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Allégations: L’organisation plaignante allègue des actes de violence graves contre les dirigeants syndicaux et les travailleurs du secteur de l’industrie du sucre dans la province de Jujuy
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236. La plainte figure dans une communication de la Centrale des travailleurs argentins (CTA), datée du 11 septembre 2011.
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237. Le gouvernement a envoyé ses observations par une communication de mai 2012.
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238. L’Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante
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239. Dans sa communication de septembre 2011, la Centrale des travailleurs argentins (CTA) indique qu’elle présente cette plainte contre le gouvernement de l’Argentine au motif de graves violations de la liberté syndicale et des droits des organisations et des représentants des travailleurs garantis par les conventions nos 87 et 98 et par la résolution no 19 de 1970 adoptée par la Conférence internationale du Travail; ces violations ont pris la forme d’arrestations arbitraires, de répression au moyen d’armes à feu par les forces de sécurité de l’Etat, d’attentats anonymes, de persécution et de harcèlement policier.
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240. La CTA explique que, depuis plusieurs années, l’industrie sucrière connaît un processus de réorganisation et de croissance syndicales des entités qui regroupent les travailleurs de cette activité dans diverses entreprises du secteur, se trouvant notamment dans les provinces de Jujuy, Salta et Tucumán. L’une des entreprises les plus puissantes de ce secteur est Ingenio Ledesma.
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241. Selon la CTA, la précarisation, le peu de respect des droits, le taux élevé des accidents et le très bas niveau des salaires ont été les facteurs déterminants de l’apparition d’un processus de lutte et du développement d’une série d’actions dirigées par les syndicats sucriers afin d’en finir avec des décennies de mise à l’écart. Ces actes autonomes ont déclenché la réaction immédiate des employeurs qui s’est traduite par diverses actions et représailles menées contre les militants concernés et par la répression que l’Etat exerce par le biais de ses forces de sécurité.
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242. La CTA ajoute que, dans la province de Jujuy, le 28 juillet 2011, quatre travailleurs ont été assassinés et deux autres ont été gravement blessés à l’occasion d’une expulsion violente menée à bien par les forces de répression de l’Etat, et sans doute aussi par le personnel d’une agence de sécurité privée recrutée par Ingenio Ledesma; cette expulsion visait plus de 500 travailleurs et leur famille qui occupaient un terrain de 15 hectares dans la localité de la province de Jujuy appelée Libertador General San Martín, terrain qui appartient à l’entreprise mentionnée. Au cours de cette même opération, 27 autres personnes ont été arrêtées pour avoir participé à l’occupation du terrain.
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243. La CTA fait savoir que la majeure partie de ces travailleurs appartiennent à la Corriente Clasista y Combativa, organisation sociale et syndicale qui accueille tant les travailleurs pourvus d’un emploi que ceux qui sont au chômage; ces travailleurs sont aussi membres de la CTA. L’occupation de ce terrain avait été organisée par la Corriente Clasista y Combativa dans le but d’acquérir une visibilité et pour obtenir une réponse de l’Etat concernant le respect d’un droit fondamental, à savoir l’accès à un logement décent.
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244. La CTA allègue que, lors de ces événements, M. Carol Leónides Sosa, secrétaire de l’action sociale du Syndicat des ouvriers et des salariés du secteur sucrier dans l’entreprise Ingenio Ledesma (syndicat affilié à la Centrale des travailleurs argentins (SOEA-CTA)), et qui est aussi vice-président de l’œuvre sociale du personnel du secteur sucrier d’Ingenio Ledesma, élu le 10 juin 2011, a été arrêté sans justification par la police lorsque, au cours de la répression, il est sorti de chez lui pour demander que l’on cesse de lancer des gaz lacrymogènes contre les occupants du terrain et contre son logement. Après son arrestation, il a été transféré au commissariat de Calilegua et emprisonné avec d’autres détenus qui s’y trouvaient pour délits de droit commun. Aucune charge n’a été retenue contre le dirigeant syndical. La plainte judiciaire déposée par la CTA figure dans le dossier no 16.409/11, et le Dr Jorge Samman a été chargé de l’affaire. Cependant, au moment de l’arrestation et pendant toute la détention, Dre Carolina Pérez Rojas était en charge du tribunal pénal auprès duquel des poursuites ont été entamées pour obtenir la libération du dirigeant syndical; Mme Pérez Rojas a refusé systématiquement, et n’a changé d’avis qu’après plus de 24 heures de détention, ce qui est illégal, sous tous rapports.
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245. La CTA ajoute que M. Fernando Daniel Arias, fondé de pouvoir du groupe syndical Lista Gris, qui a gagné le 10 juin 2011 les élections menées à bien par le Syndicat des ouvriers et salariés du secteur sucrier d’Ingenio Ledesma, affilié à la Centrale des travailleurs argentins (SOEA-CTA), a été tout particulièrement frappé par la répression policière du 28 juillet 2011. Selon la CTA, lorsque M. Arias a été repéré par la police, des policiers se sont approchés de lui et il a été blessé à la jambe par un tir à balle de plomb. M. Arias a été opéré dans une clinique de la ville de San Pedro de Jujuy; la balle de plomb a été extraite et confisquée par le tribunal pénal qui la détient en qualité de preuve. Le dossier de la plainte porte le même numéro (16.409/11); il a également été confié au Dr Jorge Samman, du tribunal d’instruction pénal no 6, secrétariat no 12, du Centre judiciaire de San Pedro de Jujuy, dans la province de Jujuy.
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246. La CTA allègue également que, le 20 août 2011, vers 6 heures du matin, alors que M. José María Castrillo, secrétaire syndical du Syndicat des ouvriers et salariés du secteur sucrier d’Ingenio La Esperanza, affilié à la Centrale des travailleurs argentins (SOEA-CTA), était encore chez lui, deux tueurs à gage ont tiré des coups de feu avec des armes de calibre différent contre le mur de sa maison, dans la ville de San Pedro de Jujuy. Six coups au moins ont été tirés, et deux d’entre eux ont fusé à l’intérieur du logement, où se trouvaient le dirigeant syndical et sa famille. La CTA ajoute que M. Castrillo est un référent social important du Syndicat du sucre, activité syndicale qu’il assume depuis de nombreuses années, son comportement étant irréprochable et les résultats qu’il obtient en défense des droits des travailleurs étant très importants. Sa lutte en défense des droits des travailleurs menace certains intérêts économiques qui doivent beaucoup à un retour à des systèmes d’exploitation archaïque des travailleurs; ils sont certainement liés aux lâches attentats perpétrés contre le domicile du syndicaliste au péril de son intégrité et de celle de sa famille, transformée en cible par la violence antisyndicale. Cet attentat a été dénoncé à la police (dossier no 586/11) et une plainte a été déposée auprès du tribunal d’instruction pénal no 5, secrétariat no 10, du Centre judiciaire de San Pedro de Jujuy, province de Jujuy. Selon la CTA, le fait que la juge chargée de l’affaire soit la Dre Carolina Pérez Rojas (en charge du tribunal susmentionné) est inquiétant, car c’est elle qui a ordonné l’expulsion et la répression du 28 juillet 2011 sur les terrains appartenant à l’entreprise Ingenio Ledesma; or, pendant ces événements, quatre travailleurs ont été assassinés par les forces de police et le personnel de sécurité recruté par l’entreprise.
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247. La CTA allègue également que, le mardi 11 octobre, vers 4 heures du matin, des inconnus ont franchi la grille qui sépare le logement de M. Castrillo du trottoir public, incendié une moto de petite cylindrée sur laquelle le dirigeant syndical se rendait à son travail ou qu’il utilisait pour mener à bien son action syndicale; le véhicule a été entièrement détruit. Les poursuites judiciaires qui s’ensuivent sont aux mains du tribunal d’instruction pénal no 5. La CTA fait savoir que, avant la présentation de la plainte, il n’y a pas eu de fait nouveau concernant l’enquête sur les deux attentats perpétrés à l’encontre du dirigeant syndical M. Castrillo et de sa famille.
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248. La CTA affirme qu’il est généralement accepté que l’exercice de la liberté syndicale n’est pas possible, sans la jouissance pleine et entière des droits de l’homme. La pratique efficace de la liberté syndicale exige que la garantie des libertés civiles et publiques soit effectivement en vigueur. C’est pourquoi la CTA estime que les attentats anonymes, les arrestations arbitraires et la répression au moyen d’armes à feu visant les dirigeants syndicaux des syndicats sucriers, comme l’indiquent ces plaintes, sont en fait des actions accomplies ou tolérées par l’Etat, et qui ont pour objet d’empêcher le plein exercice de la liberté syndicale et le respect des droits qui en dépendent. Par conséquent, pour apporter une réponse institutionnelle, l’Etat social de droit ne peut faire moins que d’ouvrir une enquête, poursuivre et sanctionner les auteurs sur les plans matériel et intellectuel des faits graves qui font l’objet de la plainte.
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249. La CTA explique que l’impunité dont jouissent l’Etat et les organismes parastataux lorsque la répression est dirigée contre les dirigeants sociaux et syndicaux laisse peu d’espoir quant à un engagement véritable de l’Etat argentin à l’égard d’une résolution efficace des affaires en question. C’est pourquoi il est nécessaire de mettre en avant toutes les plaintes fondées, que ce soit dans le pays ou sur le plan international, afin d’obtenir les garanties minimums et indispensables au développement d’une action et au respect des autres droits relatifs à la liberté syndicale. Selon la CTA, la répression déployée par l’Etat argentin a violé tant la liberté syndicale des dirigeants poursuivis que les droits de libre expression et le respect des règles fondamentales et de l’intégrité physique; cette répression porte gravement atteinte aux protections prévues par la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international des droits civils et politiques.
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250. Enfin, la CTA souligne que tant la nature des faits dénoncés que le contexte de répression de la protestation sociale au sein de laquelle ils se sont produits donnent à croire que la véritable finalité de l’Etat est de faire taire la protestation et de verrouiller purement et simplement la liberté d’expression des travailleurs tout en restreignant leur pleine jouissance des droits inscrits dans la liberté syndicale.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
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251. Dans une communication de mai 2012, le gouvernement envoie la réponse qui lui a été transmise par le directeur général de la Direction provinciale du travail de la province de Jujuy sur la plainte en question.
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252. Les autorités de la Direction provinciale du travail de la province de Jujuy font savoir que:
a) Description des faits qui se sont produits à Libertador General San Martín le 28 juillet 2011
- Selon la presse, le 20 juillet 2011, 600 familles environ, appuyées par l’organisation politique appelée Corriente Clasista y Combativa (CCC), sous la houlette du dirigeant de la CCC, M. Enrique «Kike» Mosquera, occupaient illégalement des terrains appartenant à l’entreprise Ledesma SAAI et sise dans le domaine d’environ 15 hectares appelé «El Triángulo» situé près de l’entreprise Ingenio Azucarero. Lorsque l’occupation a été avérée, Ledesma SAAI a porté plainte au pénal auprès du tribunal d’instruction pénal no 6 du Centre judiciaire San Pedro, autorité judiciaire de la province de Jujuy qui, après avoir tenté une libération pacifique de ces terrains, a finalement ordonné leur évacuation au 28 juillet 2011; elle a été menée à bien par la Dre Carolina Pérez Rojas, qui remplaçait le magistrat titulaire alors en congé. Le 28 juillet 2011, sur mandat judiciaire, la police s’est rendue sur place à 6 heures du matin. Pour des raisons qui font l’objet d’une enquête judiciaire, M. Alejandro Farfán a été tué par balle suite à une blessure au cou, ainsi que trois autres personnes, à savoir MM. Ariel Farfán, Félix Reyes et Víctor Heredia, et plusieurs autres personnes ont été blessées. En fait, le responsable de l’hôpital Oscar Orias de la ville voisine de Libertador General San Martín, le Dr Roberto Maizel, a indiqué qu’au moins 30 personnes ont été soignées pour diverses lésions, telles des blessures par balles de plomb, balles de caoutchouc et des jets de pierres; dix policiers se trouvaient parmi les blessés. Les événements de Libertador General San Martín ont entraîné plusieurs arrestations et une crise politique et sociale qui a provoqué la démission du ministre du gouvernement et du chef de la police provinciale, ainsi que la suspension des élections internes au Parti de la justice et à l’Union civique radicale, qui devaient se tenir le dimanche 31 juillet 2011. Ces faits ont également donné lieu à des poursuites judiciaires qui sont en cours.
b) Les faits dont a été victime M. José María Castrillo
- Le 20 août 2011, vers 6 heures, des coups de feu ont été tirés contre le logement de M. José María Castrillo, secrétaire syndical du Syndicat des ouvriers et des salariés du secteur sucrier d’Ingenio La Esperanza, qui se trouve dans la ville de San Pedro de Jujuy, province de Jujuy; ces coups de feu auraient été tirés par deux tueurs à gage, selon certains médias. Ces faits illicites ont entraîné les poursuites pénales prévues par la législation et une enquête judiciaire a été ouverte par le tribunal d’instruction pénal no 5, secrétariat no 10, du Centre judiciaire San Pedro de Jujuy, province de Jujuy.
Fondements
- Après avoir analysé les questions déontologiques qui relèvent des faits que nous venons de relater, j’estime une fois encore que les deux séries de faits doivent être traitées différemment parce qu’elles traduisent des situations qui sont fondamentalement différentes à la lumière des normes en vigueur.
a) Les faits qui se sont produits à Libertador General San Martín le 28 juillet 2011
- Il faut rappeler tout d’abord que l’Etat argentin a diligenté une enquête afin d’éclaircir les faits, désigner les responsables et, éventuellement, évaluer les responsabilités, de sorte que tout jugement en la matière est prématuré pour le moment. Il faut garder cette précision présente à l’esprit lors de l’évaluation des conclusions.
- Ceci étant, j’estime qu’il n’y a pas là d’éléments à charge relevant d’une éventuelle persécution syndicale ou d’une obstruction au droit d’association, de manifestation et de lutte en défense des intérêts des travailleurs, ces faits ne sauraient être assimilés à des violations des conventions nos 87 et 98 de l’OIT, tout au moins selon les informations disponibles, et sous réserve de l’enquête judiciaire qui est en cours.
- Ces faits regrettables, entraînant décès, coups et blessures, ont eu lieu dans le contexte d’une occupation de terrains privés par un groupe de personnes; ils font actuellement l’objet d’une enquête mais, à ce jour, rien ne prouve qu’il y ait eu action collective en défense des droits des travailleurs d’Ingenio ou de tout autre intérêt syndical.
- Les conséquences regrettables des faits en question ne portent pas à croire qu’il y ait eu défaillance dans l’application des conventions invoquées par la demanderesse, c’est-à-dire concernant l’exercice du droit d’association et de négociation collective en défense des intérêts des travailleurs.
- La revendication de problèmes du travail nourrit et motive l’organisation et l’activité d’un syndicat, et ce libre exercice est protégé de l’obstruction par les instruments mentionnés par la demanderesse au Comité de la liberté syndicale du Conseil d’administration du BIT.
- L’article 1 de la convention no 98 de l’OIT prévoit que «… les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi…».
- Il est évident que, sur le plan matériel, l’application de cette norme internationale présuppose des revendications d’une organisation de travailleurs afin de protéger des intérêts syndicaux au motif que la défense authentique des droits collectifs des travailleurs est mise en péril;, l’élément faisant l’objet de la protection juridique est la liberté syndicale en tant que moyen d’assurer le respect effectif des normes qui protègent le droit du travail.
- Cette double dimension, individuelle et collective, consacrée par l’article 14 de la Constitution nationale qui prévoit le droit de «s’associer à des fins utiles», a été expressément reconnue par la Cour suprême de justice de la nation par le récent jugement auquel a donné lieu l’affaire «Association des travailleurs de l’Etat c. le ministère du Travail concernant la loi des associations syndicales». A cette occasion, la Cour suprême a dit: «… le développement progressif de la réglementation du droit d’association, déjà prévu dans la Constitution nationale de 1853-1860 (art. 14), a mis en évidence les deux types de protection essentielle dont cette réglementation fait état et qui sont également décisifs s’agissant d’expliquer le cas présent. D’un côté, cet article révèle les deux dimensions inséparables contenues dans ce droit: la dimension individuelle et la dimension sociale. D’un autre côté, il souligne la spécificité de l’association dans le domaine syndical, ouvrant ainsi la voie à une définition plus approfondie de ce que l’on appelle la liberté syndicale…» (considérant 3).
- Dans le jugement de référence, la Cour suprême mentionne concrètement ces protections nécessaires au développement démocratique et pacifique de ces libertés, conformément à la jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans l’affaire Huilca Tecse c. Perú (affaire Huilca Tecse c. Perú, fonds de l’affaire, réparation et dépens, jugement du 3 3-2005, série C, no 121, paragr. 74), où il est dit notamment que: «… tout le corpus iuris des droits de l’homme met en lumière le contenu du droit d’association syndicale et ses deux dimensions inséparables: l’individuel et le social. Selon la Cour interaméricaine des droits de l’homme, les termes de l’article 16.1 de la Convention américaine prévoient littéralement que ceux qui sont protégés par la convention ont non seulement le droit et la liberté de s’associer librement avec d’autres personnes, sans que les autorités publiques ne viennent limiter ou empêcher l’exercice de ce droit respectif, par une ingérence, car il s’agit là d’un droit individuel; mais, encore, ils ont le droit et la liberté d’œuvrer à la réalisation commune d’un objectif licite, sans subir de pressions ou d’ingérences susceptibles d’altérer ou de dénaturer cette finalité…»
- Ce jugement dit encore: «… Plus encore, de diverses manières, les instruments internationaux cités ont établi, à la manière préventive de l’article 14bis, des domaines précis de liberté syndicale. Ainsi l’article 8 du Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels évoque le droit des syndicats à fonctionner sans autre obstacle que les seules restrictions prévues par la loi et qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale ou de l’ordre public, ou pour protéger les droits et les libertés d’autrui.»
- Compte tenu des informations actuellement disponibles, aucune organisation syndicale n’était en train de se prévaloir de quelque droit du travail que ce soit lorsque les forces de sécurité sont intervenues.
- Le mandat judiciaire se limitait à faire évacuer les parcelles occupées et non pas à contrôler et moins encore à réprimer une manifestation syndicale. Quant aux arrestations qui ont eu lieu, elles répondaient à une résistance au mandat judiciaire et l’on ne peut donc pas blâmer l’Etat d’avoir arrêté ceux qui intervenaient activement dans le conflit; par ailleurs, ces arrestations relèvent de l’exercice régulier des attributions de la police en cas d’action illégale et aucun élément ne permet de les lier à la qualité de représentants syndicaux de ceux qui ont été arrêtés.
- Les plaignants reconnaissent eux-mêmes que l’arrestation de M. Carol Leónides Sosa n’avait rien à voir avec sa qualité de secrétaire de l’action sociale du Syndicat des ouvriers et des salariés du secteur sucrier d’Ingenio Ledesma, non plus qu’avec l’exercice de ses fonctions de défenseur des droits du travail, mais qu’elle s’explique plutôt par le fait – et c’est un hasard – que sa maison se trouve près de l’endroit où ont eu lieu les affrontements et par le fait qu’il est sorti de chez lui pour demander que les policiers cessent de lancer des bombes lacrymogènes.
- Par conséquent, j’estime que la plainte sur ce point n’est pas recevable puisque nous ne sommes pas confrontés à une supposition de limitation coercitive du libre exercice de l’activité des travailleurs en matière d’association ou de défense.
- En outre, il est important de souligner que l’attribution d’une responsabilité directe à l’Etat argentin n’est pas envisageable en tout cas pas tant que l’enquête judiciaire n’est pas close concernant les événements regrettables du 28 juillet 2011, surtout si l’on tient compte du fait que de nombreux policiers de la province ont été blessés à cette occasion et que l’un d’eux est décédé d’une blessure par balle. Il convient donc d’agir avec prudence à cet égard.
b) Les faits dont M. José María Castrillo a été victime
- Concernant les faits délictuels perpétrés contre le secrétaire syndical du Syndicat des ouvriers et des salariés du secteur sucrier d’Ingenio La Esperanza (SOEA), il faut d’abord déterminer s’ils sont liés à son activité syndicale, mais on peut raisonnablement penser que c’est le cas.
- Cette supposition s’inscrit dans un contexte conflictuel interne du SOEA qu’il est indispensable d’évoquer pour bien comprendre toute la situation.
- Il est de notoriété publique que le SOEA connaît depuis 2011 une situation de conflit interne qui a entraîné la démission de représentants syndicaux, dont M. Castrillo; elle a aussi donné lieu à des accusations mutuelles entre membres du comité directeur; ils ont saisi le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale dans le cadre du dossier no 172779/11 et ils ont tous démissionné le 9 mai 2012 afin de convoquer de nouvelles élections au cours des prochains mois; un délégué responsable du processus électoral a été nommé pour superviser ces élections syndicales.
- S’agissant des faits du 28 juillet 2011, l’hypothèse d’une responsabilité de l’Etat argentin concernant une éventuelle persécution syndicale se fonde sur une appréciation qui n’est pas prouvée, dans la mesure où rien ne prouve l’existence d’une activité syndicale non plus que celle d’une répression par les forces de sécurité; quant à la violence perpétrée contre M. Castrillo, aucune intervention directe ne peut être attribuée à l’Etat argentin puisque nous sommes confrontés à un délit commis contre M. Castrillo – qui se trouve être dirigeant syndical – par des individus non identifiés.
- Même si nous partons de l’hypothèse d’une éventuelle responsabilité indirecte de l’Etat dans le cadre de la garantie de protection qu’il doit à ses citoyens, et notamment à l’activité syndicale, l’accusation portée contre l’Etat argentin reste prématurée et manque de fondement, étant donné qu’une enquête judiciaire est en cours pour éclaircir les faits, qualifiés de délictueux et traités comme tels.
- Le fléau de la délinquance est une réalité contre laquelle on lutte partout dans le monde, et l’on ne saurait prétendre que sa simple occurrence compromette l’Etat, dans la mesure où tout est fait pour que la poursuite et la sanction des coupables suivent les voies juridiques et constitutionnelles.
- Et, même s’il s’avérait qu’il s’agit effectivement d’une persécution contre M. Castrillo au motif de ses activités en défense des intérêts collectifs de ses compagnons, on ne saurait rendre l’Etat responsable de ces attaques illégitimes tant qu’il agit comme il le fait et qu’il met ses ressources et son énergie au service de la poursuite pénale des coupables.
- Par conséquent, j’estime que la plainte présentée à cet égard n’est pas fondée car la réaction des organismes publics face aux délits dont a été victime M. Castrillo est irréprochable.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
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253. Le comité observe que dans le présent cas la CTA allègue les actes de violence suivants dans le cadre de la lutte et d’actions dirigées par les syndicats du secteur sucrier afin de mettre un terme à des décennies de mise à l’écart: i) l’assassinat de quatre travailleurs (deux autres ont été gravement blessés) à l’occasion de l’évacuation violente d’un domaine de 15 hectares dans la localité de Libertador General San Martín dans la province de Jujuy où se trouvaient plus de 500 travailleurs réclamant un logement décent. Cette évacuation a été menée par les forces de répression de l’Etat le 28 juillet 2011; ii) l’arrestation, et la détention pendant 24 heures, au cours de ces faits violents, de M. Carol Leónides Sosa, secrétaire de l’action sociale du Syndicat des ouvriers et des salariés du secteur sucrier d’Ingenio Ledesma sans qu’il ait été accusé de quoi que ce soit, et l’agression par la police au moyen d’armes à feu contre M. Fernando Daniel Arias, fondé de pouvoir du même syndicat; iii) l’agression au moyen d’armes à feu perpétrée au petit matin dans la ville de San Pedro, province de Jujuy, contre le domicile du dirigeant syndical M. José María Castrillo, secrétaire syndical du Syndicat des ouvriers et des salariés du secteur sucrier d’Ingenio La Esperanza, le 20 août 2011 (le dirigeant syndical et sa famille se trouvaient alors chez eux), et l’incendie du véhicule du dirigeant (à son domicile) le 11 octobre 2011, également au petit matin.
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254. Le comité observe que, concernant ces allégations, le gouvernement envoie la réponse de la Direction du travail de la province de Jujuy.
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255. S’agissant des allégations relatives au décès de quatre travailleurs et aux blessures dont ont été victimes deux autres pendant l’évacuation violente d’un terrain occupé par des travailleurs qui réclamaient un logement décent, le comité note que l’autorité administrative provinciale indique que: i) une enquête a été ouverte sur ces événements afin d’éclaircir les faits, d’identifier les responsables et éventuellement d’évaluer les responsabilités qu’il s’agit d’attribuer aux protagonistes; par conséquent, toute décision concernant ces faits est prématurée pour le moment, étant donné qu’il faut tenir compte de cet éclaircissement lors de l’évaluation des conclusions; ii) actuellement, aucun élément à charge ne va dans le sens d’une éventuelle persécution syndicale non plus que d’une obstruction au droit d’association, de manifestation et à celui d’agir en défense des droits des travailleurs, ni ne permet de conclure à une violation des conventions nos 87 et 98 de l’OIT, compte tenu des faits connus jusqu’à présent, et sous réserve des résultats de l’enquête judiciaire qui est en cours; iii) les faits regrettables qui ont entraîné décès, coups et blessures relèvent de l’occupation de terrains privés par un groupe de personnes, et ils font actuellement l’objet d’une enquête; il n’y a donc pas de preuve à ce jour qu’il s’agissait d’une lutte collective en défense des droits des travailleurs d’Ingenio ou de tout autre intérêt syndical; et iv) à la lumière des informations disponibles à présent, aucune organisation syndicale n’était en train de revendiquer des droits du travail de quelque nature que ce soit lorsque les forces de sécurité sont intervenues; par ailleurs, le mandat judiciaire se limitait à l’évacuation de parcelles occupées, et non pas au contrôle ou moins encore à la répression d’une manifestation syndicale.
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256. Quant aux allégations relatives à l’arrestation, au cours des faits violents mentionnés dans le paragraphe antérieur, de M. Carol Leónides Sosa, secrétaire de l’action sociale du Syndicat des ouvriers et des salariés du secteur sucrier d’Ingenio Ledesma, et de sa détention pendant 24 heures sans qu’il ait été accusé de quoi que ce soit, le comité note que, selon l’autorité administrative de la province, les plaignants eux-mêmes reconnaissent que sa détention n’avait rien à voir avec sa qualité de secrétaire de l’action sociale du Syndicat des ouvriers et des salariés du secteur sucrier d’Ingenio Ledesma non plus qu’avec l’exercice de ses fonctions dans le cadre de la lutte pour les droits du travail, mais qu’elle tenait plutôt au fait, fortuit, que sa maison se trouvait près du lieu des affrontements et au fait qu’il en était sorti pour demander que les policiers cessent de lancer des gaz lacrymogènes. Le comité prie l’organisation plaignante d’indiquer si elle est d’accord avec cette affirmation. Le comité note cependant que, selon l’organisation plaignante, ceci fait l’objet d’une plainte en suspens (dossier no 16.409/11).
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257. S’agissant de l’allégation relative à l’agression par la police, au moyen d’armes à feu pendant les faits violents du 28 avril 2011 perpétrés contre M. Fernando Daniel Arias, fondé de pouvoir du même syndicat, le comité observe que ni le gouvernement ni l’autorité administrative provinciale n’ont envoyé leurs observations à cet égard, mais que l’organisation plaignante fait savoir que ces faits ont été dénoncés et qu’elle a porté plainte (dossier no 16.409/11) auprès du tribunal d’instruction pénal no 6, secrétariat no 12, du Centre judiciaire de San Pedro de Jujuy, province de Jujuy.
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258. S’agissant des allégations relatives à l’agression matinale du 20 août 2011, au moyen d’armes à feu dans la ville de San Pedro, province de Jujuy, contre le domicile du dirigeant syndical M. José María Castrillo, secrétaire syndical du Syndicat des ouvriers et des salariés du secteur sucrier d’Ingenio La Esperanza (le dirigeant syndical et sa famille se trouvant à ce moment-là à leur domicile), l’autorité administrative de la province indique que: i) selon les médias, les coups tirés contre le logement du secrétaire syndical du syndicat auraient été le fait de deux tueurs à gage; ii) ces faits illicites ont déclenché des poursuites pénales et une enquête judiciaire est en cours sous la responsabilité du tribunal d’instruction pénal no 5, secrétariat no 10, du Centre judiciaire de San Pedro de Jujuy, province de Jujuy; iii) il convient de déterminer si ces événements sont liés à l’activité syndicale, mais il est raisonnable de penser qu’il pourrait effectivement y avoir un lien avec ce domaine; cette possibilité s’inscrit en outre dans le contexte d’un conflit interne du syndicat qu’il faut mettre en lumière pour bien comprendre toute la situation; iv) il est de notoriété publique que le syndicat en question connaît depuis 2011 une situation de conflit interne qui a entraîné la démission de représentants syndicaux, dont M. Castrillo, et des accusations mutuelles entre membres du comité directeur, ce qui a conduit tous ces membres à se présenter au ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale et à renoncer à leurs fonctions le 9 mai 2012, dans le but de convoquer de nouvelles élections au cours des prochains mois; un délégué électoral responsable a été nommé pour en assurer la supervision; v) s’agissant de la violence perpétrée à l’égard de M. Castrillo, on ne saurait l’attribuer à une intervention directe de l’Etat argentin, puisque qu’il s’agit d’un fait délictueux commis à l’encontre de M. Castrillo et perpétré par des individus qui n’ont pas encore été identifiés; l’accusation portée contre l’Etat argentin est donc prématurée et infondée puisqu’une enquête judiciaire est en cours en vue d’éclaircir ces faits, qui ont déjà été qualifiés de délictueux et sont traités comme tels; vi) le fléau de la délinquance est une réalité contre laquelle on lutte partout dans le monde, et on ne saurait prétendre que sa simple occurrence compromette l’Etat, dans la mesure où ce dernier poursuit les auteurs de ces faits et les sanctionne par les voies juridiques et constitutionnelles; vii) même s’il s’avérait qu’il y a eu effectivement persécution contre M. Castrillo et qu’elle est fondée sur son activité en défense des intérêts collectifs de ses compagnons, on ne saurait rendre l’Etat responsable de ces attaques illégitimes tant qu’il agit comme il le fait et qu’il met ses ressources et son énergie dans la poursuite pénale des coupables; et viii) la réaction des organismes publics face aux délits dont a été victime M. Castrillo ne saurait donner lieu à des reproches.
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259. Le comité déplore la gravité des allégations: décès, actes de violence et arrestations. Le comité rappelle que, précédemment, lors de l’examen d’allégations relatives à des actes de violence, il a expliqué que «lorsque se sont produites des atteintes à l’intégrité physique ou morale, le comité a considéré qu’une enquête judiciaire indépendante devrait être effectuée sans délai, car cette méthode est particulièrement appropriée pour éclaircir pleinement les faits, déterminer les responsabilités, sanctionner les coupables et prévenir la répétition de telles actions». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 50.] Le comité observe que des enquêtes judiciaires sont en cours concernant les faits violents perpétrés dans la province de Jujuy le 28 juillet 2011, à la suite desquels quatre travailleurs sont décédés et le syndicaliste M. Fernando Daniel Arias a été blessé, ainsi qu’une enquête concernant l’attaque au moyen d’armes à feu perpétrée contre le domicile du dirigeant syndical M. José María Castrillo le 20 août 2011. Le comité note que l’autorité administrative de la province de Jujuy s’interroge sur la nature antisyndicale des actes de violence qui se sont produits le 28 juillet 2011 et donne des informations sur un conflit intrasyndical lié aux actes de violence perpétrés contre M. Castrillo.
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260. Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement: i) de communiquer le résultat des enquêtes judiciaires concernant les faits violents qui se sont produits dans la province de Jujuy le 28 juillet 2011 et pendant lesquels quatre travailleurs sont décédés et le syndicaliste M. Fernando Daniel Arias a été blessé, ainsi que sur l’attentat au moyen d’armes à feu perpétré contre le domicile du dirigeant syndical M. José María Castrillo le 20 août 2011; et ii) d’indiquer si une enquête judiciaire a été diligentée concernant l’allégation d’incendie du véhicule du dirigeant syndical M. José María Castrillo (à son domicile) le 11 octobre 2011 au matin et, dans l’affirmative, de lui communiquer les résultats de l’enquête.
Recommandations du comité
Recommandations du comité
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261. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie le gouvernement de communiquer le résultat des enquêtes judiciaires relatives aux faits violents qui se sont produits le 28 juillet 2011, pendant lesquels quatre travailleurs sont décédés et le syndicaliste M. Fernando Daniel Arias a été blessé et à la suite desquels M. Carlos Leonides Sosa a été mis en détention, ainsi qu’à l’attentat par armes à feu perpétré contre le domicile de M. José María Castrillo le 20 août 2011.
- b) Le comité prie le gouvernement d’indiquer si une enquête judiciaire a été diligentée concernant l’allégation d’incendie du véhicule du dirigeant syndical M. José María Castrillo (à son domicile) le 11 octobre 2011 au matin et, dans l’affirmative, de lui communiquer les résultats de cette enquête.
- c) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère grave et urgent du présent cas.