National Legislation on Labour and Social Rights
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1. La commission prend note des communications de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) d’août 2001 et de l’Association des inspecteurs du travail de l’Etat de Minas Gerais (AAIT/MG) en date du 27 juin 2001, qui ont été l’une et l’autre transmises au gouvernement afin que celui-ci puisse formuler en réponse tels commentaires qu’il jugera opportuns. La commission prend également note des communications du gouvernement en date du 26 décembre 2000 et du 26 novembre 2001.
2. La commission constate qu’il existe une convergence de vue entre les organisations de travailleurs nationales et internationales et le gouvernement sur l’existence de pratiques de travail forcé, les conditions dans lesquelles de telles pratiques ont lieu et le fait que, malgré les lois qui ont été adoptées pour protéger les travailleurs agricoles, il se trouve encore dans de nombreuses régions un nombre élevé de travailleurs qui, avec leurs familles, sont soumis à des conditions de travail dégradantes et à la servitude pour dettes.
3. Dans ses commentaires, qui s’appuient sur des rapports de la Commission pastorale de la terre (CPT) et d’Anti-Slavery International, la CISL relate l’affranchissement, en avril 2001, par le Groupe spécial mobile de contrôle, de 148 travailleurs qui étaient réduits à des conditions de travail forcé dans l’Etat de Maranhão et qui, pour certains, n’avaient perçu aucun salaire depuis janvier 2001. Le 12 juin 2001, au total 97 travailleurs ont été libérés de deux exploitations de l’Etat du Pará del Sur: Iolanda (24); Ediones Bannach (73). La commission rappelle avoir mentionné dans son observation de 1996 que la disparition de deux travailleurs de l’exploitation Bannach avait été signalée par les membres de leurs familles. Elle note également que 114 travailleurs réduits à l’état d’esclaves dans l’exploitation Forkilha ont été libérés en avril-mai 2001 par la police fédérale.
4. Dans son rapport, le gouvernement indique que, pour l’année 2001 (jusqu’en octobre), 960 travailleurs ont été libérés par le groupe mobile d’inspection et que cette action d’inspection a revêtu un caractère préventif.
5. Dans ses précédentes observations, la commission avait reconnu que le gouvernement prenait des mesures pour combattre le travail forcé, mais elle avait également exprimé sa préoccupation devant l’absence de sanctions effectives, l’impunité des coupables, les lenteurs de la justice et l’absence de coordination entre les différentes entités gouvernementales, dans lesquels elle voyait autant d’obstacles à une abolition effective du travail forcé au Brésil. Elle avait pris note de l’adoption de la loi no 9777, qui réprime plus sévèrement les agissements liés au travail forcé, et elle avait demandé au gouvernement de fournir des informations détaillées sur le nombre de personnes condamnées sur la base des articles 132, 149, 203 et 207 du Code pénal.
6. Dans sa précédente observation, la commission avait pris note, en ce qui concerne les sanctions pénales, des commentaires communiqués en août 2000 par la Confédération internationale des syndicats libres, commentaires selon lesquels la loi no 9777 ne serait pas appliquée et l’action du groupe mobile d’inspection n’aurait pas permis d’aboutir à la traduction en justice des personnes responsables d’avoir imposé du travail forcé. Elle avait pris note des statistiques établies par le ministère du Travail lui-même, entre 1996 et 1999, statistiques dont il ressort que quatre personnes seulement ont été incarcérées pour avoir imposé du travail forcé alors qu’au cours de la même période le groupe mobile d’inspection avait libéré, au terme de 25 interventions, 1 266 travailleurs réduits à des conditions de travail forcé. Selon le même rapport, le faible taux de poursuites pourrait résulter du fait que, lorsque les inspecteurs du travail réunissent des preuves de travail forcé, ils ne peuvent infliger que des sanctions administratives et n’ont pas compétence pour déclencher une action pénale. Les éléments sont transmis au Procureur général, lequel décide de l’opportunité des poursuites. Cette procédure implique des délais considérables, qui réduisent à néant toute véritable possibilité de poursuites, du fait que les travailleurs libérés quittent en général la région pour regagner leur foyer ou trouver un autre emploi. De plus, le fait que les travailleurs libérés ne bénéficient pas d’une protection immédiate les expose à des menaces et à des intimidations qui les dissuadent d’apporter leur témoignage aux procès.
7. Dans ses commentaires d’août 2001, la CISL, se fondant sur des informations communiquées par Anti-Slavery International et la CPT, réitère que le système actuel ne permet pas de prendre des sanctions efficaces à l’encontre de ceux qui ont imposé du travail forcé. Elle cite à titre d’exemple le cas de l’exploitation Brasil Verde, dans laquelle le groupe mobile d’inspection a constatéà plusieurs reprises l’existence d’un travail forcé. Les plaintes répétées déposées en 1988, 1989, 1992, 1993, 1997, 1999 et 2000 n’ont pas permis de mener à terme une procédure engagée en 1997 puis suspendue en 1999 sans qu’aucune décision ultérieure n’ait permis que la procédure reprenne son cours. Une réclamation contre le gouvernement pour sa négligence dans les enquêtes sur les pratiques d’esclavage à l’exploitation Brasil Verde a été présentée devant l’Organisation des Etats américains (OEA). De 1980 à 1998, 90 cas de travail en conditions d’esclavage ont été dénoncés dans l’Etat de Maranhão; 14 ont fait l’objet de poursuites, et une procédure a abouti à une condamnation.
8. Evoquant les rares cas dans lesquels des sanctions pénales ont été prononcées à l’encontre des personnes reconnues coupables d’avoir imposé du travail forcé, la commission a estimé que l’action déployée par l’inspection du travail ne saurait être suffisante en soi pour parvenir à l’éradication du travail forcé si cette action ne peut s’appuyer sur un système judiciaire capable d’infliger aux coupables des peines sévères. La commission constate aujourd’hui que l’action digne d’éloges déployée par les Délégations du travail, notamment à travers l’action d’inspection ainsi menée, qui a permis la libération de centaines de travailleurs réduits à l’esclavage, n’a pas n’abouti pour autant à la traduction en justice des coupables et à leur punition.
9. Dans ses observations précédentes, la commission avait suggéré au gouvernement de prendre en considération les propositions des services du Procureur général chargé des questions de travail, lesquelles portaient sur la nécessité d’adopter une législation spécifique et consolidée sur le travail forcé qui définisse aussi bien les responsabilités civiles que les responsabilités pénales dans ces cas et qui investisse les services du Procureur général chargé des questions du travail du pouvoir de déclencher une action pénale contre les personnes qui soumettent d’autres à des conditions de travail dégradantes ou d’esclavage.
10. La commission avait demandé au gouvernement de communiquer des informations détaillées sur le nombre de cas de travail forcé qui ont été dénoncées devant le ministère public fédéral par les services de l’inspection du ministère du Travail et d’indiquer la date à laquelle ces cas ont été présentés. Elle avait également demandé la communication des informations en possession du ministère public fédéral concernant le progrès du traitement des cas soumis par l’inspection du travail, en particulier le pourcentage de plaintes ayant abouti à l’ouverture de poursuites pénales par rapport au nombre total de plaintes reçues par les services d’inspection. Elle avait également demandé des informations sur le nombre de condamnations prononcées en application de la loi no 9777 et de l’article 149 du Code pénal.
11. Dans son rapport de 2001, le gouvernement ne signale qu’un seul procès en cours pour infraction à l’article 149 du Code pénal, article qui interdit de réduire une personne à une condition analogue à celle d’un esclave. La commission constate que, si le gouvernement fait état de la libération (en 2001) de 960 travailleurs victimes de pratiques de travail forcé, il ne signale pour la même période qu’un seul procès en cours et ne fait état d’aucune sanction pénale infligée pour imposition de travail forcé.
12. La commission constate que les informations communiquées par le gouvernement ne comportent pas d’éléments qui permettraient de constater le respect de l’article 25 de la convention no 29, article aux termes duquel «le fait d’exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales et tout Membre aura l’obligation de s’assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées».
13. La commission veut croire que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour assurer, conformément à la convention et aux dispositions pertinentes de la législation nationale, que des sanctions pénales soient infligées aux personnes reconnues coupables d’avoir imposé du travail forcé et qu’il communiquera copie des décisions de justice qui auront été rendues, en particulier dans les cas susmentionnés concernant les exploitations Brasil Verde, Ediones Bannach et Forkilha.
14. La commission prend note des informations communiquées par l’Association des inspecteurs du travail du Minas Gerais (AAIT/MG) selon lesquelles le ministère du Travail, s’appuyant sur un avis du Conseil juridique du ministère du Travail (no 13 de 2001), a décidé que les sanctions (amendes) pouvant être imposées dans le secteur rural seront les amendes prévues par la loi no 5889/73 et non celles prévues par le Code consolidé des lois du travail (D.O. du 1er juin 2001). Les amendes prévues par la loi no 5889 sont considérablement inférieures à celles que le Code consolidé du travail prévoit pour les infractions à la législation du travail en milieu urbain. L’AAIT/MG donne un exemple de cette différence: l’amende pouvant être imposée dans une entreprise de 200 travailleurs en milieu urbain, en vertu de l’article 47 du Code du travail, s’élève à 80 506,55 R$ (33 555,60 dollars E.-U.). Le montant de l’amende qui peut être imposée en vertu de la loi no 5.889 s’élève à 720 R$ (300 dollars E.-U.). Pour l’AAIT/MG, «cette décision a de graves répercussions sur les intérêts et les droits des travailleurs ruraux, garantis par la Constitution de 1988 mais ignorés par le ministère du Travail». Selon l’AAIT/MG, «cette décision du ministère démontre le peu de considération dans laquelle il tient les organismes chargés des questions de travail rural et met un terme à l’application de sanctions efficaces en cas d’infraction à la législation du travail en milieu rural».
15. Selon l’AAIT/MG, cette décision renverse la pratique instaurée depuis 1994 par l’Instruction normative no 01 du 24 mars 1994, pratique qui, s’appuyant sur l’article 7 de la Constitution nationale, établissait des droits égaux pour les travailleurs du secteur urbain et pour ceux du secteur rural et tendait à l’application rigoureuse des sanctions dans le cadre des procédures administratives exercées en cas de travail forcé, d’exploitation du travail de personnes mineures ou d’indigènes et d’atteinte à la vie et à la santé des travailleurs. Dans son observation de 1996, la commission avait noté que, selon le gouvernement, ladite Instruction normative no 1 du 24 mars 1994 inaugurait une phase nouvelle en matière de prévention et de répression du travail forcé.
16. La commission prend note de l’avis émis par le Conseil juridique du ministère du Travail selon lequel le Code consolidé des lois du travail s’applique de manière subsidiaire au travail rural puisqu’il existe une loi régissant spécifiquement la matière et que les infractions commises par l’employeur rural ne peuvent être sanctionnées que sur la base de la loi no 5889.
17. La commission constate que, dans leur grande majorité, les affaires de travail forcé concernent le secteur rural et, dans ce cadre, le non-respect de la législation du travail (enregistrement des travailleurs par exemple) peut avoir une incidence directe au regard de la protection des travailleurs contre des situations dégradantes ou de travail en esclavage. La commission constate avec préoccupation que, si dans de multiples déclarations le gouvernement réitère son engagement à poursuivre des mesures permettant d’éradiquer le travail forcé, notamment en ce qui concerne l’imposition de sanctions efficaces, dans les faits, les sanctions pénales infligées sont peu nombreuses et, de plus, dans le secteur rural on assiste à un retour en arrière en ce qui concerne les sanctions administratives, qui ont été réduites à des amendes insignifiantes.
18. La commission espère que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour que, lorsque des sanctions administratives sont prises en cas d’infraction à la législation du travail en milieu rural, ces sanctions ne soient pas moins rigoureuses que celles qui sont infligées en cas d’infraction en milieu urbain, compte tenu du fait que c’est essentiellement en milieu rural que se rencontrent les situations de travail forcé.
19. Dans sa dernière observation, la commission avait pris note du fait que le gouvernement reconnaissait la nécessité de disposer d’une législation homogène, susceptible de constituer un appui dynamique pour les procédures relatives à l’imposition d’un travail en condition d’esclavage, de même qu’il reconnaissait la nécessité d’une action concertée des différentes instances concernées (ministère public fédéral, services du ministère du Travail chargés des poursuites, police fédérale, tribunaux du travail et tribunaux fédéraux).
20. La commission a pris note de l’accord («Termo de compromisso») signé le 9 avril 2001 entre les représentants du ministère public du Travail de la 8e région de la Délégation régionale du travail de l’Etat du Pará et trois propriétaires d’exploitations agricoles de la région du Pará. D’après les informations en possession de la commission, l’un des propriétaires signataires ne serait autre que le propriétaire des exploitations dénoncées pour des pratiques de travail en condition d’esclavage. La commission note que, par ce compromis, la Police fédérale s’est vu retirer la compétence d’enquêter dans la région sur les affaires de travail en esclavage, de mauvais traitements et de non-respect de la législation en vigueur.
21. La commission constate avec inquiétude qu’il n’y a eu cette année non seulement aucun progrès sur le plan de l’imposition des sanctions pénales aux personnes reconnues coupables d’imposition de travail forcé, mais qu’en outre le ministère du Travail a décidé que les sanctions administratives (amendes) seraient d’un montant inférieur à celles prévues en milieu urbain. A cela s’ajoute que la Police fédérale se voit retirer ses compétences pour agir dans ce domaine. La commission prie le gouvernement de communiquer copie de l’accord susmentionné («Termo de compromisso») daté du 9 avril 2001.
22. La commission constate une fois de plus qu’en dépit des mesures prises par le gouvernement, de graves carences persistent au regard de la convention. La situation de milliers de travailleurs réduits à une condition analogue à celle d’esclave, caractéristique de la servitude pour dettes, appelle des mesures d’une envergure qui soit proportionnelle à sa gravité et à son ampleur. La commission veut croire que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour combattre le travail forcé et assurer le respect de la convention.
23. La commission note que le rapport du gouvernement ne contient pas les informations demandées en réponse aux allégations de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) d’octobre 1999 selon lesquelles des mineurs seraient contraints de se prostituer dans l’Etat de Rondonia. Elle avait fait observer que le travail des mineurs dans le cadre d’une servitude pour dettes, y compris la prostitution forcée de mineurs, rentre dans le champ d’application de la convention et avait demandéà ce titre que le gouvernement fournisse des précisions quant à l’ordre de priorité qu’il accorde à la lutte contre le travail des enfants.
La commission veut croire que le gouvernement fournira des informations sur les investigations menées à propos de ces allégations et sur toute autre mesure qui aura été prise à cet égard.