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Allégations: Entraves à la négociation collective par branche d’activité au sein d’entreprises du secteur de la téléphonie au Pérou
- 724. La plainte figure dans une communication de la Centrale unitaire des travailleurs du Pérou (CUT-Pérou) en date du 14 janvier 2013. Cette organisation a présenté des informations supplémentaires et de nouvelles allégations dans une communication en date du 9 décembre 2013. La Confédération syndicale internationale (CSI) a appuyé la plainte de la CUT-Pérou dans une communication en date du 19 décembre 2013.
- 725. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications en date du 17 mai 2013 et des 17 mai, 5 et 10 juin 2014.
- 726. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 727. Dans sa communication en date du 19 décembre 2013, la Centrale unitaire des travailleurs du Pérou (CUT-Pérou), qui compte parmi ses membres le Syndicat des travailleurs des entreprises du groupe Telefónica au Pérou (SITENTEL), allègue que tous les cahiers de revendications soumis par le SITENTEL au niveau de la branche d’activité depuis 2007 ont été rejetés par les entreprises du groupe Telefónica au Pérou et leurs sous-traitants, qui se sont opposés de diverses façons à l’ouverture de négociations. Chaque fois que le ministère du Travail, à l’issue de longues procédures administratives, a adopté des décisions dans lesquelles il était établi que le SITENTEL était habilité à entamer des négociations collectives, les entreprises du groupe et leurs sous-traitants ont usé de divers subterfuges visant à différer l’ouverture de négociations, notamment par le dépôt de recours en révision et en amparo (en protection des droits), pour empêcher l’ouverture de négociations collectives, ou pour ne pas parvenir à une conclusion lorsqu’il n’était plus possible de les différer. A ce jour, aucun processus de négociation, que ce soit avec les filiales ou avec les sous-traitants, n’a abouti à la signature d’une convention collective. Ces éléments indiquent clairement que les entreprises du groupe n’ont nullement l’intention de développer la négociation collective.
- 728. Dans les recours administratifs et judiciaires présentés par les entreprises du groupe, la capacité de négociation du SITENTEL n’est pas reconnue et il n’est pas tenu compte du fait que l’article 47 du décret suprême no 10-2003-TR portant approbation du Texte unique codifié (TUO) de la loi sur les relations collectives de travail dispose que «le syndicat respectif», qui n’est pas nécessairement le syndicat d’entreprise, jouit de la capacité de représentation dans les conventions collectives d’entreprises.
- 729. La CUT-Pérou fait valoir que le niveau de représentativité du SITENTEL n’a pas été reconnu par les différentes entreprises du groupe. Lors des assemblées générales tenues dans leurs entreprises respectives, les travailleurs des entités du groupe Telefónica au Pérou ont fait part de leur souhait d’être représentés par le SITENTEL dans les négociations collectives, tant au sein des sous-traitants que des filiales. En tout état de cause, le ministère du Travail a reconnu que le SITENTEL bénéficie d’un niveau de représentativité suffisant pour mener des négociations au niveau de l’entreprise.
- 730. En outre, lorsque les autorités administratives ou judiciaires ont reconnu que les organisations syndicales étaient habilitées à mener des négociations et ont de ce fait ordonné l’ouverture de négociations, les entreprises du groupe n’ont pas consenti les efforts nécessaires pour mener à bien des négociations véritables et constructives et encore moins pour parvenir à un accord; pour résumer, ils ont violé le principe de la négociation de bonne foi.
- 731. La CUT-Pérou indique que les entreprises du groupe Telefónica au Pérou occupent une place dominante dans le secteur des télécommunications et maintiennent une position de force sur le marché péruvien grâce à une croissance constante. Il s’agit des entreprises suivantes: Telefónica del Perú S.A.A., Teleatento del Perú S.A.C., Telefónica Gestión de Servicios Compartidos Perú S.A.C., Media Networks Latin America S.A.C., Terra Networks Perú S.A., et leurs différentes filiales. Ces entreprises entretiennent des rapports économiques et administratifs étroits avec un ensemble d’entreprises sous-traitantes qui effectuent des travaux pour le compte des différentes filiales du groupe.
- 732. Selon la CUT-Pérou, la décision de ne pas inclure les entreprises sous-traitantes du groupe dans les négociations collectives par branche d’activité est liée à la situation de subordination dans laquelle ces entreprises se trouvent, tant sur le plan administratif qu’au niveau du travail, vis-à-vis de l’une des plus grandes entreprises du groupe dans le pays, Telefónica del Perú S.A.A. Paradoxalement, le groupe Telefónica s’est engagé à garantir le respect des principes fondamentaux du travail dans les entreprises avec lesquelles il a conclu des contrats de travaux ou de services. Cet engagement figure dans le code de conduite UNI-Telefónica signé le 17 décembre 2007 ainsi que dans les principes de fonctionnement de la société.
- 733. A tous les niveaux de la structure, le groupe d’entreprises a eu une conduite contraire au respect des droits d’organisation et de négociation collective, n’a pas reconnu la capacité de négociation du SITENTEL, et ne s’est pas conformé aux directives de l’Autorité administrative du travail qui a déclaré que les organisations syndicales concernées avaient la capacité de négocier avec les entreprises assignées en justice.
- 734. Dans les cas où des négociations collectives ont été entamées suite à l’adoption d’une directive de l’Autorité administrative du travail, les entreprises du groupe n’ont pas consenti le moindre effort pour mener à bien des négociations collectives constructives et encore moins pour parvenir à la signature de conventions collectives. Elles ont également refusé l’arbitrage, la conciliation et tout autre moyen de règlement des différends demandés par les organisations syndicales concernées.
- 735. De ce fait, aucune convention collective portant sur les conditions de travail n’a été signée depuis 2006, alors que 25 cahiers de revendications ont été présentés, et, depuis lors, les travailleurs membres du SITENTEL n’ont vu aucune amélioration de leurs conditions de travail.
- 736. La CUT-Pérou allègue des violations de la législation du travail, une précarisation et des pratiques antisyndicales, des actes de harcèlement, des licenciements frauduleux et des menaces de non-renouvellement de contrats pour appuyer la demande formulée par le SITENTEL visant à ce que les sous-traitants et les filiales du groupe se conforment aux décisions du ministère du Travail relatives aux négociations en cours, dont l’ouverture a été demandée par le SITENTEL (et cela d’autant que la non-reconduction de contrats compromet gravement la capacité de négociation collective du SITENTEL étant donné qu’elle entraîne une baisse du nombre de membres). En outre, la CUT-Pérou dénonce le fait que les entreprises en question évitent de recruter des travailleurs du SITENTEL sous des contrats de durée indéterminée, ainsi que d’autres formes de précarisation de l’emploi.
- 737. L’entreprise Telefónica del Perú constitue l’exemple le plus marquant à cet égard; cette entreprise diversifie son activité entre ses filiales et sous-traitants, qui mènent leurs activités sur le modèle de la décentralisation productive selon lequel les activités essentielles de l’entreprise sont externalisées vers d’autres entreprises. Par conséquent, elle se soustrait à ses obligations professionnelles en ce qui concerne notamment le montant réel de l’intéressement des salariés aux bénéfices de l’entreprise, et en refusant la négociation collective avec le véritable employeur, à savoir l’entreprise en question, qui n’accepte de mener des négociations collectives qu’avec une faible part de ses employés, aux dépens des travailleurs et en violation des principes de responsabilité sociale que toute entreprise, et à plus forte raison une multinationale, est tenue de respecter.
- 738. De même, la CUT-Pérou dénonce l’absence de mesures propres à garantir véritablement la négociation avec les syndicats; dans le meilleur des cas, les normes nationales imposent seulement des sanctions pécuniaires aux entreprises qui refusent de négocier collectivement, en l’absence de mécanismes permettant de garantir le rétablissement du droit à la négociation collective. En outre, aux termes de la législation, le montant des sanctions imposées par l’Autorité administrative du travail ne pourra en aucun cas dépasser les 30 unités fiscales; en 2013, la valeur d’une unité fiscale s’élevait à 2 700 nouveaux soles. Si ce montant peut représenter une somme importante pour les micro et petites entreprises, il paraît dérisoire pour les grandes entreprises pour lesquelles il est plus simple de s’acquitter de ces amendes que de mener des négociations collectives, comme dans le cas de l’entreprise Telefónica del Perú, de ses filiales et sous-traitants.
- 739. Dans sa communication en date du 9 décembre 2013, la CUT-Pérou indique que, à ce jour, aucun processus de négociation avec les filiales ou les entreprises sous-traitantes du groupe Telefónica n’a abouti à la signature d’une convention collective; les entreprises du groupe Telefónica au Pérou n’ont donc nullement l’intention de développer la négociation collective.
- 740. La CUT-Pérou déclare que l’objet principal de la présente plainte n’est pas nouveau pour le Comité de la liberté syndicale de l’OIT puisque, en date du 2 décembre 2008, une plainte a été introduite (cas no 2689) concernant le refus de plusieurs entreprises du groupe en question et de ses sous-traitants de mener des négociations par branche d’activité avec les organisations de niveau supérieur représentant les travailleurs des entreprises concernées.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 741. Dans ses communications de mai 2013 et du 10 juin 2014, le gouvernement a transmis les commentaires ci-après formulés par les entreprises du groupe Telefónica au sujet de la plainte:
- a) L’activité syndicale au sein du groupe Telefónica est assez intense et celui-ci compte actuellement neuf organisations syndicales (SITENTEL, FETRATEL, SITRATEL Centro, SITRATEL San Martín, Syndicat unitaire des travailleurs de Telefónica del Perú (SUTTP), Syndicat des employés de Telefónica del Perú (SETP), Syndicat unitaire des travailleurs de Telefónica Móviles (STTM), Syndicat unitaire des travailleurs de Telefónica Servicios Comerciales (SUTTSC)). Ces organisations syndicales sont reconnues en tant qu’interlocuteurs représentant les travailleurs qui leur sont affiliés et certaines entreprises du groupe mènent actuellement des négociations collectives avec elles, en fonction de l’entreprise ainsi que de la représentation et du champ d’action de ces organisations. Aussi, le niveau d’affiliation au sein des entreprises du groupe Telefónica est le suivant: au sein de Telefónica del Perú S.A.A. (TdP), près de 80 pour cent des employés sont syndiqués, contre près de 30 pour cent au sein de Telefónica Móviles S.A. (TM); Telefónica Gestión de Servicios Comerciales S.A.C. (TGSC) compte 33 pour cent d’employés syndiqués, Telefónica Gestión de Servicios Comerciales S.A.C. (TGSC) 6 pour cent, Telefónica Centros de Cobro S.A.C. (TCC) 11 pour cent et T-Gestiona Logística (T-Logística) 9 pour cent.
- b) A l’heure actuelle, dix conventions collectives conclues avec plusieurs de ces organisations syndicales sont en vigueur au sein des entreprises du groupe Telefónica. Sans préjuger des conventions collectives conclues à l’issue de procédures de négociation, les entreprises du groupe Telefónica ont également conclu des accords avec plusieurs de ces organisations syndicales à l’occasion de la restructuration de certaines entreprises, afin de veiller à ce que les droits individuels et collectifs des travailleurs concernés par de tels processus ne soient pas affectés.
- c) Le SITENTEL affirme toutefois que, depuis 2007, tous les cahiers de revendications qu’il a présentés aux entreprises du groupe Telefónica ont été rejetés. Il convient de préciser que le SITENTEL est un syndicat de branche d’activité du secteur des télécommunications et que les entreprises de télécommunications du groupe Telefónica négocient avec ce syndicat, d’un commun accord, au niveau de l’entreprise: Telefónica del Perú (entreprise du groupe Telefónica dont l’activité est la prestation de services de téléphonie fixe) et Telefónica Móviles (entreprise du groupe Telefónica dont l’activité est la prestation de services de téléphonie mobile), comme en attestent les copies des dernières conventions collectives conclues avec le syndicat concerné. En outre, bien que Telefónica Gestión de Servicios Compartidos (TGSC) (entreprise du groupe Telefónica dont l’activité est la prestation de services d’appui administratif) n’exerce pas d’activités liées au secteur des télécommunications, celle-ci mène actuellement des négociations au niveau de l’entreprise avec le SITENTEL, de manière volontaire et en vertu d’un accord conclu avec la FETRATEL (à laquelle le SITENTEL était affilié à l’époque en tant que syndicat de base) en 2001. Les copies de l’accord en question et de la dernière convention collective conclue entre le SITENTEL et TSGC attestent de ce qui précède. De ce fait, les allégations selon lesquelles «à ce jour, aucun processus de négociation collective […] n’a abouti à la signature d’une convention collective» et «les entreprises du groupe Telefónica au Pérou n’ont donc nullement l’intention de développer la négociation collective» sont fausses. Par ailleurs, les entreprises du groupe mènent des négociations collectives avec d’autres organisations syndicales avec lesquelles elles ont également conclu des conventions collectives.
- d) S’il est vrai que deux entreprises du groupe Telefónica – Telefónica Servicios Comerciales (spécialisée dans la commercialisation de biens et services) et Telefónica Centro de Cobros (spécialisée dans la prestation de services de recouvrement) – se sont opposées en 2011 à la tenue de négociations collectives avec le SITENTEL, cette décision était motivée par des critères objectifs et raisonnables: en effet, ces entreprises ne relèvent pas du secteur des télécommunications et n’ont pas conclu d’accord visant à ce que les négociations soient menées au niveau de la branche d’activité. Ce différend a été résolu par l’Autorité administrative du travail qui a tranché en faveur des entreprises concernées, comme en attestent les décisions administratives que le SITENTEL a jointes à ses allégations. Il convient de préciser que, bien que le SITENTEL ait eu la possibilité de recourir à la voie judiciaire pour contester ces décisions, aucun recours n’a été formé et ces décisions sont donc considérées comme approuvées.
- e) Les deux entreprises se sont récemment vu imposer une procédure d’arbitrage obligatoire en application d’une décision prise de manière unilatérale par le SITENTEL afin de définir le niveau de négociation en vertu de l’alinéa A de l’article 61 du règlement de la loi sur les relations collectives de travail, incorporé par décret suprême no 014-2011-TR; cette procédure, qui va à l’encontre du principe de négociation libre et volontaire, est en cours. Il convient de préciser en outre que Telefónica Servicios Comerciales mène des négociations collectives avec le syndicat constitué au niveau de l’entreprise, comme en atteste le dernier acte de négociation conclu entre les deux parties au cours de la phase de conciliation.
- f) Le tableau ci-après illustre la situation en ce qui concerne les relations collectives entre le SITENTEL et les entreprises du groupe Telefónica:
Entreprise | | TdP (Telefónica del Perú) | | TM (Telefónica Móviles) | | TSC (Telefónica Servicios Comerciales) | | TGSC (Telefónica Gestión de Servicios Compartidos) | | TCC (Telefónica Centro de Cobro) |
Nombre total de travailleurs dans l’entreprise | | 2 747 | | 2 890 | | 298 | | 2 043 | | 323 |
Travailleurs membres du SITENTEL | | 168 | | 38 | | 32 | | 35 | | 16 |
Etat d’avancement de la négociation collective | | Négociation directe | | Négociation directe | | Arbitrage obligatoire pour définir le niveau de négociation | | Négociation directe | | Arbitrage obligatoire pour définir le niveau de négociation |
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- g) S’agissant des autres allégations (le SITENTEL fait valoir que les travailleurs syndiqués sont harcelés et accusés de différents manquements au règlement des entreprises du groupe Telefónica afin de justifier leur licenciement, une décision qui serait en lien avec l’exercice de la liberté syndicale et avec leur soutien des revendications du SITENTEL, et que ces licenciements compromettent la capacité de négociation collective du SITENTEL étant donné qu’ils entraînent une baisse du nombre de membres), les entreprises concernées indiquent que les accusations avancées sont fausses et ne sont étayées par aucune des preuves présentées par le SITENTEL. Si Telefónica del Perú a effectivement licencié six travailleurs syndiqués – raison pour laquelle elle a fait l’objet d’accusations d’actes antisyndicaux –, les travailleurs concernés étaient membres du Syndicat unique des travailleurs de Telefónica del Perú et leur licenciement n’avait aucun lien avec leur statut de membres de cette organisation syndicale ni avec l’exercice de la liberté syndicale, mais était motivé par des fautes professionnelles graves qui, conformément à la législation du travail, justifiaient un licenciement. Toutes ces procédures de licenciement ont fait l’objet de recours en justice; l’un d’eux a été résolu en dernière instance en faveur de l’entreprise et les autres sont en cours d’examen.
- h) Quant à l’allégation concernant le fait que les entreprises en question évitent de recruter des travailleurs du SITENTEL sous des contrats de durée indéterminée et au non-respect par les sous-traitants du groupe Telefónica de leurs obligations professionnelles, il convient d’indiquer que le recrutement de travailleurs temporaires est subordonné, dans le cadre de la législation du travail péruvienne, au respect des conditions fixées par la loi sur la productivité et la compétitivité du travail; les entreprises du groupe Telefónica recrutent des travailleurs temporaires lorsque ces conditions sont réunies. Chaque fois qu’un travailleur employé par l’une des entreprises du groupe a considéré que, dans son cas, les conditions en question n’étaient pas réunies, il a mis en cause la validité du contrat temporaire par voie administrative (par l’intermédiaire de l’inspection du ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi) ou par voie judiciaire (dans le cadre d’une procédure judiciaire).
- i) Cela étant, la proportion de travailleurs temporaires dans les entreprises au sein desquelles le SITENTEL mène des négociations collectives se présente comme suit:
Entreprise | | TdP (Telefónica del Perú) | | TM (Telefónica Móviles) | | TGSC (Telefónica Gestión de Servicios Compartidos) |
Nombre total de travailleurs | | 2 747 | | 2 890 | | 2 043 |
Nombre de travailleurs temporaires | | 45 | | 134 | | 1 546 |
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- j) Même si, dans le cas particulier de Telefónica Gestión de Servicios Compartidos (TGSC), il apparaît que les travailleurs temporaires constituent environ 75 pour cent de l’effectif total, ce pourcentage est justifié par le domaine d’activité de cette entreprise (à savoir la prestation de services d’appui administratif) qui fournit des services spécifiques et mène des projets dans différentes branches d’activité. La prestation de services spécifiques et de durée déterminée est précisément l’un des motifs valables pour le recrutement de travailleurs temporaires, autorisé au Pérou en vertu de l’article 63 de la loi sur la productivité et la compétitivité au travail. Au vu de ce qui précède, il importe de souligner que le ministère du Travail a effectué un contrôle particulièrement poussé des entreprises du groupe Telefónica et qu’environ 200 inspections ont été effectuées entre 2012 et mai 2014. Parmi les points sur lesquels les inspections ont porté figurait notamment le recrutement de travailleurs temporaires.
- k) Concernant Telefónica Gestión de Servicios Compartidos, entreprise avec laquelle le SITENTEL mène des négociations et au sein de laquelle on compte la plus forte proportion de travailleurs temporaires, le ministère du Travail a récemment effectué une inspection sur ce point. Dans le rapport établi par les inspecteurs à l’issue de la procédure d’inspection, ces derniers ont conclu que l’entreprise respectait la législation relative au recrutement de travailleurs temporaires.
- l) S’agissant de l’accusation formulée par le SITENTEL à son encontre, l’entreprise affirme que les entités du groupe Telefónica ont l’obligation d’appliquer des politiques spécifiques au moment de la conclusion de contrats avec des entreprises auxquelles elles confient la réalisation de services ou de travaux, afin d’éviter que ces contrats puissent être considérés comme des transferts illégaux de travailleurs. La politique de responsabilité dans la chaîne de valeur (ci-après dénommée «la politique») et la directive ICC-001 applicable à toutes les entreprises du groupe en ce qui concerne les critères pratiques pour le contrôle des risques professionnels dans le cadre de la conclusion de contrats aux fins de la réalisation de travaux ou la prestation de services (ci-après dénommée «la directive») énoncent expressément les principes d’action applicables dans l’ensemble de la chaîne de valeur du groupe Telefónica. Afin d’illustrer ce qui précède, il convient de souligner que la politique dispose que les entreprises sous-traitantes doivent respecter le principe de la liberté syndicale. Par ailleurs, la directive énonce comme condition préalable à la conclusion de contrats aux fins de la réalisation de travaux ou la prestation de services (contrats de sous-traitance) qu’il doit être confirmé que «l’entreprise sous-traitante en question a non seulement un statut juridique apparent, si ce n’est avéré, effectif et autonome, c’est-à-dire qu’elle est dotée d’une direction et d’une structure qui lui sont propres, mais que sa solvabilité économique est suffisante pour qu’elle puisse respecter toutes ses obligations et, en particulier, ses obligations en ce qui concerne la législation du travail».
- m) Aussi, en vertu de la directive, les entreprises sous-traitantes sont tenues contractuellement de respecter leurs obligations en ce qui concerne les salaires, la sécurité sociale et la prévention des risques professionnels à l’égard de leur propre personnel, et des mécanismes de contrôle du respect de ces obligations de la part de ces entreprises sont établis.
- n) Les éléments qui précèdent mettent en évidence le fait que la conclusion de contrats de sous-traitance par les entreprises du groupe Telefónica n’est pas utilisée comme un moyen de précarisation du travail, contrairement à ce que laisse entendre le SITENTEL dans les allégations qui appuient sa plainte. Par ailleurs, puisque les entreprises sous-traitantes prennent leurs décisions de façon autonome, les entreprises du groupe Telefónica ne sont pas associées à ces décisions et elles n’en ont connaissance que lorsqu’elles donnent effet aux politiques et directives, ou à l’occasion de l’incidence que celles-ci ont sur leur relation commerciale avec lesdites entreprises.
Négociation collective 2011-12
- 742. Dans sa communication en date du 17 mai 2014, le gouvernement déclare que la procédure de négociation collective 2011-12 entre le SITENTEL et les filiales de Telefónica del Perú S.A. a commencé le 27 octobre 2011, date à laquelle le SITENTEL a demandé l’ouverture d’une négociation collective par branche d’activité dans les domaines liés à la prestation de services de télécommunication aux filiales de Telefónica del Perú S.A. ci-après: Teleatento Perú S.A.C., Telefónica Servicios Comerciales Perú S.A.C., Telefónica Centro de Cobros S.A.C. et Telefónica Móviles S.A. Par sa résolution no 14-2012-MTPE/2/14 adoptée le 13 novembre 2012, la Direction générale du travail a déclaré infondé le recours en révision introduit par l’entreprise Telefónica Servicios Comerciales Perú S.A.C. contre la résolution de la direction régionale confirmant une résolution de la Direction régionale du travail et de la promotion de l’emploi de la région métropolitaine de Lima (ci-après dénommée «DRTPE»), qui avait reconnu le bien-fondé de l’opposition formée par les entreprises mentionnées contre le fait de mener des négociations au niveau de la branche d’activité (comme l’avait demandé l’organisation syndicale) puisqu’il avait été prouvé qu’il n’existait aucun accord entre les parties visant à établir un tel niveau de négociation. Néanmoins, il est indiqué dans ladite résolution que les arguments avancés par les entreprises au sujet de la conclusion préalable de conventions au niveau de l’entreprise avec le SITENTEL et le fait qu’aucune activité en lien avec les télécommunications ne soit menée par les entreprises ne faisaient pas obstacle à l’ouverture de négociations collectives avec l’organisation syndicale. La résolution no 14-2012-MTPE/2/14 indique que le désaccord entre le SITENTEL et les filiales de Telefónica del Perú concernant le niveau auquel la première négociation devait avoir lieu pourrait être résolu par un arbitrage potestatif, conformément aux dispositions d’un arrêt rendu en 2009 par le Tribunal constitutionnel et du décret suprême no 014-2011-TR. S’agissant du cas analysé dans cette section, il apparaît que l’Autorité administrative du travail a fixé les limites de la procédure qu’elle menait et a simplement indiqué le mécanisme idoine pour que les parties concernées puissent résoudre, soit à l’initiative des deux parties (dans le cadre d’un arbitrage volontaire), soit de l’une d’entre elles (dans le cadre d’un arbitrage de type potestatif), le différend qui les oppose pour ce qui est de la détermination du niveau de négociation.
- 743. Le gouvernement indique que la procédure de négociation collective 2011-12 entre le SITENTEL et les sous-traitants de Telefónica del Perú S.A. a commencé le 30 octobre 2010, date à laquelle le SITENTEL a demandé l’ouverture d’une négociation collective par branche d’activité dans les domaines liés à la prestation de services de télécommunication aux sous-traitants de Telefónica del Perú S.A., ci-après: ITETE Perú S.A., Cobra Perú S.A., Consorcio Antonio Lari Mantto et Emerson Network Power del Perú S.A.C. Par sa résolution no 021-2011-MTPE/2/14 adoptée le 4 novembre 2011 (qui constitue un précédent administratif contraignant), la Direction générale du travail a déclaré irrecevables les recours en révision introduits par les quatre entreprises sous-traitantes mentionnées ci-dessus contre une résolution de la DRTPE d’où il ressortait que lesdites entreprises menaient des activités – complémentaires et permanentes – en lien avec le domaine des télécommunications pour le compte du donneur d’ordres Telefónica del Perú S.A., raison pour laquelle le SITENTEL était pleinement habilité à demander l’ouverture d’une négociation collective dans ce contexte. La résolution no 021-2011-MTPE/2/14 de la direction générale était fondée entre autres sur les arguments ci-après: i) il a été estimé que les entreprises en question opéraient dans le secteur des télécommunications, ce que l’on détermine en vertu du principe de la primauté du fait, que l’inspection du travail est habilitée à appliquer en vertu de la loi no 28806 portant loi générale sur l’inspection du travail. En outre, il est apparu que l’application du principe en question n’impliquait pas que ces quatre entreprises appartenaient à l’entreprise utilisatrice ni ne relevaient de celle-ci, ce qui démontre que la prestation permanente de services complémentaires mais indispensables à la réalisation des activités de l’entreprise utilisatrice détermine que les travailleurs des quatre entreprises doivent être considérés comme relevant du secteur des télécommunications; ii) s’agissant des résolutions administratives antérieures, il a été indiqué que l’interprétation erronée de la portée de la liberté syndicale reposait sur une mauvaise interprétation de l’article 5 de la loi sur les relations collectives de travail (LRCT) et sur un critère qui n’était plus d’actualité. La négociation collective dans le contexte de la décentralisation productive nécessite qu’une cohérence harmonieuse soit préservée entre la liberté syndicale et les normes du travail existantes en matière de droit collectif du travail, qui doivent être interprétées comme apportant une protection et garantissant le plein exercice de la liberté syndicale en tant que droit fondamental; et iii) enfin, il a été indiqué que, pour la détermination du niveau des négociations collectives, il était nécessaire de tenir compte des dispositions de l’arrêt rendu dans le cadre du dossier no 03561-2009-PA/TC par le Tribunal constitutionnel sur l’application de mécanismes de règlement des différends (en particulier l’arbitrage du travail) lorsque aucune négociation préalable n’avait eu lieu entre les parties et qu’aucun accord n’avait été trouvé sur le niveau de négociation.
- 744. Le gouvernement ajoute que, bien que cette résolution ait mis fin à la procédure par voie administrative, l’entreprise Cobra a introduit un appel en révision en mars 2012 contre une directive de la DRTPE enjoignant aux parties participant à des commissions de conciliation de les aider à résoudre le conflit qui les opposait. Par sa directive no 22-2013/MTPE/2/14 datée du 18 avril 2013, la Direction générale du travail a déclaré irrecevable le recours en révision au motif que la voie de recours administrative était épuisée. Les 6 novembre 2011 et 24 mai 2012, la sous-direction des négociations collectives de la DRTPE a notifié aux quatre entreprises sous-traitantes (ITETE Perú S.A., Cobra Perú S.A., Consorcio Antonio Larí Mantto et Emerson Network Power del Perú S.A.C.) qu’elles devaient convoquer la commission de négociation du cahier de revendications 2010-11. Dans chaque cas, les entreprises concernées ont présenté divers documents écrits et recours dans lesquels elles se sont opposées à l’ouverture de la négociation, lesquels ont tous été rejetés. Dans une requête datée du 29 août 2012, le SITENTEL a demandé à la DRTPE de porter l’affaire devant la Direction générale du travail aux fins d’une évocation de la procédure. Par sa communication no 15351 2012-MTPE/2/20 en date du 25 septembre 2012, la DRTPE a transmis ladite requête à la Direction générale du travail, qui l’a ensuite transmise à la Direction de la prévention et du règlement des conflits du travail et de la responsabilité sociale des entreprises vis-à-vis des travailleurs (ci-après dénommée «DPSCLRSEL») en date du 15 octobre 2012. La DPSCLRSEL a convoqué les deux parties à des réunions extrajudiciaires ou de conciliation les 7, 12 et 19 novembre 2012. Il était attendu des entreprises Emerson Network Power del Perú S.A.C. et Cobra Perú S.A. qu’elles donnent suite aux convocations, mais celles-ci ont fait savoir qu’elles ne pourraient pas participer aux réunions.
- 745. Le gouvernement précise que la DPSCLRSEL a encouragé les parties à se tourner vers d’autres mécanismes de règlement des différends à la suite d’une série d’actes en lien avec le conflit collectif du travail opposant les parties. Il convient de tenir compte du fait que, de manière générale, l’efficacité de ces mécanismes ne dépend pas de la volonté de l’Autorité administrative du travail (bien qu’il soit évident qu’elle doit tout mettre en œuvre, comme elle l’a fait, pour aider les parties à parvenir à une solution). Le règlement du différend, dans un tel cadre, est tributaire de la volonté des entités collectives elles-mêmes, raison pour laquelle les résolutions mentionnées précédemment établissaient clairement que l’arbitrage du travail constituait la meilleure solution pour donner effet à ce mécanisme.
- 746. La Direction générale du travail a été saisie d’un cas de scission de l’une des entreprises liées à Telefónica del Perú (Telefónica Gestión de Servicios Compartidos Perú S.A.C.) en une entreprise distincte (Tgestiona Logística) alors qu’une procédure de négociation collective était en cours au sein de Telefónica del Perú et a émis, dans le cadre de ses attributions légales et à la demande du SITENTEL, un avis à valeur technique dans le rapport no 024 2013-MTPE/2/14 daté du 8 avril 2013. Il est établi dans ce rapport que les changements concernant la structure des entreprises tels que celui mentionné sont une expression de la liberté d’entreprise et de la liberté d’initiative privée (deux libertés reconnues par la Constitution du Pérou) et sont donc légitimes dans la mesure où il ressort de l’analyse de la rationalité qu’elles n’affectent pas le droit à la liberté syndicale ni à la négociation collective.
- 747. Il ressort de l’interprétation de ce cas (qui n’est soumis à aucune règle donnée) que toutes les conditions requises étaient réunies au moment de la soumission du cahier de revendications 2011-12 présenté par le SITENTEL pour l’ouverture de la négociation collective demandée dans ledit cahier et que, par conséquent, la négociation collective devait avoir lieu compte tenu du maintien de l’organisation syndicale, les effets s’appliquant aux membres qui n’avaient pas été transférés de Telefónica Gestión de Servicios Compartidos Perú S.A.C. vers la seconde entreprise au cours de la scission, ou à tous les travailleurs de cette entreprise si les conditions établies par la législation péruvienne à cet égard étaient remplies. Par ailleurs, la situation des travailleurs transférés vers Tgestiona Logística est évoquée en détail dans le rapport: il est établi que, en application des règles énoncées dans la loi sur les relations collectives de travail, les travailleurs concernés peuvent conserver, dans le cadre des relations contractuelles qui les lient à leur nouvel employeur, les avantages obtenus au titre de la convention collective en vigueur au sein de Telefónica Gestión de Servicios Compartidos Perú S.A.C. au moment de la scission.
- 748. Il convient également de fournir des informations sur la procédure de contentieux administratif introduite par Cobra Perú contre le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi, au sujet de laquelle le tribunal a établi: a) à titre de conclusion principale, la nullité de la résolution no 021-2011-MTPE/2/14 adoptée en date du 4 novembre 2011 par la Direction générale du travail dans le cadre de la procédure no 132173-2012-MTPE/1/20.21, déclarant irrecevable le recours en révision introduit par l’entreprise contre la résolution no 022 2011 MTPE/1/20 adoptée le 3 octobre 2011 par la Direction régionale du travail et de la promotion de l’emploi de la région métropolitaine de Lima; et b) à titre de conclusion secondaire, qu’il convenait de déclarer sans effet toute décision administrative rendue ultérieurement, d’annuler la négociation collective poursuivie par le SITENTEL et, en conséquence, de déclarer qu’il n’existe aucune obligation légale pour l’entreprise concernée de mener des négociations avec l’organisation syndicale en question.
- 749. Le 10 février 2012, le transfert de la requête visant à ce que le recours en révision soit déclaré irrecevable a été rejeté du fait que ce recours avait été interjeté après expiration du délai prévu en vertu de l’article 8 du décret suprême no 001-93-TR, tel que modifié par l’article premier du décret suprême no 017-2003-TR et le septième point du Texte unique de procédures administratives (TUPA) du ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi approuvé par voie du décret suprême no 016-2006-TR et les règlements portant modification de ce dernier, et du fait que les fondements du rejet de l’opposition formée par l’entreprise concernée reposaient sur les dispositions de la Constitution politique de l’Etat, des conventions de l’OIT, du décret suprême no 010-2033-TR et de la loi no 27444.
- 750. Par la résolution no 04 du 31 janvier 2012, il a été considéré qu’une réponse a été donnée à la demande et que le Syndicat des travailleurs des entreprises du groupe Telefónica au Pérou et des entreprises du secteur des télécommunications (SITENTEL) s’était présenté devant l’instance.
- 751. Par la résolution no 07 du 11 juin 2012, il a été déclaré que la procédure était fondée et que les points litigieux étaient les suivants: a) déterminer s’il convient de déclarer nulle et non avenue la résolution no 021-2011-MTPE/2/14 adoptée par la Direction générale du travail; et b) déterminer s’il convient, en conséquence de ce qui précède, de déclarer sans effet toute décision administrative rendue ultérieurement, d’annuler la négociation collective poursuivie par le SITENTEL et, en conséquence, de déclarer qu’il n’existe aucune obligation légale pour l’entreprise de mener des négociations avec l’organisation syndicale en question. Par la résolution no 08 du 11 septembre 2012, l’avis fiscal no 779-2012 émis par le procureur public provincial de la troisième juridiction de Lima a été porté à la connaissance des parties; il ressort de cet avis que la demande proposée devrait être déclarée infondée et que, après le parquet en question, les actes devaient être déposés auprès du bureau pour qu’une décision soit rendue. Du fait de la mise en œuvre de la nouvelle loi sur la procédure du travail, l’affaire a été transmise à la dix-neuvième chambre du tribunal du travail transitoire de Lima et, à ce jour, un jugement de fond est attendu.
- 752. En conclusion, la Direction générale du travail a déclaré irrecevables les recours en révision introduits par les quatre entreprises sous-traitantes de Telefónica del Perú S.A. contre une résolution de la DRTPE qui établissait que lesdites entreprises menaient des activités en lien avec le domaine des télécommunications pour le compte du donneur d’ordres Telefónica del Perú S.A. (raison pour laquelle le SITENTEL était pleinement habilité à demander l’ouverture d’une négociation collective dans ce contexte) et, sur le plan judiciaire, le procureur du ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi cherche à faire en sorte que la négociation collective poursuivie par le SITENTEL ne soit pas annulée et qu’il ne soit pas déclaré, en conséquence, qu’il n’existe aucune obligation légale pour l’entreprise de mener des négociations avec l’organisation syndicale en question.
- 753. Dans sa communication en date du 5 juin 2014, le gouvernement expose de manière détaillée certains des principaux arguments qui étayent les dispositions de la résolution no 147 2013/MTPE/2/14 adoptée par la Direction générale du travail: a) les résolutions adoptées par les instances régionales de l’Autorité administrative du travail ne font pas obligation aux parties de mener des négociations à un niveau déterminé, mais disposent uniquement que l’étape de négociation directe doit être engagée et, conformément au principe de négociation libre et volontaire, qu’il est possible de définir les conditions conventionnelles et normatives ainsi que les limites des accords auxquels il sera possible de parvenir. Ce processus doit s’effectuer dans le respect de ce principe énoncé expressément à l’article 4 de la convention no 98 de l’OIT à laquelle le Tribunal constitutionnel péruvien a fait référence dans le dossier no 03561-2009-PA/TC en ces termes: «[…] l’Etat ne peut ni ne doit imposer à quiconque l’obligation de recourir à des mesures de contrainte pour obliger les parties à négocier avec une organisation déterminée […]. Cela ne l’empêche pas, toutefois, d’établir, dans le cadre de la législation, des mécanismes d’aide à la négociation, tels que la conciliation, la médiation ou l’arbitrage, ou des organes de contrôle chargés de faciliter les négociations»; b) lors de la détermination du niveau auquel les négociations collectives doivent se dérouler, il doit être tenu compte de l’arrêt rendu par le Tribunal constitutionnel dans le cadre du dossier no 03561-2009-PA/TC, qui dispose qu’aucune loi ne peut fixer de manière impérative le niveau de négociation, de sorte qu’aucune norme imposant un niveau de négociation donné ne saurait être applicable; c) il convient de mentionner les dispositions de la résolution no 021-2011/MTPE/2/14 émise par la Direction régionale du travail dans le cadre d’une procédure de négociation collective similaire à la procédure en cours entre le SITENTEL et les entreprises sous-traitantes du groupe Telefónica et qui constitue un précédent contraignant. Il ressort de cette résolution que le processus de décentralisation de la production mis en œuvre par l’entreprise principale (Telefónica S.A.A.) n’amoindrissait pas la capacité des organisations syndicales de négocier dans les cadres respectifs, permettant ainsi que soient reconnus la liberté d’entreprise et le droit à la liberté syndicale. De ce fait, afin de maintenir une cohérence harmonieuse entre le droit pour l’entreprise de décentraliser des étapes de son activité de production et la liberté syndicale, les normes du travail existantes en matière de droit collectif du travail doivent être interprétées comme apportant une protection et garantissant le plein exercice de la liberté syndicale en tant que droit fondamental.
Négociation collective 2013-14
- 754. S’agissant des entreprises utilisatrices, le gouvernement indique que, le 30 octobre 2013, le SITENTEL a présenté le cahier de revendications correspondant à la période 2013-14 en vue de l’ouverture de négociations par branche d’activité avec les entreprises ci-après: Teleatento Perú S.A.C., Telefónica Servicios Comerciales Perú S.A.C. et Telefónica Centros de Cobro S.A.C. Par sa directive no 179-2013-MTPE/2/14 adoptée le 2 décembre 2013, la Direction générale du travail a décidé d’ouvrir le dossier relatif à la négociation collective entre le SITENTEL et les entreprises du groupe Telefónica mentionnées ci-dessus. Les entreprises Telefónica Centros de Cobro S.A.C., Telefónica Servicios Comerciales et Teleatento del Perú S.A.C. ont formé une opposition par écrit, en date des 16, 18 et 27 décembre 2013 respectivement, contre la procédure de négociation collective; dans une communication soumise en date du 16 janvier 2014, le SITENTEL a présenté un document dans lequel il se prononçait au sujet de l’opposition formée par les entreprises du groupe Telefónica concernées.
- 755. S’agissant des sous-traitants, le gouvernement indique que, le 30 octobre 2013, le SITENTEL a présenté à l’Autorité administrative du travail le cahier de revendications par branche d’activité correspondant à la période 2013-14 concernant les sous-traitants du groupe Telefónica ci-après: i) Instalación de Tendidos Telefónicos del Perú S.A.; ii) Cobra Perú S.A.; iii) Antonio Lari Mantto S.A.C.; iv) Calatel Infraestructuras y Servicios S.A.C.; et v) Dominion Perú Soluciones y Servicios S.A.C. Compte tenu de la portée suprarégionale ou nationale de la procédure et conformément aux dispositions de l’article 3 du décret suprême no 017-2012-TR, le cahier de revendications présenté a été transmis à la Direction générale du travail, qui a adopté la directive no 184 2013 MTPE/2/14 en date du 2 décembre 2013 dans laquelle la direction indique qu’elle a décidé d’ouvrir le dossier relatif à la négociation collective entre le SITENTEL et les entreprises sous-traitantes mentionnées ci-dessus (dossier no 152-2013-MTPE/2.J4). Les entreprises Calatel Infraestructuras y Servicios S.A.C. et Cobra Perú S.A. ont formé une opposition, en date des 19 décembre 2013 et 3 janvier 2014 respectivement, contre la négociation collective portant sur le cahier de revendications par branche d’activité correspondant à la période 2013-14.
- 756. S’agissant de l’entreprise Telefónica Gestión de Servicios Compartidos S.A.C., le gouvernement indique que, le 30 octobre 2013, le SITENTEL a soumis à l’Autorité administrative du travail le cahier de revendications correspondant à la période 2013-14 concernant ladite entreprise.
- 757. Par sa directive no 181-2013-MTPE/2/14 adoptée le 2 décembre 2013, la Direction générale du travail a décidé d’ouvrir le dossier relatif à la négociation collective que les parties doivent poursuivre (dossier no 149-2013-MTPE/2/14).
- 758. Le 29 janvier 2014, le SITENTEL a fait savoir que l’étape de négociation directe s’était achevée. Les parties examinent actuellement le cahier de revendications dans le cadre de l’étape de conciliation. Elles ont été convoquées les 24 février, 17 et 28 mars, 15 et 29 avril, 12 et 26 mai et 4 juin. Au vu de la demande présentée par les deux parties visant à prolonger l’étape de conciliation, celles-ci ont été convoquées pour le 17 juin 2014.
- 759. S’agissant de l’entreprise Telefónica Móviles S.A., le gouvernement indique que, le 30 octobre 2013, le SITENTEL a présenté à l’Autorité administrative du travail le cahier de revendications correspondant à la période 2013-14 concernant ladite entreprise utilisatrice. Compte tenu de la portée suprarégionale ou nationale de la procédure, la Direction générale du travail a adopté la directive no 183-2013-MTPE/2/14 le 2 décembre 2013, dans laquelle elle indique avoir décidé d’ouvrir le dossier relatif à la négociation collective entre les parties (dossier no 151-2013-MTPE/2/14).
- 760. Le 4 mars 2014, le SITENTEL a fait savoir que l’étape de négociation directe s’était achevée. Les parties examinent actuellement le cahier de revendications dans le cadre de l’étape de conciliation. Elles ont été convoquées les 17 et 28 mars; 14 et 25 avril; 7, 13, 21 et 28 mai; et 4 juin 2014. Les parties ont également été convoquées pour le 16 juin 2014 à 14 h 30.
- 761. Le gouvernement indique que la Direction générale du travail a engagé différentes actions dans le cadre de procédures d’arbitrage en lien avec des négociations collectives dont le SITENTEL avait demandé l’ouverture. Dans ses conclusions, le gouvernement indique que: a) le SITENTEL a présenté des cahiers de revendications aux entreprises utilisatrices qui constituent le groupe Telefónica et à ses sous-traitants, de sorte que des dossiers relatifs aux négociations collectives ont été ouverts et sont examinés par l’Autorité administrative du travail, conformément à la législation en vigueur. Ces procédures suivent le cours prévu par la législation nationale; les parties ont présenté les communications et engagé les actions qu’elles estimaient pertinentes au regard de leurs positions concernant le cadre dans lequel le SITENTEL souhaitait que des négociations collectives se déroulent, et l’organisation syndicale a notamment eu recours au mécanisme d’arbitrage afin qu’une réponse soit apportée aux demandes collectives concernant diverses périodes et soumises à différentes entreprises utilisatrices; b) s’agissant des procédures de négociation collective, l’Autorité administrative du travail, dans le cadre de ses attributions, a rempli les fonctions établies par la loi; elle a tenu compte du principe de négociation libre et volontaire ainsi que de l’interdiction pour l’Etat de déterminer le niveau des négociations collectives et le cadre dans lequel celles-ci doivent se dérouler; et c) les travailleurs et les organisations syndicales (parmi lesquelles figurent la CUT-Pérou et le SITENTEL) disposent de divers mécanismes de protection pour faire valoir leurs droits lorsqu’ils estiment que cela est nécessaire, par la voie administrative comme par la voie judiciaire, conformément à la législation péruvienne.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 762. Le comité observe que, dans le présent cas, la CUT-Pérou allègue que les entreprises du groupe Telefónica, qu’il s’agisse des filiales ou des sous-traitants, se sont opposées de manière systématique aux cahiers de revendications présentés par la fédération FETRATEL ou par le syndicat de branche SITENTEL pour l’ouverture de négociations collectives au niveau de la branche d’activité et ont usé de différentes stratégies (recours administratifs, recours judiciaires, recours en amparo (en protection des droits), interprétations arbitraires de la législation) pour retarder et empêcher cette négociation (d’après les allégations, la négociation et les conventions collectives au niveau de l’entreprise ne concernent qu’une faible part des travailleurs) en dépit du niveau de représentativité du SITENTEL (organisation représentative au niveau de la branche) et de la situation de subordination dans laquelle ces entreprises se trouvent vis-à-vis de la plus grande entreprise du groupe. Selon les allégations, le groupe Telefónica refuse la conciliation, l’arbitrage et d’autres moyens de règlement des différends. La CUT-Pérou fait valoir que les sanctions prévues en cas de violation des normes du travail n’ont pas d’effet dissuasif pour une grande entreprise telle que la principale entité du groupe Telefónica.
- 763. Le comité note que l’organisation plaignante allègue le non-respect de la législation du travail, le recours abusif au travail temporaire, le licenciement de membres d’organisations syndicales et, dans un cas, une simulation de grève patronale, et croit comprendre que ces allégations visent à illustrer combien il importe de mener des négociations collectives au niveau de la branche; le comité note les arguments présentés par les entreprises du groupe Telefónica pour leur défense à cet égard et, dans la mesure où ces arguments contredisent totalement la version de l’organisation plaignante sur ces points, le comité examinera le problème principal soulevé dans le présent cas, à savoir le niveau de négociation collective dans le secteur des télécommunications.
- 764. Le comité prend note des déclarations du groupe Telefónica transmises par le gouvernement et dans lesquelles il rejette les allégations et indique ce qui suit: 1) le groupe Telefónica compte neuf organisations syndicales (parmi lesquelles figurent le SITENTEL et la FETRATEL) qui, bien qu’elles soient des organisations de branche, mènent des négociations au niveau de l’entreprise dans différentes entités (y compris dans une entreprise n’exerçant pas d’activités dans le secteur des télécommunications) – le niveau d’affiliation variant d’une entreprise à l’autre (d’après le gouvernement, près de 80 pour cent des employés sont syndiqués dans l’entreprise principale, contre 30 et 33 pour cent dans deux autres entreprises, et entre 6 et 11 pour cent dans trois autres entreprises) –, et dix conventions collectives sont en vigueur; en outre, d’autres accords collectifs ont été conclus à l’occasion de la restructuration de deux entreprises du groupe; 2) le refus de négocier au niveau de la branche d’activité en 2011 était fondé sur des critères objectifs et raisonnables, et le différend a été résolu par l’Autorité administrative du travail qui a tranché en faveur des entreprises concernées; les syndicats n’ont pas eu recours à la voie judiciaire pour contester les décisions prises par l’administration; 3) deux entreprises se sont récemment vu imposer une procédure d’arbitrage obligatoire pour déterminer le niveau de la négociation; par ailleurs, l’une de ces entreprises négocie actuellement une convention collective au niveau de l’entreprise; et 4) selon les statistiques communiquées par l’entreprise, le niveau d’affiliation des travailleurs au SITENTEL est très faible. Le comité note que le gouvernement déclare que: a) le SITENTEL a présenté des cahiers de revendications aux entreprises utilisatrices qui constituent le groupe Telefónica et à ses sous-traitants, de sorte que des dossiers relatifs aux négociations collectives ont été ouverts et sont examinés par l’Autorité administrative du travail, conformément à la législation en vigueur. Ces procédures suivent le cours prévu par la législation nationale; les parties ont présenté les communications et engagé les actions qu’elles estimaient pertinentes au regard de leurs positions concernant le cadre dans lequel le SITENTEL souhaitait que des négociations collectives se déroulent, et l’organisation syndicale a notamment eu recours au mécanisme d’arbitrage afin qu’une réponse soit apportée aux demandes collectives concernant diverses périodes et soumises à différents employeurs; b) s’agissant des procédures de négociation collective, l’Autorité administrative du travail, dans le cadre de ses attributions, a rempli les fonctions établies par la loi; elle a tenu compte du principe de négociation libre et volontaire ainsi que de l’interdiction pour l’Etat de déterminer le niveau des négociations collectives et le cadre dans lequel celles-ci doivent se dérouler; et c) les travailleurs et les organisations syndicales (parmi lesquelles figurent la CUT-Pérou et le SITENTEL) disposent de divers mécanismes de protection pour faire valoir leurs droits lorsqu’ils estiment que cela est nécessaire, par la voie administrative comme par la voie judiciaire, conformément à la législation péruvienne.
- 765. Le comité observe que, dans le présent cas, les procédures de négociation collective (2011 12 et 2013-14) ont pris un retard considérable du fait de la volonté du SITENTEL de négocier au niveau de la branche d’activité contre la volonté de certaines entreprises du groupe (s’agissant de la négociation collective de 2011-12, la décision judiciaire relative au niveau de négociation est en instance; s’agissant de la négociation collective de 2013-14, des cahiers de revendications par branche d’activité ont été présentés par le SITENTEL concernant huit entreprises, et un autre cahier a été présenté concernant une entreprise, et plusieurs de ces entreprises ont formé un recours à leur encontre. Le comité indique également que l’arbitrage obligatoire à la demande de l’une des parties (traité par le gouvernement) au sujet du niveau de la négociation est incompatible avec le principe de négociation libre et volontaire énoncé dans la convention no 98.
- 766. Le comité note que, dans l’examen d’un cas précédent concernant le Pérou (cas no 2689), le comité avait noté que le ministère du Travail avait rendu des décisions en 2008 et 2009 dans lesquelles il reconnaissait le droit de la FETRATEL de mener des négociations collectives pour le compte des syndicats du secteur des télécommunications. [Voir 357e rapport du comité, cas no 2689, paragr. 922.] En conséquence, le comité observe que, dans la pratique, le droit des fédérations et des syndicats de branche de mener des négociations collectives au niveau de la branche d’activité est reconnu dans la législation.
- 767. Le comité rappelle au gouvernement qu’il peut inviter les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives à mettre en place un mécanisme de règlement des différends relatifs au niveau auquel la négociation collective doit avoir lieu (par exemple, un organe composé de personnalités indépendantes ayant la confiance des parties) [voir 343e rapport, cas no 2375 (Pérou), paragr. 181], de manière à trouver une issue aux problèmes liés au niveau de la négociation lorsqu’ils se posent.
- 768. Dans ces conditions et tenant compte des recours judiciaires présentés en relation avec les allégations, le comité estime que le présent cas ne requiert pas un examen plus approfondi.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 769. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à décider que le présent cas ne requiert pas un examen plus approfondi.