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A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- Analyse de la plainte
- 120 Le plaignant allègue que, sous le régime politique actuel, les principes de la liberté syndicale seraient devenus lettre morte, à son avis, il ressortirait clairement des dispositions législatives et des déclarations de sources officielles ou syndicales citées dans la plainte que la législation polonaise aboutit à la suppression des syndicats qui n'acceptent pas l'idéologie et les directives du gouvernement, et que l'organisation syndicale existante aurait été établie par le gouvernement au pouvoir pour faciliter la réalisation de ses objectifs, et fonctionnerait sous son contrôle. Le plaignant estime que la liberté syndicale est inconcevable sous un tel régime.
- 121 A l'appui de cette thèse, le plaignant, tout en reconnaissant que « l'impossibilité presque absolue d'obtenir des précisions sur la situation existant en Pologne rend difficile la constitution d'un dossier étayé », formule un certain nombre d'allégations plus précise qui peuvent être groupées comme suit:
- Impossibilité pour les syndicats d'exercer leurs fonctions normales
- 122 Se référant en particulier aux dispositions de la loi du 1er juillet 1949 sur les syndicats professionnels, le plaignant fait valoir que les syndicats polonais se voient confier un certain nombre de tâches qui ne relèvent pas normalement de l'organisation syndicale, telles que celles de renforcer l'autorité du gouvernement populaire, de mobiliser la classe ouvrière pour réaliser les plans de production, de développer l'esprit de compétition parmi les travailleurs, etc. Ces fonctions, imposées aux syndicats par la législation en vigueur, auraient pour but de renforcer l'autorité du gouvernement et de protéger les intérêts de l'employeur, qui n'est autre que l'Etat lui-même.
- 123 D'autre part, des crédits destinés au développement social et culturel, qui représentent presque un tiers du budget d'Etat, seraient mis à la disposition de l'organisation syndicale, ce qui prouve, de l'avis du plaignant, que les syndicats sont devenus des organismes quasi gouvernementaux, investis de fonctions publiques.
- 124 Les syndicats seraient ainsi amenés à négliger leurs fonctions essentielles et, en particulier, ils auraient cessé de s'occuper des questions relatives aux salaires et de formuler des revendications à ce sujet. A l'aide de plusieurs citations de sources syndicales polonaises, le plaignant s'attache à démontrer que sous le régime en vigueur les syndicats ne sont pas libres - et ne s'efforcent même pas - de défendre les véritables intérêts des travailleurs, se préoccupant avant tout des problèmes relatifs à l'augmentation de la productivité et à l'exécution du plan économique ; en fait, la principale tâche des syndicats actuels serait d'organiser la compétition entre les travailleurs et de veiller à ce qu'ils remplissent et dépassent les normes de travail.
- Monopole en matière de droit d'association et caractère obligatoire des syndicats
- 125 Il est d'autre part allégué par le plaignant que la Confédération des syndicats professionnels de Pologne à tendance communiste qui, aux termes de la loi du 1er juillet 1949, est la « représentation centrale du mouvement professionnel en Pologne », jouirait d'un monopole statutaire en matière de droit d'association. En effet, conformément au système d'enregistrement en vigueur, la Confédération serait seule habilitée à autoriser l'existence des différents syndicats professionnels, même aux échelons les plus bas.
- 126 Dans ces conditions, et étant donné l'existence dans le pays d'un régime fondé sur la police de sécurité, les syndicats seraient obligés de se plier à l'autorité de la Confédération et l'on ne saurait songer à constituer des syndicats indépendants tendant à protéger les intérêts des travailleurs, toute tentative dans ce sens étant d'avance vouée à l'échec.
- 127 Etant donné, d'autre part, l'importance des crédits dont la gestion est confiée aux syndicats affiliés à la Confédération et leur caractère d'organismes investis de fonctions publiques, les travailleurs seraient en fait obligés d'y adhérer s'ils ne veulent pas être privés des avantages réservés aux membres. Rappelant que, selon un rapport officiel présenté à un congrès de la Fédération syndicale mondiale, la Confédération groupait déjà en 1949 presque la totalité des travailleurs polonais, le plaignant conclut qu'en fait c'est un régime de syndicalisme unique et obligatoire qui a ainsi été institué en Pologne.
- Arrestation de syndicalistes indépendants
- 128 Il est allégué qu'afin d'assurer à la Confédération des syndicats professionnels le monopole dont elle jouit actuellement, des dirigeants syndicalistes indépendants auraient été écartés de leur poste non pas par les membres mais par la police, qui aurait notamment procédé à de nombreuses arrestations de militants à la fin du mois de mai et au début de juin 1947.
- Contrôle exercé sur les syndicats par le gouvernement et par le parti communiste
- 129 La Confédération des syndicats professionnels de Pologne ne serait par ailleurs qu'un instrument au service du parti communiste qui, selon une déclaration de M. Bierut, Président de la République de Pologne, est censé agir « par l'intermédiaire des syndicats et des organisations affiliées pour s'acquitter de ses tâches en matière de production et d'éducation ». Le secrétaire général du Conseil central des syndicats l'aurait également admis lorsqu'il a déclaré qu'il « reconnaissait pleinement le rôle dirigeant du parti communiste au sein du mouvement syndical », et en ajoutant que le Conseil central des syndicats « insistait sur la nécessité de mettre fin à la tendance visant à séparer le mouvement syndical du parti politique du prolétariat et de son programme d'action ». Tous les syndicats de Pologne seraient donc dominés et dirigés par le parti communiste. Ce parti étant seul au pouvoir, c'est en fait le gouvernement qui aurait la haute main sur les syndicats.
- Interdiction de se syndiquer concernant certaines catégories de travailleurs
- 130 Le plaignant allègue enfin qu'en vertu d'une décision du Conseil central des syndicats, les membres des coopératives de production ainsi que les travailleurs employés dans ces coopératives auraient été privés, à partir du 1er janvier 1952, du droit de s'organiser et d'adhérer à des syndicats ; cette décision aurait également entraîné pour les intéressés la perte du droit aux soins médicaux gratuits et à d'autres prestations d'assurances sociales.
- Analyse de la réponse
- 131 Dans sa réponse, datée du 6 août 1953, le gouvernement polonais déclare « qu'il n'a pas l'intention de répondre aux communications de la Confédération internationale des syndicats libres relatives aux prétendues atteintes portées en Pologne aux droits syndicaux, ni aux insinuations à l'adresse du gouvernement polonais et du mouvement syndical contenues dans sa communication.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 132. Dans ces conditions, le Comité, saisi d'allégations précises selon lesquelles la situation existant en Pologne serait incompatible avec le principe de la liberté syndicale, allégations auxquelles le gouvernement polonais s'est refusé à répondre, conclut que le cas mérite un examen plus approfondi de la part du Conseil d'administration.