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Interim Report - Report No 396, October 2021

Case No 3210 (Algeria) - Complaint date: 26-APR-16 - Follow-up

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Allégations: L’organisation plaignante dénonce une campagne de harcèlement et les intimidations d’une entreprise du secteur de l’énergie à l’encontre de ses dirigeants et adhérents, le refus d’exécuter des décisions de justice de réintégration de travailleurs licenciés abusivement, ainsi que le refus des pouvoirs publics de faire cesser les violations des droits syndicaux

  1. 78. Le comité a examiné ce cas (présenté en 2016) pour la dernière fois à sa réunion d’octobre-novembre 2020 et il a présenté à cette occasion un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 392e rapport, approuvé par le Conseil d’administration lors de sa 340e session (octobre-novembre 2020), paragr. 178 à 216  .]
  2. 79. Le gouvernement a fourni ses observations dans une communication en date du 16 février 2021.
  3. 80. L’Algérie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 81. Lors de son examen antérieur du cas, le comité avait formulé les recommandations suivantes [voir 392e rapport, paragr. 216]:
    • Le comité attend du gouvernement qu’il prenne toutes les mesures nécessaires pour l’exécution sans délai supplémentaire des décisions de justice ou de l’inspection du travail concernant la réintégration des membres du SNATEG sans perte de rémunération. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard.
    • Le comité attend aussi du gouvernement qu’il prenne toutes les mesures nécessaires pour que les recours toujours en instance soient traités sans délai supplémentaire. Le comité prie le gouvernement ainsi que le plaignant de le tenir informé de tout fait nouveau concernant l’état des recours.
    • Le comité, notant avec préoccupation l’indication que Mme Sarah Benmaiche, comme sa famille, a fait l’objet d’intimidations qui l’ont conduite à se retirer de l’action syndicale, prie instamment le gouvernement de l’informer sans délai sur la situation professionnelle de cette dernière, notamment de préciser si elle a été réintégrée par l’entreprise. Par ailleurs, le comité prie le gouvernement d’indiquer si la Cour suprême a rendu sa décision dans l’affaire de licenciement de M. Abdallah Boukhalfa et de préciser la situation professionnelle de ce dernier.
    • Le comité attend du gouvernement qu’il établisse un climat de relations professionnelles harmonieux et stable où les dirigeants syndicaux peuvent exercer leurs activités de défense des intérêts de leurs membres sans crainte de poursuites pénales et d’emprisonnement.
    • Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter une enquête indépendante pour déterminer les circonstances ayant abouti à la décision administrative entérinant la dissolution du SNATEG malgré des éléments contraires présentés aux autorités. En outre, le comité, se référant aux recommandations formulées par la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail en juin 2019, s’attend à ce que le gouvernement revoie sans délai la décision de dissoudre le SNATEG et le prie instamment de le tenir informé de toute action entreprise dans ce sens.
    • Le comité attend du gouvernement qu’il veille au respect de la liberté syndicale durant l’intervention des forces de police lors de manifestations pacifiques.
    • Le comité exhorte le gouvernement à mettre en œuvre sans délai ses recommandations afin d’assurer au sein de l’entreprise un environnement où les droits syndicaux sont respectés et garantis pour toutes les organisations syndicales, et où les travailleurs ont la possibilité d’adhérer au syndicat de leur choix, d’élire leurs représentants et d’exercer leurs droits syndicaux sans crainte de représailles et d’intimidation.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 82. Dans une communication en date du 16 février 2021, le gouvernement fournit des réponses documentées aux recommandations du comité. S’agissant de la question de la réintégration des membres du SNATEG suite aux décisions de justice ou de l’inspection du travail (recommandation a)), le gouvernement indique que la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail avait cité 86 cas de licenciement et que des informations sur tous ces cas avaient été fournies à la commission lors de la Conférence en juin 2019, puis en octobre et novembre 2019. Le gouvernement fournit les éléments d’informations suivants concernant les dirigeants syndicaux qui, selon l’organisation plaignante, n’auraient toujours pas été réintégrés: i) M. Kouafi Abdelkader, secrétaire général, a été licencié pour abandon de poste et condamné pour diffamation; ii) le licenciement de M. Benarfa Wahid, président du bureau national de l’est, a été confirmé par un jugement du tribunal de Tebassa en juillet 2019, puis en appel; iii) le licenciement avec indemnisation de M. Araf Imad, président du bureau national du sud, a été confirmé par une décision du tribunal de Biskra de mai 2019; iv) M. Djeha Makhfi, président de la section syndicale MPVE, a été licencié pour faute professionnelle après comparution en conseil de discipline; ce dernier n’a pas intenté d’action en justice pour réclamer sa réintégration; v) le licenciement pour faute professionnelle de M. Benhadad Zakaria, membre du bureau national, a été confirmé par un jugement du tribunal de Mila en novembre 2018; vi) le licenciement pour faute professionnelle de M. Slimani Mohamed Amine Zakaria, président du Comité national des jeunes travailleurs, a été confirmé par un jugement du tribunal de Mila de décembre 2018; vii) le licenciement de M. Chertioua Tarek, président du comité de communication, a été confirmé par un jugement du tribunal de Mila de novembre 2018; viii) le licenciement pour faute professionnelle de M. Mekki Mohamed, membre du bureau national, a été confirmé par un jugement du tribunal d’El Attaf de décembre 2018; ix) M. Guebli Samir, président du bureau national du centre, a été licencié pour abandon de poste et n’a pas intenté d’action en justice à cet égard; x) le licenciement pour abus de confiance de M. Meziani Moussa, président de la Fédération nationale des travailleurs de la distribution de l’électricité et du gaz, a été confirmé par un jugement du tribunal de Bouira en avril 2018, puis en appel.
  2. 83. S’agissant des recommandations du comité en rapport avec la situation de Mme Sarah Benmaiche, membre du comité des femmes du syndicat, le gouvernement indique qu’il ressort des informations fournies que cette dernière a été licenciée pour faute professionnelle du troisième degré (violences verbales, injures, propos grossiers à l’encontre hiérarchie) après sa comparution devant une commission paritaire siégeant en matière de discipline en présence de deux représentants de l’entreprise et de deux représentants des travailleurs. Selon le gouvernement, cette dernière n’a intenté aucune action en justice contre l’entreprise et les démarches d’affectation vers un autre lieu de travail n’ont pu aboutir en raison de ses antécédents disciplinaires. Enfin, en ce qui concerne la situation de M. Abdallah Boukhalfa, le gouvernement indique que ce dernier a été réintégré dans son poste de travail et continue d’exercer ses activités dans l’entreprise.
  3. 84. En relation avec les allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles la plupart des travailleurs réintégrés dans l’entreprise auraient été contraints de se désaffilier du SNATEG et d’adhérer à un autre syndicat présent dans l’entreprise, le gouvernement indique que la législation du travail garantit aux travailleurs la liberté de former des organisations de travailleurs, de s’affilier ou de se désaffilier des organisations syndicales, qui sont des actes volontaires.
  4. 85. En réponse aux recommandations relatives à la nécessité d’établir un climat de relations professionnelles harmonieux et stable où les dirigeants syndicaux peuvent exercer leurs activités de défense des intérêts de leurs membres sans crainte de poursuites pénales et d’emprisonnement (recommandation d)), le gouvernement déclare que la législation du travail assure pleinement aux travailleurs et aux représentants syndicaux un climat serein et paisible qui leur permet d’exercer librement les activités syndicales, à l’effet de défendre leurs intérêts matériels et moraux. Par ailleurs, le gouvernement rappelle que la législation du travail reconnaît et accorde aux parties professionnelles le droit de négocier les conditions de travail et d’emploi au niveau d’entreprise ou supra. En outre, les syndicats représentatifs sont consultés sur les plans de développement économiques et sociaux dans les espaces de concertation tripartite et bipartite. Enfin, le gouvernement déclare vouloir examiner avec les partenaires sociaux la manière d’améliorer l’exercice du droit syndical, ainsi que les moyens et modalités à même de permettre à chacun d’assumer les missions reconnues par la loi.
  5. 86. S’agissant des recommandations du comité en relation avec la décision administrative entérinant la dissolution du SNATEG (recommandation e)), le gouvernement réitère que la dissolution volontaire du syndicat en question est conforme aux dispositions légales en vigueur et à ses statuts. Selon le procès-verbal de constat d’huissier de justice daté du 7 octobre 2017, il a été relevé la dissolution volontaire à l’unanimité des membres de l’assemblée générale. Le gouvernement rappelle que la dissolution volontaire des organisations syndicales est prévue par les dispositions de la loi no 90-14 du 2 juin 1990 relative aux modalités d’exercice du droit syndical, notamment son article 28 qui prévoit que la dissolution d’une organisation syndicale peut être volontaire ou prononcée par voie judiciaire, et son article 29 qui dispose que la dissolution volontaire est prononcée par les membres de l’organisation syndicale ou leurs délégués régulièrement désignés, et ce conformément aux dispositions statutaires. Le gouvernement réitère sa position qui repose sur le principe de non-ingérence et rappelle qu’il n’appartient à quiconque d’entraver la volonté et la liberté des membres du SNATEG de dissoudre le syndicat, conformément à la loi et à ses statuts. Le gouvernement s’interroge sur l’insistance du comité concernant la dissolution volontaire du SNATEG.
  6. 87. Concernant la nécessité de garantir le respect de la liberté syndicale durant l’intervention des forces de police lors de manifestations pacifiques (recommandation f)), le gouvernement déclare que les manifestations publiques sont encadrées par un dispositif législatif et réglementaire qui assure aux manifestants l’exercice de leur droit d’exprimer leurs opinions, ainsi que la protection des biens des citoyens et leur liberté. En outre, les autorités publiques aux initiés des formations à l’intention des agents de l’ordre, en sus de leur formation de base, sur le respect du droit des citoyens à manifester pacifiquement. Enfin, le gouvernement observe que des manifestations pacifiques ont lieu sans qu’il soit signalé des incidents portant atteintes aux manifestants et aux usagers de la voie publique.
  7. 88. En conclusion, le gouvernement fait état de sa détermination à régler tous les cas des travailleurs recensés par le comité, dans le respect de la législation et la réglementation du travail. Il indique poursuivre ses efforts pour renforcer la liberté syndicale et l’efficacité des dispositifs de protection contre la discrimination antisyndicale et à assurer le libre fonctionnement des organisations syndicales. Enfin, le gouvernement s’engage à poursuivre ses efforts pour aménager le dispositif juridique régissant les relations professionnelles afin de le mettre en conformité avec les dispositions des conventions internationales du travail, notamment celles de la convention no 87.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 89. Le comité rappelle que le présent cas porte sur des allégations de refus de l’entreprise SONELGAZ (ci-après «l’entreprise») de permettre à un syndicat officiellement enregistré de développer des activités, d’une campagne de harcèlement à l’encontre des dirigeants et adhérents de ce syndicat, de licenciement massif des membres du syndicat par l’entreprise, de refus des pouvoirs publics de faire cesser les violations des droits syndicaux et de faire appliquer des décisions de justice en faveur du syndicat, et de l’enregistrement par les pouvoirs publics de la dissolution du syndicat malgré des preuves contraires présentées.
  2. 90. Lors de son précédent examen du cas, le comité s’était référé à une liste de délégués syndicaux (membres du bureau national, des comités nationaux, des fédérations nationales et des sections syndicales des wilayas) qui, selon l’organisation plaignante, avaient fait l’objet de licenciements abusifs de la part de l’entreprise en 2017, mais n’avaient pas été réintégrés malgré des décisions de justice ou de l’inspection du travail en leur faveur. Le comité note que le gouvernement fournit les informations suivantes sur la situation des syndicalistes en question: i) M. Kouafi Abdelkader, secrétaire général du SNATEG (le gouvernement déclarait précédemment qu’il ne faisait pas partie de l’effectif de l’entreprise), a été licencié pour abandon de poste (selon l’organisation plaignante, il bénéficierait d’une décision de réintégration de la Cour de Blida en date du 19 décembre 2019); ii) le licenciement de M. Benarfa Wahid, président du bureau national de l’est, a été confirmé par un jugement du tribunal de Tébessa en juillet 2019, puis en appel (selon l’organisation plaignante, il bénéficierait d’une décision de réintégration de la Cour de Tébessa en date du 31 décembre 2018); iii) le licenciement avec indemnisation de M. Araf Imad, président du bureau national du sud, a été confirmé par une décision du tribunal de Biskra de mai 2019 (selon l’organisation plaignante, il bénéficierait d’une décision de réintégration de la Cour de Biskra en date du 17 février 2019); iv) M. Djeha Makhfi, président de la section syndicale MPVE, a été licencié pour faute professionnelle après comparution en conseil de discipline. Ce dernier n’aurait pas intenté d’action en justice contre la décision de licenciement (selon l’organisation plaignante, il bénéficierait d’une décision de réintégration de la Cour de Constantine en date du 22 janvier 2019); v) le licenciement pour faute professionnelle de M. Benhadad Zakaria, membre du bureau national, a été confirmé par un jugement du tribunal de Mila en novembre 2018 (selon l’organisation plaignante, il bénéficierait d’une décision de réintégration de la Cour de Mila en date du 15 novembre 2017); vi) le licenciement pour faute professionnelle de M. Slimani Mohamed Amine Zakaria, président du Comité national des jeunes travailleurs, a été confirmé par un jugement du tribunal de Mila de décembre 2018 (selon l’organisation plaignante, il bénéficierait d’une décision de réintégration de la Cour de Mila en date du 15 novembre 2017); vii) le licenciement de M. Chertioua Tarek, président du comité de communication, a été confirmé par un jugement du tribunal de Mila de novembre 2018 (selon l’organisation plaignante, il bénéficierait d’une décision de réintégration de la Cour de Mila en date du 15 novembre 2017); viii) le licenciement pour faute professionnelle de M. Mekki Mohamed, membre du bureau national, a été confirmé par un jugement du tribunal d’El Attaf de décembre 2018; ix) M. Guebli Samir, président du bureau national du centre, a été licencié pour abandon de poste et n’aurait pas intenté d’action en justice contre la décision de licenciement; x) le licenciement pour abus de confiance de M. Meziani Moussa, président de la Fédération nationale des travailleurs de la distribution de l’électricité et du gaz, a été confirmé par un jugement du tribunal de Bouira en avril 2018, puis en appel; xi) Mme Sarah Benmaiche, membre du comité des femmes, a été licenciée pour faute professionnelle et n’aurait pas intenté d’action en justice contre la décision de licenciement (selon l’organisation plaignante, Mme Benmaiche bénéficie d’une décision de justice constatant les mesure de harcèlement à son encontre et ordonnant sa réintégration, sans précision de la date de ladite décision); xii) M. Abdallah Boukhalfa a été réintégré dans son poste de travail.
  3. 91. Tout en prenant note de ces informations, le comité rappelle qu’à l’origine la plainte se référait aux dirigeants et délégués syndicaux susmentionnés comme ayant bénéficiés de décisions de justice ou de l’inspection du travail ordonnant leur réintégration au motif de licenciements abusifs. Les informations fournies par le gouvernement semblent toutefois se référer à des décisions de juridictions de première instance ou d’appel qui vont à l’encontre des requêtes des syndicalistes. Le comité dispose sur ce point d’informations divergentes et il lui est difficile d’établir avec exactitude le lien entre les décisions de réintégration auxquelles se réfère l’organisation plaignante, qu’il a tenu à rappeler ci-dessus, et les décisions confirmant les licenciements auxquelles se réfère le gouvernement, prises entre 2018 et 2019. En outre, compte tenu de la nature sommaire des décisions fournies par le gouvernement, il est difficile pour le comité d’observer si le caractère antisyndical des licenciements a été pris en compte par les juridictions en question. Au vu des déclarations divergentes, le comité doit se limiter, à ce stade, à demander au gouvernement de fournir des informations complémentaires sur la situation de M. Kouafi Abdelkader, M. Benarfa Wahid, M. Araf Imad, M. Djeha Makhfi, M. Benhadad Zakaria, M. Slimani Mohamed Amine Zakaria, M. Chertioua Tarek et Mme Sarah Benmaiche, compte tenu des informations sur les décisions de justice de réintégration, qui ne correspondent pas à la déclaration du gouvernement. Le comité prie également les organisations plaignantes d’informer, le cas échéant, de tous recours éventuels contre les décisions de justice mentionnées par le gouvernement et de leurs résultats.
  4. 92. Par ailleurs, notant que la liste du gouvernement ne répertorie pas la situation de M. Benzine Slimane, président de la Fédération nationale des travailleurs de sécurité et prévention, qui n’était toujours pas réintégré malgré une décision de justice en sa faveur, selon l’organisation plaignante, le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur la situation de ce dernier.
  5. 93. Enfin, bien qu’une majorité des cas de licenciements des adhérents du SNATEG a semble-t-il été résolue par la réintégration au poste de travail selon les listes successives fournies par le gouvernement, le comité note avec préoccupation qu’au bout du compte un nombre singulièrement élevé de dirigeants et délégués du SNATEG ont été licenciés de l’entreprise, cela dans un contexte de conflit et de harcèlement. Le comité tient à rappeler que, en particulier lors des premières étapes de la syndicalisation d’un lieu de travail, le licenciement de représentants syndicaux peut mettre en péril les premières tentatives d’exercice du droit d’organisation, car cela a non seulement pour conséquence de priver les travailleurs de leurs représentants, mais aussi d’avoir un effet intimidant sur les autres travailleurs qui auraient pu envisager d’assumer des fonctions syndicales ou simplement d’adhérer à un syndicat. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1131.]
  6. 94. Dans le présent cas, le comité déplore profondément le fait que la situation de conflit entre l’entreprise et le SNATEG dès 2015, les mesures disciplinaires et le licenciement massif des membres du syndicat en 2017, ainsi que l’incertitude liée aux différents recours contre les décisions de licenciement, mais aussi – comme le comité l’a constaté lors de son précédent examen – les nombreux recours contre les dirigeants SNATEG intentés entre 2017 et 2018, pour certains à l’initiative même des pouvoirs publics, ont porté préjudice à la conduite des activités du syndicat mais aussi constitué une intimidation entravant le libre exercice de la liberté syndicale dans l’entreprise.
  7. 95. Lors de son précédent examen du cas, le comité avait procédé à un examen approfondi des informations fournies par l’organisation plaignante et le gouvernement qui maintiennent des positions divergentes concernant la dissolution volontaire du SNATEG. À cet égard, le comité avait constaté que le gouvernement maintenait avoir enregistré la dissolution du syndicat constaté par un acte d’huissier de justice établi lors d’une assemblée générale du syndicat convoquée en octobre 2017, alors que les statuts du SNATEG ne prévoient la possibilité de décider de sa dissolution que par le biais d’un congrès national. L’assemblée générale évoquée par le gouvernement n’apparaissait donc pas comme l’organe compétent pour décider de la dissolution du SNATEG en vertu des textes qui régissent le fonctionnement du syndicat. Le comité avait en outre relevé que les autorités administratives ont décidé de maintenir la dissolution du syndicat malgré le procès-verbal du congrès du SNATEG tenu en décembre 2017 au cours duquel l’ensemble des délégués des wilayas ont voté la non-dissolution du syndicat. Le comité avait demandé au gouvernement de diligenter une enquête indépendante afin de déterminer les circonstances ayant abouti à la décision administrative entérinant la dissolution du SNATEG malgré des éléments contraires présentés aux autorités. Entre-temps, le comité, se référant aux recommandations formulées par la Commission de l’application des normes en juin 2019, avait indiqué attendre du gouvernement qu’il revoie sans délai la décision de dissolution du SNATEG.
  8. 96. Le comité note avec un profond regret que, dans sa réponse, le gouvernement se borne à réitérer que la dissolution volontaire du SNATEG est conforme aux dispositions légales en vigueur et aux statuts du syndicat. Selon le procès-verbal de constat d’huissier de justice daté du 7 octobre 2017, il a été relevé la dissolution volontaire à l’unanimité des membres de l’assemblée générale. Aussi, le gouvernement réaffirme sa position qui repose sur le principe de non-ingérence. Notant que le gouvernement déclare s’interroger sur son insistance sur la question de la dissolution du SNATEG, le comité rappelle que son mandat consiste à déterminer si, concrètement, telle ou telle législation ou pratique est conforme aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective énoncés dans les conventions portant sur ces sujets. Cependant, il tient à préciser que la procédure spéciale sur la liberté syndicale n’a pas pour objet de blâmer ni de sanctionner quiconque, mais d’engager un dialogue tripartite constructif afin de promouvoir le respect des droits syndicaux dans la loi et la pratique. [Voir Compilation, paragr. 5 et 9.] Les conclusions du comité après examen des informations qui lui ont été fournies sur la question l’ont amené à demander instamment au gouvernement de diligenter une enquête indépendante pour déterminer les circonstances ayant abouti à la décision administrative entérinant la dissolution du SNATEG. Le comité se voit obligé de réitérer instamment sa requête en même temps qu’il attend du gouvernement qu’il revoie sans délai la décision de dissoudre le SNATEG. Le comité le prie instamment de le tenir informé de toute action entreprise dans ce sens.
  9. 97. De manière générale, le comité tient à exprimer de nouveau sa profonde préoccupation devant le présent cas caractérisé par un cumul de difficultés rencontrées par les dirigeants du SNATEG pour exercer leurs droits syndicaux légitimes. Au cours de ses examens successifs du cas, le comité a pu relever que ces difficultés comprenaient une campagne de répression contre les dirigeants et adhérents du SNATEG, des mesures de licenciement massif, le refus de l’entreprise d’exécuter des décisions de réintégration en toute impunité, l’administration lente de la justice, les difficultés d’application de la loi qui aboutissent à la mise en cause de la qualité de responsable syndical, l’ingérence dans les activités syndicales, le harcèlement judiciaire, et les actes de violence policière et d’intimidation lors de manifestations pacifiques. Ces difficultés ont porté préjudice à la conduite des activités d’un syndicat légalement enregistré mais aussi constitué une intimidation entravant le libre exercice de la liberté syndicale dans l’entreprise. En conséquence, le comité exhorte de nouveau le gouvernement à mettre en œuvre sans délai ses recommandations afin d’assurer au sein de l’entreprise un environnement où les droits syndicaux sont respectés et garantis pour toutes les organisations syndicales, et où les travailleurs ont la possibilité d’adhérer au syndicat de leur choix, d’élire leurs représentants et d’exercer leurs droits syndicaux sans crainte de représailles et d’intimidation. Par ailleurs, le comité encourage le gouvernement à poursuivre les formations à l’intention des agents de l’ordre, en sus de leur formation de base, sur le respect du droit des citoyens à manifester pacifiquement et à y inclure le respect de la liberté syndicale.
  10. 98. Le comité rappelle au gouvernement qu’il peut se prévaloir, s’il le souhaite, de l’assistance technique du Bureau.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 99. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité doit se limiter, à ce stade, à demander au gouvernement de fournir des informations complémentaires sur la situation de M. Kouafi Abdelkader, M. Benarfa Wahid, M. Araf Imad, M. Djeha Makhfi, M. Benhadad Zakaria, M. Slimani Mohamed Amine Zakaria, M. Chertioua Tarek et Mme Sarah Benmaiche, compte tenu des informations sur les décisions de justice de réintégration présentées par les organisations plaignantes qui ne correspondent pas à la déclaration du gouvernement. Le comité prie également les organisations plaignantes d’informer, le cas échéant, de tous recours éventuels contre les décisions de justice mentionnées par le gouvernement et de leurs résultats.
    • b) Le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur la situation de M. Benzine Slimane, président de la Fédération nationale des travailleurs de sécurité et prévention, qui n’était toujours pas réintégré malgré une décision de justice en sa faveur, selon l’organisation plaignante.
    • c) Le comité se voit obligé à nouveau de prier instamment le gouvernement de diligenter une enquête indépendante pour déterminer les circonstances ayant abouti à la décision administrative entérinant la dissolution du SNATEG. Par ailleurs, le comité attend du gouvernement qu’il revoie sans délai la décision de dissoudre le SNATEG et le prie instamment de le tenir informé de toute action entreprise dans ce sens.
    • d) Le comité exhorte de nouveau le gouvernement à mettre en œuvre sans délai ses recommandations afin d’assurer au sein de l’entreprise un environnement où les droits syndicaux sont respectés et garantis pour toutes les organisations syndicales, et où les travailleurs ont la possibilité d’adhérer au syndicat de leur choix, d’élire leurs représentants et d’exercer leurs droits syndicaux sans crainte de représailles et d’intimidation.
    • e) Le comité encourage le gouvernement à poursuivre les formations à l’intention des agents de l’ordre, en sus de leur formation de base, sur le respect du droit des citoyens à manifester pacifiquement et à y inclure le respect de la liberté syndicale.
    • f) Le comité rappelle au gouvernement qu’il peut se prévaloir, s’il le souhaite, de l’assistance technique du Bureau.
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