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Definitive Report - Report No 388, March 2019

Case No 3206 (Chile) - Complaint date: 17-MAR-16 - Closed

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Allégations: L’organisation plaignante allègue qu’une entreprise nationale de cuivre décourage les cadres d’adhérer à un syndicat; que la loi est discriminatoire à l’égard de l’organisation plaignante dans les mécanismes de représentation au conseil d’administration de l’entreprise; que le fonctionnement des syndicats de l’organisation plaignante a été entravé par le licenciement de centaines de membres; que le droit de grève a été violé par un décret d’expulsion pris par le gouverneur provincial; et que plusieurs dirigeants syndicaux ont été convoqués par la police alors qu’ils participaient à une grève pacifique

  1. 230. La plainte figure dans une communication de la Fédération nationale des syndicats des cadres de catégorie A et des professionnels de l’entreprise CODELCO (FESUC) en date du 17 mars 2016. La FESUC a envoyé des informations complémentaires par communication en date du 15 novembre 2016.
  2. 231. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 15 mai 2017.
  3. 232. Le Chili a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 233. Dans sa communication du 17 mars 2016, la FESUC indique qu’elle regroupe six syndicats auxquels sont affiliés environ 1 800 professionnels employés par l’entreprise CODELCO (ci-après dénommée l’entreprise). L’organisation plaignante allègue que l’entreprise décourage les cadres d’adhérer à un syndicat; que la loi sur la gouvernance d’entreprise est discriminatoire à l’égard de l’organisation plaignante dans les mécanismes de représentation au conseil d’administration de l’entreprise; que le fonctionnement des syndicats de l’organisation plaignante a été entravé par le licenciement de centaines de membres; que le droit de grève a été violé par un décret d’expulsion pris par le gouverneur provincial et que plusieurs dirigeants syndicaux ont été convoqués par la police alors qu’ils participaient à une grève pacifique
  2. 234. L’organisation plaignante ajoute des allégations qui ont déjà été examinées par le comité dans une plainte déposée le 14 juin 2012 (cas no 2963) et souligne que non seulement les recommandations formulées par le comité dans son rapport de mars 2014 n’ont aucunement été prises en compte par le gouvernement, mais aussi que le 29 décembre 2014 le gouvernement a présenté un projet de réforme du travail qui va à l’encontre de ces recommandations. L’organisation plaignante fait spécifiquement référence aux allégations suivantes:
    • – l’allégation selon laquelle, invoquant les dispositions de l’article 305 du Code du travail, les travailleurs temporaires employés au titre d’un contrat d’entreprise ou de service ainsi que les travailleurs occupant des postes d’encadrement ou de direction dans certains établissements ont été exclus des négociations collectives;
    • – l’allégation selon laquelle l’application de l’article 346 du Code du travail, qui fait obligation aux travailleurs non syndiqués qui bénéficient des avantages prévus par une convention collective de verser 75 pour cent de la cotisation syndicale mensuelle ordinaire, décourage l’affiliation à un syndicat;
    • – l’allégation selon laquelle, en application des articles 369 et suivants du Code du travail, l’entreprise aurait déclaré illégale une grève menée en signe de protestation contre la politique qu’elle mettait en œuvre pour imposer ses projets de restructuration au motif que cette action ne s’inscrivait pas dans la procédure de négociation collective.
  3. 235. L’organisation plaignante affirme que, dans l’entreprise, il y a toujours eu la conviction profonde que les cadres ont moins de droits syndicaux que les ouvriers appartenant à la catégorie B et regroupés en syndicats affiliés à la Fédération de travailleurs du cuivre (FTC). L’organisation plaignante allègue que les dirigeants de l’entreprise ont souscrit à la doctrine selon laquelle les cadres ne devraient pas se syndiquer au motif qu’ils sont des travailleurs de confiance et que ce phénomène apparaît clairement dans les taux de syndicalisation de l’une ou l’autre catégorie: alors que le taux de syndicalisation est de 98 pour cent chez les travailleurs de catégorie B, il est de 52,1 pour cent chez les cadres de catégorie A. L’organisation plaignante allègue également qu’elle ne participe pas sur un pied d’égalité avec la FTC à la désignation d’un représentant au conseil d’administration de l’entreprise. Selon l’organisation plaignante, la loi no 20392 de 2009 sur la gouvernance d’entreprise, qui réglemente la composition du conseil d’administration, établit une discrimination entre la FESUC et la FTC: alors que la FTC élit seule les candidats à la représentation des travailleurs de catégorie B au conseil d’administration de l’entreprise, la FESUC doit, pour les professionnels et les cadres de catégorie A, proposer conjointement avec l’Association syndicale nationale des cadres du cuivre (ANSCO) un représentant des deux organisations.
  4. 236. L’organisation plaignante allègue également que l’entreprise a entravé le fonctionnement du syndicat par des licenciements et des menaces de licenciement. Plus précisément, elle allègue que, tout au long de l’année 2015, les dirigeants de l’entreprise se sont dits publiquement préoccupés par les coûts de production élevés et par le faible prix du cuivre et ont déclaré que le licenciement des cadres de catégorie A de l’entreprise était inévitable. Le 29 octobre 2015, le vice-président des ressources humaines a déclaré que l’entreprise devait licencier 350 cadres et, après ce licenciement massif (représentant 8 pour cent des cadres, affiliés dans leur grande majorité à la FESUC), a indiqué que les licenciements se poursuivraient en raison de la crise du prix du cuivre. Il a également mentionné que des limites ou des réductions pourraient être apportées aux «plans de sortie», un système généralement utilisé par l’entreprise en cas de licenciement pour octroyer une série de d’indemnités et de prestations plus favorables que celles prévues par la loi en cas de licenciement fondé sur les besoins de l’entreprise. En même temps, le 11 décembre 2015, lors d’un entretien, le vice-président des ressources humaines a indiqué que les travailleurs de catégorie B affiliés à la FTC ne seraient pas licenciés et a même évoqué la nécessité de garantir l’employabilité de ces travailleurs.
  5. 237. L’organisation plaignante allègue également le licenciement antisyndical de 31 membres du Syndicat des cadres de catégorie A d’Andina (affilié à la FESUC) le 29 octobre 2015. Les licenciements ont eu lieu un mois et dix-sept jours avant le renouvellement total de la direction du syndicat, ce qui a influé sur le résultat de l’élection et la composition de ladite direction. Bien qu’au début les licenciements aient été motivés par les besoins de l’entreprise, leur cause a finalement été modifiée, et les travailleurs ont pu bénéficier des plans de sortie, prévoyant que le travailleur qui démissionnerait volontairement de l’entreprise et qui remplirait certaines conditions d’âge et d’ancienneté percevrait une indemnité pour chacune des années travaillées au service de l’entreprise dénoncée, plus des aides supplémentaires en matière de prévoyance et de santé.
  6. 238. Enfin, l’organisation plaignante allègue que le droit de grève a été violé par un décret du gouverneur provincial d’El Loa qui a ordonné l’expulsion des installations occupées pacifiquement par les travailleurs en grève. Il est allégué que, le 10 octobre 2015, les forces spéciales des carabiniers se sont présentées dans les installations de la division Radomiro Tomic munies d’un décret du gouverneur provincial ordonnant la restitution du bien public. L’organisation plaignante allègue que les grévistes se sont retirés du site en raison des menaces d’intervention des forces de police. Elle allègue en outre que le 8 janvier 2016, dans le cadre de la grève, la police a émis un rapport mettant en cause dix dirigeants syndicaux, tous affiliés à la FESUC, qui ont fait l’objet d’un contrôle d’identité en raison de leur participation à une grève pacifique, alors qu’ils n’avaient commis aucune infraction. Cette situation a gravement détérioré l’image publique des dirigeants syndicaux et leur a causé un préjudice psychologique.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 239. Dans sa communication du 15 mai 2017, le gouvernement transmet ses observations, ainsi que celles de l’entreprise. Le gouvernement indique que cette dernière est une entreprise d’Etat autonome dont l’activité principale est l’exploration, la mise en valeur, l’exploitation, le traitement et la commercialisation des ressources et sous-produits de l’extraction du cuivre par le biais de sept divisions. L’entreprise emploie au total 18 030 personnes, dont 3 858 cadres. Le pourcentage de travailleurs syndiqués avoisine les 90 pour cent et, dans le cas du groupe des cadres, on dénombre 72,1 pour cent de membres syndiqués, répartis en neuf syndicats affiliés à la FESUC et à l’ANSCO. Quant aux travailleurs de catégorie B, ils sont organisés en 24 syndicats, tous affiliés à la FTC.
  2. 240. Le gouvernement indique avant toute chose qu’il a mis en œuvre les recommandations du comité formulées dans le cas no 2963 par l’intermédiaire de la loi no 20940, qui modernise le système des relations professionnelles et qui est entrée en vigueur le 1er avril 2017. Le gouvernement indique que cette loi a réformé le livre IV du Code du travail conformément aux recommandations du comité dans le cas no 2963 et aux observations formulées par la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR). Le gouvernement souligne que, dans ses dernières observations publiées en 2017 concernant l’application des conventions nos 87 et 98, la CEACR a noté avec satisfaction l’abrogation des articles 305, 346 et 369 de l’ancien texte du livre IV du Code du travail, qui ont fait l’objet du cas no 2963.
  3. 241. L’entreprise nie avoir commis des actes de discrimination arbitraire à l’encontre de la FESUC, favorisant la FTC; au contraire, elle a toujours respecté ses organisations syndicales et maintenu des relations de travail cordiales avec les deux fédérations. L’entreprise indique qu’elle a conclu divers accords avec la FTC et la FESUC et qu’elle ne fait aucune distinction entre les organisations syndicales. L’entreprise signale qu’elle respecte sans réserve l’exercice de la liberté syndicale dans ses différentes dimensions, à l’égard de l’ensemble de ses travailleurs, ouvriers et cadres, qui sont libres d’adhérer au syndicat qu’ils estiment approprié. Elle en veut pour preuve le pourcentage élevé de travailleurs syndiqués en son sein, de l’ordre de 90 pour cent de ses effectifs. Si le taux de syndicalisation des cadres n’est pas similaire à celui des travailleurs de catégorie B (ouvriers), cela est dû uniquement et exclusivement à la décision des travailleurs qui exercent ces fonctions, ce en quoi il n’y a pas d’ingérence de l’entreprise.
  4. 242. L’entreprise indique qu’elle a conclu des accords avec l’organisation plaignante à plusieurs reprises, de sorte qu’il n’est pas concevable qu’un traitement discriminatoire puisse exister entre la FESUC et la FTC. De fait, les tribunaux sont parvenus à la même conclusion dans deux actions en justice sur quatre intentées par la FESUC contre l’entreprise, présentant des allégations très similaires à celles du cas à l’examen: dans deux des procédures judiciaires, les requêtes ont été rejetées, l’existence d’une discrimination entre les organisations syndicales n’ayant pas été reconnue; en ce qui concerne les deux autres actions en justice, elles sont encore en instance.
  5. 243. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle la FESUC ne participe pas sur un pied d’égalité avec la FTC à la désignation d’un représentant au conseil d’administration de l’entreprise, cette dernière indique que, en vertu de la loi no 20392 sur la gouvernance d’entreprise, un membre est désigné à partir d’une liste de présélection présentée uniquement par la FTC (seule organisation représentative des travailleurs de catégorie B), et un membre est désigné à partir d’une liste de présélection proposée par l’ANSCO conjointement avec la FESUC (les deux organisations doivent s’entendre, car elles représentent toutes deux les cadres de l’entreprise).
  6. 244. En ce qui concerne les menaces présumées de licenciement, l’entreprise souligne que, bien que ses dirigeants aient publiquement mentionné la nécessité de procéder à des ajustements dans les coûts et les effectifs des cadres, en application des mesures adoptées pour faire face à la période économique difficile qu’elle traverse, leurs déclarations ont été faites dans le contexte d’une situation de dépréciation des cours du cuivre, qui est de notoriété publique, et ne sauraient aucunement constituer un comportement antisyndical. C’est ainsi que les sociétés minières ont dû réduire leurs coûts afin d’optimiser leurs opérations. Les divisions de l’entreprise ont conclu, dans leurs instruments collectifs, des plans de sortie, qui prévoient une série d’avantages supérieurs à ceux auxquels peut légalement prétendre les travailleurs en cas de cessation de service afin d’encourager les départs.
  7. 245. L’entreprise indique qu’il n’y a pas eu de menaces de pertes d’emploi du fait de la participation des travailleurs à des syndicats ou à des activités organisées par ceux-ci et que les raisons des ajustement opérés dans les effectifs sont liées à l’évolution du marché et à la situation économique difficile que traverse l’entreprise; il ne s’agit en aucun cas de menaces de pertes d’emploi liées à l’exercice de la liberté syndicale par les travailleurs de catégorie A. La rupture des contrats de travail de 350 cadres syndiqués au niveau national ne peut en aucun cas être qualifiée d’arbitraire et n’a jamais eu pour but de porter atteinte à la liberté syndicale de la FESUC ou des syndicats qui lui sont affiliés. Dans la situation susmentionnée, chacune des divisions a engagé, en octobre 2015, un processus de réduction des effectifs des cadres, qui s’est traduit dans certains cas par la démission de cadres ou, dans d’autres, par leur licenciement fondé sur les besoins de l’entreprise. L’entreprise souligne que le nombre de travailleurs exerçant des fonctions de cadre au niveau national a augmenté de 49 pour cent entre 2010 et aujourd’hui, passant de 2 620 à 3 907. D’autre part, le nombre total de travailleurs exerçant les fonctions d’opérateur a diminué de 9 pour cent durant la même période puisque, alors qu’ils étaient 15 306 au début de 2010, leur nombre est tombé à 13 930 à la fin de 2015. Cette situation, ajoutée au fait que les travailleurs de catégorie B ont été plus nombreux à faire valoir leurs droits à des plans de sortie a justifié le fait que les réductions d’effectifs ont touché les cadres et non pas les opérateurs. D’autre part, les mesures de réduction des coûts (en termes de réduction des effectifs) ont également touché une autre catégorie de travailleurs de l’entreprise, à savoir ceux de catégorie E, composée des dirigeants de l’entreprise, affectée par la restructuration des directions de certaines divisions. Ces mesures ne visaient donc pas uniquement les travailleurs appartenant à la catégorie des cadres.
  8. 246. L’entreprise déclare qu’elle n’a jamais engagé d’action antisyndicale visant à entraver le fonctionnement de la FESUC en modifiant son quorum à l’occasion du licenciement de 31 cadres en octobre 2015. L’entreprise fait savoir que la division andine n’avait aucune connaissance des travailleurs qui allaient être candidats à cette élection et que finalement la résiliation des contrats de travail de 31 travailleurs affiliés au Syndicat des cadres de catégorie A d’Andina a eu lieu du fait de la démission volontaire des travailleurs. Les travailleurs ont choisi de se prévaloir du plan de sortie prévu par la convention collective en vigueur et ont accepté de changer le motif de la cessation de la relation de travail en démission volontaire. L’option du plan de sortie a été librement préférée par les travailleurs à celle d’un licenciement fondé sur les besoins de l’entreprise, car elle leur permettait d’accéder à de meilleurs avantages. Ainsi, en se prévalant du plan de sortie, les travailleurs ont reçu, à titre de compensation pour leurs années de service, des sommes d’argent supérieures à celles convenues. L’entreprise affirme que tous les travailleurs, individuellement et en consultation avec les représentants de leur organisation syndicale, ont accepté de changer le motif de leur licenciement en démission volontaire. L’entreprise indique également que, dans la division andine, il y a toujours eu un niveau élevé de syndicalisation des travailleurs de catégorie A affiliés aux syndicats membres de la FESUC, avec un taux atteignant 85 pour cent; c’est la raison pour laquelle 31 de ces travailleurs ont pu se voir affectés.
  9. 247. En ce qui concerne l’allégation relative à l’intervention des carabiniers au cours de la grève, le gouvernement et l’entreprise font savoir que le décret d’expulsion a été pris par le gouverneur provincial d’El Loa pour mettre fin au blocage des voies d’accès à la division Radomiro Tomic, lors d’une grève légale organisée par le syndicat des cadres de catégorie A du même centre pendant les négociations collectives menées à la fin de 2015. L’entreprise indique que les grévistes ont empêché les travailleurs non grévistes, et même les travailleurs des entreprises contractantes et sous-traitantes, d’entrer dans la division. Bien que l’entreprise reconnaisse le droit de grève, celui-ci doit être exercé dans le cadre du respect des droits des autres travailleurs et/ou entreprises contractantes et sous-traitantes qui, n’étant pas parties à la négociation en question, étaient tenus de s’acquitter de leurs obligations contractuelles.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 248. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue qu’une entreprise nationale de cuivre décourage les cadres d’adhérer à un syndicat; que la loi sur la gouvernance d’entreprise discrimine l’organisation plaignante dans les mécanismes de représentation au conseil d’administration de l’entreprise; que le fonctionnement des syndicats de l’organisation plaignante a été entravé par le licenciement de centaines de membres; que le droit de grève a été violé par un décret d’expulsion pris par le gouverneur provincial et que plusieurs de ses dirigeants syndicaux ont été convoqués par la police en raison de leur participation à une grève pacifique.
  2. 249. Le comité note que, en plus de ces allégations, dans la présente plainte, l’organisation plaignante rappelle les allégations qui ont été examinées par le comité dans le cas no 2963 présenté par la même organisation plaignante en 2012. [Voir 371e rapport du comité, mars 2014, paragr. 222 à 238.] Le comité note que, selon l’organisation plaignante, le gouvernement n’a pas donné suite aux recommandations formulées par le comité dans cette affaire, qui faisaient référence à la nécessité de prendre des mesures législatives au sujet des articles 305, 346 et 369 du Code du travail. A cet égard, le comité note que le gouvernement rappelle que le 1er avril 2017, c’est-à-dire après le dépôt de la plainte, la loi no 20940 est entrée en vigueur, modernisant le système des relations professionnelles et réformant le livre IV du Code du travail, mettant ainsi en œuvre les recommandations formulées par le comité dans le cas no 2963, en abrogeant notamment les articles 305, 346 et 369 de l’ancien texte du livre IV du Code du travail. Le comité note que, selon le gouvernement, dans ses dernières observations publiées en 2017 concernant l’application des conventions nos 87 et 98, la CEACR a pris note avec satisfaction de l’abrogation des dispositions susmentionnées. Le comité se félicite de l’évolution de la législation qui abroge ces dispositions conformément à ses recommandations dans le cas no 2963.
  3. 250. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle l’entreprise décourage les cadres d’adhérer à un syndicat parce qu’ils sont des travailleurs de confiance (l’organisation plaignante indique que si le taux de syndicalisation des travailleurs de catégorie B (ouvriers) est de 98 pour cent, celui des cadres de catégorie A est de 52,1 pour cent), le comité note que l’entreprise indique: i) qu’elle respecte l’exercice de la liberté syndicale de tous ses travailleurs, les ouvriers comme les cadres, qui sont libres d’adhérer à l’organisation syndicale qu’ils jugent appropriée, comme en témoigne le pourcentage élevé de travailleurs syndiqués au sein de l’entreprise, soit environ 90 pour cent de ses effectifs; ii) qu’elle ne fait aucune distinction entre organisations syndicales et a associé la FESUC (cadres) et la FTC (ouvriers) aux différentes réunions des instances de négociation qui ont eu lieu au fil du temps; iii) que, si le taux de syndicalisation des cadres n’est pas similaire à celui des ouvriers, cela est dû à la décision des travailleurs, ce en quoi il n’y a pas d’ingérence de l’entreprise; iv) que deux organisations coexistent dans l’entreprise, qui regroupent les cadres (la FESUC et l’ANSCO) et qui représentent un taux de syndicalisation de 72,1 pour cent; et v) qu’elle a conclu à plusieurs reprises des accords avec l’organisation plaignante, de sorte qu’il n’est pas concevable qu’un traitement discriminatoire puisse exister entre la FESUC et la FTC.
  4. 251. Le comité note également que, selon le gouvernement, l’organisation plaignante a intenté diverses actions en justice contre l’entreprise avec des allégations très similaires à celles présentées dans le cas à l’examen: deux des quatre actions seraient pendantes, et dans les deux autres une décision aurait été rendue rejetant l’allégation de l’existence d’une discrimination entre les organisations syndicales et la plainte pour pratiques antisyndicales. Le comité note que le taux de syndicalisation des cadres est inférieur à celui des ouvriers, mais dans la présente plainte l’organisation plaignante n’a pas fourni de renseignements sur les mesures concrètes prises par l’entreprise qui ont eu une incidence directe sur l’affiliation ou la désaffiliation de ses membres, ni dit en quoi elle n’a pas été en mesure de conclure des accords avec l’entreprise. Notant que deux des procédures judiciaires sont toujours en cours, le comité veut croire que, en cas de discrimination antisyndicale, des mesures appropriées seront prises pour y remédier.
  5. 252. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle la FESUC ne participerait pas sur un pied d’égalité avec la FTC à la désignation d’un représentant au conseil d’administration de l’entreprise, le comité note que l’entreprise indique que, en vertu de la loi no 20392 sur la gouvernance d’entreprise, un membre est désigné à partir d’une liste de présélection présentée uniquement par la FTC (seule organisation représentative des travailleurs de catégorie B), et un membre est désigné à partir d’une liste de présélection proposée par l’ANSCO conjointement avec la FESUC (le gouvernement indique que les deux organisations doivent s’entendre, car elles représentent toutes les deux les cadres de l’entreprise). A cet égard, le comité note que l’organisation plaignante n’a pas fourni de preuves factuelles qui laissent supposer une discrimination ou un comportement antisyndical à l’encontre de la FESUC et note en outre que, selon des informations du domaine public, le 30 décembre 2016, c’est-à-dire postérieurement à la présentation de la plainte, la FESUC et l’ANSCO sont parvenues à un accord sur une liste de présélection pour désigner leur représentant au conseil d’administration (un poste vacant depuis un an et demi).
  6. 253. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, l’entreprise a entravé le fonctionnement du syndicat par des licenciements et des menaces de licenciement: i) les dirigeants de l’entreprise ont fait des déclarations publiques laissant entendre que la crise du prix du cuivre rendait inévitable le licenciement de cadres de catégorie A au niveau national – mais pas celui d’ouvriers de catégorie B –, ce qui s’est traduit par le licenciement de 350 cadres, soit 8 pour cent de leurs effectifs, pour la plupart affiliés à la FESUC et tous licenciés le même jour, ce qui a porté atteinte à l’image de la fédération et menacé ses ressources et ses capacités de négociation; ii) l’entreprise a licencié 31 cadres membres du Syndicat des cadres de catégorie A d’Andina (affilié à la FESUC) un mois et dix-sept jours avant le renouvellement total de la direction du syndicat.
  7. 254. A cet égard, le comité note que l’entreprise indique que: i) la situation difficile que traverse l’industrie de l’extraction du cuivre est bien connue, et l’entreprise n’échappe pas à cette réalité; dans leurs déclarations, les dirigeants de l’entreprise ont mentionné cette réalité; ii) dans ce contexte, chacune des divisions de l’entreprise a entamé, en octobre 2015, un processus de réduction de ses effectifs qui s’est traduit par des démissions de cadres et d’ouvriers ou, dans d’autres cas, par des licenciements fondés sur les besoins de l’entreprise; iii) la rupture des contrats de travail de 350 cadres syndiqués au niveau national n’a jamais eu pour objectif de porter atteinte à la liberté syndicale: de fait, le nombre de cadres au niveau national avait augmenté de 49 pour cent entre 2010 et, aujourd’hui, passant de 2 620 à 3 907, le nombre total des ouvriers avait quant à lui diminué de 9 pour cent pendant la même période, puisqu’ils étaient 15 306 au début de 2010 et 13 930 à la fin de 2015; iv) les travailleurs de catégorie B ont été plus nombreux à se prévaloir des plans de sortie, ce qui explique que la réduction des effectifs ait affecté les cadres et non pas les opérateurs; et v) les mesures de réduction des coûts ont également touché un autre groupe de travailleurs de l’entreprise, à savoir ceux de la catégorie E, composée des dirigeants de l’entreprise et qui a été affectée par la restructuration de la direction de certaines divisions. L’entreprise indique également que les 31 cadres de la division andine se sont prévalus du plan de sortie, ce dernier leur permettant d’obtenir de meilleurs avantages que s’ils avaient accepté un licenciement fondé sur les besoins de l’entreprise. L’entreprise affirme également qu’elle ne savait pas que le licenciement des travailleurs avait lieu un mois et dix-sept jours avant le renouvellement total de la direction du syndicat et dans tous les cas elle souligne que, dans la division andine, il y a toujours eu un taux élevé de syndicalisation des travailleurs de catégorie A affiliés aux syndicats membres de la FESUC, avec un pourcentage atteignant 85 pour cent; c’est notamment la raison pour laquelle 31 de ces travailleurs ont pu se voir affectés.
  8. 255. Le comité note que, si l’organisation plaignante allègue que le licenciement des 350 cadres, soit 8 pour cent de leurs effectifs, dont la grande majorité étaient affiliés à la FESUC et qui ont tous été licenciés le même jour, a porté atteinte à l’image de la FESUC, à ses ressources et son pouvoir de négociation, l’organisation plaignante ne fournit aucun élément permettant de conclure que ces licenciements ont été motivés par leur appartenance syndicale, par leurs activités syndicales ou par la volonté d’entraver le fonctionnement de la FESUC. Le comité note également que, bien que l’organisation plaignante et le gouvernement mentionnent tous deux le nombre de 350 cadres, le comité ne dispose pas d’autres données (le nombre total de licenciements dans l’entreprise au niveau national – cadres comme ouvriers – ainsi que le nombre total de travailleurs ayant bénéficié de plans de sortie). Dans ces conditions, à moins que l’organisation plaignante ne fournisse des renseignements précis sur le caractère antisyndical des licenciements, le comité ne poursuivra pas l’examen de cette allégation.
  9. 256. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle le licenciement de 31 cadres membres du Syndicat des cadres de catégorie A d’Andina, un mois et dix-sept jours avant l’élection de sa nouvelle direction, a eu une incidence sur la constitution de la nouvelle direction, le comité note que l’organisation plaignante n’a pas fourni de renseignements lui permettant de conclure qu’il y a eu ingérence dans les affaires syndicales ou ingérence dans les élections syndicales, considérant notamment que le taux de syndicalisation des travailleurs de catégorie A de la division andine atteint 85 pour cent, de sorte qu’il était très probable que les travailleurs dont le contrat a pris fin aient été membres du syndicat. Par ailleurs, le comité note que, selon l’organisation plaignante et le gouvernement, les 31 travailleurs se sont finalement prévalus du plan de sortie, celui-ci leur donnant accès à de meilleurs avantages.
  10. 257. Enfin, le comité prend note des allégations selon lesquelles le droit de grève aurait été violé par un décret du gouverneur ordonnant l’expulsion des travailleurs des installations qu’ils occupaient pacifiquement et que, après la grève, plusieurs dirigeants syndicaux auraient été convoqués par la police, ce qui aurait gravement entaché leur image publique. A cet égard, le comité note que, selon le gouvernement et l’entreprise, le décret d’expulsion a été pris par le gouverneur pour mettre fin au blocage des voies d’accès à la division Radomiro Tomic qui empêchait l’entrée des travailleurs non grévistes, y compris celle des travailleurs des entreprises contractantes et sous-traitantes. Tout en notant qu’il s’agissait d’une manifestation pacifique (comme il ressort du rapport de police annexé par l’organisation plaignante), le comité rappelle que le droit de grève doit s’exercer dans le respect de la liberté du travail des non grévistes prévue par la législation nationale, ainsi que du droit de la direction de l’entreprise de pénétrer dans les locaux. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 940.]

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 258. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à décider que ce cas n’appelle pas un examen plus approfondi.
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