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Interim Report - Report No 407, June 2024

Case No 3405 (Myanmar) - Complaint date: 05-MAR-21 - Active

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Allégations: La plainte s’appuie sur de graves allégations concernant de nombreuses attaques des autorités militaires contre des syndicalistes, des travailleurs et des fonctionnaires qui demandent le retour à un régime civil depuis le coup militaire au Myanmar du 1er février 2021. Les allégations portent sur des actes d’intimidation et des menaces à l’encontre de syndicalistes, de travailleurs et de fonctionnaires pour qu’ils reprennent leur travail et renoncent à participer au mouvement de désobéissance civile, sur la suspension de postes et le recours au remplacement de grévistes, le retrait d’avantages sociaux et de certificats de compétence professionnelle, l’établissement de listes de travailleurs et de syndicalistes par la police en vue de leur arrestation, de leur emprisonnement et de leur détention, ainsi que sur de nombreux décès à la suite d’interventions des forces militaires et policières lors de manifestations pacifiques, dont le meurtre et la torture de dirigeants syndicaux

  1. 268. Le comité a examiné le présent cas pour la dernière fois à sa réunion de mars 2022 et, à cette occasion, il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 397e rapport, paragr. 503-584, approuvé par le Conseil d’administration à sa 344e session.]  Le comité rappelle qu’il a suspendu l’examen de cette affaire après son dernier examen au vu de la décision prise par le Conseil d’administration de nommer une commission d’enquête chargée d’examiner la non-application de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, entre autres conventions. [Voir 399e rapport, paragr. 15, approuvé par le Conseil d’administration à sa 345e session.] Le Conseil d’administration a pris note du rapport de la commission d’enquête à sa 349e session en octobre-novembre 2023. Le comité observe que la commission d’enquête a indiqué dans son rapport que, compte tenu de la gravité des questions soulevées, la situation et les progrès réalisés dans l’application de ses recommandations devraient faire l’objet d’une supervision active des organes de contrôle de l’OIT concernés. Le comité observe également que plusieurs des recommandations en suspens de la commission d’enquête concernent des questions soulevées dans le cas no 3405, dont l’examen peut maintenant être réactivé. Dans son 405e rapport (mars 2024, paragr. 16), compte tenu de la gravité et de la persistance des questions soulevées dans cette affaire, le comité demande aux autorités militaires du Myanmar de lui faire parvenir leurs observations en relation avec ses précédentes recommandations et à la lumière des recommandations pertinentes de la commission d’enquête, afin qu’il puisse poursuivre l’examen de ce cas en toute connaissance de cause lors de sa prochaine réunion.
  2. 269. La Confédération syndicale internationale (CSI) a présenté de nouvelles allégations dans une communication datée du 12 avril 2024.
  3. 270. Le ministère du Travail, de l’Immigration et de la Population (MOLIP) et la mission permanente à Genève ont présenté une réponse dans les communications datée du 12 avril et desu 27 et 29 mai 2024.
  4. 271. Le Myanmar a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais n’a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 272. À sa réunion de mars 2022, le comité a formulé les recommandations suivantes:
    • a) Le comité exhorte les autorités militaires responsables à cesser immédiatement de recourir à la violence contre les manifestants pacifiques et à diligenter des enquêtes indépendantes sur la mort de tous les travailleurs et syndicalistes susnommés qui ont été tués dans le cadre d’actions de protestation et de l’exercice de leurs libertés publiques fondamentales, y compris leurs droits syndicaux fondamentaux, et de fournir des informations détaillées sur les mesures prises à cet égard ainsi que sur le résultat des enquêtes.
    • b) Le comité demande instamment l’abrogation et la modification de l’article 505-A du Code pénal, de l’article 124 du Code de procédure pénale, de l’article 38(c) de la loi sur les transactions électroniques, la révocation des pouvoirs de surveillance qui ont été rétablis dans les circonscriptions et les villages au titre de la version révisée de la loi sur l’administration des circonscriptions et des villages, ainsi que le retrait de la déclaration frappant des syndicats d’illégalité, en vue de garantir le plein respect des libertés publiques fondamentales nécessaires à l’exercice des droits syndicaux, notamment la liberté d’opinion et d’expression, la liberté de réunion, le droit de ne pas être arrêté ou détenu arbitrairement et le droit à un procès équitable par un tribunal indépendant et impartial, de sorte que les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent exercer leurs activités et leurs fonctions en toute sécurité, sans être exposées à des menaces d’intimidation ou de violence.
    • c) Le comité s’attend à ce que tous les cas de syndicalistes ou de travailleurs arrêtés ou détenus au motif d’actions visant le rétablissement de leurs droits syndicaux et de la démocratie dans le pays fassent l’objet d’une enquête et que des mesures soient prises sans délai pour assurer la libération immédiate des intéressés. Il demande à être tenu informé de toutes les mesures prises à cette fin.
    • d) Le comité demande à nouveau aux autorités responsables de réintégrer tous les fonctionnaires, les travailleurs du secteur de la santé ou les enseignants licenciés ou suspendus pour avoir participé au mouvement de désobéissance civile et de rétablir tous les avantages qui ont pu être supprimés.
    • e) Le comité rappelle sa recommandation antérieure selon laquelle des mesures appropriées devraient être prises pour veiller à ce que les syndicalistes et les travailleurs du secteur privé ne soient pas pénalisés pour avoir participé au mouvement de désobéissance civile en vue d’obtenir le rétablissement de leurs droits syndicaux et demande à être tenu informé des mesures concrètes prises à cet égard.
    • f) Eu égard à l’ampleur de la tâche à accomplir pour examiner tous les cas portés à son attention, le comité considère que l’institution d’une autorité d’enquête indépendante des militaires serait une mesure nécessaire pour rendre justice aux personnes qui ont exercé pacifiquement leurs droits à la liberté de réunion, d’expression et d’association, et demande à être tenu informé des mesures prises à cet égard.
    • g) Le comité prie instamment les autorités militaires de reconnaître l’importance primordiale de garantir ces droits et libertés aux travailleurs et aux employeurs du pays comme une condition nécessaire à toute démocratie légitime et au développement durable du pays.
    • h) Le comité attire l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.

B. Nouvelles allégations des organisations plaignantes

B. Nouvelles allégations des organisations plaignantes
  1. 273. Dans sa communication datée du 12 avril 2024, la CSI présente des informations supplémentaires concernant de nombreuses attaques des autorités militaires, portant notamment sur des actes d’intimidation et des menaces à l’encontre de syndicalistes, de travailleurs et de fonctionnaires pour qu’ils reprennent leur travail et renoncent à participer au mouvement de désobéissance civile, sur la suspension de postes et le recours au remplacement de grévistes, le retrait d’avantages sociaux et de certificats de compétence professionnelle, l’établissement de listes de travailleurs et de syndicalistes par la police en vue de leur arrestation, de leur emprisonnement et de leur détention, ainsi que sur de nombreux décès à la suite d’interventions des forces militaires et policières lors de manifestations pacifiques, dont le meurtre de dirigeants syndicaux.
  2. 274. La CSI allègue en particulier que le 20 août 2023, le Conseil d’administration de l’État dirigé par les militaires a publié la notification no 161 (jointe à la plainte) en vue d’établir un comité directeur en réponse à la commission d’enquête de l’OIT sur le Myanmar, qui vise en particulier à coordonner des actions «contre des organisations telles que la Confédération des syndicats du Myanmar (CTUM), qui incite les acteurs internationaux à faire pression sur le Myanmar et à organiser des manifestations en se servant du forum de l’OIT».
  3. 275. Les libertés civiles fondamentales essentielles à l’exercice de la liberté syndicale n’ont pas été rétablies et les syndicalistes arrêtés et détenus arbitrairement sont toujours emprisonnés, tandis que des travailleurs supplémentaires ont été arrêtés au titre de différentes lois pénales pour des actes liés à leurs activités syndicales légitimes. La CSI renvoie en particulier à la nouvelle peine de sept ans d’emprisonnement assortie de travaux forcés prononcée par le tribunal militaire de Dagon Sud à l’encontre du secrétaire général de la Fédération des syndicats de l’industrie, de l’artisanat et des services du Myanmar (MICS-TUF), Thet Hnin Aung, à la suite de sa nouvelle arrestation après sa sortie de la prison de Insein, le 23 juin 2023.
  4. 276. La situation des syndicalistes forcés à se cacher ou à s’exiler et dont les passeports ont été annulés ou la citoyenneté retirée reste inchangée à ce jour. La situation n’a pas non plus évolué pour les organisations syndicales, à tous les niveaux, ayant été dissoutes, souvent remplacées par des syndicats dominés par les employeurs ou par des comités sur le lieu de travail qui ne représentent pas véritablement les intérêts des travailleurs. La CSI ajoute que les personnes ayant commis des crimes graves contre des syndicalistes, y compris des actes de violence sexuelle, des tortures ou des meurtres, n’en ont pas subi la moindre conséquence.
  5. 277. La CSI insiste sur le fait qu’au Myanmar, les travailleurs n’ont aucune possibilité réelle d’exercer leur droit syndical et d’organisation, que ce soit en droit ou en pratique. La législation et les ordonnances promulguées par le Conseil d’administration de l’État dirigé par les militaires restent en vigueur, tandis que l’état d’urgence a été imposé dans de nouveaux cantons. Les zones industrielles du pays, qui produisent des biens pour des marques renommées du monde entier, restent sous le régime de la loi martiale. L’environnement de travail est coercitif et empêche les travailleurs d’exercer leurs droits syndicaux, parmi d’autres libertés civiles. La CSI donne l’exemple d’une usine où 48 travailleurs ont tenté de constituer un syndicat afin d’améliorer les conditions de travail en septembre 2023. Ils ont demandé l’enregistrement de l’organisation syndicale de base, mais l’armée a transféré leurs données personnelles à l’employeur, qui a ensuite licencié 41 des travailleurs. Cinq soldats sont entrés dans une autre usine en octobre 2023, ont convoqué sept travailleurs qui s’étaient plaints à propos de vol de salaire, et les ont accusés d’organiser une manifestation et d’inciter aux émeutes. Les travailleurs ont été arrêtés et contraints de signer un engagement à s’abstenir de prendre part à des actions similaires à l’avenir. Les soldats les ont menacés de les accuser pour motifs politiques et de les faire emprisonner s’ils refusaient de signer le document. Plusieurs autres cas ont été rapportés, en instance jusqu’à ce jour.
  6. 278. Selon la CSI, les arrestations et les extorsions arbitraires par les militaires sont systématiques depuis l’entrée en vigueur des lois sur la conscription, tandis que selon des témoignages, plus de 4 600 personnes ont été tuées par les militaires depuis février 2021, dont 659 femmes et 490 enfants, le nombre réel de morts étant beaucoup plus élevé. Plus de 20 000 opposants aux militaires, dont 3 909 femmes, sont en détention.
  7. 279. Le 10 février 2024, la junte militaire derrière le Conseil d’administration de l’État a promulgué la loi relative au service militaire (2010) permettant la conscription obligatoire des hommes (âgés de 17 à 35 ans) et des femmes (âgées de 18 à 27 ans). Cette loi vise à légitimer les pratiques de recrutement forcé de civils dans des entraînements militaires et d’enrôlement dans des milices, qui ont cours depuis le coup d’État. Quatorze millions de jeunes dans le pays, parmi lesquels 7,7 millions de femmes et 6,3 millions d’hommes, soit 26 pour cent de la population, seront contraints de se soumettre au service militaire, qui durera entre 24 et 36 mois s’ils sont considérés comme des «experts» susceptibles de fournir des services techniques à l’armée. La durée du service peut être prolongée jusqu’à cinq ans au plus en cas de situation d’urgence (article 3). Toute personne qui se soustrait à l’ordre de conscription est passible d’une peine d’emprisonnement de cinq ans.
  8. 280. L’article 21(a) de la loi relative au service militaire impose la conscription obligatoire de la population pour une période prolongée dans le cadre du programme du service national, qui comporte du travail et des activités non militaires au titre d’«états d’urgence» indéfinis et formulés en termes vagues. La vaste portée de la conscription telle que décrite dans la loi dépasse largement les exceptions prévues dans l’article 2 (2) a) de la convention no 29. La CTUM, l’Alliance des travailleurs du Myanmar (MLA) et le gouvernement d’unité nationale ont dénoncé la conscription, dont le but est de forcer les jeunes civils à défendre le régime militaire qu’ils rejettent depuis trois ans par le biais de moyens pacifiques et de manifestations publiques. Selon la cartographie établie par la CTUM, un mois après l’entrée en vigueur de la loi, des cas d’enrôlement forcé dans des entraînements militaires ont été signalés dans 25 cantons. Dans les États shan et kachin, ainsi que dans les régions de Magway, Mandalay, Sagaing, Bago et Yangon, des soldats se postaient à des postes de contrôle et, le long des routes principales, arrêtaient les jeunes passants et les voitures à la recherche de jeunes qu’ils emmenaient avec eux. Selon les informations disponibles, entre le 11 et le 14 février, 80 personnes de 6 cantons de la région de Mandalay ont été emmenées par des soldats. Certaines ont été détenues au secret, sans contact avec leur famille, tandis que d’autres ont été détenues pendant des heures dans les locaux de l’administration de la circonscription ou au poste de police avant que leurs proches ne paient en échange de leur libération.
  9. 281. Des syndicalistes, des étudiants, des militants, ainsi que des fonctionnaires, des cheminots et des travailleurs des secteurs de l’habillement et de la santé, qui ont été licenciés, placés sur liste noire ou expulsés de leurs dortoirs pour avoir participé à des grèves, fuient le pays. La pratique de l’enrôlement forcé de jeunes dans des entraînements militaires est en augmentation. Dans la région de Yangon, les directions d’usines demandent aux travailleurs de remplir et de renvoyer le formulaire d’enrôlement biométrique du département du conseil militaire chargé de l’immigration et du travail. Le 13 février, 17 ouvriers âgés de 18 ans ont été convoqués alors qu’ils se trouvaient dans leurs dortoirs dans la zone industrielle 1 du canton de Dagon Sud, par une équipe conjointe de militaires, de policiers et de fonctionnaires de l’administration du canton.
  10. 282. Dans les régions où les conflits entre les milices et les organisations ethniques armées se sont intensifiés, comme dans le canton de Naung Tayar, dans l’État shan, les villageois sont menacés par les soldats d’être utilisés comme porteurs s’ils tentent de quitter le village. La CSI formule des allégations détaillées concernant le traitement des Rohingyas et des peuples autochtones dans la mise en œuvre de la loi. La CSI ajoute qu’un grand nombre de jeunes et d’ouvriers de l’État rakhine ont été arrêtés par les militaires et la police à leur retour de Yangon. Le 18 février, 76 d’entre eux ont été arrêtés à leur arrivée à l’aéroport de Kyaukphyu. Le lendemain, 26 autres ont été arrêtés dans le même aéroport et le 20 février, une centaine de jeunes ont été arrêtés à un poste de contrôle du canton de Shwe Phyi Thar de la région de Yangon, principalement des travailleurs qui rentraient dans l’État rakhine en bus.
  11. 283. Ces récents événements, qui enfreignent les droits syndicaux, les libertés civiles et l’interdiction du travail forcé, sapant davantage la possibilité d’un environnement propice à l’exercice effectif du droit de liberté syndicale, ont lieu dans le contexte de la publication du rapport de la commission d’enquête de l’OIT, auquel les autorités militaires ont répondu le 29 février 2024, déclarant qu’elles acceptaient les recommandations formulées et qu’elles avaient progressé dans l’application des conventions nos 87 et 29. Les autorités militaires n’ont montré aucune preuve que des mesures avaient été prises pour mettre fin à la violence et pour revenir sur les lois et les pratiques précisées dans les recommandations de la commission d’enquête (paragr. 642-645).
  12. 284. Pour conclure, la CSI prie instamment le comité d’ignorer toute déclaration des autorités militaires du Myanmar affirmant le respect par ce dernier des obligations qui lui incombent au titre de ces deux conventions, étant donné la non reconnaissance par l’Assemblée générale des Nations Unies et par la Conférence internationale du Travail, et plutôt d’engager vivement ces autorités à révoquer immédiatement la loi relative au service militaire et à cesser le recrutement militaire et l’enrôlement forcé en vertu de cette loi, ainsi qu’à interrompre ou révoquer sans délai les mesures ou actions contraires aux obligations qui incombent au Myanmar au titre des conventions nos 87 et 29, spécifiées dans les recommandations de la commission d’enquête.

C. Réponse du Myanmar

C. Réponse du Myanmar
  1. 285. Dans sa communication datée du 12 avril 2024, la mission permanente à Genève transmet des informations du ministère du Travail indiquant que ce dernier a mené de vastes campagnes de sensibilisation pour s’assurer que les employeurs et les travailleurs soient bien informés de leur droit à constituer des syndicats, conformément à la loi de 2011 sur l’organisation du travail. Entre décembre 2023 et février 2024, des ateliers de sensibilisation ont été menés dans 268 ateliers et usines, auxquels 16 860 travailleurs et employeurs ont pris part. En outre, le ministère dirige actuellement la distribution de livrets pédagogiques relatifs à la loi sur l’organisation du travail, afin de veiller à ce qu’elle soit connue des travailleurs. Les travailleurs qui souhaitent se constituer en syndicats ont le droit de le faire dans le respect de la loi, le ministère traitant les demandes sans délai ni restriction. En 2024, en date du 1er avril, deux nouvelles organisations syndicales de base avaient été enregistrées et des certificats ont été délivrés aux syndicats GTIG Guohua Glory Garment et Gysen Garment dans le canton de Shwepyithar (État de Yangon).
  2. 286. Afin de résoudre les conflits relatifs à la négociation collective et les conflits du travail susceptibles de survenir dans les usines et les ateliers, les employeurs, les travailleurs et les départements pertinents collaborent pour s’assurer que les employeurs résolvent les conflits conformément au droit du travail, dont l’application relève du ministère du Travail, au lieu de déposer plainte directement auprès des forces de police du Myanmar en vue d’une résolution. Les autorités militaires déclarent n’avoir ni modifié les dispositions de la législation ni présenté de nouvelles lois en lien avec les questions relatives au travail. Les mécanismes pertinents destinés à faire appliquer les lois relatives au travail fonctionnent, et il n’y a donc aucune raison de considérer que, sur le plan législatif, le Myanmar ne respecte pas les conventions de l’OIT qu’il a ratifiées. Les autorités militaires ajoutent qu’en réponse aux recommandations de la commission d’enquête, elles ont indiqué que certaines recommandations de nature législative seront examinées conformément à leurs procédures internes.
  3. 287. En ce qui concerne le «mouvement de désobéissance civile», les autorités militaires répètent que le mouvement appelle tous les travailleurs, y compris les fonctionnaires, à interrompre pour une durée indéterminée la fourniture de services, notamment des services publics essentiels tels que les soins de santé à la population. La loi sur l’organisation du travail dispose que les grèves sont illégales si elles touchent des services essentiels et ceux dont l’interruption est susceptible de compromettre la vie, la santé et la sécurité de la population. Il est internationalement reconnu que le droit de grève n’est pas absolu et qu’il peut être soumis à certaines conditions ou restrictions légales dans les services essentiels. La durée des grèves est un autre élément qui entre en considération, et certains pays font le choix d’interdire une grève dans un service lorsque, par sa durée, elle crée un état de fait qui s’apparente à une situation d’urgence pour l’ensemble de la population.
  4. 288. Les autorités militaires indiquent que certains fonctionnaires ont été suspendus ou licenciés après avoir non pas exercé leurs droits légalement, mais pris part au «mouvement de désobéissance civile» en commettant des infractions telles que la négligence de leurs devoirs, l’abandon de leur poste de travail, la violation des règles de la fonction publique en matière de temps de travail et l’absence sans congé. Conformément à la loi sur le personnel de la fonction publique et au règlement qui l’accompagne, une enquête départementale a été ouverte; les mesures disciplinaires appropriées ont été prononcées contre les personnes reconnues coupables d’infractions, et celles dont l’innocence a été prouvée ont réintégré leurs départements respectifs. Si les fonctionnaires sont insatisfaits des peines ou des mesures disciplinaires prononcées à leur encontre, ils peuvent faire appel conformément à la loi sur le personnel de la fonction publique et son règlement.
  5. 289. Les autorités militaires ajoutent à cet égard que selon le ministère de l’Éducation, 119 615 fonctionnaires ont été licenciés pour absence sans congé, sans motif suffisant au titre de la loi sur le personnel de la fonction publique. Après avoir fait appel des décisions les concernant, 7 904 fonctionnaires ont réintégré leurs postes. En novembre 2023, un total de 6 120 membres du personnel de santé avaient été réintégrés et le ministère de la Santé s’occupait également des personnes faisant l’objet de poursuites judiciaires en collaboration avec les chefs de service concernés, les départements administratifs locaux et les parties poursuivantes dans le cadre de leurs procédures.
  6. 290. Les autorités militaires rappellent que les fonctionnaires ont le droit de saisir un juge, de se défendre et de faire appel en ce qui concerne les sanctions disciplinaires prononcées à leur encontre pour non respect du code de conduite et pour manquement à la discipline et au devoir, conformément à la loi sur le personnel de la fonction publique.
  7. 291. Le Myanmar fournit également des renseignements supplémentaires au sujet des personnes suivantes:
    • a) Le 3 mars 2021, un rapport préliminaire de police (no 62/2021) a été établi contre Daw Myo Myo Aye au poste de police du canton de Shwe Pyi Thar, en vertu de l’article 505 A du Code pénal. Elle a été arrêtée le 15 avril 2021 et son dossier a été transmis à un tribunal. L’ordonnance no 147/2021 du Conseil d’administration de l’État a ensuite entraîné le classement de l’affaire, et Daw Myo Myo Aye a été relâchée le 18 octobre 2021.
    • b) Le 14 mars 2021, un groupe de quelque 200 émeutiers a attaqué le bureau de l’administration situé à Bayin Naung Road, dans la sixième circonscription du canton de Shwe Pyi Thar, avec des épées, des bâtons et des cocktails Molotov et a mis le feu en se livrant à des violences. Les forces de sécurité ont pris les mesures nécessaires. Parmi la foule, Zaw Zaw Htwe, 21 ans, travailleuse de l’entreprise SUNTIME JCK Co., Ltd, a été blessée et est morte de ses blessures. La déclaration de décès no 15/2021 a été enregistrée au poste de police de Shwe Pyi Thar et transmise au tribunal du canton de Shwe Pyi Thar. Le 18 mars 2022, le tribunal a rendu une ordonnance déclarant que le décès était survenu du fait des mesures antiémeutes prises conformément à l’article 76 du Code pénal.
    • c) Le secrétaire général de la Fédération des syndicats de l’industrie, de l’artisanat et des services du Myanmar (MICS-TUF), Thet Hnin Aung, a été arrêté le 15 juin 2021 au poste de contrôle conjoint du canton de Paund (État mon). Il a été révélé qu’il recevait l’aide financière de Khin Kyaw, dirigeant du groupe armé «UNRA» et qu’il conduisait 12 participants à un entraînement terroriste de la force de défense populaire organisé dans la zone de la brigade 5 de l’Union nationale Karen (KNU). Il a été inculpé au titre de l’article 17(1) de la loi sur les associations illégales. Le 5 décembre 2022, Thet Hnin Aung a été condamné à une peine de deux ans d’emprisonnement et à une amende de 20 000 kyats. Thet Hnin Aung a été relâché le 23 mars 2023 après avoir purgé sa peine. Il a en outre été vérifié que Thet Hnin Aung avait envoyé 4 amis et 11 jeunes assister à l’entraînement terroriste de la force de défense populaire situé près du village de War Mee Koe, dans la zone de la brigade 5 de la KNU. En outre, il a également été découvert que Thet Hnin Aung avait pris la tête des émeutes à Mandalay en rédigeant un texte incitatif. Pour ces motifs, il a été inculpé au titre de l’article 52(a) de la loi sur la lutte contre le terrorisme et de l’article 505 A du Code pénal, et le 15 novembre 2023, Thet Hnin Aung a été condamné à une peine de sept ans d’emprisonnement pour ces deux affaires, au motif de sa participation à des activités illégales, conformément à la loi.
  8. 292. Par la suite, dans une communication reçue le 27 mai 2024, la mission permanente à Genève a transmis des informations en réponse aux allégations supplémentaires de la CSI, dans lesquelles elle affirme que les autorités militaires ne facilitent les demandes de dissolution des organisations syndicales que sur demande des comités exécutifs des organisations syndicales respectives et que des plans d’action ont été mis en place pour garantir la libre organisation des organisations syndicales dans tout le pays. En plus des informations fournies précédemment sur le nombre d’organisations syndicales dans le pays, deux organisations syndicales de l’habillement de base nouvellement formées ont reçu des certificats en 2024.
  9. 293. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle l’armée a transmis à l’employeur des informations personnelles sur des travailleurs qui tentaient de former une organisation et qu’ils ont ensuite été licenciés, les autorités militaires déclarent qu’elles ne sont pas en mesure de répondre car aucun fait significatif, tel que le nom de l’usine et la date, n’a été fourni. En ce qui concerne les allégations relatives à l’enrôlement militaire par la direction de l’usine, il est indiqué que ces allégations sont basées sur de fausses nouvelles diffusées par des médias en exil visant à les discréditer le gouvernement et à engendrer des préoccupations inutiles parmi le public et les travailleurs des zones industrielles à la suite de la promulgation de la loi sur le service militaire populaire et qu’aucune inspection de ce type n’a été effectuée dans la zone industrielle ce jour-là.
  10. 294. Le 24 février 2024, le porte-parole de l’équipe d’information a annoncé que toute personne ayant connaissance d’un recrutement forcé peut déposer une plainte auprès de l’organe central et que le premier groupe de formation est composé uniquement de volontaires, et qu’il n’y a donc pas de recrues bengalies.
  11. 295. Enfin, iIl convient de rappeler que la loi de 2011 sur l’organisation du travail définit le cadre de l’exercice de la liberté syndicale par les travailleurs et que la loi sur le règlement des conflits du travail exige la mise en place de comités de coordination sur le lieu de travail (WCC) pour résoudre les conflits du travail. Les conflits d’intérêts qui ne peuvent être résolus par les comités de coordination sur le lieu de travail sont soumis aux organes de conciliation des cantons, aux organes d’arbitrage et au conseil d’arbitrage tripartite.
  12. 296. Dans une communication reçue le 29 mai 2024, les autorités militaires font référence aux allégations concernant le travail forcé et les dispositions de la convention sur le travail forcé. Les autorités militaires déclarent que la loi sur le service militaire populaire a été promulguée en tenant compte de cette convention. Elles contestent les allégations comme étant inexactes et principalement basées sur des affirmations d’organisations anti-gouvernementales. Ces allégations visent à ternir la réputation de la Tatmadaw et doivent être considérées comme infondées. Si des violations se produisaient, des mesures seraient prises à l’encontre des auteurs quel que soit leur grade conformément à la loi.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 297. Le comité rappelle que les graves allégations du présent cas concernent de nombreuses attaques des autorités militaires contre des syndicalistes, des travailleurs et des fonctionnaires qui demandent le retour à un régime civil depuis le coup militaire au Myanmar du 1er février 2021. Ces graves allégations portent sur des meurtres, des actes de torture et autres brutalités commis contre des syndicalistes et des travailleurs qui ont participé au mouvement de désobéissance civile. Le présent cas concerne en outre de graves allégations d’arrestations, d’emprisonnement et de mise en détention de nombreux travailleurs et syndicalistes pour leur participation à des manifestations pacifiques, et d’actes d’intimidation et de menaces par les forces de sécurité et les autorités militaires à l’encontre de travailleurs et de fonctionnaires qui manifestaient pour qu’ils reprennent le travail et renoncent à leur participation au mouvement de désobéissance civile, notamment par des licenciements, des suspensions, le recours au remplacement des grévistes et le retrait d’avantages sociaux.
  2. 298. Le comité prend note du rapport de la commission d’enquête («Vers la liberté et la dignité au Myanmar») nommée par le Conseil d’administration pour examiner les allégations de non respect par le Myanmar, entre autres conventions, de la convention no 87, adoptée le 4 août 2023. Le rapport met en lumière le lien crucial entre ses recommandations concernant la convention no 87 et le mandat plus large de l’OIT, et déclare que «La commission estime que la liberté syndicale est un élément fondamental de la démocratie et de l’état de droit et une condition préalable au dialogue social, à la négociation collective et à la coopération tripartite». Le comité constate que de nombreuses questions en jeu dans le présent cas ont été examinées par la commission d’enquête et que celle ci a confirmé, au terme d’un examen détaillé, plusieurs des préoccupations qu’il a exprimées dans le cadre de ce cas. Le comité observe à cet égard avec une profonde préoccupation les conclusions de la commission et prend dûment note de ses recommandations concernant les questions abordées dans le cas à l’examen, à savoir l’appel aux autorités militaires de faire cesser sur le champ toute forme de violence, notamment la violence fondée sur le genre, la torture et autres traitements inhumains infligés à des dirigeants syndicaux, des membres syndicaux ou d’autres personnes en relation avec l’exercice d’activités légitimes par des travailleurs ou des employeurs, y compris en particulier les violences commises dans le cadre de la répression de protestations et de manifestations publiques pacifiques, lors de l’arrestation ou de la détention, ainsi que les attaques militaires contre des infrastructures civiles, qui, par leur effet conjugué, créent un climat de violence et de terreur qui compromet l’exercice effectif de la liberté syndicale. S’agissant des questions législatives, la commission a appelé les autorités militaires à annuler toutes les ordonnances militaires ou autres dispositions décrétées depuis février 2021 et considérées comme attentatoires à la liberté syndicale et aux libertés civiles fondamentales des syndicalistes, ainsi qu’à révoquer les retraits de citoyenneté frappant des dirigeants et des membres syndicaux et à restituer sans délai leurs documents de voyage aux personnes concernées. Enfin, la commission a appelé à cesser toute forme d’ingérence dans l’établissement, l’administration et le fonctionnement des syndicats à tous les niveaux, notamment en ce qui concerne l’élection de dirigeants syndicaux, le règlement des différends du travail, la conduite d’actions collectives et la dissolution ou la suspension administrative de syndicats.
  3. 299. Le comité prend note avec une profonde préoccupation des dernières informations fournies par les organisations plaignantes dans leur communication datée d’avril 2024 concernant de nombreuses attaques des autorités militaires, et notamment des actes d’intimidation et des menaces contre des syndicalistes, des travailleurs et des fonctionnaires pour qu’ils reprennent leur travail et renoncent à participer au mouvement de désobéissance civile, la suspension de postes et le recours au remplacement de grévistes, le retrait d’avantages sociaux et de certificats de compétence professionnelle, l’établissement de listes de travailleurs et de syndicalistes par la police en vue de leur arrestation, de leur emprisonnement et de leur détention, ainsi qu’au sujet de nombreux décès à la suite d’interventions des forces militaires et policières lors de manifestations pacifiques, dont le meurtre de dirigeants syndicaux. Les organisations plaignantes affirment que les libertés civiles fondamentales nécessaires à l’exercice de la liberté syndicale n’ont pas été rétablies et que les syndicalistes détenus arbitrairement sont toujours emprisonnés, tandis que des travailleurs supplémentaires ont été arrêtés au titre de différentes lois pénales pour des actes liés à leurs activités syndicales légitimes.
  4. 300. La CSI attire en outre l’attention sur les attaques perpétrées contre le principal mouvement syndical au moyen de la notification no 161 publiée le 20 août 2023 par le Conseil d’administration de l’État, dirigé par les militaires, en vue d’établir un comité directeur en réponse à la commission d’enquête de l’OIT sur le Myanmar, qui vise en particulier à coordonner des actions «contre des organisations telles que la Confédération des syndicats du Myanmar (CTUM), qui incite les acteurs internationaux à faire pression sur le Myanmar et à organiser des manifestations en se servant du forum de l’OIT». Le comité se doit d’exprimer sa plus profonde préoccupation devant toute mesure de représailles visant la CTUM pour avoir eu recours au mécanisme de contrôle de l’OIT, qui tire sa légitimité de la Constitution, et rappelle que la Conférence internationale du Travail a signalé que le droit de réunion, la liberté d’opinion et d’expression et, en particulier, le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de divulguer, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit constituaient des libertés civiles qui sont essentielles à l’exercice normal des droits syndicaux (Résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, adoptée à la 54e session, 1970). [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 77.] Le comité rappelle en outre la décision du Conseil d’administration prenant note du rapport de la commission d’enquête et exhorte lui aussi les autorités militaires à s’abstenir de tout acte de représailles contre toute personne ou organisation ayant fourni des informations à la commission d’enquête ou continuant de prendre part aux procédures de l’OIT pour assurer le suivi des recommandations de la commission.
  5. 301. En ce qui concerne la condamnation et la détention de dirigeants syndicaux, la CSI renvoie en particulier à la nouvelle peine prononcée par le tribunal militaire de Dagon Sud de sept ans d’emprisonnement assortie de travaux forcés à l’encontre du secrétaire général de la Fédération des syndicats de l’industrie, de l’artisanat et des services du Myanmar (MICS TUF), Thet Hnin Aung, à la suite de sa nouvelle arrestation après sa sortie de la prison de Insein, le 23 juin 2023. Le comité prend note des informations fournies par les autorités militaires concernant deux syndicalistes parmi les dizaines d’autres qui auraient été arrêtés précédemment. Selon les militaires, Daw Myo Myo Aye a été relâchée en octobre 2021. En ce qui concerne Thet Hnin Aung, les autorités militaires indiquent qu’il a été arrêté au poste de contrôle conjoint du canton de Paund (État mon) le 15 juin 2021, où il a été révélé qu’il recevait l’aide financière de Khin Kyaw, dirigeant du groupe armé «UNRA» et qu’il conduisait 12 participants à un entraînement terroriste de la force de défense populaire. Il a été inculpé au titre de l’article 17(1) de la loi sur les associations illégales et a été condamné à une peine de deux ans d’emprisonnement et à une amende de 20 000 kyats le 5 décembre 2022. Après sa libération le 23 mars 2023, les autorités militaires déclarent qu’il a en outre été vérifié qu’il avait envoyé 4 amis et 11 jeunes fréquenter une autre école d’entraînement terroriste de la force de défense populaire et qu’il avait pris la tête des émeutes à Mandalay en rédigeant un texte incitatif. Il a donc été inculpé au titre de l’article 52(a) de la loi sur la lutte contre le terrorisme et de l’article 505-A du Code pénal, et, le 15 novembre 2023, a été condamné à une peine de sept ans d’emprisonnement pour sa participation à des activités illégales, conformément à la loi.
  6. 302. Le comité se doit de rappeler la profonde préoccupation qu’il avait exprimée lors de son précédent examen du cas concernant l’article 505-A du Code pénal, qui a été modifié par les autorités militaires dans le sens d’une formulation large permettant de menacer et de sanctionner toute personne qui critique l’action militaire et a donc appelé à son abrogation. Le comité note qu’au cours de son premier procès, Thet Hnin Aung a été inculpé au titre de la loi sur les associations illégales et qu’en deuxième instance, pour des actions décrites de façon similaire par le gouvernement, il a été inculpé au titre de la loi sur la lutte contre le terrorisme et de l’article 505-A du Code pénal devant un tribunal militaire, lors d’un procès qui a été décrit comme inéquitable. Le comité déplore profondément les circonstances de ce procès et l’absence de décision judiciaire concernant la nature précise de sa condamnation. Il rappelle sa recommandation précédente visant à ce que des mesures soient prises sans délai pour assurer la libération immédiate des syndicalistes ou des travailleurs arrêtés ou détenus au motif d’actions visant le rétablissement de leurs droits syndicaux et de la démocratie dans le pays, ainsi que l’appel lancé par le Conseil d’administration de l’OIT aux autorités militaires en faveur de la libération de Thet Hnin Aung, et demande à être tenu informé de toutes les mesures prises à cette fin, et à recevoir une copie du jugement rendu à l’encontre de Thet Hnin Aung.
  7. 303. Le comité prend note des autres allégations des organisations plaignantes indiquant que les personnes ayant commis des crimes graves contre des syndicalistes, y compris des actes de violence sexuelle, de torture ou des meurtres, n’en ont pas subi la moindre conséquence, tandis que la situation des syndicalistes forcés à se cacher ou à s’exiler et dont les passeports ont été annulés ou la citoyenneté retirée reste inchangée à ce jour. En outre, la situation n’a pas évolué pour les organisations syndicales à tous les niveaux ayant été dissoutes, souvent remplacées par des syndicats dominés par les employeurs ou par des comités sur le lieu de travail qui ne représentent pas véritablement les intérêts des travailleurs.
  8. 304. En ce qui concerne le meurtre de syndicalistes et de militants ouvriers, le comité regrette profondément que les autorités militaires n’aient pas fourni d’informations détaillées au sujet de ces graves allégations, autres que concernant un seul meurtre sur plus d’une vingtaine présumés lors de son précédent examen du cas [voir 397e rapport, paragr. 560], et en l’occurrence, (Zaw Zaw Htwe) indiquant seulement que la victime faisait partie d’un groupe d’émeutiers et que le tribunal a rendu une ordonnance le 18 mars 2022 déclarant que le décès était survenu du fait des mesures antiémeutes prises conformément à l’article 76 du Code pénal. Le comité se doit de souligner avec la plus grande fermeté que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et qu’il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. [Voir Compilation, paragr. 84.] Le comité prie à nouveau instamment les autorités militaires responsables de cesser immédiatement de recourir à la violence contre les travailleurs et syndicalistes prenant part à des manifestationtants pacifiques et de faire diligenter des enquêtes indépendantes sur les allégations de violence à leur encontrecontre des syndicalistes et des travailleurs, afin que les responsabilités soient déterminées et les auteurs punis. Le comité les prie de lui fournir des informations détaillées sur les mesures prises à cet égard et sur le résultat des enquêtes. Le comité, notant en outre la question des retraits de citoyenneté frappant des syndicalistes, soulevée dans les conclusions de la Commission de l’application des normes et dans les recommandations de la commission d’enquête, appelle les autorités militaires à rendre leur citoyenneté aux syndicalistes et aux travailleurs concernés, et à le tenir informé des mesures prises à cet égard.
  9. 305. Le comité regrette en outre que les autorités militaires n’aient fourni aucune information concernant ses recommandations antérieures visant à modifier ou à abroger les dispositions de la législation et les décrets qu’elles ont publiés et qui ont été mis en évidence comme contraires à la liberté syndicale. Le comité se doit par conséquent d’exhorter à nouveau les autorités militaires à abroger et à modifier l’article 505-A du Code pénal, l’article 124 du Code de procédure pénale, et l’article 38(c) de la loi sur les transactions électroniques, à révoquer les pouvoirs de surveillance rétablis dans les circonscriptions et les villages au titre de la version révisée de la loi sur l’administration des circonscriptions et des groupes de villages et à retirer la déclaration frappant des syndicats d’illégalité, en vue de garantir le plein respect des libertés civiles fondamentales nécessaires à l’exercice de la liberté syndicale, de sorte que les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent exercer leurs activités et leurs fonctions en toute sécurité, sans être exposées à des menaces d’intimidation ou de violence.
  10. 306. Le comité prend bonne note des conclusions générales formulées par les organisations plaignantes indiquant qu’au Myanmar, les travailleurs n’ont aucune possibilité réelle d’exercer leur droit syndical et d’organisation, que ce soit en droit ou en pratique. La législation et les ordonnances promulguées par le Conseil d’administration de l’État dirigé par les militaires restent en vigueur, tandis que l’état d’urgence a été imposé dans de nouveaux cantons. Les zones industrielles du pays, qui produisent des biens pour des marques renommées du monde entier, restent sous le régime de la loi martiale et les organisations plaignantes donnent des exemples de situations dans lesquelles les travailleurs, dans cet environnement coercitif, ne peuvent exercer leurs droits syndicaux, parmi d’autres libertés civiles. Des syndicalistes, des étudiants, des militants, ainsi que des fonctionnaires, des cheminots et des travailleurs des secteurs de l’habillement ou de la santé, qui ont été licenciés, placés sur liste noire ou expulsés de leurs dortoirs pour avoir participé à des grèves, fuient le pays. La CSI fait en outre référence à des mesures généralisées de recrutement forcé dans l’armée au moyen de la loi relative au service militaire.
  11. 307. S’agissant des allégations de représailles et de sanctions à l’encontre de fonctionnaires n’ayant pas repris leurs fonctions, le comité note que les autorités militaires réaffirment que le mouvement de désobéissance civile a appelé tous les travailleurs, y compris les fonctionnaires et les travailleurs de services publics essentiels, à interrompre la fourniture de services. Conformément à la loi sur le personnel de la fonction publique et au règlement qui l’accompagne, une enquête départementale a été ouverte; les mesures disciplinaires appropriées ont été prises à l’encontre des personnes reconnues coupables d’infractions, et celles dont l’innocence a été prouvée ont réintégré leurs départements respectifs. Si les fonctionnaires sont insatisfaits des peines ou des mesures disciplinaires prononcées à leur encontre, ils peuvent faire appel conformément à la loi sur le personnel de la fonction publique et son règlement. Les autorités militaires ajoutent à cet égard que selon le ministère de l’Éducation, sur les 119 615 fonctionnaires licenciés pour absence sans congé, sans motif suffisant, 7 904 fonctionnaires ont réintégré leurs postes après avoir fait appel des décisions les concernant. En novembre 2023, un total de 6 120 membres du personnel de santé avaient été réintégrés et le ministère de la Santé s’occupait également des personnes faisant l’objet de poursuites judiciaires en collaboration avec les chefs de service concernés, les départements administratifs locaux et les parties poursuivantes dans le cadre de leurs procédures.
  12. 308. S’agissant des mesures de représailles à l’encontre de fonctionnaires qui ont participé au mouvement de désobéissance civile, le comité rappelle les conclusions de son précédent examen indiquant que, pour que la contribution des syndicats et des organisations d’employeurs ait le degré voulu d’utilité et de crédibilité, il est nécessaire que leur activité se déroule dans un climat de liberté et de sécurité. Ceci implique que, dans une situation où ils estimeraient ne pas jouir des libertés essentielles pour mener à bien leur mission, les syndicats et les organisations d’employeurs seraient fondés à demander la reconnaissance et l’exercice de ces libertés et que de telles revendications devraient être considérées comme entrant dans le cadre d’activités syndicales légitimes. [Voir Compilation, paragr. 75.] Le comité prend bonne note des informations fournies concernant le nombre de fonctionnaires ayant réintégré leurs postes et demande aux autorités responsables de continuer à prendre des mesures pour garantir la réintégration de tous les fonctionnaires, les travailleurs du secteur de la santé et les enseignants restants qui ont été licenciés ou suspendus pour avoir participé au mouvement de désobéissance civile et de rétablir tous les avantages qui ont pu être retirés.
  13. 309. Prenant dûment note des dernières allégations relatives à un climat général dans lequel il n’est pas possible d’exercer la liberté syndicale et notant que les autorités militaires n’ontle gouvernement n’a fourni aucune information relative à la recommandation restante visant à garantir un climat propice au plein exercice de la liberté syndicale pour tous les travailleurs des secteurs public et privé autre que de se référer au cadre fourni par la loi sur l’organisation du travail et la loi sur le règlement des conflits du travail, le comité appelle à nouveau le Myanmar à adopter les dispositions appropriées à cet égard et à le tenir informé des mesures spécifiques qu’il aura prises.
  14. 310. En conclusion, le comité déplore les nombreuses mesures prises en vue de réprimer les droits syndicaux depuis son précédent examen du cas et la prolongation et l’élargissement de l’état d’urgence, qui ont entraîné le déni absolu de toute protection possible des libertés civiles nécessaires à l’exercice par les travailleurs et les employeurs de leurs activités syndicales en toute sécurité et en toute liberté. Le comité prie instamment les autorités militaires de reconnaître pleinement l’importance cruciale de garantir ces droits et libertés aux travailleurs et aux employeurs du pays, comme condition nécessaire au rétablissement de la démocratie et à l’exercice des activités syndicales, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour créer un climat propice à ce que la liberté syndicale soit pleinement et véritablement rétablie au Myanmar.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 311. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité exhorte les autorités militaires à s’abstenir de tout acte de représailles contre toute personne ou organisation ayant fourni des informations à la commission d’enquête ou continuant de prendre part aux procédures de l’OIT pour assurer le suivi des recommandations de la commission.
    • b) Le comité rappelle sa recommandation précédente visant à ce que des mesures soient prises sans délai pour assurer la libération immédiate des syndicalistes ou des travailleurs arrêtés ou détenus au motif d’actions visant le rétablissement de leurs droits syndicaux et de la démocratie dans le pays, ainsi que l’appel lancé aux autorités militaires en faveur de la libération de Thet Hnin Aung, et demande à être tenu informé de toutes les mesures prises à cette fin, et à recevoir une copie du jugement rendu à l’encontre de Thet Hnin Aung.
    • c) Le comité prie à nouveau instamment les autorités militaires responsables de cesser immédiatement de recourir à la violence contre les travailleurs et les syndicalistes qui participent à des manifestations pacifiques et de faire diligenter des enquêtes indépendantes sur les allégations de violence à leur encontre, afin que les responsabilités soient déterminées et les auteurs punis. Le comité les prie de lui fournir des informations détaillées sur les mesures prises à cet égard et sur le résultat des enquêtes. Le comité, notant en outre la question des retraits de citoyenneté frappant des syndicalistes, soulevée dans les conclusions de la Commission de l’application des normes et dans les recommandations de la commission d’enquête, appelle les autorités militaires à rendre leur citoyenneté aux syndicalistes et aux travailleurs concernés, et à le tenir informé des mesures prises à cet égard.
    • d) Le comité exhorte à nouveau les autorités militaires à abroger et à modifier l’article 505-A du Code pénal, l’article 124 du Code de procédure pénale, et l’article 38(c) de la loi sur les transactions électroniques, à révoquer les pouvoirs de surveillance rétablis dans les circonscriptions et les villages au titre de la version révisée de la loi sur l’administration des circonscriptions et des groupes de villages et à retirer la déclaration frappant des syndicats d’illégalité, en vue de garantir le plein respect des libertés civiles fondamentales nécessaires à l’exercice de la liberté syndicale, de sorte que les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent exercer leurs activités et leurs fonctions en toute sécurité, sans être exposées à des menaces d’intimidation ou de violence.
    • e) Le comité demande aux autorités responsables de continuer à prendre des mesures pour garantir la réintégration de tous les fonctionnaires, les travailleurs du secteur de la santé et les enseignants restants qui ont été licenciés ou suspendus pour avoir participé au mouvement de désobéissance civile et de rétablir tous les avantages qui ont pu être retirés.
    • f) Rappelant l’importance de garantir un climat propice au plein exercice de la liberté syndicale pour tous les travailleurs des secteurs public et privé, le comité appelle à nouveau le Myanmar à adopter les dispositions appropriées à cet égard et à le tenir informé des mesures spécifiques qu’il aura prises.
    • g) Le comité prie instamment les autorités militaires de reconnaître pleinement l’importance cruciale de garantir ces droits et libertés aux travailleurs et aux employeurs du pays, comme condition nécessaire au rétablissement de la démocratie et à l’exercice des activités syndicales, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour créer un climat propice à ce que la liberté syndicale soit pleinement et véritablement rétablie au Myanmar.
    • h) Notant avec un profond regret que les autorités militaires n’ont pas mis en œuvre les recommandations de la Commission d’enquête et de ce comité et que la situation d’extrême violence et de répression persiste dans le pays, le comité attire l’attention du Conseil d’administration sur le caractère grave et urgent du présent cas, afin qu’il puisse envisager toute mesure supplémentaire pour assurer le respect de ces recommandations.
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