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Report in which the committee requests to be kept informed of development - Report No 387, October 2018

Case No 2982 (Peru) - Complaint date: 20-AUG-12 - Follow-up

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Allégations: Assassinat de dirigeants et de membres syndicaux du secteur de la construction civile ou menaces proférées à leur encontre, insuffisance des mesures adoptées et inefficacité des enquêtes et maintien de l’inscription au registre de pseudo-organisations syndicales

  1. 560. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa réunion d’octobre 2017 et, à cette occasion, a présenté au Conseil d’administration un rapport intérimaire. [Voir 383e rapport, paragr. 489 à 504, approuvé par le Conseil d’administration à sa 331e session (octobre novembre 2017).]
  2. 561. Le gouvernement a adressé ses observations dans des communications en date des 26 juin, 9 août, 5, 18 et 20 septembre 2018.
  3. 562. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 563. A sa réunion précédente, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 383e rapport, paragr. 504]:
    • a) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de l’enquête actuellement en cours sur l’assassinat des dirigeants syndicaux Ruben Snell Soberón Estela et Miguel Díaz Medina.
    • b) Le comité prie le gouvernement de veiller à ce que de nouvelles enquêtes soient menées en vue d’identifier les auteurs matériels et les instigateurs de l’assassinat du dirigeant syndical Guillermo Alonso Yacila Ubillus et de veiller en outre à ce que les coupables soient sévèrement punis. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • c) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé dans les plus brefs délais de l’avancement des procédures pénales relatives à l’assassinat des membres des syndicats Rodolfo Alfredo Mestanza Poma et Luis Esteban Luyo Vicente.
    • d) Le comité exhorte le gouvernement à prendre toutes les mesures en son pouvoir pour que le ministère public conduise dès que possible une enquête exhaustive sur les raisons et les auteurs des violences dans le secteur de la construction, afin que toutes les actions pénales requises puissent être engagées sur la base des conclusions auxquelles aboutira l’enquête.
    • e) Soulignant que la problématique de la violence dans le secteur de la construction civile et les actions mises en œuvre pour l’éradiquer doivent être analysées dans le cadre du dialogue social, le comité prie à nouveau le gouvernement de le tenir informé des actions mises en œuvre pour instaurer la confiance entre les parties et promouvoir le dialogue tripartite.
    • f) Le comité attire à nouveau spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 564. Dans ses communications des 26 juin, 9 août et 5 septembre 2018, le gouvernement fournit des informations actualisées du ministère public sur l’état d’avancement des enquêtes menées sur l’assassinat de plusieurs dirigeants et membres syndicaux dans le secteur de la construction civile. Le gouvernement rend également compte des travaux actuellement menés par l’Observatoire du ministère public sur la criminalité ainsi que des actions menées pour promouvoir le dialogue tripartite sur le problème de la violence dans le secteur de la construction civile.
  2. 565. En ce qui concerne les recommandations a), b) et c) du comité concernant les enquêtes menées sur l’assassinat de dirigeants et de membres syndicaux, le gouvernement indique que les enquêtes dont est chargé le Tribunal provincial de Lambayeque spécialisé dans la lutte contre le crime organisé, dans le cadre desquelles MM. Ruben Snell Soberón Estela et Miguel Díaz Medina sont réputés avoir été victimes d’homicides, sont sur le point d’être classées. En ce qui concerne M. Guillermo Alfonso Yacila Ubillus, le gouvernement a fourni une copie d’une décision en date du 12 mai 2014 émanant du sixième Tribunal pénal provincial de Callao, qui prévoyait le classement définitif de la procédure, l’enquête n’ayant pas abouti et l’auteur ou les auteurs du meurtre n’ayant pu être identifiés. En ce qui concerne M. Rodolfo Alfredo Mestanza Poma, le gouvernement a fourni une série de documents dont il ressort que: i) le 21 décembre 2016, le Tribunal pénal provincial d’Huaura a demandé l’acquittement des personnes accusées d’homicide au motif qu’aucun élément ne permettait de les condamner; et ii) le 30 mai 2017, la demande d’acquittement a été déclarée fondée et confirmée par la décision no 5 du 14 juin 2017, date à partir de laquelle l’affaire en question a été définitivement close.
  3. 566. Le gouvernement indique également que, par une décision rendue le 8 mai 2017, la cour supérieure de justice de Cañete a acquitté pour insuffisance de preuves la seule personne accusée du meurtre de M. Luis Esteban Luyo Vicente. Le gouvernement a fourni une copie de cette décision, dans laquelle la Cour a souligné que les armes saisies n’avaient pas fait l’objet d’une expertise balistique; ce fait démontre que le ministère public n’a pas agi avec la diligence et l’objectivité inhérentes à sa mission, ce qui a abouti à l’acquittement de l’accusé pour insuffisance de preuves. Enfin, le gouvernement rappelle que, si la deuxième chambre pénale d’appel de Trujillo a confirmé en 2014 la condamnation à vingt ans de prison du coauteur du meurtre du syndicaliste M. Jorge Antonio Vargas Guillen, il n’a pas été possible d’identifier l’auteur matériel, et seul le pilote de la moto d’où sont partis les tirs a été condamné.
  4. 567. D’autre part, le gouvernement a fourni deux rapports du ministère public, datés des 16 mars et 18 juillet 2018, qui résument les travaux menés ces dernières années par l’Observatoire du ministère public sur la criminalité. D’après ces rapports, depuis 2015, l’observatoire exécute le Programme d’enquêtes criminelles et d’analyse prospective (Programa de implementación de investigaciones criminológicas y análisis prospectivo), dans le cadre duquel il a systématisé la collecte de données pertinentes sur la criminalité et la violence, en axant son approche sur diverses thématiques, telles que les homicides et les extorsions. Les rapports indiquent également que, depuis le début de l’année, l’observatoire, en collaboration avec l’Institut national de la statistique et de l’informatique, a croisé les données relatives aux homicides enregistrés en 2017 dans les fichiers de la police nationale avec les informations produites par le Comité statistique du ministère public et les comités décentralisés des districts fiscaux. Il est précisé dans les rapports que, dans un contexte de difficultés budgétaires, on met actuellement la dernière main à la publication d’un bulletin intitulé «Criminalité de droit commun, violence et insécurité des citoyens (2013-2018)».
  5. 568. En ce qui concerne la recommandation e) du comité concernant les mesures prises par le gouvernement pour promouvoir le dialogue tripartite en vue de résoudre les problèmes du secteur de la construction civile, le gouvernement indique qu’a été créée par décret suprême no 87-2015 la Commission multisectorielle, instance de dialogue, de coordination et de suivi des mesures visant à prévenir et sanctionner la violence dans ce secteur, à laquelle participent les principaux représentants des employeurs de la construction civile et la Fédération des travailleurs de la construction civile du Pérou (FTCCP), ainsi que le ministère du Travail et d’autres organismes publics. Le gouvernement fait savoir que la commission tient régulièrement des réunions au cours desquelles sont examinées et élaborées des mesures de lutte contre la violence dans le secteur de la construction civile. Le gouvernement a fourni une copie du procès-verbal de la dernière réunion de la Commission multisectorielle, en date du 20 décembre 2017, dans lequel figurent la date et le lieu de la réunion, ainsi que les noms des personnes qui y ont participé. Le gouvernement précise que le problème de la violence dans le secteur de la construction est également examiné dans le cadre du Conseil national du travail et de la promotion de l’emploi (CNTPE), mécanisme de dialogue et de concertation présidé par le ministre du Travail et composé des organisations les plus représentatives des travailleurs et des employeurs. Selon le gouvernement, le CNTPE a été saisi en 2014 d’une initiative visant à créer des registres des travailleurs de la construction civile destinés, entre autres, à contribuer à l’élimination de la violence dans ce secteur. Le gouvernement indique que ces registres ont été approuvés par le décret suprême no 009 2016 et ont été effectivement créés. Le gouvernement indique également que la Commission multisectorielle a l’intention d’élaborer un projet de protocole intersectoriel d’intervention dans les chantiers de construction civile permettant de prévenir les poussées de violence dans le secteur.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 569. Le comité rappelle que le présent cas traite d’assassinats de dirigeants et de membres syndicaux s’inscrivant dans un climat de violence, de menaces et d’extorsion créé par des groupes mafieux dans le secteur de la construction civile. Les organisations plaignantes allèguent également l’indifférence des autorités, leur inefficacité et l’impunité dont jouissent ces groupes mafieux.
  2. 570. Le comité prend note des informations du ministère public communiquées par le gouvernement au sujet de l’état d’avancement des enquêtes sur l’assassinat de dirigeants et de membres syndicaux, d’où il ressort que les enquêtes menées par les procureurs de Lambayeque, Callao et Huaura sur les meurtres de MM. Ruben Snell Soberón Estela, Miguel Díaz Medina, Guillermo Alfonso Yacila Ubillus et Rodolfo Alfredo Mestanza Poma ont été classées ou sont sur le point de l’être, car leurs auteurs n’ont pas pu être identifiés. Le comité note également que, par un jugement rendu le 8 mai 2017, la Cour supérieure de justice de Cañete a acquitté pour insuffisance de preuves le seul accusé du meurtre de M. Luis Esteban Luyo Vicente. Le comité relève avec préoccupation que, dans ce jugement, la cour a souligné que les armes saisies n’avaient pas fait l’objet d’une expertise balistique, fait qui démontre que le ministère public n’a pas agi avec la diligence et l’objectivité inhérentes à sa mission, ce qui a abouti à l’acquittement de l’accusé pour insuffisance de preuves. Le comité note également que, selon le gouvernement, si le coauteur du meurtre du syndicaliste Jorge Antonio Vargas Guillen a été condamné en 2014 à vingt ans d’emprisonnement, il n’a pas été possible d’identifier l’auteur matériel du meurtre, et seul le pilote de la moto d’où sont partis les tirs a été condamné.
  3. 571. Le comité se déclare profondément préoccupé par l’absence de jugement contre les auteurs des meurtres et par le fait que le ministère public a décidé de clore les enquêtes. Le comité rappelle que, lors d’un examen antérieur du cas, il avait déjà noté que l’enquête sur le meurtre du dirigeant syndical Guillermo Alonso Yacila Ubillus avait été classée, et il avait demandé au gouvernement de mener des enquêtes complémentaires pour identifier les auteurs matériels et les instigateurs du meurtre. Le comité rappelle l’importance qui s’attache à ce que les enquêtes ouvertes aboutissent à des résultats concrets permettant d’établir les faits de manière incontestable, ainsi que les motifs de ces faits et leurs auteurs, de manière à pouvoir appliquer les sanctions appropriées et s’employer à éviter leur répétition à l’avenir. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 96.] Dans des cas d’actes de violence physique ou verbale contre des dirigeants travailleurs ou employeurs et leurs organisations, le comité a souligné que l’absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d’insécurité, et qui est donc extrêmement dommageable pour l’exercice des activités syndicales. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 108.]
  4. 572. D’autre part, le comité note que, bien que le gouvernement ait fourni des rapports du ministère public en date des 16 mars et 18 juillet 2018, qui résument les travaux de compilation de données statistiques sur la criminalité et la violence effectués par l’Observatoire du ministère public sur la criminalité, ces rapports ne se réfèrent pas à la collecte de données relatives au secteur de la construction civile, ni à la conduite d’une enquête quantitative et qualitative sur les cas d’extorsion et d’homicide dans le secteur de la construction civile, enquête qui figurait dans le plan de travail de l’observatoire pour 2014 mais a été reprogrammée pour des raisons institutionnelles. Le comité rappelle que, lors des derniers examens du cas, il avait exhorté le gouvernement à prendre toutes les mesures à sa disposition pour que le ministère public mène une telle enquête dans les meilleurs délais.
  5. 573. Le comité considère qu’il est indispensable que l’Observatoire du ministère public sur la criminalité mène une enquête exhaustive sur les raisons et les auteurs de violences dans le secteur de la construction civile, en particulier dans un contexte caractérisé par l’absence de jugement contre les responsables des meurtres. Le comité exhorte une nouvelle fois le gouvernement à prendre toutes les mesures en son pouvoir pour que le ministère public conduise dès que possible une enquête exhaustive sur les raisons et les auteurs des violences dans le secteur de la construction, afin que toutes les actions pénales requises puissent être engagées sur la base des conclusions auxquelles aboutira l’enquête. Le comité veut croire que cette enquête produira des données qui permettront de rouvrir les enquêtes sur les meurtres des dirigeants et membres syndicaux susmentionnés, qui ne peuvent rester impunis. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  6. 574. Enfin, le comité rappelle que, outre l’enquête susmentionnée, il avait invité le gouvernement à continuer de prendre des mesures dans le cadre du dialogue tripartite existant pour traiter la question de la violence dans le secteur de la construction civile. A cet égard, le comité note que le gouvernement rappelle qu’il a créé en 2015 la Commission multisectorielle, organe tripartite chargé de coordonner et de suivre les actions de prévention et de répression de la violence dans le secteur de la construction civile, et que le Conseil national du travail et de la promotion de l’emploi (CNTPE), présidé par le ministre du Travail et composé des organisations les plus représentatives des travailleurs et des employeurs, constitue également une instance de dialogue et de concertation en matière de travail. Le comité note que, selon le gouvernement, l’une des initiatives proposées et examinées par la Commission multisectorielle et le CNTPE a été la création des registres des travailleurs de la construction civile, qui doivent entre autres contribuer à l’élimination de la violence dans ce secteur. Le comité relève également que le gouvernement a fourni une copie du procès verbal de la dernière réunion de la Commission multisectorielle tenue le 20 décembre 2017, dans lequel figurent uniquement la date et le lieu de la réunion et les noms des personnes qui y ont participé. Le gouvernement indique également que la Commission multisectorielle a l’intention d’élaborer un projet de protocole intersectoriel d’intervention dans les chantiers de construction civile permettant de prévenir les poussées de violence dans le secteur. Le comité encourage vivement le gouvernement à continuer de prendre des mesures dans le cadre du dialogue tripartite existant pour traiter la question de la violence dans le secteur de la construction civile. A cet égard, le comité invite le gouvernement, dans le cadre de la Commission multisectorielle et du CNTPE et en collaboration avec les partenaires sociaux, à élaborer un plan d’action détaillé assorti d’objectifs et de délais précis pour faire en sorte que les cas de violence dans le secteur de la construction fassent l’objet d’enquêtes appropriées et que des efforts supplémentaires soient faits pour identifier et sanctionner les auteurs de ces violences. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard ainsi que vis-à-vis de l’élaboration du projet de protocole intersectoriel d’intervention.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 575. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures en son pouvoir pour que le ministère public conduise dès que possible une enquête exhaustive sur les raisons et les auteurs des violences dans le secteur de la construction, afin que toutes les actions pénales requises puissent être engagées sur la base des conclusions auxquelles aboutira l’enquête. Le comité veut croire que cette enquête produira des données qui permettront de rouvrir les enquêtes sur les meurtres des dirigeants et membres syndicaux susmentionnés, qui ne peuvent rester impunis. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • b) Le comité encourage vivement le gouvernement à continuer de prendre des mesures dans le cadre du dialogue tripartite existant pour traiter la question de la violence dans le secteur de la construction civile. A cet égard, le comité invite le gouvernement, dans le cadre de la Commission multisectorielle et du CNTPE et en collaboration avec les partenaires sociaux, à élaborer un plan d’action détaillé assorti d’objectifs et de délais précis pour faire en sorte que les cas de violence dans le secteur de la construction fassent l’objet d’enquêtes appropriées et que des efforts supplémentaires soient faits pour identifier et sanctionner les auteurs de ces violences. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard ainsi que vis-à-vis de l’élaboration du projet de protocole intersectoriel d’intervention.
    • c) Le comité attire de nouveau spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.
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