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Report in which the committee requests to be kept informed of development - Report No 384, March 2018

Case No 3227 (Republic of Korea) - Complaint date: 02-SEP-16 - Follow-up cases closed due to the absence of information from either the complainant or the Government in the last 18 months since the Committee examined the cases

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Allégations: Actes de discrimination antisyndicale, de harcèlement et d’ingérence de l’employeur dans les affaires internes du syndicat, qui ont fini par contraindre les travailleurs à se désaffilier unilatéralement du syndicat d’industrie KMWU et à modifier la structure du syndicat en créant un syndicat d’entreprise scissionniste, dominé par la direction, qui a été validé par la Cour suprême, bien que contrevenant à la législation nationale et aux statuts internes du KMWU

  1. 250. La plainte figure dans une communication de la Confédération syndicale internationale (CSI), de la Confédération coréenne des syndicats (KCTU) et du Syndicat coréen des travailleurs de la métallurgie (KMWU) en date du 2 septembre 2016.
  2. 251. Le gouvernement a présenté ses observations dans une communication en date du 30 mai 2017.
  3. 252. La République de Corée n’a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 253. Dans une communication en date du 30 mai 2017, les organisations plaignantes, à savoir la CSI, la KCTU et le KMWU, allèguent plusieurs actes graves de discrimination antisyndicale, de harcèlement et d’ingérence de l’employeur dans les affaires internes du KMWU, qui ont fini par contraindre les travailleurs, de peur d’être licenciés, à se désaffilier unilatéralement du syndicat d’industrie KMWU et à modifier la structure du syndicat, en créant un syndicat d’entreprise scissionniste, dominé par la direction, au sein de Valeo Electrical Systems Korea (ci-après «la société»). Outre le fait d’être illégale en vertu du droit coréen et du droit international, la création d’un syndicat d’entreprise enfreint également les statuts internes du KMWU, qui n’autorisent pas la création de telles structures. Toutefois, la Cour suprême de Corée a rendu une décision à la fin de 2015 qui approuvait la création du syndicat d’entreprise, en dépit de l’ingérence scandaleuse de l’employeur et de la violation des statuts internes du KMWU. Le gouvernement a donc enfreint le droit à la liberté syndicale en ne sanctionnant pas les actes de discrimination antisyndicale et d’ingérence de la direction visant les travailleurs et le KMWU, ainsi qu’à travers l’avis de la Cour suprême aux lourdes implications, qui a validé la création d’un syndicat d’entreprise, en dépit de l’ingérence manifeste de l’employeur et de l’infraction aux statuts du KMWU.
  2. 254. Les organisations plaignantes indiquent que la société, créée en 1999 par la société mère française du même nom, est une filiale qui assemble et fournit des systèmes électriques automobiles au secteur automobile de la République de Corée. En février 2001, afin d’accroître son pouvoir de négociation collective et de mieux protéger l’indépendance du syndicat des travailleurs, les employés ont modifié la structure du syndicat opérant au niveau de l’entreprise afin qu’il devienne une unité du KMWU.
  3. 255. Selon les organisations plaignantes, en mars 2009, les relations entre l’unité locale et la société se sont considérablement détériorées. Après avoir engagé un cabinet de consultants externe pour la conseiller en matière d’action antisyndicale, la société a soumis, en juin 2009, des demandes au syndicat qui auraient eu pour effet d’annuler plusieurs dispositions clés de la convention collective alors en vigueur. Le 4 février 2010, la société a décidé unilatéralement de confier en sous-traitance son personnel de sécurité et de réaffecter les gardes de sécurité déjà en poste à des tâches désagréables, comme le nettoyage des toilettes. Les travailleurs étaient également soumis à des humiliations publiques, comme être obligés de rester seuls et silencieux au milieu du couloir, sans travail. Le syndicat a contesté cette mesure, la qualifiant d’infraction à la convention collective, et a demandé la réintégration des gardes de sécurité dans leurs fonctions initiales.
  4. 256. Les organisations plaignantes indiquent que, le 16 février 2010, la société a répondu par un lock-out visant les membres du syndicat et a pris des mesures pour créer un syndicat d’entreprise dans la société. La direction a commencé par interdire aux membres du syndicat l’accès au bureau du syndicat et a embauché 400 «hommes de main» pour intimider physiquement les membres du syndicat et pour bloquer toutes les entrées de l’usine. Les membres du syndicat ont ensuite fait l’objet de pressions financières, notamment la cessation du paiement des salaires de tous les travailleurs (illégalement) visés par le lock-out. En outre, la société a publiquement annoncé qu’elle arrêterait la production, à moins que les travailleurs ne se désaffilient du KMWU, à la suite de quoi les travailleurs ont commencé à avoir peur de perdre leur emploi.
  5. 257. Les organisations plaignantes allèguent également que durant le lock-out, qui a duré quatre vingt-dix-neuf jours (du 17 février au 25 mai 2010), la société a permis aux travailleurs de reprendre le travail, s’ils étaient disposés à accéder à ses demandes. Les travailleurs qui ont repris le travail ont néanmoins été soumis à de très dures mesures antisyndicales, comme être détenus dans l’usine pendant plusieurs jours et être obligés de dormir à proximité des machines la nuit. Durant leur détention forcée, la société a soumis les travailleurs à des tactiques agressives: ils ont notamment fait l’objet de harcèlement physique et ont dû assister à des réunions obligatoires, lors desquelles ils ont été contraints de se désaffilier du KMWU et à constituer un nouveau syndicat non affilié, opérant au niveau de l’entreprise. De plus, les travailleurs ayant repris le travail sont passés devant une commission disciplinaire, qui a sanctionné 66 d’entre eux au moyen de réductions de salaires, 24 de blâmes, et 173 d’avertissements. Toutes ces mesures disciplinaires constituaient des infractions à la convention collective.
  6. 258. En outre, les organisations plaignantes dénoncent le fait que, bien que le tribunal de district ait jugé le lock-out illégal et ait émis une injonction, la société a continué à empêcher les dirigeants du syndicat d’accéder au bureau du syndicat et de contacter les autres travailleurs. A la suite de ce lock-out, les travailleurs qui n’avaient pas capitulé ont fait l’objet de sanctions plus sévères. La commission disciplinaire a par exemple décidé de licencier 37 travailleurs et d’en suspendre 16 autres. La société a même entrepris une action en justice contre les membres du syndicat, réclamant un dédommagement pour les frais engagés, tels que pour l’embauche des «hommes de main». Les poursuites ont finalement été abandonnées, mais seulement après que 25 membres du syndicat ont accepté un congé non rémunéré de deux ans et demi.
  7. 259. Du point de vue des organisations plaignantes, les tactiques antisyndicales mentionnées ci dessus ont permis à la société d’acquérir suffisamment d’influence sur les travailleurs pour manipuler les affaires internes de l’unité locale du syndicat. Le 19 mai et le 7 juin 2010, la société a appelé à la création d’une assemblée des membres pour voter la désaffiliation du KMWU et constituer un syndicat d’entreprise indépendant. Durant l’assemblée, la société a influencé les résultats en interdisant aux membres du syndicat d’assister aux réunions. En outre, elle a obligé les travailleurs à voter par service et a menacé d’externaliser ou de liquider le service qui enregistrerait le plus faible taux d’approbation du nouveau syndicat. Faces à des menaces de licenciements, il n’est pas surprenant que les travailleurs aient voté pour la modification de la structure du syndicat: 517 des 543 membres (95,2 pour cent) lors du premier vote et 536 des 550 membres (97,5 pour cent) lors du second vote ont accepté de constituer un nouveau syndicat d’entreprise indépendant, le syndicat Valeo System Electrical Union (VESU).
  8. 260. Les organisations plaignantes soulignent que le gouvernement, à cette époque, a empiré la situation des travailleurs organisés en adoptant, par exemple, un système de syndicats multiples, permettant aux travailleurs de créer plus d’un groupe de travailleurs au sein d’une même société. Bien que cette politique ait initialement suscité l’espoir d’un essor de l’organisation syndicale, il est devenu évident que le gouvernement cherchait à affaiblir le pouvoir de négociation collective des principaux syndicats d’industrie du pays. De plus, le Président a participé à un certain nombre de conférences de presse où il a tenu le syndicat responsable des retards considérables dans la production et de créer un chaos social.
  9. 261. Les organisations plaignantes ajoutent que le KMWU a un règlement intérieur qui est essentiel pour protéger le système sectoriel des syndicats et qui interdit la constitution de syndicats autonomes au niveau des usines. La décision unilatérale de l’unité locale de se désaffilier du KMWU et de créer le VESU a inévitablement eu un effet négatif sur la solidarité et l’unité du KMWU. Afin de préserver l’intégrité du KMWU et sa force collective en tant que syndicat d’industrie, les dirigeants du KMWU ont entrepris une action en justice en vue d’annuler la décision du VESU (bien que prise sous la contrainte) de se désaffilier du KMWU.
  10. 262. Evoquant les décisions afférentes, les organisations plaignantes indiquent que: i) le tribunal du district de Séoul (2010) et la Haute Cour de Séoul (2012) se sont prononcés en faveur du KMWU, affirmant que l’unité locale ne peut pas se désaffilier unilatéralement du KMWU; ii) la Haute Cour a confirmé la décision du tribunal de district, qui a établi que l’unité locale a enfreint la loi sur les syndicats et l’harmonisation des relations de travail (ci-après TULRAA, de l’anglais Trade Union and Labour Relations Adjustment Act), lorsqu’elle a modifié unilatéralement la structure du syndicat sans le consentement du KMWU; iii) la Haute Cour a également estimé que l’unité locale n’avait pas compétence pour créer un syndicat indépendant, parce que la section manquait d’indépendance pour organiser des actions collectives et s’en était remise au KMWU pour les négociations salariales; iv) la Haute Cour a également relevé que la création du VESU enfreint le propre règlement intérieur de l’unité locale, étant donné que ledit règlement limite l’autonomie de l’unité locale en matière de modification de la structure du syndicat et exige le respect du règlement du KMWU, lequel spécifie qu’une section ou une unité locale n’a aucune compétence pour décider d’une modification structurelle.
  11. 263. La Cour suprême de Corée a infirmé les décisions rendues par ces instances inférieures. Evoquant la décision en question, les parties plaignantes indiquent que selon la Cour suprême: i) la décision de la Haute Cour repose sur un raisonnement erroné qui voudrait qu’une section ou une unité locale de syndicats d’industrie ne puisse modifier la forme de son organisation que lorsqu’elle est en mesure de négocier en toute indépendance une convention collective avec une société; ii) la capacité d’une section ou d’une unité locale d’un syndicat d’industrie à engager des négociations collectives en toute indépendance avec une entreprise n’est pas déterminée par l’indépendance de la sous-structure; iii) la section ou l’unité locale peut néanmoins être considérée indépendante et peut, par conséquent, exercer son droit de modifier la forme de l’organisation, si l’organisation dépourvue de personnalité morale revêt les caractéristiques d’une organisation de travailleurs, c’est-à-dire si elle dispose d’un règlement indépendant et d’un organe exécutif et mène ses propres activités.
  12. 264. Les organisations plaignantes indiquent que l’opinion dissidente appuyée relative à la décision de la Cour suprême soulevait les points valables suivants: i) la TULRAA protège les syndicats de travailleurs conformément aux garanties constitutionnelles des droits collectifs des travailleurs et, puisque les syndicats de travailleurs agissent en tant qu’agents pour négocier collectivement et intenter des actions contre les pratiques de travail déloyales au nom des travailleurs individuels, la cour doit prendre en compte la nature collective des syndicats de travailleurs lorsqu’elle détermine la légitimité de la décision des travailleurs de modifier la forme organisationnelle; ii) la TULRAA visait, à l’origine, à permettre aux syndicats d’entreprise de modifier la forme de leur organisation en tant que section ou unité locale en collaboration avec les syndicats d’industrie, et la cour doit, par conséquent, examiner ce cas d’une manière qui respecte cette intention du législateur; iii) quant à l’évaluation de l’indépendance de l’unité locale, le règlement indépendant de l’unité locale et l’organisation exécutive ne suffisent pas, à eux seuls, pour conclure à l’indépendance du syndicat; la caractéristique la plus importante d’un syndicat indépendant est sa capacité à négocier collectivement et, si la section ou l’unité locale ne pouvait négocier collectivement que par l’entremise du syndicat d’industrie, la caractéristique la plus notable d’un syndicat de travailleurs indépendant ferait alors défaut à la section ou l’unité locale; iv) sans le pouvoir de négocier collectivement, une section ou unité locale n’a pas la capacité d’être une organisation de travail indépendante et, sans ce type d’indépendance, la section ou l’unité locale ne peut pas modifier la forme de son organisation; et v) une décision de la Cour suprême reconnaissant la désaffiliation de l’unité locale du KMWU exposera à l’avenir les travailleurs de tout le pays à des pressions antisyndicales des entreprises et encouragera la manipulation des activités syndicales par les sociétés en vue, au final, de créer des syndicats jaunes.
  13. 265. Du point de vue des organisations plaignantes, la décision de la Cour suprême revient à inviter ouvertement les employeurs à encourager les unités de syndicats d’industrie à se désaffilier et à créer des syndicats opérant au niveau des entreprises, disposant de peu de pouvoir, voire d’aucun, vis-à-vis de l’employeur. Les efforts pour miner la place occupée par le syndicat, par exemple par l’intermédiaire de la législation, qui exige que les syndicats fondent de petites unités au lieu de les consolider en structures plus importantes, constituent une infraction à la liberté syndicale. La décision de la Cour suprême est une invitation à accentuer la fragmentation du mouvement syndical, allant à l’encontre de la politique et des statuts d’un syndicat qui se structure en vue d’une unité maximale. La Cour suprême reconnaît indûment l’unité locale du KMWU comme étant une organisation indépendante, sans tenir compte des statuts du syndicat et des caractéristiques essentielles de l’unité locale équivalant à un syndicat indépendant. La modification structurelle du syndicat engendre une fragmentation, ce qui revient, à modifier le syndicat en soi. Par conséquent, la décision de la cour non seulement minera la place occupée par le KMWU, mais constituera également un précédent préjudiciable pour les futures requêtes contre les syndicats. En dépit des précédents qui soulignent les droits collectifs des travailleurs garantis par la Constitution, la Cour suprême privilégie injustement les droits individuels des travailleurs au détriment de leurs droits collectifs. Ce changement radical par rapport au précédent et au pouvoir constitutionnel aura de graves conséquences, étant donné qu’il implique que les droits constitutionnels des individus peuvent toujours l’emporter sur les droits constitutionnels des syndicats; de plus, il est propice à encourager l’ingérence des pouvoirs publics et des employeurs dans les affaires internes des syndicats. Cela permettra non seulement au gouvernement de mettre en œuvre des stratégies antisyndicales, mais invitera également les employeurs à camoufler leur ingérence dans les organisations syndicales pour affaiblir les syndicats et, au final, le mouvement syndical dans son ensemble. Le gouvernement devrait être prié instamment d’adopter une législation pour infirmer la décision de la Cour suprême afin de garantir la protection des syndicats contre l’ingérence des employeurs dans leurs affaires internes.
  14. 266. Les organisations plaignantes concluent que, dans le présent cas, le gouvernement a fait preuve, de manière claire et répétée, d’ingérence dans les affaires internes du KMWU et de son unité locale au niveau de la société, à la fois directement ainsi qu’en ne sanctionnant pas la conduite de la société, et a de ce fait enfreint ses obligations au titre des conventions nos 87 et 98. Ces violations comprennent les infractions répétées aux conventions collectives (notamment la sous-traitance des activités de sécurité, le lock-out illégal, l’interruption de paiement des salaires, les renvois de membres du syndicat et les mesures disciplinaires prises à leur encontre), les tactiques agressives récurrentes employées contre les travailleurs afin qu’ils constituent un syndicat indépendant du KMWU (notamment les menaces de perte d’emploi) et l’atteinte portée à l’indépendance et la gouvernance interne du syndicat. Afin de prévenir l’affaiblissement des droits collectifs, la Constitution et la législation du travail renforcent les droits collectifs des travailleurs de s’organiser et de négocier de manière efficace. Le corps législatif a également adopté des lois visant à encourager les syndicats d’entreprise à adhérer aux syndicats d’industrie et à faciliter ce processus, améliorant ainsi le pouvoir de négociation des syndicats. Néanmoins, la décision de la Cour suprême, de par son interprétation restrictive de la législation, a donc complètement ignoré la garantie constitutionnelle des droits collectifs des travailleurs, ce qui pourrait donner lieu à des changements législatifs qui privilégient les droits individuels au détriment des droits collectifs.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 267. Dans une communication reçue le 30 mai 2017, le gouvernement indique qu’il s’est efforcé d’encourager les droits du travail fondamentaux des travailleurs, de respecter les syndicats et de les considérer comme des partenaires en vue de faire progresser les relations de travail. Selon lui, le fond de cette plainte est en partie contraire aux faits et peut, par conséquent, donner lieu à certains malentendus. Dans le cas à l’étude, il s’agit de déterminer si une unité locale d’un syndicat d’industrie, lorsque celle-ci équivaut à une organisation de travailleurs ou un syndicat indépendant, peut transformer sa structure organisationnelle en un syndicat d’entreprise au moyen d’une résolution relative à une modification structurelle, comme le prévoit l’article 16(1)8 et (2) de la TULRAA. La validité des arguments des organisations plaignantes doit être examinée au regard de la Constitution et de la TULRAA ainsi que des normes pertinentes de l’OIT. Tous les citoyens jouissent de la liberté syndicale (art. 21 de la Constitution), et les travailleurs, aux fins d’améliorer les conditions de travail, jouissent du droit d’association, du droit de négociation collective et du droit d’action collective (art. 33 de la Constitution). Par conséquent, les organisations ou organisations associées de travailleurs, constituées de manière volontaire et collective, sur l’initiative des travailleurs aux fins de préserver et d’améliorer les conditions de travail ou d’améliorer la condition économique et sociale des travailleurs, sont reconnues en tant que syndicats, et les travailleurs s’organisent librement en syndicats (art. 2.4 et 5 de la TULRAA). La disposition ci dessus a pour but de respecter le droit syndical des travailleurs et leur droit à librement choisir une forme d’organisation syndicale, l’autonomie du syndicat et son fonctionnement démocratique.
  2. 268. Le gouvernement affirme que, lorsqu’une unité locale d’un syndicat d’industrie mène ses propres activités en tant qu’organisation indépendante dotée d’un règlement indépendant et d’un organe exécutif, et lorsque cette association dépourvue de personnalité morale possède un statut équivalant à celui d’une organisation de travailleurs, alors ses membres affiliés au syndicat peuvent décider de la structure organisationnelle de leur syndicat de manière volontaire, au moyen d’un processus de prise de décision démocratique. Ce point de vue peut être également observé dans la décision de la Cour suprême prise en assemblée plénière (20i2Da96i20) concernant ce cas. L’intention de cette décision qui reconnaît la capacité de l’unité locale, jouissant d’un statut d’organisation de travailleurs indépendante, à modifier de manière autonome sa structure organisationnelle est de respecter le droit syndical des travailleurs et leur droit à librement choisir de constituer des syndicats, tout autant que de souligner l’importance qu’elle accorde à la protection des syndicats d’industrie. Une législation restreignant la conversion de la structure organisationnelle d’une unité locale d’un syndicat d’industrie en un syndicat opérant au niveau de l’entreprise, comme l’organisation plaignante l’affirme, obligerait les syndicats à maintenir des structures organisationnelles spécifiques et à enfreindre le droit des travailleurs à librement s’associer et décider de la structure organisationnelle de leur syndicat conformément à la Constitution, à la TURLAA et aux normes de l’OIT.
  3. 269. En ce qui concerne la capacité d’une unité locale d’un syndicat d’industrie à se convertir en syndicat opérant au niveau d’une entreprise au moyen d’une résolution relative à une modification structurelle, le gouvernement observe que les organisations plaignantes affirment que les unités locales de syndicats d’industrie ne sont que de simples sections internes des syndicats d’industrie et n’ont, par conséquent, pas le droit de négocier collectivement et de conclure des conventions collectives, ce qui signifie que leur indépendance n’est pas reconnue et qu’elles ne peuvent pas transformer leur structure organisationnelle en syndicat opérant au niveau d’une entreprise au moyen d’une résolution relative à une modification structurelle. A cet égard, la Cour suprême a estimé que l’article 16(1)8 et (2) de la TULRAA, qui prescrit les règles relatives à la transformation des structures organisationnelles, s’applique aux syndicats institués conformément à la TULRAA, et, dès lors, ne s’appliquent pas à une simple organisation ou entité interne au sein d’un syndicat. Toutefois, si la section d’un syndicat d’industrie est reconnue comme une organisation de travailleurs indépendante, similaire à un syndicat opérant au niveau d’une entreprise, en raison de sa quintessence en tant qu’association sans personnalité morale dotée d’un règlement indépendant et d’un organe exécutif, et si elle est en mesure de mener des négociations collectives ou de conclure des conventions collectives de manière autonome, présentant ainsi une quintessence équivalant à un syndicat constitué au niveau d’une entreprise, cette unité locale est de facto assimilée à un syndicat opérant au niveau d’une entreprise et peut effectuer une modification structurelle visant à la convertir en syndicat opérant au niveau d’une entreprise par l’intermédiaire d’un processus décisionnel de ses membres, conforme aux obligations en matière de résolution visées à l’article 16(1)8 et (2) de la TULRAA. En d’autres termes, la Cour suprême a décidé que, lorsque une unité locale n’est pas une personne morale mais présente les caractéristiques fondamentales d’une association sans personnalité morale et qu’elle est, de ce fait, reconnue en tant qu’organisation de travailleurs indépendante, cette section syndicale peut prendre des décisions concernant ses prérogatives indépendamment du syndicat d’industrie et, dès lors qu’elle jouit d’un pouvoir de décision, elle peut choisir de modifier son objet et sa structure organisationnelle au moyen d’un processus indépendant et démocratique par l’intermédiaire d’une assemblée générale composée de ses travailleurs affiliés.
  4. 270. Le gouvernement considère la décision de la Cour suprême conforme à l’esprit de la Constitution, de la TULRAA et des normes de l’OIT garantissant la liberté syndicale des travailleurs et les décisions relatives à la structure d’un syndicat et à sa création. En outre, la décision reconnaissant la capacité à transformer sa structure organisationnelle n’est nullement une tentative délibérée d’affaiblir le pouvoir de négociation des syndicats d’industrie, mais vise à respecter le droit syndical des travailleurs, et notamment leur droit à exercer leur liberté de choisir les structures des syndicats, autant qu’à souligner l’attachement voué à la protection des syndicats d’industrie. Le gouvernement estime qu’il sera difficile pour des sections syndicales, en étant des organes internes des syndicats d’industrie, de devenir les agents d’une transformation structurelle; toutefois, en l’espèce, la section syndicale était, à l’origine, un syndicat opérant au niveau de l’entreprise, qui a par la suite été intégré au KMWU et qui continuait à exercer des activités par l’intermédiaire de ses organes internes, telles que son assemblée générale et la direction de la section. Au vu des faits nouveaux entourant sa création, du contenu de sa charte et de son règlement, de sa gestion et de son fonctionnement actuels et de la nature de ses activités spécifiques, cette section syndicale a été jugée indépendante, ayant la quintessence d’une association sans personnalité morale en tant qu’organisation de travailleurs assimilée à un syndicat opérant au niveau d’une entreprise, ce qui lui permet de se transformer en un syndicat opérant au niveau d’une entreprise, en dehors d’un syndicat d’industrie, de décider de mettre fin à son statut d’unité locale volontairement et de transformer sa structure organisationnelle en un syndicat au niveau de l’entreprise par l’intermédiaire d’un processus démocratique de résolution, conformément à l’article 16(2) de la TULRAA, qui autorise une modification structurelle en présence de la majorité de tous les membres du syndicat et d’un vote simultané à la majorité des deux tiers des membres présents (le taux de participation des membres pour la résolution relative à la modification structurelle était de 91,5 pour cent, et le taux d’approbation s’élevait à 97,5 pour cent).
  5. 271. Du point de vue du gouvernement, interdire aux travailleurs de modifier la structure organisationnelle par eux-mêmes est contraire à l’esprit de la Constitution, de la TULRAA et des normes de l’OIT. En conclusion, il serait déraisonnable de défendre l’idée que les sections syndicales d’un syndicat d’industrie ne sont que de simples organes internes dudit syndicat d’industrie et ne peuvent par conséquent pas se transformer en syndicat opérant au niveau d’une entreprise au moyen d’une résolution relative à une modification structurelle, et d’affirmer que la décision reconnaissant la transformation structurelle est une tentative visant à diviser les syndicats d’industrie et à affaiblir leur pouvoir de négociation. Le gouvernement respecte pleinement les principes organisationnels et opérationnels des syndicats d’industrie et déclare que, en principe, une résolution relative à une modification structurelle n’est pas permise si une unité locale d’un syndicat d’industrie n’est qu’un simple organe interne d’un syndicat d’industrie. Cependant, en l’espèce, lorsque l’entité a la quintessence d’une association sans personnalité morale et que son indépendance est reconnue, une modification structurelle est autorisée au moyen d’un processus décisionnel démocratique. En conclusion, le gouvernement n’a pas l’intention d’autoriser de manière généralisée les résolutions relatives à une modification structurelle en traitant massivement les organisations comme des associations sans personnalité morale, sans examiner clairement la quintessence de chaque section syndicale des syndicats d’industrie, mais aspire à déterminer avec circonspection si une entité présente la quintessence d’un syndicat indépendant ou d’une organisation de travailleurs similaire à un syndicat.
  6. 272. Quant à l’allégation concernant le fait que le gouvernement s’est ingéré, de manière claire et répétée, dans les affaires internes du KMWU et de la section syndicale de la société, en n’imposant aucune sanction contre les activités de la direction visant à constituer un syndicat indépendant, le gouvernement la conteste, déclarant qu’il a activement pris des mesures pour protéger les syndicats contre l’intervention déloyale de la direction dans les affaires internes du syndicat et qu’il s’est empressé de répondre aux pratiques discriminatoires en adoptant les mesures suivantes: i) pour ce qui est de l’enquête concernant les pratiques de travail déloyales, le 23 octobre 2012, le KMYU a fait valoir que la direction avait convaincu l’unité locale de se retirer du syndicat d’industrie, essayant par le fait même d’affaiblir le syndicat. Afin d’enquêter sur ces pratiques de travail déloyales alléguées, le gouvernement a effectué des recherches et des saisies au sein de la société le 9 novembre 2012 et le 29 avril 2013, et a renvoyé l’affaire devant le bureau du procureur pour «mise en accusation au titre d’allégation» le 26 juillet 2013, affaire en instance de jugement (division Gyeongju du tribunal de district de Daegu) depuis mai 2017; ii) quant au cabinet de consultants qui a dispensé des services de conseil à la société, le gouvernement a pris des mesures administratives contre ledit cabinet pour infraction à la loi intitulée «Certified Public Labour Attorney Act», en annulant son agrément en tant qu’entreprise spécialisée dans le droit du travail et son enregistrement auprès du procureur public du travail en raison de la procédure en cours pour pratiques de travail déloyales (tribunal du district sud de Séoul) depuis mai 2017; iii) en ce qui concerne les conseils dispensés pour régler les problèmes de relations de travail, le gouvernement a invité la direction à se conformer aux décisions de la Commission des relations du travail concernant les questions de taux différentiels de rémunérations au rendement, de coupures d’électricité et d’approvisionnement en eau, le blocage de l’accès des membres du syndicat au bureau du syndicat et l’empêchement de la main-d’œuvre de pénétrer sur le lieu de travail sans préavis, la publicité radio et le dénigrement excessifs du PDG (conseils sur site: 23 fois (1er janvier 2014 - 31 décembre 2015)); iv) quant aux accords pour la négociation direction-travailleurs, le 27 mars 2014, le directeur du Bureau de l’emploi et du travail de Pohang, une antenne de district du ministère de l’Emploi et du Travail, a rencontré en personne les représentants des travailleurs et de la direction, les invitant à négocier, et a pris des dispositions pour organiser une réunion entre la section de Gyeongju du KMWU et le PDG de la société entre avril et juin 2014; il a également appelé à des négociations direction-travailleurs par l’intermédiaire de la Commission du travail de Gyeongju, regroupant la direction, des groupes de la société civile et le gouvernement, entre mai et juin 2014.
  7. 273. En conclusion, le gouvernement a le sentiment que l’invitation des organisations plaignantes à adopter une loi pour infirmer l’arrêt de la Cour suprême afin de garantir la protection des syndicats contre l’ingérence des employeurs dans les affaires internes des syndicats, revient à une invitation à mettre en place une loi qui restreint les pouvoirs des sections des syndicats d’industrie à transformer la structure de leur organisation en syndicat opérant au niveau d’une entreprise. Une telle loi ne saurait être acceptée, car elle obligerait les travailleurs à intégrer une structure particulière d’organisation, enfreignant ainsi le droit des travailleurs à s’organiser de manière autonome et à choisir les structures d’organisation des syndicats conformément à la Constitution, la TULRAA et aux normes de l’OIT. Rappelant que ces normes et droits consacrés ont été conçus pour respecter les droits des travailleurs à s’organiser de manière autonome et à choisir les structures des organisations syndicales, le gouvernement estime qu’une loi qui limite la liberté de choisir la structure organisationnelle d’un syndicat est inacceptable.
  8. 274. En outre, le gouvernement transmet les informations communiquées par la Fédération des employeurs de Corée (KEF). Selon la KEF, la demande des organisations plaignantes d’adopter une législation qui infirme l’arrêt de la Cour suprême est contraire au système judiciaire de la République de Corée, est loin d’être fondée et enfreint le droit syndical des travailleurs, tel que prescrit et protégé par la Constitution de la République de Corée et l’OIT. La décision de la Cour suprême en date du 19 février 2016 est un arrêt définitif, rendu par la plus haute instance de la République de Corée. Les procédures relatives à cette affaire ont été retransmises en direct dans tout le pays, ce qui signifie que l’affaire était publique, et la Cour suprême a rendu son jugement après un processus circonspect, comprenant de longues et nombreuses audiences et délibérations. Le KMWU peut critiquer cette décision de la Cour suprême, mais il est inapproprié de conclure qu’elle est erronée et de demander au gouvernement d’adopter une législation pour l’infirmer.
  9. 275. Quant à l’allégation selon laquelle l’entreprise aurait appelé à la création d’une assemblée des membres pour voter la désaffiliation du KMWU et pour constituer un syndicat d’entreprise indépendant le 19 mai et le 7 juin 2010, et qui affirme que la société aurait contraint les travailleurs à voter par service, la KEF indique que le pouvoir judiciaire, y compris la Cour suprême, n’a reconnu cet argument dans aucun des procès. Du point de vue de la KEF, cet avis du KMWU est dénué de fondement, puisque la Cour suprême a approuvé la modification structurelle destinée à transformer l’unité locale en VESU, adoptée par l’intermédiaire d’une série de séances d’assemblées générales tenues en vue d’adopter des résolutions.
  10. 276. En ce qui concerne l’allégation relative au fait que le lock-out a été jugé illégal et qu’une injonction a été émise, alors que la société continuait à empêcher les dirigeants syndicaux d’accéder au syndicat, la KEF conteste cette allégation, en précisant que le tribunal du district de Daegu (division de Gyeongju) a jugé le lock-out légal, mais devant être suspendu au bout de trois mois (2010Kahap58, 19 mai 2010), ce qui signifie qu’une exclusion pour une certaine durée (inférieure à trois mois) est légale. La Haute Cour de Daegu a également jugé qu’un lockt-out d’une durée de trois mois est légal les deux premiers mois, mais que le troisième mois est illégal (Haute Cour de Daegu, 2016Nal 190).
  11. 277. Quant à l’argument selon lequel la Cour suprême a indûment privilégié les droits individuels des travailleurs au détriment de leurs droits collectifs, la KEF souligne que les droits individuels ne doivent pas toujours céder le pas aux droits collectifs et que des changements dans les droits collectifs des travailleurs suite à la consolidation de leurs droits individuels n’entraînent pas nécessairement la mise à mal des droits collectifs. La Cour suprême a jugé que «même une subdivision, etc. d’un syndicat d’industrie peut modifier son affiliation et se transformer en syndicat indépendant opérant à l’échelon de l’entreprise, par l’intermédiaire d’un processus indépendant et démocratique au moyen d’une résolution relative à une modification structurelle de son assemblée générale, comme énoncé à l’article 16(1)8 et (2) de la TULRAA, s’il forme un syndicat indépendant, nonobstant son apparence, ou une association sans personnalité morale fonctionnant comme une organisation syndicale indépendante, similaire à un syndicat» et si «la construction statutaire visée à l’article 16(1)8 et (2) de la TULRAA, reflétant la quintessence de l’entité en tant que syndicat ou qu’association sans personnalité morale, est conforme à l’esprit de la Constitution et de la loi garantissant la liberté syndicale des travailleurs et la liberté de créer des syndicats».

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 278. Le comité note que, dans le présent cas, les organisations plaignantes allèguent plusieurs actes graves de discrimination antisyndicale, de harcèlement et d’ingérence de l’employeur dans les affaires internes du KMWU, qui ont fini par contraindre les travailleurs, de peur d’être licenciés, à se désaffilier unilatéralement du syndicat d’industrie KMWU et à modifier la structure du syndicat, en créant un syndicat d’entreprise scissionniste, dominé par la direction, qui a été validé par la Cour suprême, bien que contrevenant à la législation nationale et aux statuts internes du KMWU.
  2. 279. Le comité observe la divergence de points de vue concernant la question générale visant à déterminer si une unité locale d’un syndicat d’industrie au niveau d’une société peut unilatéralement se désaffilier du syndicat d’industrie et transformer sa structure organisationnelle en un syndicat autonome, opérant au niveau de l’entreprise. D’un côté, les organisations plaignantes approuvent la position des juridictions inférieures et estiment qu’un tel acte ne devrait pas être possible en vertu de la législation nationale et que, de plus, en l’espèce, cet acte enfreint les statuts internes du KMWU; elles estiment également que l’entité manquait d’indépendance pour organiser des actions collectives et engager des négociations collectives de manière autonome, ce qui aurait pu constituer un argument pouvant lui permettre de modifier sa structure en toute indépendance. De l’autre côté, le gouvernement et la KEF approuvent, pour leur part, la position de la Cour suprême et affirment qu’une entité locale d’un syndicat d’industrie opérant au niveau d’une usine devrait pouvoir exercer son droit à modifier la forme de son organisation, si elle présente les caractéristiques d’une organisation de travailleurs, à savoir être dotée d’un règlement indépendant et d’un organe exécutif et mener ses propres activités.
  3. 280. A cet égard, le comité observe généralement que le libre exercice du droit de constituer des syndicats et de s’y affilier implique la libre détermination de la structure et de la composition de ces syndicats, et que les travailleurs devraient pouvoir décider s’ils préfèrent former, au premier niveau, un syndicat d’entreprise ou une autre forme de regroupement à la base, tel un syndicat d’industrie ou de métier. Le comité rappelle en outre que tant les systèmes de négociation collective accordant des droits exclusifs au syndicat le plus représentatif que les systèmes permettant à plusieurs syndicats d’une entreprise de conclure des conventions collectives différentes sont compatibles avec les principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 333, 334 et 950.] Le comité note également l’argument des organisations plaignantes selon lequel l’unité locale, en tant que telle, n’avait pas de statut indépendant lui permettant de prendre des décisions autonomes de désaffiliation et de modification du statut organisationnel. Le comité observe que le droit de s’affilier à l’organisation de son choix, dans une telle situation, pourrait en fait toujours être garanti par la démission des travailleurs individuels, qui pourraient en fin de compte choisir de créer un syndicat d’entreprise. Dans le présent cas, le comité ne dispose pas d’informations suffisantes sur le règlement du KMWU régissant la création d’unités locales, leur statut dans la législation nationale, la manière dont l’unité locale du KMWU au sein de la société s’est convertie en syndicat d’entreprise, ni pour déterminer si cela s’est fait conformément au règlement de l’organisation et l’effet que cela a eu sur le libre exercice de la liberté syndicale par les travailleurs, en particulier au vu des autres allégations présentées dans ce cas.
  4. 281. A cet égard, le comité ne saurait ignorer les nombreuses allégations de discrimination antisyndicale, de harcèlement et d’ingérence de l’employeur dans les affaires internes du syndicat et exprime sa profonde préoccupation au vu de leur gravité. Le comité observe en particulier les faits allégués suivants de la part de la société: i) dans le cadre du lock-out du 17 février au 25 mai 2010, entrepris en réponse à l’objection du syndicat à une infraction à la convention collective alléguée par la société, l’interdiction de l’accès du bureau du syndicat aux membres du syndicat et l’embauche de 400 «hommes de main» pour intimider physiquement les membres du syndicat et pour bloquer les entrées de l’usine; l’annonce publique d’un arrêt de la production si les travailleurs ne se désaffilient pas du KMWU (menace de perte d’emploi); la permission pour les travailleurs de reprendre le travail à condition d’accéder aux demandes de la société; les mesures antisyndicales prises à l’encontre des travailleurs reprenant le travail, telles que la détention à l’intérieur de l’usine pendant plusieurs jours durant lesquels ils étaient soumis à des tactiques agressives, notamment à du harcèlement physique et à des réunions obligatoires visant à les obliger à se désaffilier du KMWU et à constituer un syndicat opérant au niveau de l’entreprise; les mesures disciplinaires (les 66 baisses de salaire, 24 blâmes officiels et 173 avertissements); bien que le lock-out ait été jugé illégal, le refus continu opposé aux dirigeants syndicaux d’accéder au bureau du syndicat ou de contacter les travailleurs et les pressions financières exercées sur les membres du syndicat; les sanctions sévères après le lock-out, telles que les mesures disciplinaires prises à l’encontre des travailleurs qui n’avaient pas capitulé (37 renvois et 16 suspensions) et les poursuites contre les membres du syndicat en vue d’un dédommagement pour les frais engagés, comme pour l’embauche des «hommes de main»; et ii) dans le cadre de l’assemblée des membres, la société a appelé le 19 mai (toujours durant le lock-out) et le 7 juin 2010, à la création d’une assemblée des membres pour voter la désaffiliation du KMWU et la constitution d’un syndicat d’entreprise «indépendant»; l’interdiction faite aux membres du syndicat d’assister aux réunions; enfin, le fait d’obliger les travailleurs à voter par service, tout en les menaçant d’externaliser ou de liquider le service enregistrant le plus faible taux d’approbation du nouveau syndicat.
  5. 282. A cet égard, le comité souhaite rappeler que le harcèlement et les manœuvres d’intimidation perpétrés à l’encontre de travailleurs au motif de leur affiliation syndicale ou de leur participation à des activités syndicales légitimes peuvent, bien qu’ils ne portent pas nécessairement préjudice aux travailleurs dans leur emploi, les décourager de s’affilier aux organisations de leur choix et, par là même, violer leur droit d’organisation. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 786.] De plus, le comité souligne que les actes tendant à provoquer la création d’organisations de travailleurs dominées par un employeur ou par des organisations d’employeurs sont considérés constituer des actes d’ingérence. Le comité a eu à maintes reprises l’occasion d’examiner des exemples d’une telle ingérence et rappelle que le respect des principes de la liberté syndicale suppose que les autorités publiques fassent preuve d’une grande retenue en ce qui concerne toute intervention dans les affaires internes des syndicats. Il est plus important encore que les employeurs se comportent avec circonspection à cet égard. Ils ne devraient rien faire, par exemple, qui puisse être interprété comme favorisant un groupe au détriment d’un autre au sein d’un syndicat. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 859.] De plus, eu égard aux allégations relatives aux tactiques antisyndicales consistant à essayer d’acheter des syndicalistes pour les encourager à se retirer du syndicat et en présentant aux travailleurs des déclarations de retrait du syndicat, ainsi qu’aux efforts qui auraient été faits pour créer des syndicats fantoches, le comité considère que ces actes sont contraires aux principes de la liberté syndicale et au droit des organisations de travailleurs et d’employeurs de bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes d’ingérence des unes à l’égard des autres réalisés soit directement, soit par le biais de leurs agents ou de leurs membres, dans leur formation, leur fonctionnement ou leur administration.
  6. 283. Dans le présent cas, le comité considère qu’il est inhérent à la liberté de choisir la structure du syndicat que les travailleurs déterminent quelle structure de syndicat est la plus appropriée pour protéger leurs intérêts professionnels, si cela se fait librement, volontairement et au moyen d’un processus démocratique indépendant. Le comité est d’avis que les actes allégués entrepris par la société durant la période préparatoire et pendant le vote reviendraient, s’ils étaient avérés, à des pressions, de l’intimidation et de la coercition, incompatibles avec le libre exercice du droit des travailleurs à créer un syndicat de leur choix. Le comité observe également que: i) en dépit des informations divergentes, les organisations plaignantes et la KEF conviennent que, en ce qui concerne le troisième mois et au-delà, le lock-out était jugé illégal par les tribunaux; ii) les résultats de l’enquête du gouvernement concernant les pratiques déloyales de travail alléguées par le KMWU (la direction aurait convaincu l’unité locale de quitter l’unité d’industrie pour affaiblir le syndicat) ont suffi pour renvoyer le cas devant le bureau du procureur en juillet 2013, l’affaire étant désormais en instance de jugement devant le tribunal de district de Daegu (Gyeongju Branch) depuis mai 2017; iii) le gouvernement a pris des mesures administratives à l’encontre du cabinet de consultants qui aurait dispensé des conseils en matière d’action antisyndicale à la société, en annulant son agrément de cabinet spécialisé en droit du travail et son enregistrement auprès du procureur public du travail; l’affaire afférente, relative aux pratiques déloyales de travail, est en instance de jugement devant le tribunal de district sud de Séoul depuis mai 2017. Tout en notant le point de vue de la KEF, qui affirme que le pouvoir judiciaire n’a pas reconnu, dans l’invitation de l’employeur à créer une assemblée de travailleurs et dans le fait qu’il ait forcé les travailleurs à voter par service, l’ingérence alléguée, le comité observe qu’aucune information n’a été communiquée quant à la mesure dans laquelle la Cour suprême, lorsqu’elle a rendu sa décision dans le pourvoi formé contre la désaffiliation du KMWU et la création du VESU, a pris en considération chacune des nombreuses allégations mentionnées précédemment et diligenté une enquête pour chacune d’entre elles, tout en tenant compte des résultats de l’enquête afférente du gouvernement menée au sein de la société en novembre 2012 et avril 2013, ainsi que des sanctions administratives prises à l’encontre du cabinet de consultants. Considérant que les allégations de discrimination antisyndicale, de harcèlement et d’ingérence de l’employeur mentionnées ci-dessus sont intrinsèquement liées à la validité de la décision de désaffiliation du KMWU et de création du VESU, un syndicat d’entreprise indépendant, le comité prie le gouvernement de communiquer un rapport détaillé sur l’étendue et les résultats de l’enquête menée en 2012 et 2013 ainsi que sur toute sanction imposée; il prie également le gouvernement de communiquer des informations sur le résultat des procédures judiciaires en cours concernant les allégations de pratiques de travail déloyales commises par la société et le cabinet de consultants, et de veiller à ce que ces allégations, si elles n’ont pas fait autrement l’objet d’une enquête ou d’une résolution définitive, fassent l’objet d’un examen approfondi et, si elles étaient avérées, donnent lieu à une indemnisation adéquate. Le comité demande à être tenu informé de tout fait nouveau pertinent dans le présent cas.
  7. 284. Enfin, le comité regrette que le gouvernement ne réponde pas aux allégations relatives à son ingérence directe dans les affaires internes du KMWU et de son unité locale au sein de la société, qui se serait traduite par des déclarations officielles publiques effectuées contre le KMWU. Sur ce point, le comité rappelle qu’il a examiné, en plusieurs occasions, des cas dans lesquels il était allégué que les autorités publiques avaient, par leur attitude, favorisé ou discriminé une ou plusieurs organisations syndicales, en exerçant par exemple des pressions sur les travailleurs, notamment par le biais de déclarations publiques. La discrimination au moyen de telles méthodes, ou d’autres, peut constituer un moyen d’influencer l’affiliation des travailleurs à un syndicat. Le comité rappelle que «le droit des organisations d’exercer librement leurs activités et de formuler leur programme d’action implique que les pouvoirs publics s’abstiennent de commenter ou d’intervenir dans le fonctionnement de ces organisations, cela dans l’intérêt du développement normal du mouvement syndical et de relations professionnelles harmonieuses» (voir également le 370e rapport, cas no 2994 (Tunisie), paragr. 736), et invite à garantir le respect de ce principe.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 285. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Considérant que les allégations de discrimination antisyndicale, de harcèlement et d’ingérence de l’employeur sont intrinsèquement liées à la validité de la décision de désaffiliation du KMWU et de création du VESU, un syndicat d’entreprise indépendant, le comité prie le gouvernement de communiquer un rapport détaillé sur l’étendue et les résultats de l’enquête du gouvernement ainsi que sur toute sanction prise; de communiquer des informations sur le résultat des procédures judiciaires susmentionnées concernant les allégations de pratiques de travail déloyales commises par la société et le cabinet de consultants, et de veiller, dans la mesure où elles n’ont pas fait autrement l’objet d’une enquête ou d’une résolution définitive, à ce qu’elles fassent l’objet d’un examen approfondi et, si elles sont avérées, donnent lieu à une indemnisation adéquate. Le comité demande à être tenu informé de tout fait nouveau pertinent dans le présent cas.
    • b) Le comité prie le gouvernement de s’assurer du respect du principe selon lequel les organisations devraient avoir le droit d’exercer librement leurs activités et de formuler leur programme d’action. A cet égard, le comité prie également le gouvernement de s’assurer que les pouvoirs publics s’abstiennent de commenter ou d’intervenir dans le fonctionnement de ces organisations.
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