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Definitive Report - Report No 392, October 2020

Case No 3345 (Poland) - Complaint date: 10-DEC-18 - Closed

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Allégations: L’organisation plaignante allègue que des dispositions réglementaires excluent les syndicats n’étant pas composés exclusivement d’infirmiers et de sages-femmes de la négociation des conventions collectives qui fixent la rémunération de cette catégorie de travailleurs et qu’il existe une différence de formulation entre la convention no 98 et la version polonaise de l’instrument pour ce qui a trait à l’expression «convention collective»

  1. 910. La plainte figure dans une communication du Syndicat indépendant et autonome Solidarność (NSZZ Solidarność) datée du 10 décembre 2018.
  2. 911. Le gouvernement communique ses observations dans une communication datée du 13 mai 2019.
  3. 912. La Pologne a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 913. Dans une communication datée du 10 décembre 2018, l’organisation plaignante déplore que la législation polonaise applique de façon inappropriée la convention no 98 et la recommandation (nº 113) sur la consultation aux échelons industriel et national, 1960. Elle déclare que ce sont essentiellement les dispositions de la loi sur les syndicats de 1991 et, dans certains cas, des règlements spéciaux relatifs aux principes applicables à la consultation sur les salaires de certains groupes professionnels qui régissent la mise en œuvre de ces instruments. En particulier, les règles qui fixent les salaires des infirmiers et des sages-femmes sont énoncées dans le règlement sur les conditions générales des contrats pour la prestation de services de santé (ci-après «le règlement») qui a été émis par le ministre de la Santé le 8 septembre 2015. L’article 2(4)(1) du règlement dispose que le prestataire de services communique les contrats modifiés et signés ainsi qu’une copie de la convention conclue avec les représentants des syndicats d’infirmiers et de sages-femmes composés exclusivement d’infirmiers et de sages-femmes présents au niveau du prestataire de services, convention qui précise la répartition mensuelle des fonds destinés à rémunérer les infirmiers et les sages-femmes visés à l’alinéa 3(1) compte tenu de l’augmentation moyenne de la rémunération, ainsi que d’autres éléments, d’un montant de 300 zlotys par poste à temps plein ou par temps plein équivalent. Selon l’organisation plaignante, cet article octroie aux représentants des syndicats d’infirmiers et de sages-femmes composés exclusivement d’infirmiers et de sages-femmes présents au niveau du prestataire de services («l’employeur» au sens du Code du travail) le droit exclusif de négocier les salaires, ce qui signifie que tous les autres syndicats présents en Pologne se voient privés de la possibilité d’influer sur les règles relatives à la répartition et au montant de la rémunération associée à ce groupe professionnel, même s’ils comptent également parmi leurs membres des infirmiers et des sages-femmes employés par le prestataire de services et si l’objet des consultations les concerne directement. L’organisation plaignante déplore donc que des dispositions réglementaires excluent des consultations relatives à l’augmentation des salaires des infirmiers et des sages-femmes les représentants d’autres syndicats que le Syndicat national du personnel infirmier et des sages-femmes (composé exclusivement d’infirmiers et de sages-femmes présents au niveau de l’employeur). L’organisation plaignante soutient que, dans le cadre de son activité législative, le législateur a enfreint l’article 4 de la convention no 98, qui encourage la conclusion de conventions collectives par la négociation collective et allègue que, pour ce qui a trait à la procédure de négociation des salaires, le règlement favorise un syndicat au détriment des autres syndicats, y compris des syndicats représentatifs qui exercent légalement leurs activités en Pologne et qui comptent parmi leurs membres des infirmiers et des sages-femmes. En septembre 2018, l’organisation plaignante a donc demandé au ministre de la Santé de modifier le règlement en question, mais aucune mesure n’a été prise et elle n’a pas reçu la moindre réponse. Elle estime que le règlement devrait être modifié de sorte qu’aucune distinction ne soit établie entre les syndicats en matière de négociation salariale et pour garantir que le plus grand nombre de syndicats intéressés peuvent participer aux négociations salariales dans le secteur de la santé.
  2. 914. En outre, l’organisation plaignante déplore qu’il y ait une différence de formulation entre l’article 4 de la convention no 98 et la traduction polonaise de cet article. Dans la convention, il est question de «conventions collectives», tandis que, dans la version polonaise de l’instrument, l’expression plus restrictive «conventions collectives de travail» est employée, sachant que ces deux types de conventions sont distinctes dans l’ordre juridique polonais. En effet, une convention collective de travail (uklady zbiorowe) est conclue en application du Code du travail, et une convention collective (porozumienia zbiorowe) est par exemple conclue en application du règlement de 2015. Selon l’organisation plaignante, la Cour suprême de Pologne a relevé à juste titre ce problème de terminologie lorsqu’elle a jugé que la traduction polonaise suggérait que les conventions conclues étaient des conventions collectives de travail, notion moins vaste que la notion de convention collective, et que les versions anglaise et française de l’instrument devaient constituer le fondement juridique de la conclusion des différentes formes de conventions collectives entre les parties.
  3. 915. L’organisation plaignante fait observer que la recommandation no 113 prévoit l’instauration d’une collaboration avec les organisations de travailleurs intéressées afin de favoriser la tenue de consultations au niveau sectoriel – en l’occurrence, dans le secteur de la santé. Elle soutient que les activités de consultation et de collaboration entre les autorités publiques et les organisations d’employeurs et de travailleurs, ainsi qu’entre ces organisations, devraient être menées sans qu’aucune discrimination soit exercée à l’encontre des parties et que ces activités ne devraient porter atteinte ni à la liberté syndicale ni aux droits des organisations d’employeurs et de travailleurs, y compris à leur droit de négociation collective. Tandis que la recommandation porte sur la collaboration entre les autorités publiques et les organisations pour ce qui a trait aux actes législatifs, l’organisation plaignante estime qu’elle devrait également s’appliquer aux négociations de branche menées dans le secteur de la santé et au niveau du lieu de travail avec les représentants de tous les syndicats intéressés, sachant que la norme de l’OIT en vigueur impose l’égalité de traitement entre les syndicats intéressés en matière de négociation salariale, tant au niveau de l’entreprise qu’à un niveau dépassant celle-ci.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 916. Dans sa communication datée du 13 mai 2019, le gouvernement fournit des informations générales sur le cas et indique que la crise de fonctionnement qui a touché la Commission tripartite sur les affaires sociales et économiques – l’institution nationale chargée du dialogue social interinstitutionnel – a coïncidé avec une manifestation organisée par les infirmiers et les sages-femmes afin d’obtenir une augmentation de salaire, ce qui a poussé le ministre de la Santé à prendre, début 2015, des mesures pour parvenir à un accord avec cette catégorie professionnelle. Le ministre a donc engagé des discussions avec les représentants du Syndicat national du personnel infirmier et des sages-femmes – qui est le plus grand syndicat de professionnels de la santé et qui compte 80 000 infirmiers et sages-femmes sur un total de 218 723 membres. Cela a conduit à un accord qui a formé la base du projet de règlement de 2015. Selon le gouvernement, le règlement de 2015 a été élaboré conformément aux prescriptions légales relatives à la conduite de consultations publiques et, en particulier, dans le respect du droit des syndicats de se prononcer sur les projets de loi, comme le prévoit l’article 19 de la loi sur les syndicats. Conformément à la loi, des consultations publiques ont également été organisées au moment d’élaborer les amendements au règlement d’octobre 2015 et d’août 2018.
  2. 917. Le gouvernement indique que le ministère de la Santé s’efforçait – y compris en prenant des mesures d’ordre législatif – de réglementer la question des salaires des infirmiers et des sages-femmes dans le respect de l’ensemble des normes juridiques. Ainsi, le régime prévu par les règlements a été conçu en tant que disposition accessoire spécialement destinée aux infirmiers et sages-femmes travaillant pour des prestataires de services et devait avoir pour effet d’augmenter leur rémunération à un moment clairement défini. Le mécanisme prévu à l’article 2(4)(1) du règlement de 2015 a donc été mis en œuvre pour la dernière fois en juillet 2019 et, en application du règlement de 2018, le directeur de la branche du Fonds national d’assurance-maladie concernée était tenu de communiquer, en juillet 2019 au plus tard, le montant des fonds supplémentaires consacrés aux soins de santé dispensés par les infirmiers et les sages-femmes entre septembre 2018 et août 2019. En outre, du fait de l’ajout de l’article 4(a) au règlement de 2018, les prestataires de services ont l’obligation d’affecter, à compter du 1er juillet 2019, au moins 1 100 zlotys reçus par le Fonds national d’assurance-maladie à l’augmentation du salaire de base de chaque infirmer et sage-femme qui remplit les conditions énoncées dans la disposition. Chaque infirmier et chaque sage-femme devraient donc bénéficier de cette augmentation, celle-ci n’étant pas, jusqu’à concurrence du montant indiqué, négociable conformément à la procédure de répartition des fonds consacrés aux soins de santé dispensés par les infirmiers et les sages-femmes. Le gouvernement soutient par ailleurs que, depuis l’entrée en vigueur du règlement de 2018, il n’est plus possible, en pratique, d’appliquer le mécanisme prévu à l’article 2(4)(1) du règlement de 2015. En outre, en juin 2017, une loi sur la procédure visant à déterminer la rémunération de base minimum de certains membres du personnel des services de santé a été adoptée. La loi de 2017 établit la rémunération de base minimum du personnel soignant, y compris de l’ensemble des infirmiers et sages-femmes employés par des services de santé, prévoit l’augmentation progressive de la rémunération de base et dispose que la procédure pour déterminer les modalités de l’augmentation de la rémunération fait l’objet de négociations annuelles entre l’employeur (le service de santé) et les syndicats habilités, au niveau de l’établissement, à conclure des conventions collectives de travail.
  3. 918. Le gouvernement indique que la ministre de la Famille, du Travail et de la Politique sociale a régulièrement rappelé aux membres du Conseil des ministres l’obligation qui leur incombait, au titre de la législation en vigueur, de consulter les partenaires sociaux. En décembre 2015, suite à l’instauration du Conseil du dialogue social, la ministre a transmis une lettre à tous les membres du Conseil des ministres pour les informer de l’existence de ce nouvel organe de consultations publiques et des nouvelles responsabilités en matière de consultation qui découlaient de sa création. La ministre a par ailleurs rappelé que les droits conférés au Conseil du dialogue social n’exemptaient pas de l’obligation de solliciter l’opinion des organisations représentatives des partenaires sociaux sur des projets de proposition et des projets de loi, comme le prévoyait l’article 19 de la loi sur les syndicats et l’article 16 de la loi sur les organisations d’employeurs. Les partenaires sociaux ont soulevé la question des irrégularités liées aux consultations sur les projets de loi, à la suite de quoi la ministre de la Famille, du Travail et de la Politique sociale a transmis, en mars 2017, une lettre aux membres du Conseil des ministres pour leur rappeler les obligations prévues par la législation en vigueur en matière de conduite de consultations. En outre, lorsque la ministre est devenue présidente du Conseil du dialogue social, elle a prié les membres du Conseil des ministres de veiller tout particulièrement au respect des dispositions de la loi sur le Conseil du dialogue social, qui imposait au gouvernement un certain nombre d’obligations.
  4. 919. Le gouvernement conclut en affirmant que le règlement contesté n’entraîne pas de discrimination à l’encontre des autres groupes professionnels au sein du système de santé ou des syndicats membres d’organisations représentatives au niveau national, ces organisations étant habilitées à soumettre au Conseil du dialogue social des questions d’un grand intérêt public ou économique dans le but d’exprimer leurs opinions ou d’engager des négociations destinées à parvenir à un accord sur une question d’ordre personnel ou matériel.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 920. Le comité note qu’en l’espèce l’organisation plaignante allègue que des dispositions réglementaires excluent les syndicats n’étant pas composés exclusivement d’infirmiers et de sages-femmes de la négociation des conventions collectives qui fixent la rémunération de cette catégorie de travailleurs et qu’il existe une différence de formulation entre la convention no 98 et la version polonaise de l’instrument pour ce qui a trait à l’expression «convention collective».

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 924. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité veut croire que les lois et règlements actuellement en vigueur permettent aux travailleurs du secteur de la santé, en particulier aux infirmiers et aux sages-femmes, de choisir librement quelles organisations les représentent dans les négociations salariales collectives, tant au niveau de l’établissement qu’au niveau sectoriel. Si des droits exclusifs en matière de négociation devaient être attribués à l’organisation la plus représentative au niveau où a lieu la négociation, le comité s’attend à ce que son caractère représentatif soit établi d’après des critères objectifs et fixés d’avance.
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