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Definitive Report - Report No 392, October 2020

Case No 3353 (Ireland) - Complaint date: 04-MAR-19 - Closed

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Allégations: L’organisation plaignante allègue que, en accordant un traitement plus favorable à un autre syndicat, le gouvernement a influencé la décision des enseignants quant au syndicat auquel ils devaient s’affilier ou au sein duquel ils devaient demeurer, ce qui constitue une violation des conventions nos 87 et 98

  1. 678. La plainte figure dans les communications de l’Association irlandaise des enseignants du secondaire (ASTI) datées des 4 mars, 30 avril, 24 octobre et 14 novembre 2019 et du 17 février 2020.
  2. 679. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications datées du 27 septembre 2019 et des 27 janvier et 24 avril 2020.
  3. 680. L’Irlande a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 681. Dans ses communications datées des 4 mars, 30 avril, 24 octobre et 14 novembre 2019 et du 17 février 2020, l’ASTI indique qu’elle est un syndicat enregistré qui représente environ 18 000 enseignants du secondaire en Irlande et qui est affilié au Congrès irlandais des syndicats (ICTU). Elle ajoute que, généralement, les enseignants sont affiliés soit à l’ASTI soit au Syndicat des enseignants d’Irlande (TUI) selon qu’ils sont employés par l’un ou l’autre des deux principaux types d’établissements d’enseignement secondaire. Ainsi, l’ASTI est traditionnellement le syndicat attitré des enseignants des «Voluntary Secondary Schools») (il s’agit essentiellement d’établissements d’enseignement secondaire qui appartiennent à des congrégations religieuses et dont la gestion est assurée au nom de ces congrégations par un conseil ou une équipe de direction), tandis que le TUI représente uniquement les enseignants des «Vocational Schools» (établissements d’enseignement secondaire dont la création par l’État dans les années 1930 visait à compléter l’offre éducative existante et à préparer les élèves au monde du travail en leur permettant d’acquérir des compétences professionnelles solides; ces établissements sont administrés par des conseils d’éducation et de formation). Au cours des années 1960 1970, d’autres types d’établissements d’enseignement secondaire sont apparus – Community Colleges, Community schools, Comprehensive schools, Educate Together schools –, dont les enseignants se sont affiliés aussi bien à l’ASTI qu’au TUI.
  2. 682. L’ASTI indique que, à la suite de la grave crise financière de 2008, le gouvernement a pris des mesures d’austérité budgétaire dans le cadre d’une série de lois instituant des mesures financières d’urgence d’intérêt général (lois FEMPI). Ces mesures comprenaient notamment une baisse des salaires des agents de la fonction publique (y compris les enseignants), l’introduction d’un prélèvement obligatoire sur les retraites et le gel des augmentations de salaire. L’ASTI ajoute que, lorsque la situation financière s’est améliorée, le gouvernement a entrepris de rétablir progressivement les salaires au moyen d’une série d’accords pour la stabilité de l’administration publique et de modifications apportées en conséquence aux lois FEMPI, à savoir:
  3. l’Accord Croke Park, 2010 2014;
  4. l’Accord Haddington Road, 2013 2016;
  5. l’Accord Lansdowne Road, 2013 2018;
  6. l’Accord pour la stabilité de l’administration publique, 2018 2020.
  7. 683. Selon l’organisation plaignante, la baisse des salaires et le gel des augmentations s’appliquaient initialement à tous les travailleurs du secteur public (y compris aux enseignants), quel que soit le syndicat auquel ils étaient affiliés. Toutefois, la loi FEMPI de 2013 montre que le gouvernement était conscient que les syndicats n’envisageraient pas nécessairement les mesures prévues par la loi de la même façon. L’ASTI indique à ce sujet que la loi FEMPI de 2013 établissait une distinction entre les fonctionnaires «couverts par un accord collectif» et ceux qui ne l’étaient pas, et disposait que la suspension des augmentations et des barèmes des traitements ne devait s’appliquer aux premiers «que dans la mesure fixée par l’accord collectif applicable ou […] conformément aux aménagements prévus par celui ci». Pour ce qui est des enseignants, cette distinction a été établie pour la première fois dans la circulaire du ministère de l’Éducation et de la Formation du 22 avril 2016 (CL 0030/2016). Selon l’organisation plaignante, cette circulaire annonçait la fin des mesures relatives aux augmentations telles qu’elles étaient définies dans l’Accord Haddington Road, en ce qu’elle prévoyait que la suspension des augmentations appliquée en vertu de cet accord prendrait fin le 1er juillet 2017; que «les augmentations pourraient être suspendues pour certains grades»; et que la suspension des augmentations serait prorogée d’une année, soit jusqu’au 1er juillet 2018, pour «les grades non visés» par les l’Accord pour la stabilité de l’administration publique 2013 2018 (Accord Haddington Road et Accord Lansdowne Road). L’ASTI affirme que, bien qu’aucune distinction ne soit expressément établie dans la circulaire entre les membres des différents syndicats, il était prévu de rétablir les augmentations le 1er juillet 2017 pour les enseignants couverts par les Accords pour la stabilité de l’administration publique 2013 2018, alors que, pour les autres, les augmentations demeureraient suspendues jusqu’au 1er juillet 2018.
  8. 684. L’ASTI signale que la loi sur la rémunération et les pensions des fonctionnaires de 2017 a par la suite établi une distinction entre les fonctionnaires qui étaient couverts par l’Accord pour la stabilité de l’administration publique 2018-2020 («fonctionnaires couverts») et ceux qui ne l’étaient pas («fonctionnaires non couverts»). En outre, comme suite au rétablissement progressif voulu par la loi FEMPI de 2015, elle prévoyait le rétablissement des salaires de base des fonctionnaires, qui avaient été revus à la baisse en application des lois FEMPI. Toutefois, lorsqu’un syndicat reconnu, comme l’ASTI, ne notifie pas par écrit à la Commission des relations professionnelles d’Irlande son adhésion à l’Accord pour la stabilité de l’administration publique 2018 2020, les membres de ce syndicat (de même que les non membres de même grade ou relevant de la même catégorie) sont considérés comme des «fonctionnaires non couverts» par cet accord (article 3 de la loi de 2017). Or les fonctionnaires non couverts bénéficient, comme les fonctionnaires couverts, d’un système d’avancement, mais leur progression est beaucoup plus lente. En outre, les fonctionnaires non couverts ne pourront bénéficier d’aucune augmentation tant que l’Accord pour la stabilité de l’administration publique 2018 2020 sera en vigueur (soit jusqu’au 31 décembre 2020) (article 22 de la loi de 2017). L’ASTI résume la situation comme suit: les enseignants et les fonctionnaires qui n’ont pas participé à une action collective sont considérés comme «couverts» par l’accord, tandis que ceux qui ont participé à une action collective sont considérés comme «non couverts» par l’accord, de sorte que les premiers sont favorisés par rapport aux seconds.
  9. 685. L’organisation plaignante indique que les accords pour la stabilité de l’administration publique font obligation aux enseignants d’effectuer 33 heures supplémentaires par an pour, «selon ce que la direction juge nécessaire, planifier les activités de l’établissement, participer à des activités de formation continue, ou assurer des cours d’initiation, des remplacements ou des activités de tutorat (notamment avant et après les cours)» (heures dites Croke Park). L’ASTI précise qu’en mai 2016 ses membres ont voté pour une action collective consistant à «ne plus effectuer les heures Croke Park» à compter du 11 juillet 2016.
  10. 686. Eu égard à la situation décrite ci dessus, l’ASTI estime que la circulaire du ministère de l’Éducation et de la Formation du 4 juillet 2016 (CL 0045/2016) a instauré une différence de traitement manifeste entre ses membres et ceux du TUI. Elle indique que le TUI est un syndicat enregistré, lui aussi affilié à l’ICTU, qui représente 15 000 professeurs de l’enseignement secondaire, supérieur et postscolaire. L’ASTI affirme que, en vertu de cette circulaire, seuls les membres du TUI pouvaient bénéficier des ajustements de salaires prévus par les l’Accord pour la stabilité de l’administration publique, ajustements qui comprenaient une prime brute de 1 952 euros incorporée dans le salaire, le rétablissement des augmentations de salaire et des mesures de protection en cas de suppression de poste. Pour l’ASTI, cette différence de traitement s’explique par le fait que le TUI a adhéré aux accords pour la stabilité de l’administration publique, de sorte que ses membres sont considérés comme couverts par ces accords. À l’inverse, les augmentations ont été suspendues pour les membres de l’ASTI, et ceux ci n’ont pas eu droit à la prime qui a été versée aux enseignants couverts par l’Accord Lansdowne Road, pas plus qu’aux mesures d’aide dont ont bénéficié d’autres enseignants dont le traitement considéré aux fins de la pension avait diminué en raison à la fois de la baisse des salaires mise en œuvre au titre de la loi FEMPI de 2013 et de la suppression de l’indemnité de remplacement et de tutorat instituée par l’Accord Haddington Road ni aux mesures de compensation mises en place après examen des heures Croke Park au cours de l’année scolaire 2016 17 ni aux modalités améliorées concernant le travail à temps partiel et les contrats de durée déterminée qui ont été accordées aux enseignants en 2015, ni aux mesures de protection en cas de suppression de poste, ni aux droits à des versements «à titre gracieux» en cas de licenciement.
  11. 687. L’ASTI fait référence à une affaire jugée par le tribunal du travail, dans le cadre de laquelle un représentant du ministère de l’Éducation et de la Formation a indiqué que la circulaire CL 0045/2016 «avait été adoptée dans l’urgence, quatre jours après le rejet de [l’Accord Lansdowne Road] par l’ASTI» (Dublin and Dun Laoghaire Education and Training Board v. Flynn PWD 1825). Selon l’ASTI, la décision du tribunal du travail confirmait que les enseignants non membres du TUI (à moins qu’ils ne soient employés dans un établissement où le TUI était le seul syndicat représenté) et les enseignants membres de l’ASTI qui s’étaient pleinement conformés aux dispositions de l’Accord Lansdowne Road ne pouvaient pas bénéficier des dispositions de la circulaire CL 0045/2016.
  12. 688. Le 10 juin 2017, les membres de l’ASTI ont voté pour la suspension de l’action collective. Dès lors, ils ont été considérés comme des «fonctionnaires couverts» par l’accord collectif en vigueur et traités comme tels. Ainsi, à compter de cette date, les membres de l’ASTI ont pu à nouveau être augmentés, ont perçu la prime qui avait été versée aux enseignants couverts par l’Accord Lansdowne Road et ont bénéficié des mesures d’aide qui avaient été accordées aux autres enseignants, dont le traitement considéré aux fins de la pension avait diminué en raison à la fois de la baisse des salaires mise en œuvre au titre de la loi FEMPI de 2013 et de la suppression de l’indemnité de remplacement et de tutorat instituée par l’Accord Haddington Road. Les mesures prévues par la circulaire CL 0045/2016 – mesures de compensation mises en place après examen des heures Croke Park au cours de l’année scolaire 2016 17, modalités améliorées concernant le travail à temps partiel et les contrats de durée déterminée qui avaient été accordées aux enseignants en 2015, mesures de protection en cas de suppression de poste et droits à des versements «à titre gracieux» en cas de licenciement – ont toutes été appliquées aux membres de l’ASTI. Ceux ci restent néanmoins désavantagés en ce qui concerne la périodicité des augmentations.
  13. 689. L’ASTI indique qu’en mai 2017 le ministère de l’Éducation et de la Formation s’est prononcé sur «[une] question précise concernant la périodicité des augmentations pour les années à venir, et plus précisément sur le point de savoir si les dates d’augmentation qui avaient été initialement convenues pour les enseignants seraient rétablies». Le ministère de l’Éducation et de la Formation a pris note de la position exprimée à l’époque par les représentants de l’ASTI et a indiqué que, «si la question n’avait pas à être examinée à ce stade, elle le serait nécessairement lorsque l’ASTI adhérerait formellement à l’accord collectif applicable». En d’autres termes, tant que l’ASTI n’aura pas signé un accord collectif national, tel que l’Accord pour la stabilité de l’administration publique 2018 2020, rien ne sera fait pour atténuer les répercussions durables de ce traitement extraordinaire.
  14. 690. Selon l’organisation plaignante, en novembre 2017, le ministère de l’Éducation et de la Formation s’est engagé à ouvrir des négociations sur la question des augmentations sans attendre l’éventuelle adhésion formelle de l’ASTI à un accord collectif tel que l’accord susmentionné à l’issue d’un vote de ses membres. De cette façon, les membres de l’ASTI sauraient, au moment du vote, quelles modalités s’appliqueraient en ce qui concerne les dates d’augmentation s’ils votaient en faveur de l’accord. Toutefois, il est devenu clair par la suite que ce ne serait qu’après l’adhésion formelle de l’ASTI à un accord collectif tel que l’Accord pour la stabilité de l’administration publique 2018 2020 que le résultat de ces négociations serait mis en œuvre. Selon l’ASTI, le ministère de l’Éducation et de la Formation a par la suite fait savoir que, si l’ASTI organisait un vote en vue d’adhérer à l’Accord pour la stabilité de l’administration publique 2018 2020, il négocierait avec elle, mais qu’il ne pouvait pas promettre que des augmentations seraient accordées aux dates précédemment convenues tant que l’accord serait en vigueur (soit jusqu’au 31 décembre 2020) étant donné qu’aucune ressource supplémentaire ne serait allouée pendant cette période; le ministère n’excluait toutefois pas de régler définitivement la question ultérieurement.
  15. 691. L’ASTI affirme en outre que, le 3 février 2019, le Premier ministre a publiquement reconnu que le gouvernement avait pénalisé les membres de l’ASTI parce qu’ils «s’étaient retirés de l’accord, s’étaient mis en grève et n’avaient de ce fait pas pu bénéficier des mesures salariales prévues dans l’accord». L’organisation plaignante indique à titre d’exemple que, dans le cas de la grève des infirmières (qui, comme les enseignants, sont des fonctionnaires auxquels les lois susmentionnées s’appliquent), le gouvernement n’a pas réagi de la même manière en ce qu’il n’a pas suspendu les augmentations de salaire pour sanctionner les grévistes.
  16. 692. L’ASTI conclut que le traitement favorable accordé au TUI n’est justifié par aucun critère objectif et n’a d’autre but que de punir l’ASTI d’avoir exercé son droit de ne pas adhérer à un accord collectif national qu’elle estimait contraire aux intérêts des enseignants. Elle considère que c’est en raison de leur participation à une action collective que ses membres ont été considérés comme des «fonctionnaires non couverts» à compter du 11 juillet 2016. L’ASTI estime que, en favorisant si manifestement le TUI, le gouvernement a influencé les enseignants dans leur décision d’être membre d’un syndicat plutôt que d’un autre, car ils allaient inévitablement choisir le syndicat qu’ils estimaient le mieux à même de défendre leurs intérêts, quand bien même leur situation socioprofessionnelle, leurs convictions politiques ou d’autres considérations les auraient naturellement poussés à s’affilier à l’ASTI ou à en rester membres. L’organisation plaignante affirme que les preuves à l’appui de cette allégation sont nombreuses. Entre le 1er janvier et le 10 juin 2017, 1 235 membres de l’ASTI ont donné leur démission, et au moins 1 059 d’entre eux se sont affiliés au TUI (121 se sont ultérieurement réaffiliés à l’ASTI). L’ASTI estime que ce sont clairement les incitations financières accordées en vertu de la circulaire CL 0045/2016 qui ont motivé leur décision de changer de syndicat. Elle affirme qu’au 13 juin 2019 la perte de revenu liée à la baisse du nombre de cotisations enregistrée depuis janvier 2017 s’élevait à 606 700 euros. Elle indique qu’elle a saisi l’ICTU d’une plainte alléguant que le TUI avait agi en violation des statuts de l’ICTU, et que le Comité de règlement des différends de l’ICTU a statué en sa faveur. L’ASTI estime que les défections qu’elle a enregistrées au profit du TUI sont entièrement dues aux mesures prises par le gouvernement – avantages d’ordre financier, entre autres – qui ont incité les enseignants à quitter l’ASTI pour rejoindre le TUI. L’ASTI signale qu’un certain nombre d’enseignants qui ont démissionné de l’ASTI ont expressément fait savoir que leur décision était due à la suppression des dispositions relatives à la transformation des contrats de durée déterminée en contrats de durée indéterminée (CDI). L’organisation plaignante fait référence à la circulaire CL 0045/2016, qui prévoyait que la circulaire CL 0024/2015 (en vertu de laquelle les enseignants employés au titre d’un contrat de durée déterminée pouvaient obtenir un CDI au bout de deux ans de service) ne s’appliquerait plus aux enseignants non couverts par l’Accord Lansdowne Road. Cela signifiait que les membres de l’ASTI retombaient sous le coup des dispositions de la loi de 2003 sur la protection des salariés employés au titre de contrats de durée déterminée, qui fixe la période de transition à quatre ans.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 693. Dans ses communications datées du 27 septembre 2019 et des 27 janvier et 24 avril 2020, le gouvernement a fait part des observations suivantes au sujet des allégations formulées dans le présent cas.
  2. 694. Avant toute chose, le gouvernement souligne qu’il accorde la plus haute importance aux relations professionnelles; que l’Irlande a mis en place un cadre législatif en faveur des processus de dialogue entre employeurs et travailleurs il y a plusieurs décennies et qu’elle a une longue expérience de la négociation collective dans la fonction publique, laquelle a permis l’adoption de conventions collectives successives, dont un grand nombre sont antérieures à la crise financière. Le gouvernement fait observer qu’un principe reconnu en matière de participation aux accords de collaboration quels qu’ils soient est que, pour bénéficier des avantages offerts par un accord collectif, il faut adhérer audit accord. Par conséquent, les syndicats de la fonction publique n’ignorent pas que, s’ils n’adhèrent pas à un accord applicable au secteur public, il est probable que leurs membres seront financièrement désavantagés puisque le propre des accords collectifs nationaux est d’offrir des avantages qui ne peuvent être obtenus ou surpassés par aucune autre voie. Le gouvernement explique que l’aspect le plus important du modèle irlandais d’accord de collaboration est que chaque accord collectif national est conclu sous l’égide des mécanismes étatiques de dialogue social et, partant, qu’il est négocié par les syndicats de la fonction publique, les représentants des employeurs et le gouvernement. Dans ce cadre, l’État ne se contente pas de présenter aux parties une série d’options «à prendre ou à laisser»; toutes les parties négocient les termes de ces accords nationaux en sachant que leur bonne application est le seul moyen de concrétiser les avantages qui y sont prévus.
  3. 695. Le gouvernement indique que la récession économique l’a obligé à prendre une série de mesures budgétaires et financières pour remédier à la baisse drastique de l’activité. Entre 2007 et 2010, le PIB réel a chuté de 11 pour cent, l’investissement de 23 pour cent et la consommation des ménages de 7 pour cent. Le taux de chômage est passé de 5 pour cent en 2008 à 15 pour cent en 2012. Fin 2009, la dette publique brute s’élevait à 66 pour cent du PIB et, selon les estimations, elle devait atteindre 95 pour cent du PIB fin 2010. Les répercussions sur l’économie nationale étaient d’une ampleur telle que le gouvernement a dû recourir à un programme d’aide financière mis en place par l’Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI) avec des fonds émanant du mécanisme européen de stabilisation financière, du Fonds européen de stabilité financière, de bailleurs bilatéraux et du FMI. Pour être admis à bénéficier de ce programme d’aide financière, le gouvernement a dû réaliser de nouvelles économies en opérant des coupes importantes dans ses dépenses liées à la rémunération et aux retraites des agents de la fonction publique, de manière à combler en partie l’écart entre les dépenses et les recettes nationales et réduire ainsi le niveau de la dette.
  4. 696. La gravité de la situation a en outre nécessité l’introduction, par voie législative, d’une série de modifications dans les contrats d’emploi des agents de la fonction publique, ce qui était inédit dans l’histoire du pays. Ces modifications ont été apportées notamment en vertu de lois parlementaires – initialement les lois FEMPI, auxquelles a fait suite la loi sur la rémunération et les pensions des fonctionnaires de 2017. L’objectif initial des lois FEMPI était de réduire les dépenses afin de rassurer la communauté internationale, de protéger les cotes de crédit et de prendre des mesures d’urgence pour restaurer la compétitivité de l’État et faire des économies en réduisant les dépenses de rémunération aussi bien directes qu’indirectes.
  5. 697. Parallèlement aux lois FEMPI et à la loi sur la rémunération et les pensions des fonctionnaires, l’adoption des accords relatifs à l’administration publique 2010-2020 a accéléré la mise en œuvre des changements requis par la politique budgétaire ainsi que des mesures de réforme structurelle quant au barème des traitements de la fonction publique. Les syndicats de fonctionnaires, tels que l’ASTI, ont conclu une série d’accords collectifs avec le gouvernement. Les membres des syndicats signataires se sont vu accorder, en signe de reconnaissance (et à condition que l’accord conclu ait été enregistré auprès de la Commission des relations du travail), un traitement plus favorable que celui que prévoyaient les dispositions de référence des lois FEMPI, qui s’appliquaient à l’ensemble des autres fonctionnaires. Au total, le gouvernement et les syndicats de fonctionnaires (dont l’ASTI) ont conclu quatre accords collectifs successifs entre 2010 et 2020. Ensemble, ces accords ont contribué à améliorer les finances publiques en modifiant les modalités contractuelles existantes et en redéfinissant les avantages associés à l’emploi dans la fonction publique. Le gouvernement donne les explications suivantes au sujet de ces quatre accords:
  6. 698. Le gouvernement croit comprendre que l’allégation de l’ASTI concerne principalement l’Accord Lansdowne Road, qui est entré en vigueur en mai 2015 et résultait d’une renégociation de l’Accord Haddington Road alors en vigueur. Bien que ses membres n’aient pas adhéré à l’Accord Lansdowne Road, l’ASTI, en sa qualité d’organisation membre de l’ICTU, lequel avait voté en faveur de cet accord, était initialement couverte par celui ci et liée par la décision collective de l’ICTU.
  7. 699. Le gouvernement explique que, en tant que partie à l’Accord Croke Park, l’ASTI avait consenti à l’augmentation de la durée du travail des enseignants à raison de 33 heures par an («heures supplémentaires») sans incidence sur la rémunération alors que, pour d’autres fonctionnaires, la durée du travail avait été augmentée de 101 heures en moyenne. À la suite de la renégociation de cet accord en 2013 (laquelle a abouti à l’Accord Haddington Road), l’ASTI a consenti à une nouvelle augmentation de la durée du travail, à raison de 6 heures supplémentaires au titre des activités de tutorat et des remplacements, ainsi qu’à la suppression de l’indemnité qui était auparavant versée au titre de ces heures.
  8. 700. Le gouvernement signale que les accords relatifs à l’administration publique et les mesures législatives opèrent conjointement. Ainsi, pour donner effet à certaines dispositions de l’Accord Haddington Road, il a adopté la loi FEMPI de 2013, qui prévoyait notamment le gel des augmentations et la suspension des barèmes des traitements applicables aux fonctionnaires (article 7(1)) ainsi que la possibilité de ne pas appliquer ces mesures aux fonctionnaires couverts par un accord collectif enregistré auprès de la Commission des relations du travail contenant une clause d’exemption à cet effet (article 7(5)).
  9. 701. Le gouvernement explique que l’Accord Haddington Road prévoyait également un mécanisme de règlement des différends. Conscientes qu’il importait que les relations entre employeurs et travailleurs soient stables et s’inscrivent dans un environnement adéquatement géré, les parties sont convenues de renvoyer leurs différends devant la Commission des relations du travail, le tribunal du travail ou tout autre mécanisme compétent. Elles se sont en particulier engagées à ne pas recourir à la grève ni à aucune autre forme d’action collective. Par conséquent, lorsqu’une organisation représentative telle que l’ASTI organise une action collective au lieu de se prévaloir des procédures de règlement des différends prévues dans l’Accord pour la stabilité de l’administration publique applicable, ses membres sont réputés avoir enfreint l’accord et ne peuvent donc plus en bénéficier. Tout traitement préférentiel envisagé par l’accord ne leur est plus applicable.
  10. 702. Le gouvernement indique qu’en mai 2016, après avoir rejeté plusieurs possibilités de négociation avec le ministère de l’Éducation et de la Formation et d’autres représentants d’employeurs au sujet de questions litigieuses, les membres de l’ASTI ont voté et décidé de ne plus effectuer les «heures supplémentaires» à compter du 11 juillet 2016. Face à cette menace d’action collective, les fonctionnaires du ministère de l’Éducation et de la Formation et du ministère de la Dépense publique et de la Réforme ont rencontré l’ASTI début juillet 2016 et lui ont proposé de reporter la mise en œuvre des mesures qui lui étaient applicables du fait qu’elle s’était retirée de l’accord, afin de lui laisser plus de temps et de marge pour reconsidérer sa position et poursuivre les discussions sur cette question. L’ASTI a rejeté cette offre et réaffirmé sa décision de se retirer de l’accord. Toutefois, tout au long du mois d’août 2016, les fonctionnaires du ministère de l’Éducation et de la Formation et du ministère de la Dépense publique et de la Réforme ont réitéré leur offre auprès des représentants de l’ASTI dans l’espoir que le syndicat suspende sa décision de se retirer de l’accord, et ils ont proposé que le ministère de l’Éducation et de la Formation suspende la mise en œuvre des mesures à l’origine du différend. En fait, durant les mois de mai et juin 2016, le ministre de l’Éducation a, à plusieurs reprises, invité l’ASTI à discuter de leurs préoccupations communes, notamment dans le cadre du processus parlementaire, par correspondance ou lors de réunions entre les parties. Le ministre a réitéré son invitation dans une communication adressée au président de l’ASTI en septembre 2016. L’ASTI a rejeté toutes ces propositions et poursuivi l’organisation de l’action collective. Le gouvernement signale que, tout au long du processus, les ministères compétents ont tenu l’ASTI informée des conséquences de sa décision ainsi que du fait que l’action collective envisagée priverait ses membres des avantages prévus par l’Accord pour la stabilité de l’administration publique en vigueur. L’État a donc fait tout ce qu’il pouvait pour que l’ASTI soit pleinement consciente des conséquences de sa décision de rejeter les dispositions dudit accord.
  11. 703. Le gouvernement indique que, en dépit des tentatives de conciliation de l’État, l’ASTI a diffusé une directive dans laquelle elle appelait ses membres à ne plus effectuer les «heures supplémentaires» à compter du 11 juillet 2016. Compte tenu de la position adoptée par l’ASTI, le ministère de la Dépense publique et de la Réforme a fait savoir à la Commission des relations professionnelles (organe ayant succédé à la Commission des relations du travail) que, dès lors qu’elle n’avait pas confirmé que ses membres se conformeraient aux dispositions de l’Accord Lansdowne Road, l’ASTI devait être considérée comme n’étant plus couverte par cet accord à compter du 1er juillet 2016, et que l’article 7(1) de la loi FEMPI de 2013, qui prévoyait le gel des augmentations pour tous les fonctionnaires non couverts par un accord collectif, s’appliquerait par défaut à ses membres. Le gouvernement ajoute que, le 14 juillet 2016, le ministère de l’Éducation et de la Formation a publié la circulaire CL 0045/2016 dans laquelle étaient décrits les avantages découlant de l’Accord Lansdowne Road et les mesures de réforme y relatives, lesquels ne s’appliqueraient plus aux membres de l’ASTI puisqu’ils s’étaient retirés des accords concernant l’administration publique.
  12. 704. Le gouvernement indique que, l’ASTI ayant suspendu son action collective le 10 juin 2017, il a été considéré que ses membres respectaient de nouveau les dispositions de l’Accord Lansdowne Road, et ceux ci ont donc pu recommencer à bénéficier des avantages prévus par les accords concernant l’administration publique à compter de cette date.
  13. 705. Le gouvernement fait valoir qu’il a fait preuve d’une totale objectivité en toute circonstance et qu’il a accordé à l’ASTI, tant qu’elle était liée par l’Accord Lansdowne Road, le même traitement qu’à tout autre syndicat ayant adhéré à cet accord. De même, lorsqu’elle s’est retirée de cet accord, l’ASTI a été traitée comme l’aurait été n’importe quel autre syndicat non partie à celui ci, conformément aux dispositions de la législation applicable, à savoir la loi FEMPI de 2013. Le gouvernement indique en outre que le traitement accordé aux membres du TUI n’était pas plus favorable que celui accordé aux membres de l’ASTI. Lorsqu’elle a unilatéralement décidé de se retirer de l’accord collectif, l’ASTI savait parfaitement que, par défaut, l’article 7 de la loi FEMPI de 2013, qui prévoyait une réduction des salaires et des avantages connexes des fonctionnaires, s’appliquerait à ses membres. Le gouvernement estime que l’ASTI était pleinement consciente que cette décision unilatérale aurait pour effet de priver ses membres des avantages prévus par l’accord collectif pertinent, alors que les membres du TUI continueraient d’en bénéficier puisqu’ils restaient couverts par ses dispositions.
  14. 706. Le gouvernement réaffirme que, en matière de relations professionnelles, il est logique que les syndicats qui décident de ne pas se conformer aux accords collectifs en vigueur ne soient pas admis à bénéficier des avantages prévus par ceux ci. Le gouvernement estime avoir fait preuve d’une totale objectivité. Le cadre législatif établi par les lois FEMPI, en particulier la loi FEMPI de 2013, est d’application générale et ne vise aucunement un syndicat en particulier. De même, les accords concernant l’administration publique établissent un cadre auquel les syndicats de fonctionnaires peuvent choisir d’adhérer. Ni la législation ni les accords collectifs ne visent à influencer les travailleurs, directement ou indirectement, dans le choix de leur syndicat. Le gouvernement estime que l’affirmation de l’ASTI selon laquelle les répercussions négatives que sa décision de se retirer de l’Accord Lansdowne Road a eues sur ses membres constituent une ingérence abusive, directe ou indirecte, du gouvernement dans le choix d’un syndicat est totalement erronée. Le gouvernement souligne que, dans le présent cas, il n’y a eu aucune tentative, directe ou indirecte, visant à influencer les travailleurs dans le choix de leur syndicat: les avantages prévus dans les accords pour la stabilité de l’administration publique ne sont ouverts qu’à ceux qui en respectent les dispositions; les organisations qui ne sont pas couvertes par ces accords sont nécessairement exclues du bénéfice des exemptions énoncées dans les lois FEMPI.
  15. 707. Le gouvernement signale en outre que l’ASTI n’a pas mentionné de disposition législative ou contractuelle en vertu de laquelle ses membres auraient pu bénéficier rétroactivement des augmentations de salaire qu’ils auraient perçues si l’ASTI ne s’était pas retirée de l’Accord Lansdowne Road en 2016-17. Il ressort de la plainte de l’ASTI que, selon elle, un syndicat ne devrait pas être désavantagé parce qu’il n’a pas adhéré à un accord collectif. Le gouvernement estime qu’il serait injuste de traiter les membres de l’ASTI comme s’ils s’étaient toujours conformés à l’accord collectif applicable et, en particulier, comme s’ils avaient effectué les «heures supplémentaires» prévues par celui ci alors que ce n’est pas le cas, et que cela nuirait à la capacité de l’État de dialoguer efficacement avec les syndicats dans le cadre de la négociation collective et rendrait inopérant le système de négociation collective tout entier.
  16. 708. Pour ce qui est du différend relatif à une organisation d’infirmières que l’ASTI a cité à l’appui de son allégation, le gouvernement fait valoir que les deux situations ne sont pas comparables. L’ASTI s’est retirée de l’Accord Lansdowne Road sans recourir à la procédure de règlement des différends prévue par l’accord. À l’inverse, le syndicat des infirmières ne s’est pas retiré de l’Accord pour la stabilité de l’administration publique 2018 2020 et a collaboré à la procédure de règlement des différends (auprès du tribunal du travail), conformément audit accord. Dès lors, le gouvernement conclut que cette allégation est erronée et sans fondement puisque l’ASTI a refusé de participer à la procédure de règlement des différends prévue par l’Accord Lansdowne Road. Selon le gouvernement, l’ASTI a choisi de ne pas respecter les accords pertinents et elle n’a, par conséquent, pas le droit de bénéficier des dispositions plus avantageuses qui y sont énoncées.
  17. 709. Le gouvernement estime que, bien que l’ASTI respecte désormais les accords collectifs de l’administration publique, elle n’a pas démontré en quoi le fait qu’elle n’avait pas bénéficié, pendant une période donnée, du régime préférentiel prévu par l’accord dont elle s’était retirée constituait une discrimination contraire aux conventions de l’OIT. Le gouvernement considère que le fait qu’un certain nombre de membres de l’ASTI aient rejoint le TUI ne prouve pas qu’il y a eu discrimination en violation des conventions de l’OIT. Cela illustre au contraire la liberté dont jouit tout membre d’un syndicat de s’affilier à un autre syndicat bénéficiant d’un régime préférentiel, comme c’était le cas du TUI. Le gouvernement indique qu’il n’a offert aucun avantage aux enseignants pour les inciter à s’affilier au TUI plutôt qu’à l’ASTI. Le régime préférentiel prévu dans l’Accord concernant l’administration publique est applicable aux membres de tout syndicat ayant adhéré à l’accord.
  18. 710. Le gouvernement indique que l’allégation de l’ASTI selon laquelle les libellés de la loi FEMPI de 2013 et de la circulaire CL 0045/2016 du ministère de l’Éducation et de la Formation différeraient sur le fond est erronée. La circulaire fait référence au grade «visé» par l’accord. Cependant, elle définit expressément la mesure dans laquelle un fonctionnaire est «couvert» par un accord collectif (l’Accord Lansdowne Road était en vigueur à ce moment là). Il n’existe aucune différence de fond entre le libellé de la loi FEMPI de 2013, qui renvoie aux fonctionnaires «auxquels s’applique un accord collectif», et la référence, dans la circulaire, au «grade visé». Le gouvernement indique que, s’il est vrai que la circulaire a établi une distinction entre les fonctionnaires (en l’occurrence les enseignants) qui ont participé à une action collective légale et ceux qui ne l’ont pas fait, elle précise que c’est l’ASTI, en décidant de recourir à l’action collective, qui a enfreint l’accord collectif applicable et a ainsi sciemment exclu ses membres du champ d’application de l’accord.
  19. 711. Le gouvernement estime que la plainte de l’ASTI devrait être rejetée pour les raisons exposées ci dessus.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 712. Le comité note que ce cas concerne des allégations selon lesquelles, en accordant un traitement plus favorable à un autre syndicat, le gouvernement a influencé la décision des enseignants quant au syndicat auquel ils devaient s’affilier ou au sein duquel ils devaient demeurer. Il observe que les informations communiquées par l’organisation plaignante et le gouvernement au sujet du cadre législatif et des événements à l’origine de la plainte peuvent être résumés comme suit.
  2. 713. Pour faire face à la crise financière de 2008, le gouvernement a pris certaines mesures, parmi lesquelles la baisse des salaires des agents de la fonction publique, l’introduction d’un prélèvement obligatoire sur les retraites et le gel des augmentations de salaire, au moyen de lois instituant des mesures financières d’urgence d’intérêt général (lois FEMPI). La première loi FEMPI (2009) a été modifiée à plusieurs reprises entre 2009 et 2015 afin de tenir compte de l’évolution de la situation économique et de garantir la compatibilité des mesures prévues par la loi avec les accords collectifs en vigueur, lesquels s’appliquaient parallèlement à la législation. Par exemple, la loi FEMPI de 2013 prévoyait le gel des augmentations de salaire et la suspension des barèmes des traitements applicables aux fonctionnaires (article 7(1)), ainsi que la possibilité, pour les fonctionnaires couverts par un accord collectif enregistré auprès de la Commission des relations du travail (article 7(5)), de ne pas être soumis à ces mesures. Ainsi, la loi FEMPI de 2013 établissait une distinction entre les fonctionnaires «auxquels s’appliquait un accord collectif» et ceux «auxquels ne s’appliquait pas d’accord collectif».
  3. 714. Quatre accords – les accords pour la stabilité de l’administration publique – ont été conclus entre le gouvernement et les syndicats de fonctionnaires entre 2010 et 2018; ils accordaient à leurs signataires des droits préférentiels ou supplémentaires par rapport à ce que prévoyaient les lois FEMPI. Le comité note qu’en application des accords pour la stabilité de l’administration publique, à commencer par le premier d’entre eux, l’Accord Croke Park (2010 2014), il était exigé des enseignants qu’ils effectuent 33 heures supplémentaires par an pour, «selon ce que la direction juge nécessaire, planifier les activités de l’établissement, participer à des activités de formation continue, ou assurer des cours d’initiation, des remplacements ou des activités de tutorat». L’Accord Haddington Road (2013 2016) a remplacé, en l’intégrant, l’Accord Croke Park et a introduit une série de mesures salariales, parmi lesquelles un gel des augmentations de salaire, tandis que l’Accord Lansdowne Road (2013 2018), qui est entré en vigueur en mai 2015, a prorogé l’Accord Haddington Road et lancé le processus de rétablissement partiel de la rémunération des fonctionnaires. L’Accord pour la stabilité de l’administration publique 2018-2020 a repris les dispositions des accords précédents et poursuivi le processus de rétablissement de la rémunération des fonctionnaires. Le comité note que les quatre accords susmentionnés tendent à montrer que les parties, sachant combien il importait que les relations entre employeurs et travailleurs soient stables et s’inscrivent dans un environnement adéquatement géré afin de réduire au minimum les risques de conflit, étaient convenues de soumettre leurs différends aux procédures de règlement des différends existantes (Commission des relations du travail, tribunal du travail ou tout autre mécanisme compétent) et de ne pas recourir à la grève ni à aucune autre forme d’action collective. Le comité croit comprendre que les trois premiers accords s’appliquaient initialement à l’ASTI en raison de son affiliation au Congrès irlandais des syndicats (ICTU), qui était partie auxdits accords.
  4. 715. La loi sur la rémunération et les pensions des fonctionnaires de 2017 a établi une distinction entre les fonctionnaires qui étaient couverts par l’Accord pour la stabilité de l’administration publique 2018-2020 («fonctionnaires couverts») et ceux qui ne l’étaient pas («fonctionnaires non couverts») et, comme suite au rétablissement progressif engagé en vertu de la loi FEMPI de 2015, prévoyait le rétablissement des salaires de base des fonctionnaires, qui avaient été revus à la baisse en application des lois FEMPI. Les fonctionnaires non couverts bénéficient comme les fonctionnaires couverts d’un système d’avancement, mais leur progression est beaucoup plus lente. En outre, en vertu de l’article 22 de la loi de 2017, les fonctionnaires non couverts ne pourront bénéficier d’aucune augmentation tant que l’Accord pour la stabilité de l’administration publique 2018 2020 sera en vigueur (soit jusqu’au 31 décembre 2020).
  5. 716. Pour ce qui est des enseignants, les textes susmentionnés ont été complétés par les circulaires CL 0030/2016 du 22 avril 2016 et CL 0045/2016 du 4 juillet 2016, par lesquelles le ministère de l’Éducation et de la Formation a informé la direction des établissements d’enseignement primaire et secondaire, des écoles communautaires (community schools) et des écoles polyvalentes (comprehensive schools), ainsi que les directeurs des conseils d’éducation et de formation, de certaines mesures découlant de ces accords. Ainsi, la circulaire CL 0030/2016 a annoncé la suspension des augmentations jusqu’au 1er juillet 2018 pour les «grades non visés» par les accords pour la stabilité de l’administration publique 2013 2018 (Accord Haddington Road et Accord Lansdowne Road), alors que les augmentations devaient être rétablies à compter du 1er juillet 2017 pour les enseignants couverts par ces accords. La circulaire CL 0045/2016 décrivait les avantages découlant de l’Accord Lansdowne Road et les mesures de réforme connexes et établissait une distinction entre les enseignants couverts par cet accord et ceux qui n’y étaient pas couverts.
  6. 717. Le comité note qu’en mai 2016 les membres de l’ASTI ont décidé, par vote, de ne plus s’acquitter de l’obligation qui leur incombait en vertu des accords en vigueur d’effectuer 33 heures supplémentaires par an, entreprenant ainsi une action collective. Du fait de cette action collective, il a été considéré que l’Accord Lansdowne Road ne s’appliquait plus à l’ASTI, de sorte que les augmentations de salaire de ses membres ont été suspendues, et ceux ci n’ont pas eu droit à la prime versée aux enseignants couverts par cet accord ni aux autres avantages et mesures d’aide accordés à ces derniers.
  7. 718. Le 10 juin 2017, les membres de l’ASTI ont voté en faveur de la suspension de l’action collective. Par conséquent, à compter de cette date, ils ont été considérés comme des «fonctionnaires couverts» par l’Accord Lansdowne Road et traités comme tels: ils ont ainsi pu à nouveau être augmentés et bénéficier de la prime et d’autres mesures d’aide et avantages. Toutefois, en ce qui concerne les dates des augmentations, les membres de l’ASTI n’ont pas été traités de la même façon que les membres des syndicats qui ne s’étaient pas retirés de l’accord. Ce problème n’a pas été réglé dans le cadre du dernier accord, qui est toujours en vigueur et a donné lieu à la plainte.
  8. 719. Le comité prend note de l’allégation de l’ASTI, qui affirme que ses membres continuent d’être défavorisés par rapport aux membres du TUI et que cette inégalité de traitement est une manière de les sanctionner pour avoir participé à une action collective. L’ASTI fait valoir que la législation et les circulaires ont établi une distinction entre les enseignants et les fonctionnaires qui n’avaient pas participé à une action collective et qui étaient par conséquent «couverts» par un accord et ceux qui avaient participé à une action collective et qui n’étaient par conséquent «pas couverts» par un accord, le traitement réservé aux premiers étant plus favorable que celui accordé aux seconds. L’ASTI allègue que le gouvernement a ainsi influencé les enseignants dans le choix de leur syndicat, en ce qu’ils allaient inévitablement vouloir s’affilier au syndicat qui leur paraissait le mieux à même de servir leurs intérêts. Selon l’ASTI, entre le 1er janvier et le 10 juin 2017, 1 235 de ses membres ont démissionné et au moins 1 059 d’entre eux se sont affiliés au TUI, ce qui a entraîné une perte financière pour le syndicat. L’ASTI estime que la discrimination exercée à son égard par le gouvernement est contraire à la liberté syndicale et à la reconnaissance effective du droit de négociation collective.
  9. 720. Le comité prend note de l’explication du gouvernement selon laquelle toute différence de traitement entre l’ASTI et les autres syndicats qui n’ont jamais cessé d’être liés par les accords pour la stabilité de l’administration publique est uniquement due à la décision prise par l’ASTI de se retirer de l’accord, décision à la suite de laquelle les dispositions de l’article 7(1) de la loi FEMPI de 2013 lui sont devenues applicables. Le gouvernement affirme que, lorsqu’une organisation représentative telle que l’ASTI se lance dans une action collective au lieu de recourir aux procédures de règlement des différends prévues dans l’Accord pour la stabilité de l’administration publique applicable, les membres de cette organisation sont réputés avoir enfreint l’accord et ne peuvent plus en bénéficier. Dès lors qu’elle avait organisé une action collective, le traitement préférentiel prévu par l’accord ne s’appliquait plus à l’ASTI. Le gouvernement signale que les ministères compétents ont tenu l’ASTI informée des conséquences de sa décision ainsi que du fait que l’action collective envisagée priverait ses membres des avantages prévus par l’Accord pour la stabilité de l’administration publique applicable. Ainsi, l’État a fait tout ce qu’il pouvait pour que l’ASTI soit pleinement consciente des conséquences de sa décision de rejeter les dispositions dudit accord.
  10. 721. Le gouvernement indique en outre qu’il a fait preuve d’une totale objectivité en toute circonstance et qu’il a accordé à l’ASTI, tant qu’elle était liée par l’Accord Lansdowne Road, le même traitement qu’à tout autre syndicat s’étant engagé à respecter cet accord. De même, lorsqu’elle s’est retirée de cet accord, l’ASTI a été traitée comme l’aurait été n’importe quel autre syndicat non partie à celui ci, conformément aux dispositions de la législation applicable, à savoir la loi FEMPI de 2013. Lorsque l’ASTI s’est retirée de l’Accord Lansdowne Road, ses membres n’ont plus pu bénéficier de l’exemption en vertu de laquelle le gel des augmentations prévu par la loi ne leur était pas applicable. Le gouvernement ajoute que l’ASTI n’a pas mentionné de disposition législative ou contractuelle en vertu de laquelle ses membres auraient pu obtenir le versement rétroactif des augmentations de salaire qu’ils auraient perçues si l’ASTI ne s’était pas retirée de l’Accord Lansdowne Road en 2016-17. Le gouvernement estime qu’il serait injuste de traiter les membres de l’ASTI comme s’ils s’étaient toujours conformés à l’accord collectif applicable et, en particulier, comme s’ils avaient effectué les «heures supplémentaires» prévues par celui ci alors que ce n’est pas le cas, et que cela nuirait à la capacité de l’État de dialoguer efficacement avec les syndicats dans le cadre de la négociation collective et rendrait inopérant le système de négociation collective tout entier.
  11. 722. Le comité rappelle qu’il a toujours considéré que les accords devaient être obligatoires pour les parties. Le respect mutuel des engagements pris dans les accords collectifs est un élément important du droit de négociation collective et doit être sauvegardé pour fonder les relations professionnelles sur des bases solides et stables. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1334 et 1336.]
  12. 723. Le comité croit comprendre que lorsque, l’ASTI s’est retirée de l’accord collectif en vigueur, les dispositions de la loi FEMPI de 2013 se sont appliquées à ses membres, ce qui a créé une différence de traitement entre les fonctionnaires couverts par un accord et ceux qui ne l’étaient pas. Cette situation a toujours été objectivement connue des parties; la circulaire CL 0045/2016 n’a fait que clarifier les modalités d’application de cette différence de traitement dans le secteur de l’éducation à la suite de l’action collective entreprise par l’ASTI et de son retrait de l’Accord Lansdowne Road. Le comité ne voit pas en quoi une discrimination aurait été exercée par le gouvernement à cet égard et ne peut par conséquent pas conclure que la décision prise par certains membres de l’ASTI de démissionner de leur syndicat pour s’affilier au TUI est imputable à l’action du gouvernement.
  13. 724. Le comité note que, selon l’ASTI, bien que les droits de ses membres au titre de l’Accord pour la stabilité de l’administration publique en vigueur aient été rétablis à compter du 10 juin 2017, date à laquelle ledit accord leur est redevenu applicable, les dates des augmentations n’ont pas été rétablies avec effet rétroactif. Le comité croit comprendre que, si les dates des augmentations avaient été rétablies avec effet rétroactif, ce serait comme si l’ASTI ne s’était jamais retirée de l’accord, et ses membres se trouveraient dans la même situation que les membres des autres syndicats qui, eux, n’avaient jamais cessé d’être liés par les dispositions des accords pour la stabilité de l’administration publique. Le comité estime que, les parties n’étant pas parvenues à s’accorder sur ce point, le fait que les membres de l’ASTI n’ont pas bénéficié du rétablissement des dates des augmentations avec effet rétroactif ne constitue pas une violation du droit de négociation collective de l’ASTI.
  14. 725. En outre, bien que sa compétence pour examiner les allégations ne soit pas subordonnée à l’épuisement des procédures nationales de recours, le comité note que les accords pour la stabilité de l’administration publique prévoient une procédure de règlement des différends applicable aux matières traitées par l’accord en vigueur. Le comité observe que l’organisation plaignante n’a pas recouru à cette procédure en vue de régler les questions relatives à l’application de l’Accord pour la stabilité de l’administration publique auquel elle est désormais partie.
  15. 726. Pour les raisons exposées ci dessus, le comité estime que le présent cas n’appelle pas un examen plus approfondi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 727. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité recommande au Conseil d’administration de décider que le présent cas n’appelle pas un examen plus approfondi.
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