante-deuxième rapport, qui a été approuvé par le Conseil d'administration lors de sa 148ème session (mars 1961).
- 111. Le paragraphe 122 du cinquante-deuxième rapport a la teneur suivante:
- 122. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à la suspension des syndicats au Soudan:
- i) de prendre acte des informations complémentaires fournies par le gouvernement au sujet des événements qui ont précédé la suspension de l'activité syndicale au Soudan en novembre 1958, ainsi que de la déclaration du gouvernement, selon laquelle cette suspension par l'autorité administrative constitue un cas exceptionnel et unique, le gouvernement partageant l'opinion que le Conseil d'administration a exprimée en adoptant le paragraphe 90 a), i), du quarante-huitième rapport du Comité, qu'il est de la plus grande importance que les activités syndicales ne puissent être suspendues par l'autorité administrative;
- ii) de prendre acte également de la déclaration du gouvernement selon laquelle plus de soixante syndicats ont sollicité leur enregistrement en vertu de l'ordonnance (modificatrice) sur les syndicats de 1960 - demandes dont quarante-cinq donneront lieu à enregistrement effectif d'ici au 31 décembre 1960 -, le gouvernement se déclarant, par ailleurs, disposé à fournir le moment venu des informations complémentaires sur l'activité syndicale sous le régime de la législation nouvelle;
- iii) de prier le gouvernement de tenir compte du voeu que le Conseil d'administration a exprimé en adoptant le paragraphe 90 a), ii) du quarante-huitième rapport du Comité, reproduit au paragraphe 80 ci-dessus, et de continuer à tenir le Conseil d'administration au courant de l'évolution de la situation en ce qui concerne la formation et le fonctionnement des syndicats au Soudan;
- b) de décider, quant aux allégations relatives à un journal syndical, de prendre acte de la déclaration du gouvernement indiquant que la possibilité pour les syndicats d'exprimer leur opinion dans leurs propres journaux sera examinée plus avant, de réaffirmer l'importance que le Conseil a toujours attachée à la liberté de la presse syndicale et de demander au gouvernement de tenir le Conseil d'administration au courant des progrès réalisés dans ce domaine;
- c) de décider, en ce qui concerne les problèmes particuliers soulevés par l'ordonnance (modificatrice) sur les syndicats de 1960:
- i) que, eu égard à la déclaration du gouvernement selon laquelle les modifications apportées en 1960 aux articles 14 et 18, alinéa 4, de l'ordonnance sur les syndicats de 1948, laissent au juge de la Haute Cour la faculté d'infirmer la décision du préposé à l'enregistrement des syndicats, de refuser ou d'annuler l'enregistrement d'un syndicat, il n'est pas utile de poursuivre l'examen de cet aspect de la législation;
- ii) de prendre acte de la déclaration du gouvernement selon laquelle l'insertion des alinéas g) et h) de l'article 32 de l'ordonnance sur les syndicats n'a pas modifié l'état de choses antérieur, qui était caractérisé par le fait que les syndicats élaboraient eux-mêmes leurs statuts, et de suggérer au gouvernement, eu égard aux principes énoncés au paragraphe 114 ci-dessus, de bien vouloir étudier à nouveau le contenu de ces alinéas afin qu'il ne subsiste pas d'ambiguïté dans la législation;
- iii) d'exprimer l'espoir que le gouvernement, tenant compte des considérations exposées au paragraphe 120 ci-dessus, examinera à nouveau les termes de l'article 21, al. 2, de l'ordonnance, telle qu'elle a été modifiée, afin que les comptes des syndicats soient vérifiés par des contrôleurs qualifiés et indépendants;
- iv) de prendre acte de la déclaration du gouvernement indiquant que la définition du terme « travailleur » figurant à l'article 2 de l'ordonnance sur les syndicats, telle qu'elle a été modifiée en 1960, doit faire l'objet d'un nouvel examen quand les syndicats actuellement en formation entreront en activité et de demander au gouvernement de le tenir au courant des progrès effectués à cet égard;
- v) d'exprimer l'espoir que, tenant compte des considérations exposées aux paragraphes 101, 103 et 104 à l'égard des articles 9, al. 1 et 27, al. 3, de l'ordonnance modifiée, le gouvernement envisagera de rédiger ces articles de manière à permettre la formation des syndicats professionnels et de demander au gouvernement de continuer à tenir le Conseil d'administration au courant de l'évolution future de la situation à cet égard;
- vi) de prendre acte de la déclaration du gouvernement indiquant que la possibilité de permettre la formation de fédérations ou de confédérations sera examinée quand la nécessité de constituer des fédérations s'imposera aux travailleurs, et que la question de l'affiliation à des organisations internationales fera ultérieurement l'objet d'un nouvel examen; d'exprimer l'espoir que le gouvernement, tenant compte des considérations exposées aux paragraphes 107 et 108 ci-dessus, envisagera de modifier sa législation de manière à permettre la formation de fédérations et de confédérations et l'affiliation des organisations nationales à des organisations internationales de travailleurs et de demander au gouvernement de continuer à tenir le Conseil d'administration au courant de l'évolution de la situation à cet égard.
- 112. Dans des lettres des 13 mars et 21 avril 1961, le gouvernement a été prié de fournir les renseignements complémentaires mentionnés au paragraphe 122, a), iii), b) et c) iv), v) et vi) du cinquante-deuxième rapport du Comité cité ci-dessus. Lors de sa réunion du 30 mai 1961, le Comité a ajourné l'examen de ce cas, les renseignements en question n'ayant pas été reçus.
- 113. Le 13 juin 1961, une plainte a été adressée à l'O.I.T par le Syndicat des employés de chemins de fer du Soudan. La F.S.M a soumis des communications complémentaires à l'O.I.T les 5 juin et 11 juillet 1961. Ces trois communications ont été transmises au gouvernement pour observations.
- 114. Lors de sa vingt-neuvième session (novembre 1961), le Comité a encore ajourné l'examen du cas, n'ayant reçu ni les informations complémentaires sollicitées du gouvernement, ni les observations de celui-ci au sujet des trois communications mentionnées au paragraphe précédent.
- 115. Le gouvernement a fait parvenir les informations complémentaires et les observations en question par une communication du 28 décembre 1961.
- 116. Le Soudan n'a pas ratifié la convention (ne 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
Allégations relatives à la suspension de syndicats au Soudan
Allégations relatives à la suspension de syndicats au Soudan- 117. Ces allégations et les observations faites précédemment à leur sujet par le gouvernement ont été examinées dans les quarante-huitième et cinquante-deuxième rapports du Comité. Comme il est indiqué au paragraphe 122 a) iii) du cinquante-deuxième rapport (voir paragr. 111 ci-dessus), le Conseil d'administration a décidé, lors de sa 148ème session (mars 1961), de prier le gouvernement de bien vouloir - compte tenu de ce que le Conseil d'administration en adoptant le paragraphe 90 a) ii) du quarante-huitième rapport du Comité, a précédemment exprimé le voeu que le gouvernement prenne, puisqu'une nouvelle législation sur les syndicats a été promulguée, les mesures nécessaires pour assurer aux travailleurs la liberté de constituer les organisations de leur choix et pour faire en sorte que les organisations organisent leur gestion et exercent leur activité en toute indépendance et en toute liberté - continuer à tenir le Conseil d'administration au courant de l'évolution de la situation en ce qui concerne la formation et le fonctionnement des syndicats au Soudan.
- 118. Le gouvernement fournit des renseignements complémentaires sur cet aspect du cas dans sa communication du 28 décembre 1961.
- 119. Il convient de rappeler que lors de sa réunion du 23 février 1961, le Comité avait été saisi d'une déclaration du gouvernement selon laquelle, au 6 décembre 1960, le nombre des syndicats ayant sollicité leur enregistrement en vertu de l'ordonnance modifiée sur les syndicats de 1960 dépassait soixante, dont quarante-cinq devaient être enregistrés avant le 31 décembre 1960. Au paragraphe 122 a) ii) de son cinquante-deuxième rapport, le Comité a recommandé au Conseil d'administration de prendre acte de cette déclaration du gouvernement.
- 120. Dans sa communication du 28 décembre 1961, le gouvernement déclare que quarante-huit syndicats, représentant 42.000 travailleurs de l'industrie, sont maintenant enregistrés en vertu de ladite ordonnance, et que les demandes de dix autres syndicats sont à l'étude.
- 121. En conséquence, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de prendre acte de la déclaration du gouvernement selon laquelle quarante-huit syndicats, représentant 42.000 travailleurs de l'industrie ont été enregistrés en vertu de l'ordonnance modifiée sur les syndicats de 1960 et dix autres demandes d'enregistrement sont à l'étude;
- b) de prier le gouvernement, compte tenu du voeu exprimé par le Conseil d'administration lors de l'adoption du paragraphe 90 a) ii) du quarante-huitième rapport du Comité, cité au paragraphe 117 ci-dessus, de bien vouloir continuer à tenir le Conseil d'administration au courant de l'évolution de la situation en ce qui concerne la formation et le fonctionnement des syndicats au Soudan.
- Allégations relatives à la presse syndicale
- 122. Les allégations relatives à un journal syndical, El Taliaa, ainsi que les observations fournies à ce sujet par le gouvernement ont été examinées aux paragraphes 80 à 82 du quarante-huitième rapport du Comité. Lors de sa vingt-septième session (février 1961), le Comité a été saisi d'une déclaration contenue dans la communication du gouvernement du 6 décembre 1960, par laquelle celui-ci déclare que la possibilité, pour les syndicats, d'exprimer leurs opinions dans leurs propres journaux, serait examinée plus avant et que le Conseil d'administration continuerait à recevoir des rapports et des informations à ce sujet. Le Comité a recommandé au Conseil d'administration de prendre acte de la déclaration du gouvernement, de réaffirmer l'importance qu'il a toujours attachée à la liberté de la presse syndicale et de demander au gouvernement de continuer à le tenir au courant de l'évolution de la situation à cet égard.
- 123. Dans sa communication en date du 5 juin 1961, la F.S.M allègue que El Taliaa, l'organe de la Fédération syndicale soudanaise, serait toujours interdit par arrêté administratif, bien qu'aucune accusation n'ait été portée contre le personnel de la rédaction et que les travailleurs seraient totalement privés du droit d'exprimer leurs opinions par écrit. Il est allégué que, à la suite de la publication du nouveau code du travail, un certain nombre de travailleurs auraient adressé une pétition au gouvernement pour faire connaître leurs opinions à la suite de quoi ils auraient été arrêtés et condamnés à des peines d'emprisonnement de trois à douze mois. L'un d'entre eux était El Hag Abdul Rahman, qui, lorsqu'il était secrétaire de la commission préparatoire de la Fédération des employés des chemins de fer, a critiqué le code au cours d'une réunion de masse; il est allégué qu'à la suite de cette action, il aurait été arrêté et détenu pendant plusieurs mois.
- 124. Dans sa communication du 28 décembre 1961, le gouvernement déclare qu'il n'a pas « d'objection de principe » à ce que « les syndicats expriment leur opinions en publiant leurs propres journaux » et qu'« il appartient aux syndicats » de trouver les ressources financières nécessaires à la publication de leurs journaux. Le gouvernement ne fait aucun commentaire au sujet des allégations formulées par la F.S.M dans sa communication du 5 juin 1961.
- 125. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre acte de la déclaration du gouvernement qu'il n'a pas d'objection de principe à ce que les syndicats expriment leurs opinions en publiant leurs propres journaux; de prier le gouvernement d'indiquer au Conseil d'administration si cette déclaration signifie que la liberté de la presse syndicale a été rétablie ou sera désormais rétablie au Soudan, conformément au voeu exprimé par le Conseil d'administration lors de l'adoption du paragraphe 90 b) ii) du quarante-huitième rapport du Comité; de prier le gouvernement de fournir ses observations sur les nouvelles allégations formulées par la F.S.M dans sa communication du 5 juin 1961, mentionnée au paragraphe 123 ci-dessus.
- Allégations relatives à l'arrestation de syndicalistes
- 126. Lors de sa vingt-deuxième session (mai 1959), le Comité a pris connaissance des allégations selon lesquelles MM. El Shafia Ahmed El Sheikh, secrétaire général de la Fédération syndicale du Sud-Ouest, Gasim Amin, secrétaire de la fédération, Shakir Mursal, rédacteur en chef du journal syndical El Taliaa, ainsi que neuf autres dirigeants syndicaux auraient été arrêtés le 17 décembre 1958. Le Comité, après avoir procédé à l'examen des observations présentées par le gouvernement le 21 février 1959, a prié le gouvernement de fournir des informations complémentaires. Lors de sa vingt-troisième session (novembre 1959), le Comité a été saisi d'une nouvelle communication du gouvernement, datée du 25 août 1959, aux termes de laquelle MM. El Shafia Ahmed El Sheikh, Shakir Mursal et Taha Mohamed Ali avaient tous trois été condamnés à cinq ans de prison par la cour martiale devant laquelle ils ont été défendus par un avocat, pour avoir tenu une réunion illicite aux termes de l'article 4 de l'ordonnance de 1924 sur les sociétés illicites, et que MM. Gasim Amin et Mohamed Ahmed Omer ont été condamnés à deux ans de prison et MM. Hassan Mohamid Salih et Awad Sharaf Eddin à un an de prison, les autres inculpés ayant été acquittés faute de preuves. Le Comité a constaté que le gouvernement, s'il a bien indiqué l'accusation retenue contre les inculpés, n'a fourni aucune indication quant aux raisons précises pour lesquelles ceux qui ont été condamnés ont été jugés coupables, ni aucune information permettant au Comité de se faire une opinion sur le point de savoir si la réunion en question - dont le gouvernement admet qu'elle s'est tenue dans les locaux d'un journal syndical - avait directement trait à l'exercice des droits syndicaux. Le Comité a, par conséquent, décidé de demander au gouvernement de bien vouloir lui fournir des informations plus précises, notamment le texte des jugements rendus sur les motifs donnés par la cour martiale qui a infligé la condamnation. A cette demande, le gouvernement a répondu, dans une communication du 13 mars 1960, que les autorités intéressées étaient convaincues qu'il n'y avait aucune nécessité de divulguer ces informations, la question ne se rapportant en aucune manière aux activités syndicales des personnes en cause.
- 127. C'est dans ces conditions que le Comité, lors de sa vingt-cinquième session (mai 1960), a soumis au Conseil d'administration les conclusions contenues aux paragraphes 83 à 89 de son quarante-huitième rapport, dans lequel il récapitulait l'histoire de l'examen des allégations exposées au paragraphe 125 ci-dessus. Au paragraphe 89 de ce rapport, le Comité, prenant note que les condamnations à des peines d'un an à cinq ans de prison avaient été prononcées par la cour martiale pour participation à une réunion tenue dans des locaux syndicaux pour des raisons que le gouvernement alléguait n'avoir aucun rapport avec des activités syndicales, sans toutefois les préciser, a recommandé au Conseil d'administration de prendre acte avec regret de ce que le gouvernement n'ait pas jugé bon de fournir au Comité les informations demandées et d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il a toujours attachée au principe selon lequel, dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de délits de droit commun que le gouvernement considère comme étrangers à leurs activités syndicales, les personnes en question soient jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. Cette recommandation a été approuvée par le Conseil d'administration lors de sa 146ème session (juin 1960).
- 128. Lors de sa réunion du 23 février 1961, le Comité a été saisi d'une communication du 6 décembre 1960, dans laquelle le gouvernement déclarait que les arrestations et les jugements avaient été conformes aux lois en vigueur et que c'est par suite de circonstances exceptionnelles que ces travailleurs furent jugés par une cour martiale au lieu d'être déférés aux tribunaux ordinaires. Le Comité a estimé que cette déclaration ne comportait aucun élément qui dût l'amener à compléter ou à modifier les recommandations présentées dans le quarante-huitième rapport.
- 129. La question a été soulevée une autre fois, avec de nouvelles allégations, dans la communication soumise à l'O.I.T, le 5 juin 1961, par la F.S.M. Le plaignant déclare que MM. Ahmed El Sheikh, Shakir Mursal, et Taha Mohamed Ali sont toujours en prison. Commentant le fait que le gouvernement avait refusé de révéler les motifs retenus par la cour martiale et répondu que ces personnes n'étaient pas emprisonnées à la suite de leurs activités syndicales, la F.S.M allègue qu'en fait elles étaient accusées d'être on contact avec la F.S.M et de participer à la publication de l'édition arabe de la revue de la F.S.M au Soudan. Au dire du plaignant, Gasim Amin aurait été condamné simplement parce qu'il avait écrit un article pour cette revue en 1957, plus d'un an avant que le gouvernement actuel ne vienne au pouvoir. Le plaignant déclare que l'article 4 de l'ordonnance sur les sociétés illicites, 1924, modifiée en 1950, prévoit que tout contact avec la F.S.M sera considéré comme un délit.
- 130. La plaignante allègue ensuite que d'autres syndicalistes auraient été condamnés par le Tribunal militaire d'Atbara, le 22 décembre 1960 - Abdul Fattah Osman, ouvrier des ateliers des chemins de fer d'Atbara, à trois ans de prison; Khidir Nasr, ouvrier à la fabrique de ciment d'Atbara, à deux ans; Khalifa Mahgoub, comptable des chemins de fer à Atbara, à deux ans; Sir El Khatim Rahswan, employé à la section télégraphique des chemins de fer, d'Atbara, à dix-huit mois; Ahmed El Badawi El Salflawi, ouvrier aux ateliers de mécanique des chemins de fer d'Atbara, à dix-huit mois; Ahmed Ali Ibrahim, employé au bureau de contrôle du trafic ferroviaire d'Atbara, à dix-huit mois; El Hag Mohammed Salih, magasinier des chemins de fer, à Atbara, à neuf mois. Il est allégué que ces personnes auraient été condamnées pour avoir pris part à une manifestation pacifique dont le but était de revendiquer le droit de former une fédération des employés des chemins de fer et que, comme c'est le cas dans tous les procès relevant de tribunaux militaires au Soudan, ils n'auraient pas été autorisés à confier leur défense à des avocats. La plaignante demande que l'O.I.T envoie au Soudan une commission d'enquête comprenant un représentant de la F.S.M pour procéder à un examen d'ensemble de la situation syndicale.
- 131. Attendu qu'aucune invitation à envoyer un représentant en vue d'effectuer une enquête n'a été reçue de la part du gouvernement du Soudan, le Comité ne voit pas la nécessité d'examiner pour le moment la proposition faite par la F.S.M, mais il est clair que toute enquête entreprise par l'Organisation internationale du Travail dans de telles circonstances devrait présenter un caractère parfaitement objectif, comme la visite faite récemment sur l'invitation du gouvernement de Libye par Lord Forster of Harraby, qui a été nommé à cet effet par le Directeur général du Bureau international du Travail; la mission d'enquête ne pourrait pas, par conséquent, comprendre un représentant de l'organisation plaignante.
- 132. Dans sa communication du 28 décembre 1961, le gouvernement ne fait aucune allusion aux allégations contenues dans la plainte de la F.S.M qui sont analysées aux para- - graphes 129 et 130 ci-dessus. Par conséquent, le Comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de présenter ses observations relatives à ces allégations.
- Problèmes particuliers soulevés par l'ordonnance (modificatrice) sur les syndicats, 1960
- 133. A sa réunion du 23 février 1961, le Comité a examiné cinq problèmes soulevés par l'ordonnance (modificatrice) sur les syndicats 1960 - dispositions relatives à la formation des syndicats, dispositions relatives aux fédérations et confédérations et à l'affiliation à des organisations internationales de travailleurs, dispositions relatives à l'appel du refus ou de l'annulation d'enregistrement des syndicats, dispositions relatives aux pouvoirs du commissaire du travail et dispositions relatives au contrôle des comptes des syndicats. Sur les trois derniers de ces cinq problèmes, le Comité a soumis des conclusions définitives au Conseil d'administration qui a fait certaines suggestions au gouvernement; par conséquent, elles ne sont pas examinées plus avant dans le présent rapport.
- a) Dispositions relatives à la formation des syndicats
- 134. A sa vingt-cinquième session (mai 1960), le Comité a fait remarquer que l'article 9, alinéa 1, de l'ordonnance principale, telle qu'elle a été modifiée en 1960, porte à cinquante le nombre minimum des membres fondateurs d'un nouveau syndicat. Le Comité a souligné que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations avait exprimé l'avis que la création d'un syndicat peut être considérablement gênée ou même rendue impossible lorsque la législation fixe le nombre minimum des membres d'un syndicat à un niveau manifestement trop élevé, ce qui est le cas par exemple lorsque la législation prescrit qu'un syndicat doit compter au moins cinquante membres fondateurs. Cette condition, d'après le Comité, devrait être rapprochée du nouvel article 27, al. 3, de l'ordonnance, telle qu'elle a été modifiée, selon lequel « aucun travailleur n'adhérera à un syndicat autre que celui qui est constitué par les travailleurs au service du gouvernement ou de l'entreprise privée qui l'occupe ». Le Comité a donc estimé nécessaire d'attirer l'attention du gouvernement sur l'opinion de la Commission d'experts citée plus haut. Le Comité a également invité le gouvernement à déclarer si l'effet dudit article 27, al. 3, est d'empêcher la formation de syndicats professionnels et, par suite, de priver les travailleurs des entreprises occupant moins de cinquante personnes du droit d'adhérer à des syndicats, situation qui serait nettement incompatible avec le principe énoncé à l'article 2 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, aux termes de laquelle les travailleurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit de constituer des organisations de leur choix.
- 135. Dans sa communication du 6 décembre 1960, le gouvernement a déclaré que l'objectif poursuivi en portant à cinquante le nombre minimum des membres fondateurs était de débarrasser le mouvement syndical de syndicats éphémères qui n'existaient que sur le papier. Par ailleurs, il faut que les cotisations atteignent un niveau suffisant pour permettre aux syndicats d'avoir un bureau permanent. Le gouvernement a déclaré à ce propos que, par le passé, certains syndicats n'avaient pas de bureau et ne disposaient pas de registres de leurs membres en bonne et due forme. De l'avis du gouvernement, la nouvelle disposition renforcerait la position des syndicats dans d'éventuelles négociations. L'article 27, al. 3, avait pour but d'encourager les « associations internes » (house associations) groupant les travailleurs d'un seul département du gouvernement ou d'une entreprise privée - type d'association qui est « de nature à convenir à des travailleurs peu formés ». Le gouvernement n'a pas, pour le moment, l'intention d'encourager les syndicats professionnels et il souligne à cet égard que l'ordonnance de 1960 sur les conflits sociaux s'applique à tout conflit entre employeurs et travailleurs, que ces derniers soient ou non membres d'un syndicat. Cependant, concluait le gouvernement, la situation actuelle pourrait être modifiée à la lumière de l'expérience et de la pratique futures.
- 136. A sa réunion du 23 février 1961, le Comité a fait remarquer que la législation actuellement en vigueur semble donc ne pas reconnaître le droit de former des syndicats professionnels et que la liberté d'association soit limitée à la formation de syndicats groupant les membres d'une entreprise particulière - et, même dans ce cas, sous réserve que l'entreprise soit suffisamment importante pour qu'un syndicat groupant ses employés puisse être créé par cinquante travailleurs au moins. Il semblait en découler que les travailleurs des entreprises occupant moins de cinquante personnes ne peuvent exercer aucun droit d'association et que, même dans les entreprises importantes, cet exercice est limité au cas où cinquante au moins des travailleurs occupés sont d'accord pour former un syndicat.
- 137. Le Comité a également souligné, à sa vingt-cinquième session (mai 1960), que la définition du terme « travailleurs » à l'article 2 de l'ordonnance, telle qu'elle a été modifiée en 1960, englobe uniquement les personnes qui exécutent « un travail manuel qualifié ou non », si bien que tous les travailleurs, à l'exception uniquement des ouvriers manuels, seraient ainsi privés du droit de s'organiser. En outre, la définition du terme « travailleur » exclut également « les fonctionnaires appartenant à des catégories déterminées ou des travailleurs occupant des emplois non classifiés du gouvernement ».
- 138. Dans sa communication du 6 décembre 1960, le gouvernement a déclaré que cette définition ferait certainement l'objet d'un nouvel examen quand les syndicats actuellement en formation entreront en activité.
- 139. Dans ces conditions et lors de sa réunion du 23 février 1961, le Comité, tenant compte des considérations exposées au paragraphe 134 ci-dessus et des réponses du gouvernement aux questions qui lui avaient été posées par le Comité, a recommandé au Conseil d'administration au paragraphe 106 de son cinquante-deuxième rapport:
- ......................................................................................................................................................
- a) de prendre acte de la déclaration du gouvernement indiquant que la définition du terme « travailleur » figurant à l'article 2 de l'ordonnance sur les syndicats, telle qu'elle a été modifiée en 1960, devait faire l'objet d'un nouvel examen quand les syndicats actuellement en formation entreront en activité et de demander au gouvernement de tenir le Conseil d'administration au courant des progrès réalisés dans ce domaine:
- b) d'exprimer l'espoir que, tenant compte des considérations exposées aux paragraphes 101, 103 et 104 ci-dessus à l'égard des articles 9, al. 1, et 27, al. 3, de l'ordonnance modifiée, le gouvernement envisagera de rédiger ces articles de manière à permettre la formation de syndicats professionnels et de demander au gouvernement de continuer à tenir le Conseil d'administration au courant de la situation à cet égard.
- 140. Dans sa communication du 28 décembre 1961, le gouvernement déclare, en se référant aux articles 9, al. 1, et 27, al. 3, de l'ordonnance modifiée, qu'il estime encore nécessaire à ce stade que les syndicats soient fondés sur « l'association interne » ou sur le « modèle vertical » dans un seul département du gouvernement ou d'une entreprise privée et que les raisons de ne pas encourager les syndicats professionnels pour le moment, raisons que le gouvernement a exposées précédemment, restent valables. Les progrès futurs dans le domaine économique et social modifieront certainement cette situation, déclare le gouvernement, et le Conseil d'administration sera tenu au courant. Le gouvernement déclare que la définition du terme « travailleur » à l'article 2 de l'ordonnance modifiée n'a pas, jusqu'à présent, « provoqué de questions de la part des parties intéressées », mais le gouvernement ajoute qu'il « sera tout disposé à réexaminer cette définition à l'avenir, à la demande des catégories intéressées de travailleurs » et à la lumière de « l'expérience tirée du fonctionnement des syndicats existants ».
- 141. Il y a maintenant plus d'un an que le gouvernement a déclaré, dans sa communication du 6 décembre 1960, qu'il poursuivait une politique visant à encourager « les associations internes » et non à encourager les syndicats professionnels, mais que cette situation pourrait être modifiée à la lumière de l'expérience et de la pratique futures. C'est également le 6 décembre 1960 que le gouvernement a déclaré que la définition du terme « travailleur » figurant à l'article 2 de l'ordonnance « fera l'objet d'un nouvel examen quand les syndicats actuellement en formation entreront en activité ». Les syndicats sont entrés en activité; il en existe quarante-huit qui fonctionnent, et, selon la communication du gouvernement du 28 décembre 1961, ils ne représentent que des travailleurs de l'industrie.
- 142. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration attache au principe généralement accepté d'après lequel les travailleurs sans distinction d'aucune sorte devraient avoir le droit de constituer des organisations syndicales et de s'affilier à ces organisations;
- b) d'exprimer le voeu que le gouvernement envisagera de rédiger l'article 2 de l'ordonnance sur les syndicats, modifiée en 1960, de manière à donner plein effet au principe énoncé à l'alinéa a) ci-dessus;
- c) de demander au gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant de l'évolution de la situation à cet égard;
- d) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration attache au principe généralement accepté selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit de constituer des organisations syndicales de leur choix et de s'affilier à ces organisations;
- e) d'exprimer l'espoir que le gouvernement, tenant compte des considérations exposées aux paragraphes 134, 136 et 137 ci-dessus, envisagera de modifier les articles 9, al. 1, et 27, al. 3, de l'ordonnance sur les syndicats, modifiée en 1960, afin de donner plein effet au principe énoncé à l'alinéa d) ci-dessus;
- f) de prier le gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant de l'évolution de la situation à cet égard.
- b) Dispositions relatives aux fédérations et confédérations et à l'affiliation à des organisations internationales de travailleurs
- 143. A sa vingt-cinquième session (mai 1960), le Comité a remarqué que l'article 27 alinéa 4, de l'ordonnance modifiée en 1960 selon laquelle tout syndicat dont les membres sont au service d'un seul et même employeur n'ont pas le droit de s'unir ou de se fédérer ou de s'affilier de quelque autre manière à un autre syndicat -, n'était pas compatible avec le principe généralement accepté et contenu à l'article 5 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, aux termes duquel les organisations de travailleurs ont le droit de constituer des fédérations et des confédérations. Comme il n'apparaissait pas tout à fait clairement si l'article s'appliquait à tous les types de syndicats, le Comité avait invité le gouvernement à expliquer dans quelles circonstances, le cas échéant, les syndicats ont, selon le libellé actuel de la loi, le droit de se fédérer, et dans quelles conditions les syndicats sont autorisés à fusionner, étant donné que l'ordonnance de 1960 a abrogé les dispositions antérieures en matière de fusionnement.
- 144. Le Comité a également remarqué que, selon le nouvel article 27, al. 1, de l'ordonnance, aucun syndicat enregistré ne peut s'affilier à une organisation non assujettie à l'ordonnance, ni participer à l'activité d'une organisation de ce genre et que cette disposition semble avoir pour effet de priver les syndicats du droit de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs, droit qui est généralement reconnu et qui est énoncé à l'article 5 de la convention citée ci-dessus.
- 145. Dans sa communication du 6 décembre 1960, le gouvernement a déclaré que la possibilité de permettre la formation de fédérations et de confédérations serait examinée quant la nécessité de constituer des fédérations s'imposera aux travailleurs. Etant donné, ajoutait le gouvernement, que la formation de fédérations et de confédérations n'était pas autorisée pour le moment, il serait difficile de permettre aux syndicats particuliers de s'affilier à des organismes extérieurs, mais cette question ferait ultérieurement l'objet d'un nouvel examen.
- 146. Dans ces conditions, le Comité, lors de sa réunion du 23 février 1961, a recommandé au Conseil d'administration, au paragraphe 110 de son cinquante-deuxième rapport:
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- a) de prendre acte de la déclaration du gouvernement que la possibilité de permettre la formation de fédérations ou de confédérations sera examinée quand la nécessité de constituer des fédérations s'imposera aux travailleurs et que la question de l'affiliation à des organisations internationales fera ultérieurement l'objet d'un nouvel examen;
- b) d'exprimer l'espoir que le gouvernement, tenant compte des considérations exposées aux paragraphes 107 et 108 ci-dessus, envisagera de modifier la législation afin de permettre la formation de fédérations et de confédérations et l'affiliation des organisations nationales à des organisations internationales de travailleurs;
- c) de demander au gouvernement de continuer à tenir le Conseil d'administration au courant de l'évolution de la situation à cet égard.
- 147. Dans sa communication du 28 décembre 1961, le gouvernement déclare que le besoin de la formation de fédérations et de confédérations pour les travailleurs « ne s'est pas encore fait sentir » mais que « au cas où les travailleurs manifesteraient effectivement le désir de former de telles fédérations et confédérations, le gouvernement ne manquerait pas de les autoriser à réaliser un tel désir »; quant à la question de permettre aux organisations nationales de s'affilier à des organisations internationales, « elle va faire l'objet d'un nouvel examen en même temps que la formation des fédérations et des confédérations ». Le gouvernement s'engage à tenir le Conseil d'administration au courant de l'évolution de la situation dans ce domaine.
- 148. Le Comité remarque que, dans sa communication du 5 juin 1961, la F.S.M allègue (voir paragraphe 130 ci-dessus) - et le gouvernement s'est abstenu de fournir des observations à ce sujet - que c'est parce qu'ils avaient manifesté le désir de former une fédération que sept syndicalistes auraient été condamnés par un tribunal militaire le 22 décembre 1960 à des peines d'emprisonnement de neuf mois à trois ans.
- 149. Les observations faites par le gouvernement dans sa communication du 28 décembre 1961 ne révèlent pas de changements profonds de la situation depuis le 6 décembre 1960 (voir paragraphe 145 ci-dessus).
- 150. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache aux principes généralement reconnus selon lesquels les organisations de travailleurs devraient avoir le droit de constituer des fédérations et des confédérations ainsi que celui de s'y affilier, et toute organisation, fédération ou confédération, devrait avoir le droit de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs;
- b) de signaler au gouvernement que la question de savoir si le besoin de créer des fédérations et des confédérations se fait ou non sentir est une question sur laquelle il appartient aux seuls travailleurs et à leurs organisations de se prononcer après que leur droit de constituer des fédérations et des confédérations leur aura été consenti par la loi;
- c) d'exprimer l'espoir que le gouvernement envisagera de rédiger les dispositions de l'ordonnance sur les syndicats, modifiée en 1960, de manière à donner plein effet aux principes énoncés à l'alinéa a) ci-dessus;
- d) de prier le gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant de l'évolution de la situation à cet égard.
- Allégations relatives à la dissolution du Syndicat soudanais des travailleurs des chemins de fer
- 151. Dans une communication adressée au Président de la 45ème session de la Conférence internationale du Travail, le 13 juin 1961, le Syndicat soudanais des travailleurs des chemins de fer allègue que, en raison du refus des employeurs, c'est-à-dire le Département des chemins de fer, de respecter les dispositions de la loi sur les différends du travail, 1960, et de donner satisfaction aux demandes du syndicat, ce dernier, conformément à la loi, a donné préavis de sa décision d'ordonner une grève; il est allégué qu'à la suite de cela, le Conseil supérieur des forces armées du Soudan aurait arbitrairement dissous le syndicat.
- 152. Dans sa communication du 11 juillet 1961, la F.S.M allègue que, le 13 juin 1961, le Conseil suprême des forces armées aurait adopté une résolution déclarant le Syndicat soudanais des travailleurs des chemins de fer dissous à partir du 16 juin 1961. D'après le texte cité par le plaignant, cette résolution a été adoptée « devant l'attitude négative manifestée par le Syndicat soudanais des travailleurs des chemins de fer, son refus délibéré d'obéir aux lois en donnant préavis d'une grève illégale, son intransigeance malgré les conseils répétés, les explications et les éclaircissements fournis au sujet de la loi sur les différends du travail, 1960, et parce que la grève projetée mettra en péril l'économie du pays ». Le plaignant déclare que la dissolution était contraire à l'article 17 de la loi sur les différends du travail, qui prévoit des amendes pour les personnes qui participent à une grève illégale, mais n'autorise pas la dissolution d'un syndicat; au dire du plaignant, aucun gréviste n'a été inculpé en vertu de cet article. Le plaignant estime que la grève qui devait commencer le 17 juin 1961 « pour appuyer les justes revendications des travailleurs relatives à l'augmentation des salaires et à l'amélioration des conditions de travail » a ainsi servi de prétexte à une action arbitraire de la part du gouvernement.
- 153. Dans sa communication du 28 décembre 1961, le gouvernement expose les procédures établies dans la loi sur les différends du travail, 1960. Aux termes de l'article 5, al. 1, de la loi, en cas de différend, les parties doivent, dans les trois semaines, engager des négociations; si les parties parviennent à un accord, elles seront liées par ses termes; l'article 6, al. 1, prévoit que si ces négociations échouent, chaque partie a le droit de saisir de l'affaire le commissaire du travail; aux termes de l'article 6, al. 5, ce dernier doit s'efforcer de provoquer un règlement à l'amiable du différend, et ce dans un délai de vingt et un jours au plus. Si les efforts du commissaire du travail échouent, le différend sera soumis à un comité de conciliation (article 7, al. 1) comprenant un juge, deux conciliateurs nommés par le commissaire du travail et un représentant désigné par chacune des parties au différend (article 7, al. 2.) L'audition de l'affaire aura lieu dans un délai de quinze jours à compter de la notification (article 7, al. 3) et, dans un nouveau délai de vingt et un jours, le comité procédera au règlement (article 7, al. 4), ou à défaut adressera un rapport sur le différend au commissaire du travail (article 7, al. 5.) Si les deux parties au différend y consentent, le commissaire du travail renverra celui-ci pour règlement devant un tribunal d'arbitrage (article 8). Le ministre de l'Information et du Travail pourra renvoyer ce différend pour règlement devant un tribunal d'arbitrage sans le consentement des parties si ce différend s'est élevé dans une branche d'activité essentielle ou « s'il estime que le différend est de nature à troubler l'ordre public ou à compromettre l'approvisionnement de la population ou le fonctionnement des services publics, ou encore lorsqu'il juge à propos de procéder ainsi » (article 9). Le tribunal d'arbitrage comprend un juge (nommé par le président de la Cour suprême), un représentant d'un syndicat professionnel non directement intéressé au différend, nommé sur la proposition du syndicat partie au différend, un représentant d'un employeur non impliqué dans le différend, nommé sur la proposition de l'employeur partie au différend et de deux autres personnes non directement intéressées au différend, nommées par le ministre de l'Information et du Travail (article 10). Dans un délai de quinze jours au plus, à compter de la réception des documents relatifs au différend au tribunal, le président du tribunal d'arbitrage fixera une date pour l'audition de l'affaire (article 11). Les sentences du tribunal d'arbitrage ont un caractère obligatoire (article 14). L'article 16 interdit toute grève ou lock-out: a) avant d'engager des négociations ou lorsqu'une demande de règlement à l'amiable a été présentée au Commissaire du travail par les travailleurs ou l'employeur selon le cas ou pendant le cours des procédures de conciliation ou d'arbitrage; b) pendant la durée de validité d'une décision ou d'un accord consécutifs à une négociation ou à une procédure de conciliation ou d'arbitrage; c) en cas de différend autre qu'un différend du travail. L'article 16 prévoit également qu'« il est interdit de se mettre en grève ou de prendre une décision déclarée contraire à l'intérêt public par le chef de l'Etat ». L'article 17 prévoit que les arrêts du travail ou les lock-outs interdits par l'article 16 sont illégaux et que quiconque déclarera, organisera une grève ou un lock-out, incitera d'autres personnes à y prendre part ou y prendra part lui-même, sera passible de l'emprisonnement ou de l'amende, ou de ces deux peines à la fois.
- 154. Depuis l'entrée en vigueur de la loi en février 1960, déclare le gouvernement, on a enregistré quinze différends; huit d'entre eux ont été soumis, pour règlement, au commissaire du travail, les autres ont été réglés par voie de négociation. Aucun cas n'a été présenté à un comité de conciliation ou à un tribunal d'arbitrage. La seule exception qui ait troublé la paix sociale a été le cas relatif au Syndicat soudanais des travailleurs des chemins de fer. D'après les déclarations du gouvernement, le Syndicat soudanais des travailleurs des chemins de fer avait tort parce qu'il ne se conformait pas à la procédure réglementaire. Le premier stade de la négociation ayant échoué, les employeurs (le département des chemins de fer) ont demandé, conformément à l'article 6 de la loi sur les différends du travail, la conciliation du commissaire du travail; le gouvernement prétend que le syndicat n'a tenu aucun compte des conseils du commissaire du travail au sujet des obligations imposées par la loi. Chaque année, la période d'avril à juillet est la période d'activité la plus intense pour le département des chemins de fer, qui doit effectuer le transport de toutes les récoltes destinées à l'exportation, y compris le coton, qui est le produit principal du Soudan, et doit en outre assurer le transport des pèlerins jusqu'au port et à partir du port desservant l'Arabie saoudite. Le fonctionnaire préposé à l'enregistrement n'a pas fait usage de son droit d'annuler l'enregistrement du syndicat, conformément à l'ordonnance modificatrice de 1960 sur les syndicats. L'affaire a été portée pour décision devant le Conseil suprême des forces armées, « l'organe législatif suprême », dans l'espoir que le syndicat déciderait dans l'intervalle de recourir à des moyens raisonnables pour régler le différend. Comme cet espoir a été déçu, le Conseil suprême, étant donné les dangers qui menaçaient l'économie nationale, a décidé de dissoudre le syndicat.
- 155. Le Comité a toujours appliqué le principe selon lequel les allégations relatives à l'exercice du droit de grève sont de sa compétence dans la mesure, mais seulement dans la mesure, où elles intéressent l'exercice des droits syndicaux, et il a noté à diverses occasions que le droit de grève des travailleurs et de leurs organisations comme moyen légitime de défendre leurs intérêts professionnels est généralement reconnu. En même temps, le Comité a souligné que, dans l'exercice du droit de grève, les travailleurs et leurs organisations devaient tenir compte des restrictions temporaires qui peuvent frapper ce droit, par exemple l'interruption de la grève pendant une procédure de conciliation et d'arbitrage à laquelle les parties intéressées peuvent prendre part à tout moment. Toutefois, le Comité a fait observer en même temps que, dans le cas où des restrictions de ce genre frappent l'exercice du droit de grève, la procédure de conciliation et d'arbitrage alors en cours doit être « appropriée, impartiale et expéditive ».
- 156. Dans le cas présent, le Comité est informé des dispositions de la loi sur les différends du travail, 1960, sur laquelle le gouvernement se fonde tout particulièrement. Il semblerait que le syndicat représentant les travailleurs des chemins de fer n'ait pas observé les restrictions temporaires qui frappent l'exercice du droit de grève du fait qu'il a donné préavis de son intention de faire grève au lieu de participer à une procédure de conciliation qui avait été légalement demandée par l'autre partie au différend et qui semblait suffisamment appropriée et impartiale pour garantir les intérêts des travailleurs, ce qui n'était pas conforme à la procédure. Cette grève était manifestement illégale aux termes de l'article 16 a) de la loi, et le fait que la grève des travailleurs des chemins de fer était considérée comme illégale ne semble pas, dans le cas présent, et si l'on tient compte des autres dispositions de la loi, constituer en soi une atteinte aux droits syndicaux.
- 157. Les mesures prises à propos de cette grève illégale posent cependant des questions différentes. Les seules peines prévues par la loi sur les différends du travail, 1960, sont celles qui sont mentionnées à l'article 17 - emprisonnement ou amende, ou les deux peines à la fois, qui frappent les personnes qui organisent des grèves illégales, y participent, etc. Aucun article de la loi ne prévoit la dissolution d'un syndicat dans un pareil cas. De plus, lorsque cette dissolution a été prononcée, elle ne l'a pas été par un tribunal, mais par le Conseil suprême des forces armées, décrit par le gouvernement comme «l'autorité législative suprême ».
- 158. Dans un nombre appréciable de cas, le Comité a souligné l'importance qu'il attache au principe généralement reconnu selon lequel les organisations de travailleurs ne devraient pas pouvoir être dissoutes ou suspendues par l'autorité administrative. Dans le cas présent, le Syndicat soudanais des travailleurs des chemins de fer a été dissous par une résolution du Conseil suprême des forces armées, « l'autorité législative suprême », attendu que l'armée assumait le pouvoir. Dans le cas no 248 relatif au Sénégal, il y avait état d'urgence, et un syndicat qui ordonnait une grève illégale s'est vu dissous par décret gouvernemental. Dans ce cas, le Comité a recommandé au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur l'opinion qu'il avait exprimée précédemment et selon laquelle la dissolution prononcée par le pouvoir exécutif dans l'exercice des fonctions législatives dont le gouvernement est investi, à l'instar d'une dissolution par voie administrative, ne permet pas d'assurer le droit de défense qui ne peut être garanti que par la procédure judiciaire normale, ainsi que sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel les organisations professionnelles ne doivent pas être sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative. Dans le cas présent, le Comité fait la même recommandation au Conseil d'administration.
- 159. Un point de la loi sur les différends du travail, 1960 - dont le texte a été communiqué au Comité par le gouvernement - semble appeler un commentaire eu égard à la jurisprudence du Comité. Aux termes de l'article 8 de la loi, l'arbitrage est normalement volontaire, le renvoi pour règlement par arbitrage nécessitant que les deux parties au différend y consentent. Mais, aux termes de l'article 9, le ministre compétent peut renvoyer un différend pour règlement sans le consentement des parties - il y a donc arbitrage obligatoire - si ce différend s'est élevé dans une branche d'activité essentielle, ou entre le gouvernement en tant qu'employeur, d'une part, et les travailleurs à son service, d'autre part, ou s'il estime que le différend est de nature à troubler l'ordre public ou à compromettre l'approvisionnement de la population ou le fonctionnement des services publics, « ou encore lorsqu'il juge à propos de procéder ainsi ». Cette disposition doit être rapprochée de la restriction de l'article 16, selon lequel il est interdit non seulement « de se mettre en grève » mais encore « de prendre une décision déclarée contraire à l'intérêt public par le chef de l'Etat ». La loi ne contient aucune définition de ce qu'il faut entendre par « branche d'activité essentielle ». Les articles 9 et 16 semblent laisser aux autorités publiques toute latitude de décider ce qu'est une branche d'activité essentielle ou quelles sont les branches d'activité ou les professions qui seront considérées comme telles, dans une circonstance déterminée, dans la mesure où il est question d'arbitrage obligatoire et d'exercice du droit de grève.
- 160. Dans le cas no 146 relatif à la Colombie, le Comité, remarquant que le gouvernement a le droit d'inclure dans la définition de ceux des services publics où les grèves sont interdites toutes autres activités qui, à son avis, intéressent la sécurité, la santé, l'éducation et la vie économique et sociale de la population, et la faculté de décider, après avis du Conseil d'Etat, quelles sont les activités qui entrent dans les catégories ainsi définies, a recommandé au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement de la Colombie sur les possibilités d'abus offertes par un semblable système. De plus, eu égard à la disposition de l'article 9 de la loi sur les différends du travail, 1960, selon laquelle le ministre peut renvoyer un différend pour règlement dans tous les cas où le gouvernement est l'employeur, il semblerait approprié de rappeler que, dans le cas no 179, relatif au Japon, le Comité, remarquant que la loi interdisait les grèves dans toutes les sociétés et entreprises publiques de quelque nature qu'elles soient, a recommandé au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement japonais sur le fait qu'il ne semblait pas judicieux que toutes les entreprises publiques soient traitées sur la même base en ce qui concerne les limitations du droit de grève, sans faire de distinction dans la législation appropriée entre celles qui sont véritablement essentielles, et celles qui ne le sont pas.
- 161. Le Comité recommande par conséquent au Conseil d'administration de suggérer au gouvernement qu'il veuille bien procéder à un nouvel examen des dispositions des articles 9 et 16 de la loi sur les différends du travail, 1960, à la lumière des considérations dans le paragraphe 160 ci-dessus.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 162. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à la suspension des syndicats au Soudan:
- i) de prendre acte de la déclaration du gouvernement selon laquelle quarante-huit syndicats représentant 42.000 travailleurs de l'industrie ont été enregistrés conformément à l'ordonnance modificatrice sur les syndicats et que dix nouvelles demandes d'enregistrement sont actuellement à l'examen;
- ii) de prier le gouvernement, compte tenu du voeu exprimé par le Conseil d'administration lors de l'adoption du paragraphe 90 a) ii) du quarante-huitième rapport du Comité, cité au paragraphe 117 ci-dessus, de bien vouloir continuer à tenir le Conseil d'administration au courant de l'évolution de la situation en ce qui concerne la formation et le fonctionnement des syndicats au Soudan;
- b) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à la presse syndicale:
- i) de prendre acte de la déclaration du gouvernement qu'il n'a pas d'objection de principe à ce que les syndicats expriment leurs opinions en publiant leurs propres journaux;
- ii) de prier le gouvernement d'indiquer au Conseil d'administration si cette déclaration signifie que la liberté de la presse syndicale a été rétablie ou sera désormais rétablie au Soudan, conformément au voeu exprimé par le Conseil d'administration lors de l'adoption du paragraphe 90 h) ii) du quarante-huitième rapport du Comité;
- iii) de prier le gouvernement de fournir ses observations sur les allégations formulées par la Fédération syndicale mondiale dans sa communication du 5 juin 1961, mentionnée au paragraphe 123 ci-dessus;
- c) de prier le gouvernement de présenter ses observations sur les allégations relatives aux arrestations de syndicalistes formulées par la Fédération syndicale mondiale dans sa communication du 5 juin 1961, mentionnées dans les paragraphes 129 et 130 ci-dessus;
- d) de décider, en ce qui concerne certains problèmes soulevés par l'ordonnance (modificatrice) sur les syndicats, 1960:
- i) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration attache au principe généralement accepté d'après lequel les travailleurs sans distinction d'aucune sorte devraient avoir le droit de constituer des organisations syndicales et de s'affilier à ces organisations;
- ii) d'exprimer le voeu que le gouvernement envisagera de rédiger l'article 2 de l'ordonnance sur les syndicats modifiée en 1960 de manière à donner pleinement effet aux principes énoncés à l'alinéa i) ci-dessus;
- iii) de demander au gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant de l'évolution de la situation à cet égard;
- iv) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration attache au principe généralement accepté selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit de constituer des organisations syndicales de leur choix et de s'affilier à ces organisations;
- v) d'exprimer l'espoir que le gouvernement, tenant compte des considérations exposées aux paragraphes 134, 136 et 137 ci-dessus, envisagera de modifier les articles 9, al. 1, et 27, al, 3, de l'ordonnance sur les syndicats, modifiée en 1960, afin de donner pleinement effet au principe énoncé à l'alinéa iv) ci-dessus;
- vi) de prier le gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant de l'évolution de la situation à cet égard;
- vii) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache aux principes généralement reconnus selon lesquels les organisations de travailleurs devraient avoir le droit de constituer des fédérations et des confédérations ainsi que celui de s'y affilier, et toute organisation, fédération ou confédération devrait avoir le droit de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs;
- viii) de signaler au gouvernement que la question de savoir si le besoin de créer des fédérations et des confédérations se fait ou non sentir est une question sur laquelle il appartient aux seuls travailleurs et à leurs organisations de se prononcer, après que leur droit de constituer des fédérations et des confédérations leur aura été consenti par la loi;
- ix) d'exprimer l'espoir que le gouvernement envisagera de rédiger les dispositions de l'ordonnance sur les syndicats, modifiée en 1960, de manière à donner pleinement effet aux principes énoncés à l'alinéa vii) ci-dessus;
- x) de prier le gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant de l'évolution de la situation à cet égard;
- e) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à la dissolution du Syndicat soudanais des chemins de fer:
- i) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'opinion qu'il avait exprimée et selon laquelle la dissolution prononcée par le pouvoir exécutif dans l'exercice des fonctions législatives dont le gouvernement est investi, à l'instar d'une dissolution par voie administrative, ne permet pas d'assurer le droit de défense, qui ne peut être garanti que par la procédure judiciaire normale, ainsi que sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel les organisations professionnelles ne doivent pas être sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative;
- ii) de suggérer au gouvernement qu'il veuille bien procéder à un nouvel examen des dispositions des articles 9 et 16 de la loi sur les différends du travail, 1960, à la lumière des considérations exposées dans le paragraphe 160 ci-dessus.