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Allégations: Licenciement de 65 syndicalistes au motif de leur participation à une grève dans le secteur du transport forestier
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346. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa réunion de novembre 2011 et a présenté à cette occasion un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 362e rapport, approuvé par le Conseil d’administration à sa 312e session (novembre 2011), paragr. 422 à 445.]
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347. Le gouvernement a fait parvenir ses observations par une communication en date du 5 octobre 2012.
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348. Le Chili a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
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349. Le comité rappelle que les allégations restées en suspens portent sur le fait que, après une grève de trois jours conduite en mars 2009 aux motifs du non-versement de salaires et de l’insécurité des transporteurs dans la zone rouge mapuche, l’entreprise Servicios Forestales El Bosque S.A. a licencié 65 syndicalistes. A sa session de novembre 2011, il avait, à cet égard, formulé les recommandations suivantes [voir 362e rapport du comité, paragr. 445]:
- Afin de se prononcer en pleine connaissance de cause sur les questions relatives à l’illégalité de la grève, ou paralysie des activités du syndicat plaignant et au licenciement des syndicalistes, le comité demande au gouvernement d’envoyer copie des jugements de la Cour d’appel de Concepción et de la Cour suprême de justice qui ont été prononcés suite à l’interjection de recours par les membres du syndicat plaignant ainsi qu’un exemplaire de la communication no 0648 de la Direction nationale du travail du 7 février 2011.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
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350. Dans sa communication du 5 octobre 2012, le gouvernement fait savoir que, en ce qui concerne les licenciements massifs survenus en mars 2009, le contrôleur en fonction indique que, selon les informations recueillies, ils seraient intervenus à la suite d’une grève illégale, c’est-à-dire déclarée en marge d’un processus de négociation collective, qui a été menée entre les 24 et 27 mars par des membres du personnel de l’entreprise, y compris des membres du Syndicat Número Dos El Bosque. La grève aurait été convoquée, selon les dires, par Fenasitranfor dans le but d’obtenir une amélioration de la rémunération et des conditions de travail. Le motif invoqué figure à l’article 160, paragraphe 3, du Code du travail, à savoir l’absence injustifiée d’un travailleur sur son lieu de travail pendant deux jours consécutifs, deux lundis dans le mois, ou bien pendant trois jours en tout durant la même période de temps.
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351. Le gouvernement ajoute que, selon les informations recueillies par la Direction du travail, l’arrêt des activités dont il est question a pris fin à la suite de l’intervention de l’Autorité régionale compétente du travail. En outre, le gouvernement indique que l’Inspection provinciale du travail de Los Ángeles a fait savoir que 35 des travailleurs licenciés au cours du mois en question ont saisi le tribunal compétent d’une plainte conjointe pour licenciement injustifié contre la société Servicios Forestales El Bosque S.A., laquelle plainte a été rejetée par décision du 31 août 2009, le tribunal estimant que ce licenciement n’était pas injustifié. Les travailleurs en question ont présenté un recours en nullité auprès de la Cour d’appel de Concepción, qui les a déboutés. Le 10 novembre 2009, ils ont saisi la cour en question d’un recours en unification de la jurisprudence, qui a été rejeté par la Cour suprême (affaire no 9301/2009). Enfin, le gouvernement indique que les travailleurs qui n’étaient pas partie à cette procédure judiciaire ont signé le règlement de leur solde respectif. Le gouvernement communique le texte du jugement de la Cour d’appel de Concepción qui a rejeté le recours en nullité déposé à l’encontre de la décision du juge titulaire du tribunal du travail de Los Ángeles, qui a débouté les travailleurs de leur plainte pour licenciement injustifié. Selon la cour, il n’y a pas eu atteinte à la garantie constitutionnelle du droit de libre manifestation; il ne peut y avoir renversement de la charge de la preuve comme le fait valoir le plaignant puisque les acteurs, selon les termes de la plainte, ont eux-mêmes reconnu ne pas avoir assuré leur service et que, par conséquent, il leur incombait de justifier leur absence; il n’y a pas non plus violation manifeste des règles relatives à l’appréciation de la preuve. Le gouvernement joint le texte du jugement rendu par la Cour suprême de justice en date du 31 mars 2010 concernant le recours déposé contre la décision de la Cour d’appel de Concepción en vue de demander l’unification de la jurisprudence pour que la décision qui fait l’objet du recours soit sans effet, qu’il soit déclaré que les plaignants avaient un motif valable de ne pas assumer leurs fonctions les 24, 25 et 26 mars 2009 et que leur licenciement est injustifié. La Cour suprême de justice a conclu qu’il n’y a pas différentes interprétations d’une même question de droit ou de norme juridique et rejette le recours pour unification de la jurisprudence.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
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352. Le comité note que, selon les allégations restées en suspens lors de l’examen du présent cas à sa session de novembre 2011, à la suite d’une grève de trois jours conduite en mars 2009 aux motifs du non-versement de salaires et de l’insécurité des transporteurs dans la zone rouge mapuche, la société Servicios Forestales El Bosque S.A. a licencié 65 syndicalistes. Le comité rappelle qu’à cette occasion il avait conclu que, selon le gouvernement, le licenciement des 65 syndicalistes était dû à un arrêt des activités sans préavis qui a duré deux jours et qui était lié au fait que la législation ne permet pas l’exercice du droit de grève en dehors du contexte de la négociation collective. Le comité a également pris note que: a) l’autorité judiciaire a débouté les travailleurs licenciés de leurs prétentions par le jugement du 31 août 2009; b) la Cour d’appel de Concepción a rejeté un recours en nullité déposé contre le jugement mentionné; et c) la Cour suprême dans l’affaire no 9301/2009 a rejeté un recours en unification de jurisprudence. Le comité a demandé au gouvernement de communiquer le texte des décisions de la Cour d’appel de Concepción et de la Cour suprême de justice.
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353. Le comité note que le gouvernement répète les informations déjà communiquées dans sa réponse antérieure, à savoir que les licenciements en question seraient intervenus à la suite d’une grève illégale, c’est-à-dire conduite en marge d’une procédure de négociation collective, et qu’il transmet le texte des jugements demandés. Le comité prend note que, selon la Cour d’appel de Concepción, il n’y a pas eu atteinte à la garantie constitutionnelle du droit à la libre manifestation; il ne saurait y avoir renversement de la charge de la preuve, comme le fait valoir le plaignant, étant donné que les acteurs, selon les termes de la plainte, ont eux-mêmes reconnu ne pas avoir assuré leur service et que, par conséquent, il leur incombait de justifier leur absence; il n’y a pas non plus violation manifeste des règles relatives à l’appréciation de la preuve. Le comité prend également note que la Cour suprême de justice a conclu qu’il n’y a pas différentes interprétations d’une même question de droit ou de règle juridique et rejette le recours en unification de jurisprudence.
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354. A cet égard, tout en prenant note du contenu des jugements demandés, le comité estime, comme il l’a indiqué à sa réunion de novembre 2011, que la déclaration de grève, si nécessaire, par un syndicat au motif du non-versement d’une partie ou de la totalité du salaire, ou pour demander de meilleures conditions de sécurité dans les services de transport et d’exploitation forestière, constitue une activité syndicale légitime, y compris si elle ne s’inscrit pas dans une procédure de négociation visant la conclusion d’une convention collective. Ainsi, pour ce qui est de l’argument du gouvernement selon lequel la grève n’est possible au Chili que dans le cadre d’une procédure de négociation collective, le comité souligne, tout comme lors de l’examen antérieur du cas, que le droit de grève ne devrait pas être restreint aux seuls différends de travail susceptibles de déboucher sur une convention collective particulière. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 531.] A cet égard, rappelant que, lors de l’examen antérieur du cas, il a constaté, comme il ressort de la réponse antérieure du gouvernement, que la législation ne permet pas l’organisation de grèves (avec ou sans préavis) en dehors du contexte de la négociation collective, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs, pour modifier la législation afin qu’elle cadre avec les principes mentionnés.
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355. Enfin, tenant compte du fait que le licenciement des 65 syndicalistes est lié à l’application de la législation, laquelle n’est pas en conformité avec les principes de la liberté syndicale, le comité invite le gouvernement, tenant compte de circonstances particulières de ce cas, à prendre, dans le cadre du dialogue social, les mesures nécessaires pour rapprocher les parties en vue de la réintégration des travailleurs licenciés ou d’autres moyens de réparation alternatifs.
Recommandations du comité
Recommandations du comité
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356. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Etant donné que la législation ne permet pas l’organisation de grèves en dehors du contexte de la négociation collective, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs, pour modifier la législation afin qu’elle cadre avec les principes mentionnés dans les conclusions.
- b) Tenant compte des circonstances particulières de ce cas, le comité invite le gouvernement à prendre, dans le cadre du dialogue social, les mesures nécessaires pour rapprocher les parties en vue de la réintégration des travailleurs licenciés ou d’autres moyens de réparation alternatifs.