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Definitive Report - Report No 380, October 2016

Case No 3108 (Chile) - Complaint date: 18-DEC-14 - Closed

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Allégations: L’organisation plaignante allègue des pratiques antisyndicales, notamment les suivantes: licenciement d’un dirigeant syndical, entraves aux visites de dirigeants syndicaux à des adhérents, interprétation antisyndicale des normes relatives aux congés syndicaux, entraves à la représentation des adhérents dans leurs revendications et ingérence dans leur liberté d’affiliation, ainsi qu’absence de procédures de négociation et de mécanismes impartiaux pour connaître des conflits du travail, y compris de la discrimination antisyndicale

  1. 163. La plainte figure dans les communications reçues le 18 décembre 2014 et le 9 mars 2015 de la Fédération nationale du ministère public du Chili (FENAMIP), appuyée par le Groupement national des agents de la fonction publique (ANEF).
  2. 164. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication du 10 décembre 2015.
  3. 165. Le Chili a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 166. Dans ses communications du 18 décembre 2014 et du 9 mars 2015, la FENAMIP allègue les pratiques antisyndicales suivantes: licenciement d’un dirigeant syndical, entraves aux visites de dirigeants syndicaux à des adhérents, interprétation antisyndicale des normes relatives aux congés syndicaux, entraves à la représentation des adhérents dans leurs revendications et ingérence dans leur liberté d’affiliation, ainsi qu’absence de procédures de négociation et de mécanismes impartiaux pour connaître des conflits du travail, y compris de la discrimination antisyndicale.
  2. 167. L’organisation plaignante affirme que le ministère public fait obstacle au travail des dirigeants syndicaux, en créant des entraves à leurs visites aux adhérents et en leur imposant des restrictions indues à l’organisation de réunions et d’assemblées pendant la journée de travail. Elle allègue que: 1) le 19 mars 2013, l’administratrice du ministère public local de San Bernardo a fait savoir à deux dirigeants qui souhaitaient rendre visite à leurs adhérents que les réunions ne pouvaient avoir lieu que les mardis et jeudis, car elle devait être tenue au courant des thèmes qui allaient y être abordés; et ii) face à la réclamation formelle présentée par l’organisation plaignante contre cette mesure décrétée par l’autorité dans la communication officielle FR (4) no 175-2013, la procureure régionale du ministère public régional métropolitain de l’Ouest a fait savoir que, conformément à l’article 37 de la loi no 19.296 relative aux associations de fonctionnaires de l’administration de l’Etat, avant la tenue d’assemblées et de réunions durant les heures de travail, un accord doit être conclu avec l’institution employeuse. Cette communication prévoit qu’une demande doit être officiellement adressée au directeur exécutif régional au moins une semaine avant la date de la réunion ou de l’assemblée. L’organisation plaignante estime que cette interprétation est erronée, car cette règle se réfère à des assemblées et non à de simples réunions destinées à discuter de thèmes à caractère syndical ni à de simples visites et conversations entre dirigeants et membres syndicaux sur les lieux de travail. La FENAMIP estime que la communication en question, par son caractère obligatoire, non seulement ne laisse pas de place à la négociation ni au moindre accord, mais en plus fixe un délai irréaliste qui ne permet pas d’organiser des réunions urgentes; elle vise à contrôler l’activité syndicale. De même, l’organisation plaignante estime que l’obligation de demander une autorisation à l’autorité chaque fois qu’un dirigeant désire rencontrer un membre de l’association constitue une violation aberrante de la liberté syndicale.
  3. 168. L’organisation plaignante affirme qu’en juin 2014 les autorités du ministère public, en réaction à la présentation d’un recours en protection formé par la FENAMIP contre une instruction générale lancée par l’avocat du bureau du procureur local de Talagante (instruction visant, d’après l’organisation plaignante, à ne pas autoriser des vacances ou des congés prolongés et à laisser sans effet ceux qui avaient déjà été accordés), ont usé de pratiques antisyndicales: i) bien qu’il n’ait pas été déclaré recevable, le recours a été communiqué par un moyen officieux au procureur concerné; ii) le procureur a convoqué les fonctionnaires à une réunion le 13 juin 2014 pour leur faire part de son mécontentement et de sa déception face à ce recours; iii) par un courrier interne, le procureur a communiqué une copie du recours à des fonctionnaires et procureurs afin de laisser un témoignage de son mécontentement et du sérieux avec lequel il a exercé des pressions sur les affiliés; iv) l’administratrice suppléante du ministère public, Mme Carmen Gloria Ríos, a insisté auprès des travailleurs pour qu’ils signent une lettre de renonciation au recours; v) en conséquence, l’organisation plaignante a saisi la Cour d’appel de San Miguel pour dénoncer ces faits.
  4. 169. L’organisation plaignante affirme que les autorités lui créent des difficultés pour représenter les adhérents qui soumettent des revendications, en particulier en exigeant une procuration signée, ce qui revient à ignorer la fonction de représentation des associations de fonctionnaires. Elle dénonce le fait que, face au harcèlement au travail dont Mme Lugarda Andrade, fonctionnaire, a été victime, les autorités ont contesté la capacité de l’organisation plaignante d’engager un recours juridictionnel en protection des travailleurs. En réponse à sa demande de réintégration de la fonctionnaire licenciée, le procureur national a de fait répondu qu’elle ne disposait pas de la représentation nécessaire. De plus, l’organisation plaignante signale que, en février 2015, au ministère public régional du Libertado Bernardo O’Higgins, dans le cadre d’une dénonciation pour irrégularités déposée par une fonctionnaire, le procureur régional a accepté d’apporter son aide à condition que la fonctionnaire prenne contact avec les dirigeants syndicaux de son association de fonctionnaires; l’organisation plaignante ajoute que, ce même mois, au ministère public local de Los Vilos, une association de fonctionnaires n’a pas été autorisée à représenter une fonctionnaire affiliée victime de harcèlement au travail, et une procuration signée à cet effet a été exigée.
  5. 170. L’organisation plaignante dénonce la destitution à caractère antisyndical du dirigeant syndical Mario Gutiérrez Ollarzú. Selon elle, M. Gutiérrez Ollarzú a été à la tête des actions menées par l’organisation plaignante pour manifester son rejet du projet de renforcement du ministère public au sein du pouvoir exécutif; il a donc dû prendre des initiatives et formuler des déclarations qui ont déplu au procureur national, ce qui a créé des tensions entre les deux parties. Des poursuites ont été engagées contre M. Gutiérrez Ollarzú à l’issue desquelles celui-ci a été jugé et soumis à un certain nombre de conditions à respecter au titre d’une mesure de substitution à la procédure pénale (mesure appelée «suspension conditionnelle de la procédure», en vertu de laquelle, si le prévenu respecte les conditions en question dans un délai fixé par décision du juge, celui-ci prononce un non-lieu définitif). L’organisation plaignante allègue que le procureur national a profité de cette situation pour licencier M. Gutiérrez Ollarzú en invoquant une incapacité survenue, conformément aux dispositions des articles 60 et 65 de la loi organique du ministère public, en lien avec l’article 265 du Code organique des instances judiciaires et l’article 35 du Règlement du personnel pour les fonctionnaires du ministère public. L’organisation plaignante allègue que la notion d’incapacité survenue n’existe pas dans la législation, que la cause invoquée n’était pas applicable au dirigeant, car il est fonctionnaire, et qu’elle n’aurait été appliquée qu’une seule fois dans l’histoire du ministère public bien qu’il ait existé d’autres cas semblables. La FENAMIP affirme que ce n’est qu’à cette occasion qu’a été prise la décision de mettre fin à l’emploi de l’intéressé alors que la situation concernait un dirigeant syndical qui dirigeait un mouvement de grande ampleur et que le but recherché était d’affaiblir ce mouvement. De même, l’organisation plaignante allègue que les règles établies par la loi au sujet de l’immunité syndicale n’ont pas été respectées.
  6. 171. L’organisation plaignante dénonce l’interprétation antisyndicale des normes et instructions applicables aux heures de congé syndical. La FENAMIP signale que, en 2009, le procureur national avait décrété, par la communication no 369/2009, que les directions respectives avaient l’obligation d’accorder aux dirigeants des associations les permis nécessaires pour s’absenter de leur travail afin d’accomplir leurs fonctions, le nombre d’heures de congé octroyé ne pouvant être inférieur à vingt-deux heures par semaine pour une association nationale et à onze heures par semaine pour des associations régionales. L’organisation plaignante allègue que, allant à l’encontre de cette disposition, le nouveau directeur exécutif national, dans la communication no 152/2014, a exigé des dirigeants syndicaux qu’ils communiquent à l’avance l’usage qu’ils souhaitent faire de leurs heures de congé afin de coordonner le bon fonctionnement de l’institution et le registre des heures syndicales établies par la loi. L’organisation plaignante estime que l’interprétation du procureur national, à savoir que le nombre d’heures ne peut être inférieur à ce qui est indiqué (en d’autres termes, la loi établit des valeurs minimales sans limite), était correcte et que celle du directeur exécutif national, qui considère ces valeurs comme étant maximales, contredit illégalement le procureur national dans le but d’entraver les activités des représentants des travailleurs. Selon l’organisation plaignante, le bureau du procureur national reconnaît que le congé syndical est un droit des dirigeants syndicaux dont ils peuvent faire usage dans les conditions qu’ils estiment pertinentes, avec pour seule obligation de communiquer à l’autorité compétente la finalité dudit congé, en s’efforçant de se mettre d’accord entre eux sur ce point, sans que leur soient imposées des modalités résultant d’interprétations personnelles, comme ce qu’aurait souhaité le directeur exécutif national.
  7. 172. L’organisation plaignante fait état d’interventions institutionnelles visant à créer des conflits entre organisations de travailleurs et à ne pas reconnaître le droit des associations régionales d’accueillir en leur sein des fonctionnaires d’autres régions. Elle allègue que, à la suite d’une demande présentée par une autre association syndicale du ministère public – lequel considérait que les fonctionnaires d’une autre région ne peuvent être membres d’une association régionale –, le procureur national a demandé à la Direction du travail de décider s’il est admissible de considérer comme activités syndicales les activités déployées par les dirigeants d’associations régionales de fonctionnaires dans les juridictions de régions autres que celles où ces associations se sont constituées, et d’opérer des retenues pour le paiement des cotisations sur le traitement des fonctionnaires qui ont décidé d’adhérer à une association ayant son siège dans une région autre que celle où ces fonctionnaires exercent leurs fonctions. L’organisation plaignante indique que, en vertu du principe de l’autorégulation, les statuts de ces associations affiliées autorisent l’adhésion de fonctionnaires d’autres régions. Elle rappelle que, quand ces statuts lui ont été soumis, l’inspection du travail n’a émis aucune observation. C’est pourquoi, et du fait que la loi ne l’interdit pas, l’organisation plaignante considère que l’adhésion de fonctionnaires qui exercent leurs fonctions dans d’autres régions est juridiquement admissible et qu’une entité publique n’a pas à qualifier de syndicales ou non les activités ou tâches que réalisent des dirigeants syndicaux dans l’exercice de leurs fonctions dans d’autres régions.
  8. 173. L’organisation plaignante dénonce le fait que tant les instances administratives (Direction du travail et bureau du Contrôleur général de la République) que les instances judiciaires se sont déclarées incompétentes en matière de relations professionnelles au sein du ministère public. Il en résulte que la seule voie de recours reconnue en cas de conflit relatif aux conditions d’emploi au sein du ministère public est l’unique instance interne qui relève de la Direction exécutive nationale – s’agissant de la même instance qui établit les orientations dans le service, celle-ci est donc juge et partie. L’organisation plaignante affirme ainsi qu’il n’existe aucun organisme compétent impartial comme le pouvoir judiciaire pour connaître des questions de travail entre fonctionnaires ou procureurs et ministère public (l’organisation plaignante cite en exemple le cas de Mme Miriam Cruz qui, en novembre 2013, a déposé plainte pour modification unilatérale du contrat. La cour d’appel a jugé que les tribunaux du travail n’avaient pas compétence dans ce cas, conformément à l’allégation du Conseil de défense de l’Etat). L’organisation plaignante dénonce le fait que, en réponse aux diverses plaintes qu’elle a soumises pour pratiques déloyales ou antisyndicales et violation des droits syndicaux, le Conseil de défense de l’Etat a fait valoir que les tribunaux du travail n’avaient pas compétence en la matière, affirmant par ailleurs qu’elle n’était pas, «à proprement parler, une association syndicale», mais une association de fonctionnaires régie par un ensemble de normes distinctes du Code du travail, «raison pour laquelle il ne peut exister de "pratiques antisyndicales" à son égard». L’organisation plaignante allègue qu’il ressort des réponses du Conseil de défense de l’Etat à ses plaintes, dont le texte est joint à la présente plainte, que les associations de fonctionnaires sont dépourvues de tout droit syndical et de la protection des tribunaux de justice ordinaires en cas de pratiques antisyndicales. Elle ajoute que les conditions de travail au ministère public ne font pas l’objet de négociations, mais sont imposées, et qu’il n’existe pas de processus interne de règlement des conflits ni d’outils internes de négociation. Elle cite comme exemple des obstacles que le ministère public met à l’exercice de la liberté syndicale le fait qu’en 2012 elle a été contrainte de faire appel devant la Cour d’appel de Santiago, puisque le ministère public avait refusé de lui fournir des informations dont elle avait besoin pour défendre les droits de ses membres. En conclusion, l’organisation plaignante estime que les articles 7 et 8 de la convention no 151 ratifiée par le Chili ne sont pas respectés. Ces articles prévoient l’adoption de procédures de négociation ou d’autres méthodes permettant aux représentants des agents publics de participer à la détermination des conditions d’emploi ainsi que de mécanismes de règlement des différends relatifs à la détermination desdites conditions qui inspirent la confiance des intéressés.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 174. Dans sa communication du 10 décembre 2015, le gouvernement transmet ses observations, fondées essentiellement sur la réponse du ministère public aux allégations. Le ministère public fait savoir que 76,75 pour cent de ses fonctionnaires sont membres d’une association de fonctionnaires et que, sur le nombre total d’adhérents, 56,65 pour cent sont affiliés à l’Association nationale des fonctionnaires du ministère public (ANFUMIP), et 43,35 pour cent, à l’organisation plaignante.
  2. 175. En ce qui concerne l’allégation d’obstacles au travail des dirigeants syndicaux et de restrictions indues à l’organisation de réunions durant la journée de travail, le ministère public estime que les faits qui se sont produits ne constituent pas un obstacle à l’activité des dirigeants et ne peuvent être considérés comme une ingérence dans les activités syndicales. Il rappelle que les dirigeants concernés, sans avertir la direction de ce service, ont fait irruption dans le bureau du procureur local de San Bernardo le 19 mars 2013, considérant qu’ils pouvaient, sans autorisation ni avertissement préalable, interrompre les activités de leurs adhérents au milieu de leur journée de travail. Le ministère public fait savoir que la loi no 19.296 relative aux associations de fonctionnaires établit les droits de ces derniers et dispose que les réunions convenues au préalable avec l’institution employeuse peuvent avoir lieu durant les heures de travail (octroyant aux fonctionnaires le même traitement que celui reconnu aux travailleurs du secteur privé par le Code du travail). Le ministère public ajoute qu’il a accordé des facilités pour que des réunions puissent avoir lieu pendant les heures de travail; ainsi, les autorités du ministère public régional concerné tiennent périodiquement avec les dirigeants de l’Association des fonctionnaires du ministère public régional de la région métropolitaine de l’Ouest (ASFFRO), affiliée à l’organisation plaignante, des réunions au cours desquelles sont traitées des questions intéressant les associations dans le but de se mettre d’accord sur les mesures les plus appropriées pour les fonctionnaires. Selon le ministère public, il a ainsi été décidé avec les représentants de l’ASFFRO que l’institution mettrait des locaux à disposition de cette association pour qu’elle puisse y organiser des réunions avec ses membres, et y compris durant les heures de travail, à condition que l’autorisation en soit demandée. Le ministère public ajoute que l’ASFFRO a demandé l’autorisation de tenir des réunions pendant les heures de travail et qu’elle lui a été accordée. Le ministère public estime que les dirigeants de l’organisation plaignante, en faisant irruption en mars 2013 sans préavis ni accord préalable, n’ont pas respecté l’accord que les autorités avaient conclu avec l’ASFFRO, leur affiliée. Par ailleurs, il récuse le droit pour les dirigeants d’associations de rencontrer leurs adhérents pendant les heures de travail sans autorisation préalable de l’autorité compétente, rappelant que, conformément à l’article 6 de la convention no 151, l’octroi de facilités aux représentants des organisations ne doit pas entraver le fonctionnement efficace de l’administration ou du service intéressé. Le ministère public conclut en soulignant que l’institution accorde davantage de facilités que celles prévues par la loi (ressources techniques, matériels et locaux pour tenir les réunions au sein de l’institution), qu’elle n’exige pas d’autorisation préalable et qu’elle se limite à examiner si les réunions prévues pendant les heures de travail sont compatibles avec le bon fonctionnement du service (soulignant qu’en aucun cas elle n’examine les thèmes inscrits à l’ordre du jour de ces réunions).
  3. 176. En ce qui concerne l’allégation de pratiques antisyndicales exercées en juin 2014 par le ministère public dans les services du procureur local de Talagante en réaction à un recours en protection, le gouvernement remet en question le récit et la qualification des faits. Considérant qu’aucune action antisyndicale n’a eu lieu, il fait savoir que: i) l’instruction générale ayant motivé le recours est une circulaire du 13 mai 2014 envoyée par le procureur en chef, indiquant que les vacances et les congés syndicaux seraient autorisés sous réserve que soit traité un certain nombre d’affaires n’ayant enregistré aucun mouvement; ii) d’autres thèmes étaient à l’ordre du jour de la réunion du 13 juin, mais, alors qu’elle touchait à sa fin, vu le malaise provoqué par le courrier susmentionné, le procureur en chef déclara qu’il était désolé d’avoir suscité cette réaction, d’autant que son intention était seulement de régulariser une procédure de travail; il ajouta qu’il regrettait que ce malaise ne se soit pas exprimé directement (le gouvernement précise qu’aucun reproche n’a été formulé concernant le comportement ou l’action de quiconque); iii) le procureur en chef avait pris connaissance du recours, puisque le ministère public suit en permanence les recours interjetés devant les tribunaux (le gouvernement précise que cette information est publique et que la cour affiche tous les recours dès leur dépôt sur son site Web, auquel chacun peut accéder); iv) le procureur en chef n’a fait que transmettre à tous les fonctionnaires le courrier électronique annonçant le dépôt d’un recours qu’il avait reçu, sans y ajouter de phrase ni de commentaire, et n’a pas abordé le sujet, ni oralement ni par écrit; v) ce recours a surpris beaucoup de fonctionnaires, quelques-uns exprimant même par courrier leur désaccord avec la direction de l’association à ce sujet; vi) Mme Carmen Torres Ríos, qui, avec d’autres fonctionnaires (dont une dirigeante syndicale de premier plan), a cosigné une lettre exprimant sa position et son opposition au recours, n’était pas alors administratrice du ministère public (comme le prétend l’organisation plaignante) et a signé la lettre en sa qualité de membre de l’association de fonctionnaires; vii) par une résolution du 27 juin 2014, le procureur régional, confronté à ce recours, a ordonné que soit menée une enquête administrative; celle-ci a débouché sur le classement de la plainte, aucun comportement passible de sanctions n’ayant pu être établi (aucun des nombreux fonctionnaires entendus dans le cadre de l’enquête n’a corroboré la version de l’organisation plaignante); viii) la FENAMIP a intenté une action en justice pour les mêmes faits sans présenter de témoin qui appuie ses affirmations; ix) en première instance, le tribunal a suggéré à la FENAMIP de renoncer à son action et, devant son refus, a rejeté la plainte, considérant qu’il n’avait pas compétence pour se prononcer sur les faits que l’association de fonctionnaires qualifiait de pratique antisyndicale; x) la cour d’appel a révoqué la décision et ordonné la poursuite du procès; lors de l’audience du 27 juin 2015, le tribunal a proposé une tentative de conciliation consistant à ce que le ministère public exprime son intention de respecter les droits individuels et syndicaux des travailleurs (étant expressément entendu que l’organisation plaignante approuve cette solution et sous réserve de la décision qu’adopteraient le procureur national et le Conseil de défense de l’Etat).
  4. 177. S’agissant des allégations d’entraves à la représentation des adhérents dans leurs revendications, le gouvernement signale que, en ce qui concerne les cas susmentionnés du ministère public régional du Libertado Bernardo O’Higgins et du ministère public local de Los Vilos, les autorités ont cherché des solutions de concert avec l’organisation plaignante, une enquête administrative a été menée, et les procureurs concernés par les faits dénoncés (sans rapport avec la discrimination antisyndicale) ont été sanctionnés. Quant à la plainte pour harcèlement au travail à l’encontre de Mme Andrade, le gouvernement fait savoir que Mme Andrade a saisi les tribunaux à trois reprises et que, dans un cas seulement, la Cour suprême a déclaré le tribunal incompétent en la matière. Dans les deux autres cas, les actions en protection engagées par la plaignante ont été examinées par les tribunaux, mais, étant donné qu’elles étaient dépourvues de tout fondement en droit comme en fait, elles ont été rejetées après examen quant au fond, et l’impossibilité des fonctionnaires d’assurer leur défense alléguée par l’organisation plaignante n’a donc pas été démontrée. Le gouvernement souligne que le cas de Mme Andrade ne concerne aucune allégation de discrimination ou de pratiques antisyndicales. Par ailleurs, le gouvernement précise que Mme Andrade n’a adhéré à une association de base de la FENAMIP qu’après son licenciement. Quant à l’allégation selon laquelle l’organisation plaignante s’est vu refuser le pouvoir de représenter Mme Andrade en tant qu’adhérente, le gouvernement indique que, conformément à la loi, les associations de fonctionnaires n’ont pas la faculté de représenter leurs adhérents pour demander que d’éventuels droits soient accordés personnellement à ces derniers si elles ne bénéficient pas d’un mandat en bonne et due forme. Le gouvernement ajoute que l’organisation plaignante n’a communiqué aucun document prouvant qu’elle avait été mandatée par Mme Andrade étant donné qu’elle avait présenté sa plainte «au nom de la fédération» et que l’intéressée avait dénoncé à titre individuel le prétendu licenciement injustifié afin de demander une indemnité (mais non la réintégration demandée par la FENAMIP), ce qui met en évidence le manque de cohérence des aspirations de l’organisation plaignante avec celles de la personne qu’elle prétendait représenter.
  5. 178. Pour ce qui est de l’allégation de destitution à caractère antisyndical du dirigeant syndical M. Mario Gutiérrez Ollarzú, le gouvernement précise d’emblée que le procureur national était lui aussi opposé au projet de loi que l’organisation plaignante critiquait – autrement dit, M. Gutiérrez Ollarzú et le procureur national défendaient la même position. Le procureur national a invité toutes les organisations de fonctionnaires et de procureurs à une réunion de travail au cours de laquelle a été établi un projet alternatif à proposer au pouvoir exécutif. Par conséquent, le gouvernement dément les allégations d’animosité et déclare qu’il ne saurait y avoir de motif d’affaiblir l’action syndicale alors que les objectifs des syndicats coïncidaient avec ceux du procureur national. En ce qui concerne la procédure pénale, le gouvernement fait savoir que, le 18 mars 2014, M. Gutiérrez Ollarzú s’est retourné avec le véhicule qu’il conduisait et que les deux tests d’alcoolémie effectués ont montré qu’il conduisait en état d’ébriété, ce qui constitue un délit dans la législation chilienne. Le gouvernement indique que, dans cette affaire pénale, M. Gutiérrez Ollarzú s’est prévalu du principe de suspension conditionnelle de la procédure. Ce faisant – et sans l’intervention des autorités –, le fonctionnaire s’est rendu coupable d’une incapacité survenue, établie dans les textes législatifs. A cet égard, le gouvernement précise que, si le Règlement du personnel pour les fonctionnaires du ministère public n’établit pas les motifs, en revanche il reprend ce qui est établi par la loi. Le gouvernement fournit des explications détaillées sur le fait que, en vertu des articles 60 et 65 de la loi organique du ministère public et des articles 265 et 332 du Code organique des tribunaux, la suspension conditionnelle d’une procédure pénale constitue un motif d’incapacité à être nommé procureur ou fonctionnaire du ministère public et, par conséquent, de cessation de fonctions ou de rupture de contrat de travail si ledit motif survient alors que l’intéressé est en service. Le gouvernement indique que, en conséquence, dans le strict respect de la loi, le procureur national a dû ordonner qu’il soit mis fin au contrat de travail de M. Gutiérrez Ollarzú. Invoquant la prétendue illégalité de la décision du procureur national, M. Gutiérrez Ollarzú a déposé un recours auprès de la première chambre du Tribunal de Santiago. Le gouvernement indique que, dans le cadre de ce jugement, le 4 août 2015, M. Gutiérrez Ollarzú a conclu une transaction au terme de laquelle il a abandonné toutes ses allégations concernant la prétendue illégalité de son licenciement en échange d’une indemnité de quelque 7 500 000 pesos chiliens (environ 11 300 dollars des Etats-Unis).
  6. 179. S’agissant de l’allégation d’interprétation antisyndicale des normes et instructions relatives aux congés syndicaux, le gouvernement rappelle en premier lieu les normes applicables, inscrites dans la loi no 19.296, en vertu desquelles: i) les dirigeants syndicaux ont droit à des congés qui ne peuvent être inférieurs à onze ou vingt-deux heures par semaine selon le type d’organisation (régionale ou nationale), heures qui sont considérées comme travaillées et rémunérées par l’institution; et ii) il existe des congés syndicaux supplémentaires, dont certains doivent être rémunérés par les institutions, et d’autres par les associations. Le gouvernement nie l’existence d’une quelconque contradiction entre la communication du procureur national – qui rappelle les normes relatives au nombre minimum d’heures hebdomadaires accordées par l’institution, normes qui ont été établies pour protéger les associations de fonctionnaires – et celle du directeur exécutif national – qui se limite à rappeler l’obligation de communiquer l’usage desdits congés (obligation que l’organisation plaignante admet dans sa communication). A cet égard, le gouvernement signale que l’organisation plaignante continue de contrevenir à cette obligation, se contentant d’envoyer une fois par semaine un courrier électronique dans lequel elle indique que ses dirigeants feront usage de leurs congés sans donner à l’autorité institutionnelle la possibilité de savoir à quel moment elle pourra compter sur les fonctionnaires pour qu’ils exercent leurs fonctions (le ministère public précise que cette conduite abusive est tolérée par l’autorité institutionnelle afin de renforcer les organisations de fonctionnaires). Le gouvernement rappelle que les dirigeants de l’organisation plaignante bénéficient d’une durée minimale de congés de trente-trois heures hebdomadaires (onze accordées à l’organisation régionale et vingt-deux à l’organisation nationale) sur les quarante-quatre heures travaillées par semaine. Il estime que ce que veut l’organisation plaignante, c’est bénéficier de congés syndicaux illimités aux frais de l’institution, ce qui est incompatible avec les dispositions légales évoquées plus haut.
  7. 180. En ce qui concerne les allégations d’interventions institutionnelles visant à créer des conflits entre organisations de travailleurs au sujet de la possibilité que des travailleurs d’autres régions soient membres d’associations régionales, le ministère public conteste avoir joué un rôle dans l’origine du conflit ou son développement. Il indique qu’il s’agit d’un conflit entre des organisations de fonctionnaires dans lequel l’autorité institutionnelle n’est intervenue que pour demander à la Direction du travail de se prononcer, et ce uniquement à la suite d’une dénonciation formulée par une autre association de fonctionnaires, l’ANFUMIP. Le ministère public informe que, vu la pratique des associations affiliées à l’organisation plaignante consistant à rechercher l’affiliation de fonctionnaires de régions autres que celles où ces associations se sont constituées, des fonctionnaires membres de l’ANFUMIP se sont désaffiliés afin d’adhérer à ces autres associations. Il s’est ensuivi que, en 2012, l’ANFUMIP a dénoncé l’organisation plaignante pour pratiques antisyndicales au motif que ces affiliations étaient illégales. Le 3 mai 2012, la Direction du travail a indiqué qu’elle manquait de moyens pour se prononcer sur les pratiques antisyndicales des associations de fonctionnaires, ajoutant dans ses conclusions que «le fait qu’un fonctionnaire du ministère public participe à la constitution d’une association régionale dépendant d’une juridiction autre que celle où il exerce ses fonctions ou qu’il adhère à une telle association est sans fondement légal». Le gouvernement indique que, malgré cet avis, l’organisation plaignante n’a pris aucune mesure pour remédier à ce qui lui était reproché, raison pour laquelle, en juillet 2014, l’ANFUMIP a demandé au procureur national de se prononcer en la matière. Ne souhaitant pas se mêler d’un conflit entre organisations de fonctionnaires, le procureur national a demandé à la Direction du travail de trancher. En novembre 2014, la Direction du travail a répondu qu’elle ne disposait pas du pouvoir d’intervenir dans une situation où des adhésions sont effectuées en violation de la loi, ajoutant que cela était sans préjudice du droit dont bénéficient les personnes concernées de contester la validité de ces adhésions. Compte tenu de cet avis, le procureur national a décidé de ne pas ordonner d’enquête disciplinaire concernant la plainte de l’ANFUMIP. Le ministère public indique que, malgré l’interprétation claire donnée par la Direction du travail en la matière, l’organisation plaignante n’a entrepris aucune action en vue de remédier aux irrégularités constatées.
  8. 181. En ce qui concerne les allégations d’absence d’organes impartiaux permettant de lutter contre les abus au travail, notamment la discrimination antisyndicale, et d’inexistence d’outils internes de négociation, notamment de règlement des conflits, le ministère public indique que l’incompétence des tribunaux en matière de recours interjetés par l’association de fonctionnaires ou ses dirigeants découle d’une erreur dans la stratégie choisie. S’agissant des cas mentionnés par l’organisation plaignante à titre d’exemple de l’incompétence alléguée par le Conseil de défense de l’Etat (cas de Mme Miriam Cruz), le gouvernement indique que la Cour suprême, contrairement à la décision de la cour d’appel, a déclaré que le tribunal du travail était compétent, preuve que le manque de protection allégué n’est pas effectif. En ce qui concerne les allégations relatives au défaut de fourniture d’informations, le ministère public confirme que l’organisation plaignante a dû recourir à la cour d’appel pour exiger la fourniture de certains antécédents. Il ajoute que c’est parce que la loi sur la transparence exige que l’institution consulte les personnes touchées – celles-ci s’y opposant, le ministère public n’a pu fournir les documents demandés. Le recours à la cour pour régler la question est donc la conséquence de l’opposition d’un tiers touché. Le gouvernement précise par ailleurs que l’organisation plaignante reçoit toute l’information qu’elle demande sur des sujets l’intéressant. Pour ce qui est des conclusions générales relatives à l’impossibilité des fonctionnaires de se défendre formulées par l’organisation plaignante, le ministère public souligne que les conflits peuvent avoir une solution judiciaire et que ce n’est pas parce qu’une initiative n’est pas acceptée qu’il faut en déduire qu’il n’existe pas de mécanisme de protection. Cela montre seulement qu’il existe des lacunes dans les modes de présentation des plaintes ou des revendications ou que celles-ci ne sont pas fondées.
  9. 182. En ce qui concerne les allusions à l’imposition de décisions et au manque de négociation et de dialogue contenues dans plusieurs allégations de l’organisation plaignante, le ministère public fait état de diverses initiatives montrant que les autorités ont contacté les associations de fonctionnaires ces dernières années, à titre d’exemple de la collaboration qu’elles ont entretenue avec elles dès leur constitution – dans le respect de leurs droits et le souci de trouver des propositions consensuelles à des problèmes ou des questions intéressant les fonctionnaires. Ces initiatives sont notamment les suivantes: i) en 2014, convocation de toutes les associations en vue de préparer un projet de renforcement du ministère public avec la participation de la FENAMIP; cette réunion de travail a débouché sur un projet de loi issu d’un consensus; ii) table ronde – à ce jour en pleine activité – sur la mise en œuvre de la loi sur le renforcement du ministère public; iii) réunion de travail convoquée en août 2014 à l’initiative de l’ANFUMIP en vue d’élaborer une proposition pour le règlement des conflits du travail au sein du ministère public (ayant d’abord refusé d’y participer, l’organisation plaignante a ensuite changé d’avis pour finalement déclarer qu’elle ne soutenait pas les documents proposés – sur différents thèmes: relations professionnelles, contrôle et dénonciation du harcèlement au travail et du harcèlement sexuel, code de bonnes relations au travail – au motif que son soutien pourrait l’empêcher d’obtenir des amendements aux lois permettant à des organismes extérieurs d’exercer un contrôle sur les conflits du travail au sein du ministère public); iv) réunion de travail sur les administrateurs du ministère public (à laquelle ont participé toutes les organisations de fonctionnaires); v) en 2014 et 2015, organisation de réunions avec les diverses associations de fonctionnaires ou, exclusivement, avec l’organisation plaignante pour traiter de questions les intéressant, preuve que les associations sont reçues chaque fois qu’elles le demandent; vi) fourniture de réponses à diverses demandes et consultations de l’organisation plaignante, preuve qu’il est répondu à toutes les questions reçues et que les divergences, quand il y en a eu, ont été réglées par voie de justice; vii) octroi de facilités aux associations de fonctionnaires en sus des exigences de la loi (accès aux serveurs de l’institution pour le courrier, mise à disposition de locaux du ministère public pour les assemblées et autres types de réunions pendant les heures de travail, versement d’indemnités aux dirigeants des associations lorsqu’ils doivent participer à des réunions avec les autorités, etc.).

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 183. Le comité note que la plainte porte sur les allégations de pratiques antisyndicales suivantes: licenciement d’un dirigeant syndical, entraves aux visites de dirigeants syndicaux à des adhérents, interprétation antisyndicale des normes relatives aux congés syndicaux, entraves à la représentation des adhérents dans leurs revendications et ingérence dans leur liberté d’affiliation, ainsi qu’absence de procédures de négociation et de mécanismes impartiaux pour connaître des conflits du travail, y compris la discrimination antisyndicale.
  2. 184. En ce qui concerne l’allégation d’obstacles au travail des dirigeants syndicaux et de restrictions indues à la possibilité d’effectuer des visites et d’organiser des réunions pendant la journée de travail, le comité note que, d’un côté, l’organisation plaignante allègue l’imposition unilatérale de restrictions à la possibilité pour les dirigeants syndicaux de rencontrer les membres de leur syndicat, à savoir l’obligation, pour toute réunion, voire pour de simples visites, d’obtenir un accord moyennant un préavis d’une semaine. De l’autre côté, le gouvernement estime que l’organisation plaignante défend un droit inexistant à faire irruption, sans préavis ni accord préalable, pendant les heures de travail, dans les locaux où les adhérents exercent leurs activités. A cet égard, le comité doit rappeler aussi bien le principe selon lequel les représentants des travailleurs devraient avoir accès à tous les lieux de travail dans l’entreprise lorsque leur accès à ces lieux est nécessaire pour leur permettre de remplir leurs fonctions de représentation, que celui selon lequel le droit d’accès ne devrait pas être exercé au détriment du fonctionnement efficace de l’administration ou des institutions publiques concernées; c’est pourquoi les organisations de travailleurs concernées et l’employeur doivent chercher à conclure des accords de manière à ce que l’accès au lieu de travail durant les heures de travail et en dehors de celles-ci soit reconnu aux organisations de travailleurs sans porter préjudice au fonctionnement de l’administration ou de l’institution publique. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1104 et 1109.] Au sujet de cette plainte, le comité note ce qui suit: le gouvernement informe que, préalablement aux faits dénoncés, les autorités étaient déjà parvenues à des accords avec l’organisation du ministère public régional affiliée à l’organisation plaignante concernant la tenue de réunions et l’octroi de facilités; il précise que les autorités se limitent à examiner s’il est possible de tenir des réunions pendant la journée de travail; et il indique que, de fait, les autorisations requises ont été octroyées et que davantage de facilités et de moyens ont été accordés que ceux prévus par la loi pour la tenue de réunions.
  3. 185. En ce qui concerne l’allégation de pratiques antisyndicales exercées dans les services du procureur local de Talagante en représailles au dépôt d’un recours pour contester une instruction générale du procureur (celui-ci aurait manifesté publiquement sa déception et aurait fait circuler le texte du recours, et les travailleurs auraient été incités à signer une lettre de rejet dudit recours), le comité prend note des informations et documents fournis par le gouvernement – qui nie que les autorités sont intervenues ou ont fait usage de pratiques antisyndicales –, à savoir notamment les mesures adoptées par l’administration pour enquêter sur les allégations et le fait que les parties seraient parvenues à une conciliation devant le tribunal (consistant à ce que le ministère public exprime son intention de respecter les droits individuels et syndicaux des travailleurs).
  4. 186. En ce qui concerne les allégations d’actions antisyndicales et d’entraves à la représentation des adhérents dans leurs revendications auprès des autorités (ministère public régional du Libertado Bernardo O’Higgins et ministère public local de Los Vilos), le comité note que, d’après le gouvernement, les autorités ont cherché des solutions de concert avec l’organisation plaignante, qu’une enquête administrative a été menée et que les procureurs concernés par les faits dénoncés (sans rapport avec la discrimination antisyndicale) ont été sanctionnés. S’agissant de l’allégation selon laquelle le pouvoir de représenter une adhérente (Mme Andrade) en justice aurait été refusé, le comité observe que le gouvernement indique que les associations de fonctionnaires n’ont pas la faculté de représenter leurs adhérents pour demander que d’éventuels droits soient accordés personnellement à ces derniers si elles ne bénéficient pas d’un mandat en bonne et due forme. Par ailleurs, le comité note que, d’après le gouvernement, dans le présent cas, l’organisation plaignante n’aurait pas apporté la preuve que son adhérente lui aurait donné un mandat pour agir en son nom, et celle-ci aurait déposé en même temps une réclamation avec des prétentions différentes (l’intéressée réclamant une indemnité, et le syndicat, sa réintégration).
  5. 187. En ce qui concerne l’allégation de destitution du dirigeant syndical M. Gutiérrez Ollarzú, le comité note d’une part que, aux dires de l’organisation plaignante, le procureur national aurait licencié l’intéressé pour un motif antisyndical afin d’affaiblir le mouvement syndical qui remettait en question un projet de loi du pouvoir exécutif concernant le ministère public. Il observe aussi que l’organisation plaignante allègue que le motif invoqué pour mettre fin à l’emploi du dirigeant syndical (incapacité survenue pour s’être prévalu de la suspension conditionnelle de la procédure pénale) n’est pas prévu dans la loi et que la procédure n’a pas respecté l’immunité du dirigeant syndical. Le comité note d’autre part que le gouvernement indique que la cessation du contrat de travail a eu lieu conformément à la loi, à la suite de la décision de bénéficier de la suspension conditionnelle d’une procédure pénale pour conduite en état d’ivresse. Le comité prend note, à cet égard, des informations détaillées fournies par le gouvernement concernant le fondement légal de cette cause d’incapacité survenue. Par ailleurs, il observe que le gouvernement remet en cause le fait qu’il puisse y avoir un quelconque motif antisyndical étant donné que la position du procureur national coïncide avec celle de l’organisation plaignante, à savoir rejeter le projet de loi en question. Enfin, il note que, d’après les informations et documents fournis par le gouvernement dans le cadre du recours judiciaire interjeté contre le licenciement de M. Gutiérrez Ollarzú, un accord a été conclu en vertu duquel ce dernier a abandonné toutes les allégations d’illégalité de cette mesure en échange d’une indemnité. Dans ces conditions, le comité ne poursuivra pas l’examen de l’allégation en question.
  6. 188. S’agissant de l’allégation d’interprétation antisyndicale des normes et instructions applicables à la durée des congés syndicaux, le comité note que, selon le gouvernement, il n’existe pas de contradiction ni d’interprétation antisyndicale dans les communications des autorités compétentes et que, sur les quarante-quatre heures de travail hebdomadaire, une durée minimale de trente-trois heures est accordée aux dirigeants de l’organisation plaignante. Le comité observe, sans toutefois relever une quelconque contradiction, que si, d’un côté, en 2009, le bureau du procureur national avait enregistré le nombre minimum d’heures de congé hebdomadaire dont doivent bénéficier les dirigeants syndicaux conformément à la loi, d’un autre côté le bureau du directeur exécutif national a rappelé en 2014 l’obligation de communiquer l’usage qui sera fait de ces congés. A cet égard, le comité doit rappeler le principe selon lequel l’octroi de facilités aux représentants des organisations d’agents publics, donc entre autres l’octroi de temps libre, a pour corollaire la garantie d’un fonctionnement efficace de l’administration ou du service intéressé. Un tel corollaire signifie qu’il peut y avoir un contrôle des demandes de temps libre pour des absences pendant les heures de travail par les autorités administratives compétentes seules responsables du fonctionnement efficace des services. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1111.] Par conséquent, le comité considère que la communication du directeur exécutif national, qui rappelle la nécessité de s’acquitter de l’obligation de faire connaître l’utilisation qui sera faite des heures de congé syndical, n’entraîne pas d’atteinte au principe de la liberté syndicale.
  7. 189. En ce qui concerne les allégations d’interventions institutionnelles visant à créer des conflits entre organisations de travailleurs au sujet de la possibilité que des travailleurs d’autres régions soient membres d’associations régionales, le comité note que, d’après le ministère public, il s’agit d’un conflit entre des organisations de fonctionnaires dans lequel l’autorité institutionnelle n’est intervenue que pour demander à la Direction du travail de se prononcer, à la suite d’une dénonciation formulée par une autre association de fonctionnaires (qui remettait en question la pratique de certaines associations régionales consistant à accepter l’adhésion de fonctionnaires d’autres régions). Le comité observe que la Direction du travail avait jugé sans fondement légal le fait qu’un fonctionnaire du ministère public participe à la constitution d’une association régionale dépendant d’une juridiction autre que celle où il exerce ses fonctions ou qu’il adhère à une telle association. Tout en rappelant qu’il n’appartient pas au comité de se prononcer sur des conflits entre organisations syndicales, le comité souligne que le libre exercice du droit de constituer des syndicats et de s’y affilier implique la libre détermination de la structure et de la composition de ces syndicats. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1114 et 333.] Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les associations de fonctionnaires du ministère public constituées dans une région puissent avoir comme adhérents des fonctionnaires du ministère public d’autres régions si leurs statuts les y autorisent.
  8. 190. En ce qui concerne les allégations d’absence d’organes impartiaux permettant de traiter des plaintes pour abus au travail, notamment la discrimination antisyndicale, et d’inexistence d’outils internes de négociation, le comité note d’un côté que le gouvernement affirme qu’il existe des espaces internes de dialogue – et fournit des exemples en la matière –, que les conflits peuvent avoir une solution judiciaire, que dans l’un des cas allégués la Cour suprême a déclaré que les tribunaux du travail étaient compétents et que, à son avis, la stratégie judiciaire de l’organisation plaignante comportait des erreurs. D’un autre côté, le comité observe que le Conseil de défense de l’Etat a allégué l’incompétence de la juridiction du travail, indiquant que l’organisation plaignante n’est pas à proprement parler une organisation syndicale, mais une association de fonctionnaires régie par un ensemble de normes distinctes du Code du travail, «raison pour laquelle il ne peut exister de "pratiques antisyndicales" à son égard». Le comité rappelle qu’il a déjà signalé que l’article 8 de la convention no 151 donne une certaine latitude dans le choix des procédures de règlement des différends intéressant les employés de l’Etat, à condition que la confiance des parties soit assurée; par ailleurs, le comité a déclaré à propos de réclamations concernant les pratiques antisyndicales, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, que de telles plaintes doivent normalement être examinées selon une procédure nationale qui, outre sa rapidité, doit non seulement être impartiale, mais aussi considérée comme telle par les parties intéressées. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 778.] Faute de plus amples précisions reçues du gouvernement sur les mécanismes permettant de résoudre les conflits et, en particulier, de protéger les fonctionnaires du ministère public contre la discrimination antisyndicale, le comité prie le gouvernement, à la lumière du principe susmentionné et dans le cadre de l’application de la convention no 151 ratifiée par le Chili, d’informer la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, à laquelle il renvoie les aspects législatifs de ce cas, des mécanismes de règlement des conflits relatifs à la détermination des conditions d’emploi et des dispositifs, recours et sanctions applicables pour faire en sorte que les fonctionnaires du ministère public bénéficient de la protection adéquate contre tout acte de discrimination antisyndicale.
  9. 191. Enfin, au vu des conclusions qui précèdent et notant avec intérêt que, selon le gouvernement, il existe diverses instances de dialogue permettant de traiter de questions concernant les associations de fonctionnaires (réunions de travail, notamment une réunion destinée à réglementer les relations de travail), le comité encourage les autorités compétentes à continuer d’approfondir le dialogue social avec les associations de fonctionnaires du ministère public afin de favoriser des relations collectives harmonieuses et, conformément aux principes de la liberté syndicale susmentionnés, de parvenir à des accords communs sur des questions qui pourraient subsister: rencontres de dirigeants syndicaux avec les membres de leur syndicat pendant la journée de travail; congés syndicaux des dirigeants et communication de l’usage prévu de ces congés; mise au point et utilisation de procédures de négociation entre les autorités et les associations de fonctionnaires ou d’autres méthodes leur permettant de participer à la détermination des conditions d’emploi.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 192. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les associations de fonctionnaires du ministère public constituées dans une région puissent avoir comme adhérents des fonctionnaires du ministère public d’autres régions si leurs statuts les y autorisent.
    • b) Le comité prie le gouvernement, dans le cadre de l’application de la convention no 151 ratifiée par le Chili, d’informer la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, à laquelle il renvoie les aspects législatifs de ce cas, des mécanismes de règlement des conflits relatifs à la détermination des conditions d’emploi et des dispositifs, recours et sanctions applicables pour faire en sorte que les fonctionnaires du ministère public bénéficient de la protection adéquate contre tout acte de discrimination antisyndicale.
    • c) Le comité encourage les autorités compétentes à continuer d’approfondir le dialogue social avec les associations de fonctionnaires du ministère public afin de garantir le fonctionnement efficace de l’administration ou du service intéressé et de favoriser des relations collectives harmonieuses et, conformément aux principes de la liberté syndicale susmentionnés, de parvenir à des accords communs sur des questions qui pourraient subsister: rencontres de dirigeants syndicaux avec les membres de leur syndicat pendant la journée de travail; congés syndicaux des dirigeants et communication de l’usage prévu de ces congés; mise au point et utilisation de procédures de négociation entre les autorités et les associations de fonctionnaires ou d’autres méthodes leur permettant de participer à la détermination des conditions d’emploi.
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