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Definitive Report - Report No 392, October 2020

Case No 3318 (El Salvador) - Complaint date: 18-AUG-17 - Closed

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Allégations: Refus de dialoguer et discrimination antisyndicale, en particulier harcèlement contre le secrétaire général et accusations infondées en lien avec des activités syndicales

  1. 592. La plainte figure dans des communications du Syndicat des employés du service du procureur pour la défense des droits de l’homme d’El Salvador (SEPRODEHES) datées du 18 août 2017 et du 28 juin 2018.
  2. 593. Le gouvernement a communiqué ses observations dans des communications datées du 25 février 2019, du 25 septembre 2019 et du 31 janvier 2020.
  3. 594. El Salvador a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 595. Dans ses communications, l’organisation plaignante allègue que des atteintes ont été portées à la liberté syndicale par la procureure pour la défense des droits de l’homme, ce qui s’est notamment traduit par: des atteintes à la liberté d’expression et à la liberté syndicale; le défaut de réponse à des demandes et communications; l’annulation de réunions et d’audiences prévues et d’autres refus de participer contraires à la sentence arbitrale produisant les effets d’une convention collective de travail (ci-après la «sentence arbitrale»); des actes de harcèlement visant le secrétaire général du comité exécutif dans le cadre de ses fonctions et d’autres actes arbitraires commis sur instruction de la procureure.
  2. 596. L’organisation plaignante allègue que le 26 juillet 2017 une mobilisation syndicale a été organisée devant l’un des locaux de l’institution pour demander à la procureure de rétablir le dialogue qu’elle avait elle-même rompu en mars 2017 et de respecter la sentence arbitrale. En guise de réponse, la procureure a émis le même jour la note no 191/2017, dans laquelle elle a cherché, par le biais de fausses accusations, à stigmatiser les activités syndicales en les caractérisant d’infractions pénales et d’«actes de vandalisme et de violence fondée sur le genre» ‒ accusations qui constituaient un moyen d’entraver la liberté d’expression et la liberté syndicale. Dans cette même note, la procureure a indiqué qu’elle ne reconnaissait pas le comité exécutif de SEPRODEHES et qu’elle refusait de dialoguer avec le syndicat ‒ bien qu’il s’agisse du représentant légitime de la majorité des travailleurs ‒ et a invité les employés à trouver un autre moyen de s’organiser. L’organisation plaignante a d’ailleurs transmis plusieurs communiqués internes que la procureure a adressés aux travailleurs, et dans lesquels elle attaque le comité exécutif et tente d’influer sur le processus électoral. Elle affirme par exemple: «j’estime que l’actuel comité exécutif n’est pas suffisamment représentatif et j’invite le personnel syndiqué et non syndiqué à chercher des représentants objectifs et professionnels […] afin d’établir des mécanismes de dialogue avec la direction» ou «je forme le souhait que soient élus de véritables représentants». En outre, dans un communiqué émis un jour avant les élections, elle a accusé les membres du comité d’avoir commis des infractions pénales, d’avoir failli à leurs obligations professionnelles et de n’écouter que leurs propres intérêts. L’organisation plaignante a par ailleurs transmis des notes de presse dans lesquelles la procureure formulait des déclarations acerbes et infondées à l’encontre des membres du comité exécutif du syndicat (elle y qualifiait ses deux principaux dirigeants de «délinquants», affirmait qu’ils n’étaient «même pas membres de l’institution» et qu’ils étaient «payés à ne rien faire» et ajoutait que «ces deux individus et dix autres ne [faisaient] absolument rien» et qu’elle faisait «peu de cas des délinquants»). En outre, l’organisation plaignante déplore que la procureure ait rejeté une demande formulée par le syndicat – dans laquelle celui-ci demandait à ce que ses membres puissent assister à une assemblée générale extraordinaire – sous prétexte que cela n’était pas «expressément prévu dans le plan de travail, qu’ils ne [lui avaient] toujours pas soumis en bonne et due forme» ‒ affirmation erronée puisque le comité exécutif de SEPRODEHES lui avait bel et bien présenté le plan de travail en question.
  3. 597. L’organisation plaignante ajoute que, lors du mandat 2017 18 du comité exécutif, la procureure s’est abstenue, de manière systématique et répétée, de répondre aux communications envoyées par le syndicat et a refusé de tenir les audiences sollicitées. Elle indique ce qui suit: i) sur les 12 réunions de l’année prévues au titre de la note no 14/2017 du 12 janvier 2017, qui avait été signée par la procureure, seule une réunion a eu lieu – et ce le 28 mars 2017 –, les réunions ultérieures ayant été annulées sans que le syndicat en ait été informé; ii) en désignant, par la note no 197/2017 du 29 juin 2017, une commission chargée de la représenter, la procureure a enfreint l’article 3 de la sentence arbitrale, qui dispose que la procureure doit être présente lors des réunions; iii) par la note no 191/2017 du 26 juillet 2017, la procureure a annulé la note précédente, de sorte que les réunions prévues avec ladite commission ont été suspendues; et iv) à partir d’avril 2017, la rupture unilatérale du dialogue s’est confirmée et le comité exécutif du syndicat n’a par conséquent pas pu participer à la gestion du budget, ce qui est contraire à l’article 43 de la sentence arbitrale. SEPRODEHES affirme qu’il est resté ouvert au dialogue malgré les refus essuyés; le 17 août 2017, il a envoyé une proposition de médiation à la procureure afin de rétablir le contact avec elle.
  4. 598. Enfin, l’organisation plaignante allègue que le secrétaire général du syndicat, Carlos Solórzano Padilla, a été victime de harcèlement et d’autres actes antisyndicaux arbitraires. SEPRODEHES allègue que, le 12 juillet 2017, M. Solórzano Padilla a été démis de ses fonctions institutionnelles par la note no 1355/2017 le contraignant à cesser d’exercer les fonctions qui lui étaient assignées et à quitter son bureau. Les actions illégales et arbitraires ne se sont pas arrêtées là et quelques jours plus tard, des collaborateurs de la procureure ont saisi l’ordinateur du secrétaire général et tenté d’extraire des informations de son disque dur – ce n’est qu’après s’être opposé à cette mesure, avec l’aide d’autres dirigeants, que le secrétaire général a enfin pu accéder à ses dossiers personnels. Le secrétaire général a également été contraint de remettre l’inventaire des biens meubles qui lui étaient dévolus dans le cadre de ses fonctions institutionnelles. En outre, l’organisation plaignante indique qu’un membre du syndicat a été congédié le 31 mai 2017, mais ne communique aucun détail quant à la nature antisyndicale de ce licenciement.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 599. Dans ses communications, le gouvernement transmet les réponses du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale et de la procureure aux allégations formulées dans la plainte.
  2. 600. Le gouvernement indique que SEPRODEHES a effectivement écrit au Département national des organisations sociales le 29 août 2017 afin que celui-ci demande à la procureure de cesser de faire obstacle à l’exercice de la liberté syndicale, mais que le département national a indiqué, dans sa réponse, qu’il n’avait pas compétence pour intervenir et lui adresser une telle demande. Le gouvernement précise que ce n’est pas que le département national ne souhaitait pas intervenir en faveur du syndicat, mais qu’il s’en trouvait empêché car il existait une interdiction expresse en la matière. Le syndicat avait toutefois la possibilité de saisir la justice pour faire valoir les droits qui avaient selon lui été mis à mal.
  3. 601. Pour sa part, la procureure affirme: i) que c’est le comité exécutif du syndicat qui s’est livré à des actes répétés et systématiques visant à discréditer sa personne et ses collaborateurs, actes qui, selon elle, «s’apparentaient à des délits constitutifs d’actes de violence à l’encontre des femmes et d’atteinte à l’autorité incarnée», et que le comité exécutif a harcelé les travailleurs qui ne s’étaient pas ralliés à l’appel à bloquer le fonctionnement de l’institution que celui-ci avait lancé; ii) qu’elle n’a pas pu engager de dialogue avec le syndicat alors qu’elle était disposée à le faire, et ce en raison du manque de respect témoigné à son encontre et à l’encontre de ses collaborateurs; iii) que les allégations de violations formulées étaient hors propos et infondées, et qu’elle n’a jamais empêché les employés d’exercer leur droit de s’affilier à un syndicat; iv) qu’elle a prouvé ses bonnes dispositions à l’endroit des travailleurs lorsqu’elle s’est chargée de faire appliquer la sentence arbitrale malgré la pénurie de fonds afin que tous les travailleurs puissent bénéficier des avantages qui en découlaient, et qu’elle a scrupuleusement respecté toutes les dispositions relatives aux prestations et aux droits du personnel prévues par l’instrument; v) que, s’agissant du calendrier des réunions, le secrétaire général de SEPRODEHES a été invité à soumettre un plan de travail présentant les différentes activités, conformément à l’article 19 de la sentence arbitrale, mais que celui-ci ne l’a jamais fait; vi) que toute latitude a été donnée aux membres du syndicat et du comité exécutif pour s’exprimer, et qu’ils en ont profité pour formuler toutes sortes de griefs à l’encontre de la procureure et pour mener de nombreuses actions de contestation, notamment pour barrer des routes ou entraver les membres du personnel en général dans l’exercice de leurs fonctions; et vii) que pour témoigner des bonnes dispositions de l’institution à l’endroit de l’organisation plaignante, le 7 octobre 2016, le 24 novembre 2016 et le 27 janvier 2017, 15 demandes ont été déposées pour solliciter le retrait de plaintes déposées par l’ancien procureur contre le comité exécutif de SEPRODEHES.
  4. 602. S’agissant du présumé acte de harcèlement qu’a constitué le licenciement du secrétaire général de l’organisation plaignante, le gouvernement indique que ce licenciement était lié au fait que, comme le prévoyait la sentence arbitrale, le secrétaire général bénéficiait d’une décharge d’activité à plein temps pour mener ses activités syndicales. Autrement dit, le secrétaire général, en raison de son adhésion au comité exécutif et parce qu’il disposait d’un congé syndical à temps plein, avait tacitement renoncé à ses fonctions professionnelles, qui devaient néanmoins être remplies. Le gouvernement indique que le secrétaire général a d’ailleurs porté plainte pour licenciement et affirmé, dans ce cadre, avoir été victime d’une «injustice manifeste», plainte que le tribunal de la fonction publique a rejetée le 8 juin 2018 par un jugement dans lequel il déclarait irrecevable l’allégation d’injustice manifeste.
  5. 603. Enfin, dans sa communication du 31 janvier 2020, le gouvernement indique: i) que le 16 octobre 2019, l’Assemblée législative a élu un nouveau procureur qui, deux jours après son élection, a fait part lors d’un entretien télévisé de sa volonté de ne pas entrer en conflit avec SEPRODEHES et d’avoir de bons rapports avec l’ensemble de l’institution; et ii) que le 21 octobre 2019, lors d’une conférence de presse, SEPRODEHES a donné sa confiance au nouveau procureur après avoir tenu une réunion lors de laquelle les intérêts du syndicat ont été abordés, le nouveau procureur s’étant pour sa part engagé à respecter les droits et les prestations découlant de la convention collective.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 604. Le comité observe que le présent cas porte sur plusieurs allégations faisant apparaître une situation de conflit et d’absence de dialogue entre la direction du service de la procureure (l’employeur) et l’organisation plaignante. Le syndicat dénonce: les actes de représailles et de stigmatisation antisyndicale que la procureure a opposés à l’exercice d’activités syndicales légitimes; l’absence de réponse aux demandes et aux communications; l’annulation de réunions et d’audiences prévues, ainsi que d’autres refus de participer contraires à la sentence arbitrale ayant valeur de convention collective de travail (ci-après la «sentence arbitrale»); et des actes de discrimination antisyndicale, en particulier de harcèlement à l’encontre du secrétaire général du comité exécutif. Pour sa part, le gouvernement indique que le ministère du Travail n’avait pas compétence pour intervenir dans le conflit. S’agissant de l’allégation de harcèlement, le gouvernement précise que le licenciement du secrétaire général de l’organisation plaignante était lié au congé syndical dont il bénéficiait au titre de la sentence arbitrale et que le tribunal de la fonction publique avait jugé irrecevable la plainte soumise par le secrétaire général, dans laquelle il alléguait qu’une injustice manifeste avait été commise. Le gouvernent renvoie par ailleurs à la réponse de la procureure, dans laquelle elle affirme: i) que c’est le comité exécutif du syndicat qui, alors qu’il disposait d’une entière liberté dans l’exercice de ses fonctions, a manqué de respect envers elle et ses collaborateurs, et que le comité exécutif n’avait pas permis l’instauration d’un dialogue, alors qu’elle-même y était disposée; ii) qu’elle a prouvé ses bonnes dispositions à l’endroit des travailleurs lorsqu’elle s’est chargée de faire appliquer la sentence arbitrale malgré la pénurie de fonds, afin que tous les travailleurs puissent bénéficier des avantages qui en découlaient, et qu’elle a scrupuleusement respecté toutes les dispositions relatives aux prestations et aux droits du personnel prévues par l’instrument; et iii) que ces bonnes dispositions ont de nouveau été démontrées lorsque des demandes ont été présentées pour solliciter le retrait de plaintes déposées par l’ancien procureur contre SEPRODEHES.
  2. 605. Tout en constatant qu’il existe des divergences entre les allégations de l’organisation plaignante et la réponse de la procureure, le comité observe que les déclarations publiques de la procureure témoignent d’une animosité à l’encontre de la direction du syndicat, ce qu’illustrent les nombreux documents transmis par le syndicat, dont la procureure ne nie pas être à l’origine. Le comité observe par exemple que si, dans ses communications au comité, la procureure affirme respecter la liberté syndicale et indique que les membres du comité bénéficient d’un congé syndical à temps plein afin de s’acquitter de leurs fonctions, dans ses déclarations à la presse, celle-ci les traite de «délinquants», affirme qu’ils «ne sont même pas membres de l’institution et qu’ils sont payés à ne rien faire» et ajoute que «ces deux personnes et dix autres ne font absolument rien». D’autre part, le comité observe que la procureure affirme que le comité exécutif du syndicat est celui qui s’est livré à des actes répétés et systématiques visant à discréditer sa personne. Selon elle, ces actes «s’apparentaient à des délits constitutifs d’actes de violence à l’encontre des femmes et d’atteinte à l’autorité incarnée», bien qu’elle ne présente pas d’éléments de preuve pour appuyer ces affirmations. Le comité prend par ailleurs note des communiqués internes dans lesquels la procureure a profité de sa position institutionnelle pour attaquer le comité exécutif et faire obstacle aux élections syndicales, et ce en adressant aux travailleurs des communications internes pour les encourager à élire un autre comité exécutif pour représenter le syndicat. Le comité rappelle à cet égard que le fait que les autorités interviennent au cours des élections d’un syndicat, en exprimant une opinion au sujet des candidats et des conséquences de ces élections, porte gravement atteinte au droit que les organisations syndicales ont d’élire en toute liberté leurs représentants. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 640.] Le comité considère que des déclarations comme celles-ci font obstacle au droit d’élire librement les dirigeants et ne contribuent pas au développement de relations professionnelles harmonieuses.
  3. 606. Ainsi, le comité souligne l’importance, pour assurer des relations professionnelles harmonieuses, d’engager des consultations complètes et franches sur des questions touchant les intérêts professionnels des travailleurs. Il souligne également l’importance de prendre sans attendre des mesures pour instaurer un climat de confiance fondé sur le respect des organisations d’employeurs et des organisations syndicales afin de promouvoir des relations professionnelles stables et solides. [Voir Compilation, 2018, paragr. 1519 et 1520.] Dans ces conditions, le comité invite les autorités concernées à continuer de faciliter la tenue d’un dialogue constructif entre la direction du service de la procureure et l’organisation plaignante, notamment pour traiter les questions soulevées dans la plainte qui pourraient rester irrésolues et en vue de garantir le plein respect de la liberté syndicale dans l’institution concernée et de promouvoir des relations professionnelles harmonieuses.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 607. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité invite les autorités concernées à continuer de faciliter la tenue d’un dialogue constructif entre la direction du service de la procureure et l’organisation plaignante, notamment pour traiter les questions soulevées dans la plainte qui pourraient rester irrésolues et en vue de garantir le plein respect et le plein exercice de la liberté syndicale dans l’institution concernée et de promouvoir des relations professionnelles harmonieuses.
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