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La commission a pris note des informations détaillées communiquées par le gouvernement dans son rapport et des informations communiquées en réponse aux observations présentées par l’Association des inspecteurs du travail de Minas Gerais (AAIT/MG) en juillet 2001. Elle a également noté les commentaires envoyés en octobre 2002 par la Centrale unique des travailleurs (CUT) et la Confédération nationale des travailleurs de l’agriculture (CONTAG), ainsi que les informations reçues du gouvernement en janvier 2003 en réponse à ces commentaires.
Dans sa précédente observation, la commission avait constaté qu’il existait une convergence de vues entre les organisations de travailleurs nationales et internationales et le gouvernement sur l’existence de pratiques de travail forcé et sur les conditions dans lesquelles de telles pratiques se développent. Dans de nombreuses régions encore, un nombre élevé de travailleurs sont soumis avec leurs familles à des conditions de travail dégradantes et à la servitude pour dettes. Face à cette situation, le gouvernement a fait part, à de nombreuses reprises et encore une fois dans son dernier rapport, de son engagement àéradiquer le travail forcé du pays et a fourni des informations sur les mesures prises à cette fin. La commission avait notéà ce sujet:
- la création en juin 1995 par le Président de la République du Groupe exécutif de répression du travail forcé (GERTRAF);
- la mise en place du Groupe spécial d’inspection mobile (GEFM) (ordonnance no 550 MTb du 14 juin 1995);
- l’adoption en 1998 de la loi no 9777 modifiant les articles 132, 203 et 207 du Code pénal afin de compléter l’article 149 dudit code.
La commission note ave intérêt, d’après les informations fournies dans son dernier rapport, que le gouvernement continue à prendre de nombreuses mesures pour combattre le travail forcé, notamment des mesures préventives et de réhabilitation, telles que:
- la création, au sein du Conseil de défense des droits de l’homme du ministère de la Justice, d’une commission spéciale devant traiter spécifiquement de la problématique du travail en servitude. En collaboration avec le GERTRAF, cette commission a notamment pour objectif de proposer des mécanismes garantissant une plus grande efficacité de la prévention et de la répression de la violence rurale et de l’exploitation du travail forcé, comme par exemple la création d’un mécanisme refusant l’octroi de crédits publics aux propriétaires de terres sur lesquelles une telle exploitation aurait été constatée. Elle a également pour objectif de promouvoir une meilleure articulation entre les différents partenaires en vue d’appuyer certaines initiatives, comme la proposition d’amendement de la Constitution visant à confisquer les terres des propriétaires qui exploitent de la main-d’œuvre esclave;
- le lancement par le gouvernement du Plan national pour l’éradication du travail en servitude élaboré par cette commission spéciale, en mars 2003;
- l’initiation en avril 2002 d’un projet de coopération entre l’OIT et le gouvernement du Brésil «Combattre le travail en servitude au Brésil», réalisé en partenariat avec plusieurs institutions nationales. Ce projet a pour objectifs de renforcer le GERTRAF ainsi que la capacité d’action du GEFM, de créer une base de données, de lancer des campagnes nationales de sensibilisation, de développer le plan national d’action et de mettre en œuvre des programmes pilotes de prévention et de réinsertion des travailleurs libérés;
- l’adoption en avril 2002 de la mesure provisoire no 74 accordant une assistance financière temporaire (trois versements correspondant à un salaire minimum chacun) aux travailleurs identifiés par les services d’inspection du ministère du Travail et de l’Emploi comme ayant été soumis à un régime de travail forcé ou réduits à la condition d’esclaves. Les travailleurs libérés sont également dirigés vers les services du système national de l’emploi en vue de leur réinsertion dans le marché du travail et de leur formation professionnelle. Toujours dans le domaine de la réinsertion, le gouvernement annonce dans son dernier rapport le lancement, avant la fin 2002, du programme d’action «Assistance temporaire aux victimes de travail en servitude ou dégradant». Une convention doit être signée dans ce cadre avec la Commission pastorale de la terre en vue de garantir aux travailleurs libérés l’hébergement, l’alimentation, ou de leur assurer une formation sur les droits de chaque citoyen.
La commission note également les informations fournies par le gouvernement dans son dernier rapport selon lesquelles, suite aux efforts déployés en 2001, le GEFM a réalisé le plus grand nombre d’opérations depuis sa création et, par la même, a enregistré le plus grand nombre de travailleurs libérés (1 433 contre 583 en 2000).
La commission note les commentaires suivants de la Centrale unique des travailleurs (CUT):
- La CUT considère que l’augmentation du nombre des travailleurs libérés- augmentation confirmée le premier semestre 2002 avec la libération d’un nombre de travailleurs correspondant au chiffre officiel des travailleurs libérés pour l’ensemble de l’année 2001 - démontre, certes, l’importance des activités menées par le GEFM mais témoigne également du fait que les pratiques de travail forcé, particulièrement dans le secteur rural, ne peuvent être considérées comme des pratiques périphériques.
- En outre, la CUT fait des commentaires sur ce qu’elle considère des pratiques systémiques, favorisées par la division existant au sein des organes exécutifs. Elle indique que si le ministère du Travail et de l’Emploi et le ministère de la Justice s’engagent dans la lutte contre le travail forcé, d’autres ministères, comme ceux de l’Industrie et du Commerce, de l’Agriculture ou de la Propriété, ou encore la Banque centrale, demeurent absents de cette lutte et peuvent aggraver la situation, par exemple en finançant ou en octroyant des aides aux personnes physiques ou morales qui ont recours à ces pratiques pour augmenter leurs profits.
- De plus, sur la base des informations de la Commission pastorale de la terre, la CUT fait part de sa préoccupation face à certains indicateurs démontrant une propagation de ces pratiques (transport illégal de travailleurs, nombre des dénonciations), préoccupation renforcée par l’augmentation du taux de récidives qui démontre que les propriétaires agricoles ne craignent pas les mesures prises par l’Etat. Dans ces conditions, la CUT considère que, si certains secteurs du gouvernement réellement impliqués dans la lutte contre ces pratiques peuvent se prévaloir de certaines avancées, l’utilisation par le gouvernement des chiffres des travailleurs libérés comme preuve de son engagement ne saurait masquer le manque d’engagement et de volonté du gouvernement dans son ensemble, ce qui empêche un combat effectif du travail forcé.
- La CUT a également fait part de sa préoccupation face à l’insuffisance opérationnelle de l’inspection (GERTRAF et GEFM). Elle se réfère au fait que le délai entre l’enregistrement des plaintes et les visites est beaucoup trop long, ce qui laisse les travailleurs dans des situations catastrophiques, voire dangereuses, quand ils sont à l’origine de la plainte et permet la disparition des preuves.
- La CUT déclare que le système d’inspection manque de ressources humaines et de la logistique appropriée pour faire face aux difficultés spécifiques rencontrées dans certaines régions, laissant ainsi sans inspection des zones connues comme étant des zones où l’on a recours au travail en servitude (par exemple, depuis un an, aucune inspection n’a été réalisée à São Felix do Xingu e Iriri dans la région du Pará). La démoralisation croissante des inspecteurs, engendrée par cette insuffisance opérationnelle, ainsi que l’impunité dont jouissent les coupables contribuent à la perte de crédibilité de l’inspection.
En réponse à ces observations, le gouvernement a fait part des éléments suivants:
- L’augmentation du nombre de travailleurs libérés ne permet pas nécessairement d’aboutir à la conclusion que les pratiques de travail forcé se développent. Ces chiffres doivent être rattachés à l’intensification de l’action de l’Etat, à l’investissement en moyens matériels et à l’engagement croissant des partenaires institutionnels du ministère du Travail et de l’Emploi. Tous ces éléments ont permis de réaliser plus d’inspections et de traiter un nombre croissant de plaintes - plaintes qui ne sont pas toujours liées à des pratiques de travail forcé mais, le plus souvent, à des infractions à la législation du travail. Le ministère du Travail et de l’Emploi n’a pas interprété les chiffres des travailleurs libérés comme le signal d’une réduction du travail en servitude mais bien comme la preuve d’une plus grande action de l’Etat. Il n’y a pas de statistiques démontrant qu’il y a eu une diminution ou une augmentation du travail en servitude.
- S’agissant du manque de moyens de l’inspection, le gouvernement indique que les relations entre le ministère du Travail et de l’Emploi et la Police fédérale ont évolué; l’objectif étant d’éviter toute bureaucratie et de faciliter la formation des équipes d’inspection. Le gouvernement mentionne également la rénovation de la flotte de véhicules du GEFM et l’acquisition de matériel moderne (ordinateurs, radios, systèmes GPS) qui témoignent d’une politique constante de soutien de la part du ministère à l’inspection du travail. Même s’il subsiste quelques difficultés spécifiques, globalement, le GEFM dispose de plus de moyens d’action que par le passé.
- Enfin, concernant les allégations de la CUT et de la CONTAG relatives à la concession de prêts ou de subventions aux propriétaires exploitant de la main-d’œuvre esclave, le gouvernement précise que cette question est examinée par le GERTRAF. Un groupe de travail a été mis en place pour élaborer un projet de décret destinéà restreindre, de manière drastique, la concession de tout crédit public aux exploitants de main-d’œuvre esclave.
La commission prend note de l’ensemble de ces informations qui reflètent les difficultés rencontrées par le gouvernement pour parvenir à l’éradication des pratiques de travail forcé. Elle reconnaît que le gouvernement a déjà pris des mesures importantes et veut croire qu’il poursuivra tous ses efforts et qu’il mobilisera tous les moyens à sa disposition pour renforcer davantage les services d’inspection afin que ceux-ci puissent agir avec la célérité requise dans toutes les zones où des plaintes sont déposées et où il existe une suspicion de travail forcé. La commission insiste d’autant plus sur ce point que l’action de l’inspection, et particulièrement du GEFM, constitue le préalable sans lequel les travailleurs ne peuvent être libérés ni les coupables condamnés. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations détaillées à ce sujet ainsi que sur l’évolution du projet d’amendement à la Constitution visant à confisquer les terres des propriétaires qui exploitent de la main-d’œuvre esclave.
Par ailleurs, la commission note avec intérêt que, le 18 novembre 2003, le ministre de l’Intégration nationale a signé un décret comprenant une liste de 52 noms (personnes physiques ou morales) utilisant ou ayant utilisé de la main-d’œuvre esclave. Ces personnes ne pourront plus réaliser d’opérations financières avec un certain nombre d’établissements publics financiers ni bénéficier de subventions nationales ou d’exonérations fiscales. Seules ont été retenues dans cette liste les personnes pour lesquelles un jugement définitif a été prononcé avant décembre 2002. Enfin, cette liste devra être périodiquement mise à jour. La commission considère que l’adoption de ce texte constitue une étape importante dans la lutte contre ceux qui exploitent de la main-d’œuvre esclave puisqu’il porte directement atteinte à leurs intérêts financiers. Elle souhaiterait que le gouvernement fournisse des informations complètes sur l’application de ce décret dans la pratique. Elle le prie notamment de communiquer la liste de ces noms, d’indiquer si celle-ci a déjàété révisée, de préciser la liste des établissements financiers concernés et la manière dont le gouvernement s’assure qu’aucun avantage financier n’est accordéà ceux qui exploitent ou ont exploité de la main-d’œuvre esclave.
Dans ses précédents commentaires, la commission s’était déclarée préoccupée par le faible taux de poursuites des personnes responsables d’avoir imposé du travail forcé, alors que tous les ans l’action déployée par l’inspection du travail, notamment le GEFM, permet de libérer des centaines de travailleurs. La commission avait demandé au gouvernement de fournir des informations statistiques sur le nombre de cas de travail forcé transmis par l’inspection du travail au ministère public, le nombre de ces cas ayant donné lieu à des poursuites pénales et le nombre de condamnations prononcées en vertu de la loi no 9777 et de l’article 149 du Code pénal. D’après les informations communiquées par le gouvernement dans son rapport de 2001, un seul procès était en cours pour violation de l’article 149 du Code pénal. Le gouvernement n’a fourni aucune donnée à ce sujet dans son dernier rapport.
La CUT indique dans ses commentaires que l’absence de procès est principalement due au fait que la justice fédérale s’est plusieurs fois déclarée incompétente pour juger de ces crimes, le ministère public s’abstenant alors de transmettre toute nouvelle plainte. La CUT déclare que la perte de crédibilité du système répressif se manifeste également par le taux de récidives et par la cruauté croissante des pratiques liées au travail forcé. Parmi les cas dénoncés en 2002, de nombreux propriétaires sont des récidivistes déjà condamnés ou ayant fait l’objet de plaintes successives (Fazenda Alvorcada, Fazenda Rio Vermelho, Fazenda Brasil Verde). La CUT est préoccupée par l’absence d’informations du gouvernement sur les mesures prises par le ministère public pour donner suite aux rapports communiqués par l’inspection du travail.
Dans son dernier rapport, le gouvernement reconnaît que le principal obstacle au jugement des personnes exploitant la main-d’œuvre esclave est liéà un problème de définition de la compétence juridictionnelle. Les rapports du GEFM sont communiqués au ministère public fédéral et non aux ministères publics des différents Etats, ceci pour éviter que les accusés ne puissent exercer des pressions au niveau local afin d’empêcher l’instruction des plaintes. Or il existe une controverse jurisprudentielle sur la compétence pour juger du crime de réduction d’une personne à la condition analogue à celle d’un esclave (art. 149 du Code pénal). Certains tribunaux considèrent que ces actions ne relèvent pas de la compétence de la justice fédérale. En suivant cette interprétation, le pouvoir d’initier les actions devrait alors également être déplacé du ministère public fédéral vers le ministère public de chaque Etat. Le gouvernement indique qu’au sein de la Commission spéciale du Conseil des droits de l’homme il est envisagé de mettre fin à une telle interprétation. L’Association nationale des juges fédéraux, qui fait partie de cette commission, a souligné la nécessité de sensibiliser les magistrats aux problèmes rencontrés par le pays dans la lutte contre le travail en servitude. Cette sensibilisation pourrait favoriser un revirement de jurisprudence et également permettre d’intégrer définitivement le pouvoir judiciaire dans la stratégie nationale de lutte contre les formes contemporaines de travail en servitude et autres formes de travail dégradant.
Le gouvernement fait également part de l’expérience d’une justice itinérante tentée dans le sud de l’Etat du Pará. Un projet de loi à ce sujet est à l’étude pour permettre aux magistrats d’accompagner l’inspection mobile composée d’inspecteurs, de membres de la police fédérale et du ministère public fédéral, afin que les magistrats soient présents pour constater les flagrants délits et juger les coupables en comparution immédiate. Cette justice itinérante permettrait de résoudre le problème de la disparition des témoins (les travailleurs libérés étant souvent difficiles à retrouver en raison notamment de leur éloignement), ainsi que le problème de la controverse jurisprudentielle sur la compétence juridictionnelle.
La commission prend note de l’ensemble de ces informations. Elle constate avec regret que le gouvernement n’a pas été en mesure de communiquer des informations statistiques sur l’application de sanctions pénales aux personnes reconnues coupables d’avoir imposé du travail forcé, ce qui témoigne de l’incapacité dans laquelle se trouve le système judiciaire de juger de ces pratiques et de sanctionner les coupables. La commission rappelle que, conformément à l’article 25 de la convention, le gouvernement doit s’assurer que les sanctions pénales imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées. La commission considère que toutes les actions positives prises par le gouvernement dans le domaine de la sensibilisation, la prévention, le renforcement du système d’inspection ou de la réinsertion ne permettront d’éradiquer le travail forcé au Brésil que si elles peuvent également s’appuyer sur un système judiciaire crédible, capable d’infliger aux coupables des peines dissuasives. Les informations reçues de la CUT sur la récidive et sur des pratiques de plus en plus cruelles semblent démontrer que tel n’est pas le cas. Dans ces conditions, la commission veut croire que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour garantir l’application de l’article 25 de la convention. Elle espère que, dans son prochain rapport, le gouvernement sera en mesure de fournir des informations sur le nombre de cas de travail forcé qui ont été dénoncés devant le ministère public fédéral par les services de l’inspection du ministère du Travail, sur le progrès du traitement des cas soumis par l’inspection du travail, en particulier le pourcentage de plaintes ayant abouti à l’ouverture de poursuites pénales par rapport au nombre total de plaintes reçues par les services d’inspection, sur le nombre de condamnations prononcées en application de la loi no 9777 et de l’article 149 du Code pénal (prière de communiquer copie des décisions de justice rendues). La commission prie également le gouvernement de bien vouloir fournir des informations détaillées sur le projet de justice itinérante auquel il s’est référé.
Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note des informations communiquées par l’Association des inspecteurs du travail de Minas Gerais (AAIT/MG) concernant la décision no 13/2001 du ministre du Travail et de l’Emploi approuvant l’avis du Service juridique de ce ministère sur les sanctions (amendes) appliquées dans le secteur rural en cas d’infraction à la législation du travail. Suite à cette décision, les amendes imposées sont celles prévues dans la loi no 5889/73 réglementant le travail rural et non plus celles prévues par la Consolidation des lois du travail (CLT) en cas d’infraction à la législation du travail en milieu urbain. Or les amendes prévues dans cette loi sont considérablement inférieures à celles prévues dans la CLT. Pour l’AAIT/MG, cette décision a de graves répercussions sur les intérêts et les droits garantis aux travailleurs ruraux par la Constitution de 1988. Elle renverse la pratique instaurée depuis 1994 par l’instruction normative no 1 du 24 mars 1994 selon laquelle, sur la base de l’article 7 de la Constitution qui garantit des droits égaux entre les travailleurs des secteurs urbain et rural, les amendes appliquées aux procédures administratives découlant des inspections réalisées dans le secteur rural suivent les mêmes critères que ceux fixés par la CLT, en cas notamment de travail forcé, d’exploitation du travail de personnes mineures ou d’indigènes, ou d’atteinte à la vie et à la santé des travailleurs. Selon l’AAIT/MG, la décision du ministre démontre le peu de considération dont fait preuve son ministère vis-à-vis des organismes chargés des questions du travail rural. Elle met un terme à l’application de sanctions efficaces en cas d’infractions à la législation du travail constatées en milieu rural.
Dans son dernier rapport, le gouvernement affirme qu’il n’y a pas eu de changement d’orientation du ministère. Selon lui, certains secteurs de l’inspection du travail ont donné une interprétation erronée de l’article 7 de la Constitution. Cet article garantit certes les mêmes droits aux travailleurs des secteurs urbain et rural mais n’établit pas pour autant une équivalence des sanctions applicables aux employeurs de ces deux secteurs en cas d’infraction à la législation du travail. L’instruction normative de 1994 ne dispose pas que les amendes prévues dans la CLT s’appliquent aux infractions à la législation du travail constatées dans le secteur rural mais que les critères pour l’application des amendes doivent être les mêmes que ceux suivis dans la CLT. Depuis 1999, le service juridique du ministère du Travail et de l’Emploi a rendu des avis rappelant que les amendes applicables au secteur rural sont celles prévues dans la loi spécifique (loi no 5889/73 réglementant le travail rural). Le gouvernement indique que certains secteurs de l’inspection du travail ont néanmoins refusé de suivre ces avis contraignant ainsi le ministère à prendre la décision no 13/2001.
Par ailleurs, le gouvernement a précisé que, contrairement à ce que laisse croire l’AAIT/MG, la loi no 5889/73 n’a pas pour objectif immédiat de lutter contre le travail forcé dans le secteur rural. Le travail forcé est un crime qui relève du Code pénal. Ainsi, les services d’inspection qui sont confrontés à ce fléau dans le secteur rural doivent en informer les autorités de police et le ministère public qui entamera les poursuites pénales.
Enfin, le gouvernement rappelle que, selon le principe de légalité, la modification du montant des amendes administratives prévues dans la loi no 5889/73 ne peut se faire que par voie législative. Ainsi, en 2001, le gouvernement a présenté au Congrès un projet de loi modifiant la loi no 5889/73, visant notamment à augmenter le montant des amendes administratives applicables au secteur rural. Face au retard pris dans la discussion de cette proposition au sein du Congrès et compte tenu de la pertinence et de l’urgence de la question, la présidence de la République a adopté, le 24 juillet 2001, la mesure provisoire no 2.164-40. L’article 4 de cette mesure modifie l’article 18 de la loi no 5889/73 en augmentant le montant de l’amende prévue en cas d’infraction aux dispositions de ladite loi et en ajoutant un alinéa en vertu duquel les infractions aux dispositions de la CLT et de toute autre législation pertinente commises contre les travailleurs ruraux seront punies par les amendes prévues dans ces textes. La différence entre le montant des amendes applicables au secteur urbain et au secteur rural est donc supprimée.
La commission prend note de l’ensemble de ces informations. Elle note avec intérêt l’adoption de la mesure provisoire no 2.164-40 qui permet désormais de sanctionner les infractions à la législation du travail dans le secteur rural par des amendes aussi rigoureuses que dans le milieu urbain. La protection des droits des travailleurs est d’autant plus importante dans le milieu rural que c’est essentiellement dans ce secteur que les pratiques de travail forcé se rencontrent. La commission considère également que le respect de la législation du travail et l’application effective de sanctions en cas d’infraction à cette législation sont des éléments essentiels de la lutte contre les pratiques de travail forcé. En effet, ces infractions, comme par exemple le non-versement des salaires, l’absence d’enregistrement des travailleurs, la durée excessive du travail, constituent autant d’éléments permettant d’identifier certaines pratiques de travail forcé. Dans ces conditions, la commission espère que le gouvernement veillera à ce que les amendes infligées en cas d’infraction à la législation du travail dans le secteur rural soient effectivement collectées, de manière à garantir le caractère dissuasif des sanctions.
La commission note avec intérêt que, le 30 avril 2003, le Tribunal du travail de la 8e région, Parauapebas/PA (jugement no 218/2002), a jugé fondée la demande du ministère public visant à ce que le propriétaire d’une exploitation agricole, qui imposait du travail dégradant et forcéà ses travailleurs, soit condamnéà réparer le préjudice moral collectif, tout en confirmant les sanctions administratives qui avaient déjàété prononcées à son encontre pour infraction à la législation du travail. Le tribunal a considéré que, d’un point de vue social, le mode de production basé sur le système de l’endettement du travailleur ne peut que générer la servitude pour dettes. Ce mode de production ne crée ni emploi ni revenu puisque les travailleurs ne reçoivent pas de salaire et ne sont pas inscrits sur les registres. De ce fait, aucun prélèvement fiscal ou social ne peut être effectué. Cette pratique implique un préjudice social considérable en raison de l’avilissement du travailleur qui en résulte, de l’absence de versement par les entreprises rurales de leurs contributions sociales et également en raison de la nécessité pour l’Etat d’utiliser des fonds publics importants dans la lutte pour l’éradication de ce mode de production.
La commission prie le gouvernement de bien vouloir continuer à fournir des informations sur les mesures prises pour favoriser l’action concertée de toutes les instances impliquées dans la lutte contre le travail forcé (services d’inspection, ministère public fédéral, police fédérale, justice du travail et justice fédérale).
La commission a pris note de l’accord («Termo de compromisso») signé le 9 avril 2001 entre les représentants du ministère public du travail de la 8e région, la Délégation régionale du travail de l’Etat du Pará et trois propriétaires d’exploitations agricoles de cette région. La commission relève que dans les commentaires de la CUT relatifs au problème de la récidive figurent deux propriétés appartenant à l’un des signataires de l’accord précité (Fazenda Rio Vermelho, Fazenda Brasil Verde). La commission souhaiterait que le gouvernement fournisse dans son prochain rapport des informations sur ces allégations (inspections réalisées dans ces propriétés et, le cas échéant, copie des rapports d’inspection).
Dans ses précédents commentaires, la commission avait souligné que le travail des mineurs dans le cadre d’une servitude pour dettes, y compris la prostitution forcée de mineurs, rentre dans le champ d’application de la convention. Compte tenu des conditions dans lesquelles ce travail est effectué, il ne peut, au regard de l’article 2, paragraphe 1, de la convention, être considéré que le mineur s’est offert de son plein gré pour ce travail. Elle avait demandé au gouvernement de fournir des informations sur les allégations de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) datant d’octobre 1999, allégations de servitude pour dettes de mineures contraintes de se prostituer dans l’Etat de Rondonia. Tout en notant que le gouvernement a indiqué par le passé que la lutte contre le travail des enfants constitue une de ses priorités, la commission constate avec regret que, malgré ses demandes répétées, le gouvernement n’a toujours pas fourni d’informations sur les investigations qui auraient été menées au sujet de ces allégations et, le cas échéant, des mesures qui auraient été prises. Elle veut croire que, dans son prochain rapport, le gouvernement ne manquera pas de communiquer des informations à cet égard.