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- 1281. La présente plainte figure dans une communication en date du 10 février 2009 de la Chambre des industries de l’Uruguay (CIU), de la Chambre nationale de commerce et de services de l’Uruguay (CNCS) et de l’Organisation internationale des employeurs (OIE). Par la suite, les organisations plaignantes ont envoyé des rapports complémentaires dans une communication en date du 16 octobre 2009.
- 1282. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications en date du 29 décembre 2009 et du 11 janvier 2010.
- 1283. L’Uruguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 1284. Dans leur communication du 10 février 2009, l’Organisation internationale des employeurs (OIE), la Chambre des industries de l’Uruguay (CIU) et la Chambre nationale de commerce et de services (CNCS) de l’Uruguay indiquent qu’elles s’adressent au Comité de la liberté syndicale parce que le gouvernement de la République orientale de l’Uruguay a manqué à ses obligations au titre des conventions nos 87, 98, 144 et 154, qu’il a ratifiées. Les organisations plaignantes considèrent que le projet de loi sur la négociation collective remis au parlement en octobre 2007 et distribué à la Commission sur la législation du travail de la Chambre des représentants sous le numéro 1085, chemise no 2159, année 2007, contient des dispositions qui violent les conventions précitées, comme il sera démontré ultérieurement.
- 1285. Elles considèrent donc qu’il est important de noter qu’à partir de 2005 tout le processus de modification de la législation relative au travail de l’Uruguay s’est déroulé sans que l’avis ni les propositions des employeurs ne soient pris en compte; le dialogue social et le tripartisme prônés par l’Organisation et consacrés par la convention no 144 et la recommandation no 152 étant totalement absents dudit processus.
- 1286. La Chambre des industries de l’Uruguay (CIU) est l’entité patronale la plus représentative du secteur industriel du pays. Elle a été créée le 12 novembre 1898 dans le but de défendre les intérêts de l’industrie nationale, de défendre ses droits et de stimuler le développement industriel du pays. Son organisation s’appuie sur une structure profondément démocratique, et autant les industries les plus importantes du pays que le plus modeste des ateliers ayant une activité industrielle y sont représentés. La CIU s’est toujours efforcée de maintenir un dialogue constant avec les autorités gouvernementales afin que le secteur privé et le secteur public puissent rester solidaires dans la poursuite des mêmes objectifs: la paix, le bonheur et la prospérité de tout le pays.
- 1287. Les principaux objectifs de la CIU – dans le respect des plus hauts intérêts de la nation et de la Constitution de la République – sont les suivants: a) défendre les droits et les intérêts légitimes de l’industrie nationale; b) stimuler par tous les moyens dont elle dispose le développement de l’activité industrielle et son perfectionnement croissant; c) promouvoir la création et le développement d’entreprises industrielles et de services connexes en mettant à la disposition des entrepreneurs tous les outils techniques et les services d’assistance possibles; d) améliorer progressivement la productivité et le statut des travailleurs; e) encourager l’internationalisation des entreprises industrielles; et f) promouvoir l’adhésion à la CIU des organisations qui partagent ses objectifs et ses intérêts.
- 1288. La CIU regroupe 48 syndicats et plus de 1 100 entreprises affiliées. Elle est sans aucun doute l’organisation la plus représentative du secteur patronal de l’Uruguay, conjointement avec la CNCS, et elle est membre de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), la seule organisation qui représente à l’échelle internationale les intérêts du patronat en matière de politique socioprofessionnelle.
- 1289. La CNCS est l’organe de représentation syndicale de la Bourse de commerce, créée en 1867, laquelle, depuis cette date, représente les entreprises commerciales et, plus récemment aussi, grâce à son développement, le secteur des services. Elle compte actuellement 15 000 membres environ et 115 organisations affiliées, dont 22 représentent les intérêts des entreprises nationales, couvrant ainsi tout le territoire de la République. La CNCS et la CIU sont les deux institutions qui regroupent des employeurs reconnues par l’OIT en Uruguay, et elles participent de manière permanente à sa Conférence annuelle.
- 1290. Les organisations plaignantes considèrent que le projet de loi sur la négociation collective remis au parlement en octobre 2007 et portant le numéro 1085 de la Commission sur la législation du travail de la Chambre des représentants, chemise no 2159, année 2007, contient des dispositions qui violent les conventions précitées, comme il sera démontré plus loin. Elles indiquent qu’à des fins de clarté elles présenteront leur pétition par thème.
- 1291. Les organisations plaignantes font remarquer que l’Uruguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, en 1954; la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981; et la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, en 1987. Afin que le comité puisse comprendre la situation, les organisations plaignantes évoquent le processus qui a abouti à l’adoption des normes qui ont transformé le droit du travail de 2005 à ce jour, et qui a culminé par l’envoi au parlement du projet de création d’un système de négociation collective qui sera également évoqué plus tard.
- 1292. Selon les organisations plaignantes, le gouvernement uruguayen qui a pris ses fonctions le 1er mars 2005 a entrepris une profonde réforme du droit du travail, en faisant totalement abstraction du secteur patronal, en ignorant complètement les propositions du secteur, sans aucune prise en compte des droits des employeurs, sans véritable dialogue social ni consultation tripartite efficace. Il a alors adopté une série de normes qui avalisent ce qui suit et qui sera expliqué brièvement:
- – Par le décret du pouvoir exécutif no 145 du 2 mai 2005, les décrets no 512 du 19 octobre 1966 et no 286 du 4 octobre 2000 qui permettaient au ministère de l’Intérieur d’évacuer les locaux d’entreprises occupés par leurs employés au moyen de la force publique ont été abrogés. Il convient de souligner que le décret précité a été promulgué sans qu’aucune consultation, communication ni annonce de quelque nature que ce soit n’ait été faite, modifiant les normes qui régissaient ce domaine en particulier, lesquelles étaient en vigueur depuis plus de quarante ans. Ce décret a eu pour effet, comme on le verra plus tard, de placer dans une véritable «situation de vulnérabilité» les entrepreneurs qui subissent cette mesure illicite adoptée par les travailleurs en marge de dispositions constitutionnelles claires et sans équivoque. En effet, l’article 7 de la Constitution de la République établit le droit à la propriété privée, stipulant que: «Les habitants de la République ont le droit d’être protégés dans la jouissance de leur vie, de leur honneur, de leur liberté, de leur sécurité, de leur travail et de leur propriété.» Le décret no 145/2005 publié au Journal officiel du 6 mai 2005 ordonne aux parties en conflit de recourir à la justice, car «les différends entre particuliers doivent être réglés devant le pouvoir judiciaire.» Les considérants du décret s’appuient sur l’hypothèse erronée selon laquelle tous les différends ou conflits d’intérêts doivent être réglés par la justice, alors que la réglementation uruguayenne elle même prévoit une conciliation obligatoire et contraignante au siège du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. De même, le considérant III du décret établit qu’«il convient d’abroger les règlements pertinents, afin que les intéressés puissent recourir à la voie judiciaire appropriée, en vue de préserver et de garantir les droits menacés», oubliant que la possibilité de faire appel à la justice pour régler un différend a toujours existé et existe toujours. En définitive, sans chercher à parvenir à un consensus, et trahissant le tripartisme tant invoqué par le gouvernement, les normes en vigueur – depuis plus de quarante ans – sont modifiées sans qu’aucune annonce ou consultation efficaces n’aient été effectuées et sans avoir pris en compte les propositions du secteur patronal. En outre, le décret no 145/2005 n’avertit pas qu’il viole la Constitution en établissant la primauté du droit de grève consacré par l’article 57 sur le droit de propriété consacré par l’article 7.
- – Loi no 17930: L’article 321 de la loi no 17930 du 19 décembre 2005 (loi sur le budget national) remise au parlement par le gouvernement et publiée au Journal officiel le 23 décembre 2005 prévoit la création du Registre des entreprises en infraction), lequel relève de l’Inspection générale du travail et de la sécurité sociale (cette norme a été adoptée sans que la moindre consultation du secteur des employeurs n’ait eu lieu).
- – Loi no 17940: La loi no 17940 publiée au Journal officiel le 10 janvier 2006 a consacré le droit syndical, la retenue d’une cotisation syndicale, le congé syndical et d’autres droits pour les travailleurs, sans consacrer ni prévoir pour les employeurs aucun des droits que ces derniers avaient réclamé avec insistance (les brèves consultations effectuées étaient clairement destinées à «légitimer» une décision déjà prise par le gouvernement).
- – Le décret no 66/06 du 6 mars 2006 publié au Journal officiel du 10 mars 2006 réglementait les dispositions de la loi no 17940 sur l’activité syndicale (les propositions et les suggestions auxquelles il fait référence et qui ont été faites par les employeurs n’ont pas été prises en compte dans le décret en cause).
- – Le décret no 263/06 du 7 août 2006 publié au Journal officiel le 16 août 2006 réglemente le Registre des entreprises en infraction, créé en vertu de la loi no 17930 (sans aucune consultation préalable des employeurs).
- – La loi no 18091 publiée au Journal officiel le 19 janvier 2007 allonge le délai de prescription des créances salariales (sans aucune consultation préalable des employeurs et alors qu’une commission chargée d’étudier les questions liées au travail avait été créée et constituée avec le gouvernement).
- – La loi no 18172 du 31 août 2007 relative à la présentation des comptes et au bilan budgétaire de l’exercice 2006, dont l’article 346 établit la responsabilité solidaire des propriétaires, des associés administrateurs, ou des directeurs ou leurs représentants légaux, s’agissant du non-respect des normes de sécurité et de prévention a été adoptée, au moment même où une commission chargée d’étudier les autres questions mentionnées au point précédent était en train d’être mise en place avec le gouvernement. Il s’agit également là d’une norme adoptée en faisant totalement abstraction de l’avis du secteur patronal.
- – La loi no 18099 du 28 décembre 2007 relative au recours aux intermédiaires, à la sous-traitance et à l’intermédiation en matière de main-d’œuvre est en totale contradiction avec les propositions des employeurs, lesquelles ne sont pas prises en compte dans ladite loi.
- – Le décret no 291/2007 publié au Journal officiel du 20 août 2007, qui réglemente la convention no 155 de l’Organisation internationale du Travail, a été promulgué malgré l’opposition expresse du secteur patronal qui, pendant de longs mois, a demandé que soient prises en compte différentes propositions, qui ne l’ont pas été dans le décret précité.
- – La loi no 18251 du 6 janvier 2008, qui modifie la loi no 18099: Une fois de plus, cette loi va dans le sens contraire des requêtes des employeurs et ne contient aucune proposition significative, étant donné que les consultations effectuées ne se sont pas appuyées sur les principes qui, selon l’OIT, devraient les guider, à savoir qu’elles soient efficaces et réalisées de bonne foi.
- – Le 15 octobre 2008, un projet de loi relatif à la création d’un système des relations de travail et à la négociation collective contenant des normes qui violent clairement les conventions nos 87, 98 et 144, comme nous le verrons plus loin, a été remis au parlement sans qu’aucune consultation préalable, de quelque nature que ce soit, n’ait eu lieu.
- 1293. Les organisations plaignantes indiquent que le gouvernement a procédé à une convocation légère et inefficace en vue de la formation de quelques cadres à caractère tripartite auxquels se sont joints les employeurs dans l’espoir sans cesse déçu que leurs propositions seraient prises en compte et respectées. Loin de là, l’apport du secteur patronal dans l’élaboration des normes a été et est nul. Ces cadres ou commissions ne tiennent compte ni des aspirations du secteur ni des droits des employeurs, mais créent des inégalités, des procédés arbitraires et, par conséquent, des déséquilibres dangereux pour le système. Les organisations plaignantes déplorent donc l’absence en Uruguay d’un dialogue social sincère et de consultations tripartites efficaces, en dépit des efforts constants des chambres plaignantes et de l’intérêt qu’elles ont manifesté ces dernières années en vue d’un renforcement des relations et de la collaboration avec le gouvernement.
- 1294. Le récit qui a été effectué au sujet des normes adoptées par cette administration et les profonds changements qu’elle a entrepris dans le domaine du droit du travail et des relations de travail montrent qu’une consultation tripartite efficace est nécessaire et impérative. Les organisations plaignantes soutiennent et affirment qu’en Uruguay le dialogue s’est limité à la convocation et la tenue de réunions dont le but n’était pas de parvenir ni de chercher à parvenir à un accord ni de recevoir des propositions. Elles déclarent que, dans beaucoup de cas, les convocations aux consultations sont effectuées 24 heures à l’avance et sur la base de documents de travail déjà élaborés par le gouvernement, sans qu’il soit matériellement possible pour le secteur patronal de les analyser en profondeur, d’organiser des consultations ou de faire des suggestions ou des propositions. En définitive, les normes en question, qui entraînent de grands changements, ont été adoptées sans que des consultations opportunes et adéquates des employeurs n’aient été effectuées.
- 1295. Les organisations plaignantes indiquent qu’à plusieurs reprises elles ont fait savoir qu’il était nécessaire de mettre en place un véritable système des relations de travail. En échange, le gouvernement a persisté dans son idée dangereuse d’élaborer une série de normes isolées, asystémiques, génériques et, par conséquent, créatrices d’une incertitude juridique qui portent directement préjudice aux employeurs. En outre, ces normes ne réglementent que certains aspects des relations de travail car elles accordent des droits à une seule partie, les travailleurs, et ignorent les droits des employeurs.
- 1296. Depuis que le 1er mars 2005, le gouvernement a fait part de son intention de procéder à de profondes réformes en matière de droit du travail, les chambres patronales qui comparaissent ont été en tout temps disposées à maintenir un dialogue sérieux, productif et efficace, afin que les aspirations des partenaires sociaux soient prises en compte dans la réglementation et que l’on tienne compte de manière équitable et équilibrée tant des droits des travailleurs que des droits des employeurs. A cet effet, et dès le début, elles ont manifesté leur volonté d’appliquer les dispositions de l’article 57 de la Constitution, qui reconnaît et déclare que la grève est un droit syndical et stipule que l’exercice de ce droit doit être régi par la loi.
- 1297. Le projet de loi sur la négociation collective remis au parlement national par le gouvernement mérite une attention particulière. D’une manière générale, il semblerait que, si le projet en question devient une loi, cette modification compromettra les pouvoirs de l’organisation et la direction de l’entreprise, et aura une incidence sur l’efficacité, la productivité et la croissance de l’appareil productif, sans que cela ne bénéficie aux travailleurs. Comme il a été indiqué, le projet n’a fait l’objet ni d’un examen ni d’une consultation tripartite des organisations patronales, ce qui constitue une violation des principes de base de l’OIT.
- 1298. Selon les organisations plaignantes, dans son exposé des motifs, le projet de loi envoyé au parlement prévoit la création d’un «système national de négociation collective». C’est pourquoi son contenu a une telle importance, tout comme les «omissions expresses» que révèle le projet dans un pays comme l’Uruguay, où la réglementation en matière de droit collectif du travail est rarissime. Dans l’exposé des motifs, il est indiqué que: «Les relations collectives de travail, telles qu’on les conçoit traditionnellement, font partie d’une triade composée de l’organisation syndicale, la négociation collective et le conflit.» Si le projet évoque la négociation collective et le conflit, il ne dit rien concernant le premier pilier de la triade. En définitive, il apparaît clairement que le projet de loi a pour objectif de réglementer les négociations collectives et le conflit mais pas la troisième composante de la «triade», à savoir l’organisation syndicale, ce qui entraîne un déséquilibre directement préjudiciable aux employeurs.
- 1299. Le projet de loi de création d’un «système» ne dit rien au sujet de la protection du droit de propriété qui comprend le droit à la propriété des moyens de production et en particulier du produit de l’activité des facteurs qui interviennent dans le processus. Il ne dit rien non plus au sujet du droit à la protection des biens de l’entreprise. Il omet de mentionner la liberté de commerce et d’industrie, qui comprend la liberté de créer une entreprise ainsi que le droit d’organisation et de direction de l’employeur, lequel inclut à son tour le droit de diriger l’entreprise et de procéder à des changements. Rien n’est dit sur le droit de prendre des mesures de manière indépendante en réaction à des mesures qui ne tiennent pas compte du droit de grève. Le projet de loi ne dit rien à propos des droits et obligations des organisations ni des responsabilités des organisations ou de leurs représentants.
- 1300. Aucune norme relative au système de prise de décisions en matière de conflits ou à l’obligation de responsabilité à l’égard du patrimoine en cas de dommages liés au non-respect des accords n’est consacrée. Rien n’est dit au sujet de l’obligation de rechercher la paix ou d’émettre un préavis avant d’adopter certaines mesures ni du droit au travail des travailleurs qui ne sont pas d’accord avec certaines mesures. En fin de compte, on envisage de créer un système en omettant d’accomplir le mandat constitutionnel établi à l’article 57 de la Constitution de la République, lequel ordonne que l’exercice du droit de grève soit réglementé. Par ailleurs, il est indiqué dans l’exposé des motifs qu’«il s’agit dans ce projet d’activer une réglementation qui met à disposition des acteurs des relations de travail une série de procédures visant à faciliter la négociation»; toutefois, il paraît déraisonnable de croire que les articles 21 à 24 permettent ou facilitent la négociation. Les organisations plaignantes ne croient pas qu’une violation du droit de propriété «permette ou facilite» la négociation.
- 1301. Le projet de loi contient une partie I intitulée «Principes et droits fondamentaux du Système de négociation collective». Cette partie ne constitue rien de plus qu’une déclaration de principes pure et simple qui ne s’appuie pas le moins du monde sur les faits, comme il a été dit et comme il sera démontré de manière très précise. Consacrant l’«obligation de négocier de bonne foi», l’article 4 du projet stipule que: «Les parties doivent ainsi échanger les renseignements nécessaires pour faciliter le déroulement normal du processus de négociation collective. En ce qui concerne les renseignements confidentiels, l’obligation de réserve est implicite dans les communications.» Les organisations plaignantes considèrent que cet article nuit à l’équilibre entre les parties.
- 1302. En effet, le projet de loi consacre expressément l’«obligation d’information». Sans préjudice du fait que cette obligation faisait partie d’un programme de discussion et de négociation qui avait été coordonné avec le gouvernement; ce point a été inclus dans le projet, en oubliant que l’obligation de négocier de bonne foi et de fournir de l’information n’est possible que si les parties sont structurées en une organisation transparente régie par les motifs que nous mentionnerons plus loin.
- 1303. Les organisations plaignantes indiquent que la majeure partie de l’information détenue par les entreprises est confidentielle, étant donné qu’elle a trait aux plans stratégiques élaborés par celles-ci en vue de positionner leurs produits et services. Il n’est pas possible de garantir l’«obligation de réserve» imposée par le projet de loi si l’organisation syndicale ne peut être tenue pour responsable, d’un point de vue juridique, de la violation de cette obligation ou d’un manquement à son égard. Etant donné qu’il n’existe dans le droit interne aucune réglementation en matière de droit de grève, comme le stipule l’article 57 de la Constitution, il n’est pas possible de garantir que les travailleurs respecteront leurs obligations puisque l’organisation syndicale n’a pas de personnalité juridique et donc pas d’existence juridique. Par conséquent, il est impossible d’invoquer la responsabilité des travailleurs ou du syndicat en cas de violation de l’«obligation de réserve». Selon le projet, donc, les employeurs n’ont aucune garantie que l’obligation de réserve sera respectée ou qu’ils seront indemnisés, ou même qu’ils pourront engager des poursuites judiciaires en vue de la réparation d’un éventuel dommage.
- 1304. La partie II du projet crée un organe qui, selon les organisations plaignantes, mérite de sérieuses réserves car elle viole l’un des principes directeurs du tripartisme et nuit gravement à l’indispensable équilibre entre les parties en provoquant de dangereux déséquilibres qui mettent en péril un système des relations de travail sain. Le Conseil supérieur tripartite est établi comme «organe de coordination et de gouvernance des relations de travail» et se compose de «neuf délégués du pouvoir exécutif, six délégués des organisations les plus représentatives d’employeurs et six délégués des organisations les plus représentatives de travailleurs». Cette composition est contestée pour diverses raisons.
- 1305. Tout d’abord, comme il est indiqué dans les considérants du projet envoyé au parlement, de vastes pouvoirs sont accordés à cet organe dans la mesure où il pourra «examiner les questions liées aux niveaux de négociation tripartite et bipartite et se prononcer dessus (article 10, alinéa d)); ainsi, le conseil qui chapeaute le système aura un regard omnidimensionnel sur le phénomène de négociation collective». Ce qui précède signifie clairement que le conseil devra être érigé comme directeur de la négociation collective dans toutes ses dimensions alors que la négociation collective est par définition bipartite, libre et volontaire. Le projet révèle une vision fortement «interventionniste et dirigiste» à l’égard des relations de travail. Il ne fait aucun doute qu’un interventionnisme du gouvernement dans les relations de travail, comme il est indiqué dans le projet, non seulement n’encourage pas des négociations libres et volontaires, ce qui constitue une violation des conventions ratifiées par le pays, mais en plus nuit fortement à l’autonomie des partenaires sociaux lors des négociations collectives.
- 1306. Les organisations plaignantes soutiennent que les compétences attribuées à cet organe sont contraires au principe de liberté d’action des employeurs puisque le gouvernement est habilité à «se prononcer» sans que ces derniers ne le lui aient demandé. Ensuite, le gouvernement, grâce à ses représentants, détient plus de voix que les partenaires sociaux, soit neuf au total, alors que les employeurs et les travailleurs n’en ont que six, respectivement.
- 1307. Mais le plus grave est que le projet de loi permet au conseil de se prononcer «au préalable» sur «la fixation, la mise en œuvre et la modification du salaire minimum national qu’il détermine pour les secteurs d’activité qui ne sont pas parvenus à le fixer par voie de négociation collective» (article 10, compétences, alinéa a)). Tel qu’il a été rédigé, l’article relatif aux compétences paraît vague et imprécis, ce qui donne au conseil des compétences diffuses et illimitées. Outre ce qui précède, l’article ne laisse pas de place pour un second avis. Cela signifie que l’interventionnisme et le dirigisme du gouvernement vont jusqu’à la fixation des salaires pour tout secteur d’activité qui ne parvient pas à un accord dans le cadre de négociations bipartites. Les négociations collectives ne seront donc pas libres et volontaires vu qu’elles se dérouleront sous la menace consacrée par cet article. En définitive, on donne au gouvernement le mécanisme qui lui permettra de prendre des décisions arbitraires, ce qui signifie que les négociations bipartites sont remplacées par des tripartites, un mécanisme préalable à une intervention directe du gouvernement dans les négociations collectives entre l’entreprise et ses travailleurs.
- 1308. Par ailleurs, le fait que le conseil, au sein duquel le nombre de délégués du gouvernement est supérieur, émette un avis crée un déséquilibre entre les parties et se traduit dans les faits par un arbitrage obligatoire relativement à des questions dont le gouvernement devrait être totalement exclu.
- 1309. La partie III du projet établit que les négociations collectives pourront être effectuées au moyen de la convocation des conseils salariaux, lesquels pourront être convoqués par le pouvoir exécutif «d’office ou de manière contraignante, si les organisations représentatives du secteur d’activité concerné le demandent» (article 12, compétences, deuxième paragraphe). Cet article, tout comme les autres articles précités, viole clairement le principe de négociation libre et volontaire énoncé dans les conventions précitées et dans de nombreuses décisions du Comité de la liberté syndicale.
- 1310. En d’autres termes, la convocation et la mise en place du conseil salarial à la demande des travailleurs ou du gouvernement, de concert avec un nombre de délégués du gouvernement supérieur, et la possibilité que le conseil se prononce par vote majoritaire, transforment les négociations collectives en un arbitrage obligatoire. L’article 4 de la convention no 98 parle très clairement de négociations libres et volontaires et exclut la pression, et le Comité de la liberté syndicale estime que, pour que des négociations collectives soient efficaces, elles doivent être volontaires.
- 1311. Les conseils salariaux, tels qu’ils fonctionnent actuellement en Uruguay et tels que le projet de loi entend les réglementer, constituent une violation sans équivoque des conventions évoquées, étant donné que le gouvernement joue un rôle interventionniste et dirigiste dans les négociations collectives, oubliant que le comité a établi que le simple fait qu’un représentant de l’autorité publique intervienne ne serait-ce que dans la rédaction d’une convention collective, à moins que cette intervention ne soit purement technique, est inconciliable avec l’esprit de l’article 4 de la convention no 98.
- 1312. La partie IV relative aux négociations collectives bipartites mérite elle aussi de sérieuses réserves, et nous considérons également qu’elle viole clairement les conventions évoquées. Les organisations plaignantes considèrent que le projet en question présente trois importants défauts qu’il convient d’examiner, à savoir un défaut de représentativité, un défaut d’adaptation et un défaut de sécurité juridique. L’article 14 prévoit qu’«en ce qui concerne les négociations collectives par entreprise, lorsqu’il n’existe pas d’organisation de travailleurs, c’est à l’organisation la plus représentative du niveau supérieur qu’il appartient de négocier…». L’«inexistence d’une organisation (avec tout ce que ce mot implique) n’est pas synonyme d’inexistence de relations collectives au sein de l’entreprise…». De plus, l’organisation peut «… être représentative et forte au niveau de la branche mais ne pas avoir d’impact au niveau de l’entreprise…». C’est le critère hiérarchique qui prime dans le projet, ce qui, de l’avis du professeur Pérez del Castillo que nous partageons pleinement, «… constitue une menace pour la finalité de la convention collective, étant donné qu’il est taillé sur la réalité pour laquelle les règles sont adoptées…». Il soutient que le niveau supérieur peut être une moyenne des entreprises qui le composent, mais reste «… très distinct au niveau inférieur d’une entreprise déterminée». Nous sommes d’accord pour dire que le projet de loi ne tient pas compte de l’«intérêt collectif représenté».
- 1313. De même, le projet ne prévoit pas de «contrôle administratif de la représentativité et de la consultation» qui permette de le tester. Par défaut d’adaptation, les organisations plaignantes entendent que le projet de loi crée une impossibilité car il rend la loi inapplicable, ce qui empêche la convention d’être véritablement «taillée sur mesure». Par défaut de sécurité juridique, les organisations plaignantes entendent qu’«… aucune procédure juridictionnelle rapide n’est prévue en cas de non-respect des obligations contractées au titre des clauses de la convention, à savoir les clauses relatives à la paix, à la confidentialité des renseignements, à la résolution des conflits en matière de représentativité…», d’où les graves carences que présente ce projet qui n’a pas fait l’objet de consultations.
- 1314. S’agissant de la validité des conventions collectives, l’article 17 du projet prévoit que «Toutes les clauses des conventions collectives arrivées à échéance resteront pleinement en vigueur jusqu’à ce qu’un nouvel accord les remplace.» Le gouvernement rappelle à ce sujet que, comme l’a déclaré le comité, toute extension des conventions collectives devrait être précédée d’une analyse tripartite des conséquences qui en découleront dans le secteur auquel la convention doit être étendue.
- 1315. Quant à la partie V relative à la prévention et la résolution de conflits, les organisations plaignantes affirment que les articles 21 à 24 violent clairement les conventions internationales ratifiées par l’Uruguay (ces articles portaient sur l’occupation du lieu de travail pendant la grève; ils ont été retirés par le gouvernement).
- 1316. Les organisations plaignantes affirment qu’au final le projet de loi ne consacre pas un système mais un ensemble de normes qui régissent partiellement certains aspects favorables à une seule partie. Elles soutiennent que le projet en question comporte des omissions expresses: il légifère uniquement sur les droits des travailleurs, ne mentionne aucune obligation de quelque nature que ce soit de leur part, ne fait pas état des droits des employeurs, accorde un statut légal à une action manifestement illicite et contraire aux droits consacrés par la Constitution et confère au pouvoir exécutif un pouvoir maximal d’intervention dans les négociations collectives entre employeurs et travailleurs, ce qui provoque de dangereux déséquilibres pour le système et l’adoption de solutions partielles et donc arbitraires. En conclusion, les organisations plaignantes considèrent que le gouvernement agit en marge des dispositions des conventions internationales nos 87, 98, 144 et 154 qu’il a ratifiées et en contradiction avec celles-ci.
- 1317. Dans leur communication du 16 octobre 2009, les organisations plaignantes informent le Comité de la liberté syndicale de l’approbation par le parlement national, le 18 août 2009, de la loi sur la négociation collective, objet du présent cas. Elles attirent l’attention du comité sur le fait que le gouvernement de la République orientale de l’Uruguay a manqué à ses obligations au titre des conventions nos 87, 98, 144 et 154, en adoptant le projet de loi en cause dans le présent cas.
- 1318. Les organisations plaignantes affirment que la loi qui vient d’être sanctionnée, en dépit de certains changements qu’elle apporte, viole de manière flagrante les conventions internationales ratifiées par l’Uruguay. Elles indiquent que, comme il a été mentionné, il n’y a pas eu de «consultations franches», «approfondies», «de bonne foi», la «confiance» et le «respect mutuel», et que les parties n’ont pas eu «suffisamment de temps pour exprimer leurs points de vue et en discuter largement, afin de parvenir à un compromis adapté».
- 1319. Le projet de loi sanctionné par le parlement et promulgué par le pouvoir exécutif en tant que loi no 18566 consacre l’intervention directe du gouvernement dans les négociations collectives, conformément aux dispositions des articles que nous mentionnerons. L’article 7 du projet établit un conseil supérieur tripartite comme «organe de coordination et de gouvernance des relations de travail». Au sujet de sa composition, il précise que cet organe sera composé de neuf délégués du pouvoir exécutif, six délégués des organisations les plus représentatives d’employeurs et six délégués des organisations les plus représentatives de travailleurs.
- 1320. Selon les organisations plaignantes, il convient de faire remarquer ce qui suit: premièrement, il s’agit d’un organe qui s’ingérera directement («coordination et gouvernance») dans le principal aspect des relations de travail, celui de la négociation collective. Deuxièmement, le fait que le pouvoir exécutif ait un nombre supérieur de délégués permet de garantir, au moment du vote uninominal, qu’une décision conforme aux intérêts et aux visions du gouvernement sera prise. En effet, l’article 9 prévoit un vote à la majorité absolue des membres et, comme il a été indiqué, les secteurs des employeurs et des travailleurs n’ont pas le même nombre de délégués que le gouvernement. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit là d’une violation du principe du tripartisme, l’un des principes directeurs de l’OIT.
- 1321. Mais l’un des aspects les plus préoccupants pour les organisations plaignantes, c’est le caractère obligatoire de la convocation aux réunions de cet organe, ce qui, ajouté au quorum, en fait un puissant exécutant des politiques que le gouvernement souhaite mettre en œuvre. Sans préjudice de ce qui précède, les dispositions de l’article 10 relatif aux compétences du conseil méritent une attention particulière. Les organisations plaignantes indiquent que les alinéas d) et e) en particulier méritent d’être examinés. En effet, l’alinéa d) établit que l’une des compétences du conseil consistera à «examiner les questions liées aux niveaux de négociation tripartite et bipartite et se prononcer dessus». De la même manière, l’alinéa e) établit qu’il pourra «étudier et prendre des initiatives dans des domaines qu’il juge pertinents en vue d’encourager les consultations, les négociations et le développement des relations de travail».
- 1322. Les préoccupations des organisations plaignantes viennent du fait que ce nouvel organe pourra se prononcer sur n’importe quelle question liée aux niveaux de négociation et prendre des initiatives en vue du développement des relations de travail. Tel que cet organe est conçu, à savoir que les convocations à ses réunions sont obligatoires, que le pouvoir exécutif détient un plus grand nombre de membres, que le vote est uninominal et que ses compétences sont définies de manière large, ambiguë, confuse et avec peu de définitions; il s’agit sans doute d’un organe dont l’objectif est clair, à savoir permettre l’intervention et le dirigisme de l’Etat dans les relations de travail et les négociations collectives, ce qui constitue une violation de l’autonomie des acteurs et des parties et du principe de négociation libre et volontaire consacré dans la convention no 98. En définitive, les dispositions de ces articles sont aussi contraires aux nombreuses décisions du Comité de la liberté syndicale qui établissent que les autorités publiques doivent s’abstenir d’intervenir pour éviter de limiter le droit des parties de négocier librement.
- 1323. L’article 17 de la loi approuvée dispose que «toutes les clauses des conventions collectives arrivées à échéance resteront pleinement en vigueur jusqu’à ce qu’un nouvel accord les remplace, sauf si les parties en ont décidé autrement». Il est clair que cet article établit une prolongation obligatoire de la validité des conventions collectives, ce qui constitue une ingérence dans les libres négociations. A l’article 12, s’agissant des conseils salariaux tripartites dont le fonctionnement a suscité des observations dans un rapport envoyé à la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail de 2009, il est établi que «les décisions des conseils salariaux prennent effet dans le secteur d’activité concerné une fois qu’elles ont été enregistrées et publiées par le pouvoir exécutif». L’obligation de publication qui conditionne l’entrée en vigueur d’une convention n’est pas tout à fait conforme aux principes de négociation volontaire établis par la convention no 98, comme l’a clairement exprimé le comité.
- 1324. Mais le plus important est que cette loi s’achève par la consécration de ce qui a précisément fait l’objet d’une observation de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations en 2008 lorsqu’elle a examiné l’application de la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, par l’Uruguay. Selon les organisations plaignantes, l’observation de la commission d’experts est d’une pertinence particulière puisqu’elle a été formulée en réponse aux considérations du gouvernement lui-même. Enfin, la loi achève de consacrer l’intervention et l’ingérence des autorités publiques, ce qui constitue clairement une violation des conventions internationales mentionnées. En conclusion, selon les organisations plaignantes, la loi sur la négociation collective qui a été définitivement approuvée par le parlement national consacre la violation des conventions citées.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 1325. Dans sa communication en date du 29 décembre 2009, le gouvernement indique qu’il répond à une procédure de plainte engagée par l’OIE, la CIU et la CNCS en raison de présumées violations des conventions nos 87, 98, 144 et 154. Le gouvernement affirme que la plainte porte essentiellement sur le projet de loi relatif à la négociation collective présenté par le pouvoir exécutif devant le parlement national. Aussi les organisations plaignantes considèrent-elles que le processus de modification de la législation relative au travail de l’Uruguay débuté en 2005 s’est déroulé sans que les propositions du secteur patronal ne soient prises en compte et sans dialogue social ni tripartisme.
- 1326. Le gouvernement indique qu’il démontrera que la plainte est infondée, ainsi que les avantages potentiels du projet, lequel, comme tout processus démocratique, a subi d’innombrables modifications, de sa présentation à son approbation définitive par le parlement national, qui est un creuset de toutes les forces politiques du pays et où ont été reçus les différents secteurs afin qu’ils puissent exposer leurs vues.
- 1327. Le gouvernement signale que, avant de passer à l’analyse du projet, il convient de faire une précision que les organisations plaignantes ont omise. En temps opportun, le Président de la République s’est engagé devant les employeurs et l’opinion publique (dans la mesure où cela a été communiqué à la presse) à retirer du projet initial les articles 21 à 24, c’est à dire ceux qui portaient sur l’occupation des lieux de travail. De même, à plusieurs reprises, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale a personnellement porté cette décision à la connaissance des autorités parlementaires (Commission sur la législation relative au travail de la Chambre des députés) et a eu de nombreuses rencontres avec les employeurs et la presse en général. Par conséquent, les employeurs (référence à la CIU et la CNCS) ne devraient pas omettre de porter cette information à la connaissance du comité. Cette méthode ne paraît pas appropriée pour une procédure régie par des principes chers aux instituions démocratiques et à la justice, à savoir la bonne foi et la loyauté en matière de procédures.
- 1328. Dans la législation interne – qui n’est évidemment pas contraignante pour le comité, mais qui fait partie de la tradition et du patrimoine culturel du pays –, l’alinéa 1 de l’article 5 du Code général de procédure dispose ce qui suit: «Bonne foi et loyauté en matière de procédures – Les parties, leurs représentants ou assistants et, d’une manière générale, toutes les parties au processus adopteront une conduite conforme à la dignité de la justice, au respect que se doivent les parties au litige et à la loyauté et la bonne foi.» Toute allusion aux articles susmentionnés par le secteur patronal cache par conséquent des motifs obscurs qui pourraient induire le comité en erreur, raison pour laquelle le gouvernement ne fera aucune référence à ces articles ni à aucun des commentaires effectués par les organisations plaignantes à ce propos.
- 1329. Le gouvernement revient ensuite au premier point de la présente réponse, à savoir que les employeurs ont formulé une plainte relativement à un projet de loi à l’élaboration duquel ils ont été invités à participer, comme pour tous les autres projets portant modification du régime du travail, mais ont commencé le processus puis s’en sont retirés volontairement par la suite, comme il sera démontré plus loin. Le projet initial, qui a été soumis à un processus parlementaire bicaméral, a subi de nombreuses transformations (dont certaines ont été suggérées par les employeurs eux-mêmes) qui ont abouti à l’adoption du projet ci-joint. Par la suite, à plusieurs reprises, les organisations plaignantes ont présenté d’autres argumentations et pris des positions parfois contradictoires, abusant de leur position à l’égard de la procédure. Aussi le gouvernement sollicite-t-il l’indulgence du comité lorsqu’il examinera la présente réponse qui est la conséquence de la confusion créée par la partie adverse au niveau de la procédure.
- 1330. Le gouvernement fait savoir qu’il essaiera de répondre de manière méthodologique en suivant l’ordre du récit présenté par les organisations d’employeurs et en respectant le nombre des paragraphes dudit récit.
- 1331. Concernant la première partie qui présente les antécédents des organisations d’employeurs plaignantes (dans laquelle elles retracent leur historique et expliquent leur action de leur point de vue), le gouvernement relève qu’elles ne sont pas les seules organisations d’employeurs du pays. A titre d’exemple, il existe l’Association rurale de l’Uruguay qui n’est représentée par aucune de ces associations, les chambres de l’industrie de la construction, etc. La deuxième partie porte sur l’objet de la plainte, à savoir que le projet de loi en cause violerait (selon les employeurs) certaines conventions internationales relatives au travail et que les employeurs n’ont pas eu la possibilité d’intervenir dans les processus avant que certaines lois adoptées de 2005 à aujourd’hui ne soient promulguées. La troisième partie mentionne les conventions de l’OIT ratifiées par l’Uruguay qui, d’après les organisations d’employeurs, ont été violées par le projet de loi sur la négociation collective.
- 1332. En ce qui concerne la quatrième partie, le gouvernement déclare qu’en 2005, année où l’administration actuelle a pris ses fonctions, le paysage des relations de travail en Uruguay était très pauvre. Les salaires minima se situaient à des niveaux franchement indécents, les négociations collectives étaient quasiment inexistantes, la liberté syndicale était constamment opprimée, les taux de syndicalisation tant dans le secteur des travailleurs que dans celui des employeurs se trouvaient à des niveaux alarmants. S’agissant de la manière dont le salaire minimum national était traité, le gouvernement indique qu’il s’en remet aux observations présentées par la commission d’experts en 2000 et en 2002 au sujet de l’application de la convention no 131 par l’Uruguay.
- 1333. Concernant l’évolution du salaire réel, en raison des politiques économiques mises en œuvre à partir des années quatre-vingt-dix, on observe que, sur les 700 000 salariés que comptait le secteur privé pendant ces années dans le pays, seuls 16,28 pour cent participaient à des négociations collectives. Pour ce qui est des salaires, par ailleurs, jusqu’en 1999, le salaire réel a augmenté de 7,2 pour cent à peine en sept ans. Jusqu’en 2001, il a stagné puis, au cours de ces deux dernières années, il a chuté de manière brutale. Sans aucune promotion de quelque nature que ce soit – ce qui est contraire à l’article 57 de la Constitution nationale –, le taux de syndicalisation avait considérablement chuté, ne dépassant pas 8 pour cent de la totalité des travailleurs dépendants.
- 1334. Selon le gouvernement, la législation violait de manière flagrante les conventions internationales relatives au travail. Par exemple, les travailleurs ruraux ou domestiques n’avaient pas de journée de travail limitée ni le droit de négocier dans les conseils salariaux. Ces organes n’étaient plus convoqués depuis 1990, et le pays faisait continuellement l’objet d’observations de la part des organes de contrôle de l’OIT pour avoir manqué à ses obligations au titre de la convention no 131. Le pays comptait moins d’une centaine de conventions collectives seulement par entreprise, lesquelles, de manière subjective, avaient une incidence sur moins de 10 pour cent des travailleurs. Des données fournies par la division de la documentation et de l’enregistrement de la Direction nationale du travail indiquent ce qui suit: 62 conventions collectives ont été enregistrées en 2000, 77 instruments de ce type ont étés enregistrés en 2001, 88 conventions ont été enregistrées en 2002, 115 conventions ont été enregistrées en 2003 et 55 conventions collectives ont été enregistrées en 2004.
- 1335. S’agissant de la protection de la liberté syndicale – un droit humain fondamental –, un dirigeant ou militant syndical pouvait être renvoyé sans pouvoir être réintégré. Ce sujet avait été évoqué par le Comité de la liberté syndicale. Concernant l’un des axes de la présente plainte, le gouvernement souligne que le dialogue social et le tripartisme que réclament aujourd’hui avec beaucoup de véhémence les employeurs, en oubliant qu’ils sont effectifs depuis 2005, étaient inexistants. Les salaires minima, exception faite du salaire minimum national qui se situait à un niveau honteux, étaient fixés par le marché, bien que ce marché fût marqué par un taux de chômage élevé (notons qu’entre 2002 et 2003 les valeurs ont dépassé 18 pour cent du marché ouvert) et une abondante informalité (estimée à 40 pour cent environ au cours de ces années).
- 1336. Entre 2002 et 2004, une quantité innombrable de conventions collectives ont été signées «in pejus», c’est-à-dire au détriment des droits des travailleurs, d’une manière qui diminuait leurs droits. Lorsque le nouveau gouvernement a pris ses fonctions en 2005, sa première mesure a consisté à créer les conseils salariaux. Pendant quinze ans (de 1990 à 2005), ces organes n’avaient pas été convoqués bien que la loi en vertu de laquelle ils avaient été créés – loi no 10449 de 1943 – fût pleinement en vigueur. Pourtant, le secteur patronal ne s’était jamais plaint du fait que ces organes n’étaient pas convoqués. Les motivations sont donc évidentes, à savoir que les employeurs défendent actuellement une politique de déréglementation et de dégradation des salaires et des conditions de travail. Que sont ces conseils et quelles sont leurs compétences? En principe, on pourrait dire qu’il s’agit d’organes à composition tripartite (employeurs, travailleurs et Etat) dont l’attribution principale consiste à fixer les salaires minima par branche d’activité et par catégorie.
- 1337. En outre, ils peuvent agir comme organes de conciliation dans les conflits collectifs, fixer les augmentations salariales pour le reste des travailleurs, etc. La première mesure qu’ils ont prise a été de créer un conseil supérieur tripartite auquel participent les trois secteurs (notons que cela permet un large dialogue social) et au sein duquel, à l’unanimité, le mode de fonctionnement de ces organes a été décidé. Vingt groupes d’activité ont été créés et ont à leur tour donné naissance à des sous-groupes, également par consensus des trois secteurs. A l’heure actuelle, ces sous-groupes dépassent largement les 200 (pour ce qui est des particularités du secteur rural, un conseil similaire a été créé parallèlement pour lequel trois groupes et divers sous-groupes ont été mis en place).
- 1338. De même, un cadre de discussion a été mis en place dans le secteur public, qui a permis de parvenir à un accord-cadre et, par consensus, à une loi sur la négociation collective pour le secteur public (loi qui sera également mentionnée dans la présente réponse) qui présente une certaine similitude avec celle du secteur privé. Enfin, un conseil salarial a été créé pour les travailleurs domestiques ou au foyer, lequel a permis de parvenir à une convention collective qui sera en vigueur jusqu’à l’année prochaine.
- 1339. Les négociations ont été effectuées en trois cycles: le premier a eu lieu en 2005 et, parmi toutes les conventions qui ont été adoptées à l’unanimité ou à la majorité, 93 pour cent l’ont été à l’unanimité. Le deuxième cycle de négociations a eu lieu en 2006, et le pourcentage d’accords conclus à l’unanimité est passé à 96,5 pour cent. Quant au troisième cycle, il s’est déroulé en 2008, et 91 pour cent des accords ont été conclus à l’unanimité. Il convient de noter que, dans l’ensemble, le pourcentage de conventions collectives conclues à l’unanimité a été supérieur à 80 pour cent. Le gouvernement affirme que ces chiffres sont la preuve qu’il encourage un tripartisme à grande échelle, en plus de promouvoir une politique fondée sur le plein dialogue social, laquelle a non seulement été mise en œuvre dans le domaine des salaires minima et à la Direction nationale du travail, mais s’est étendue de manière transversale aux plus petits secteurs de l’Inspection générale du travail et de la sécurité sociale (par la création de commissions tripartites qui permettent d’appliquer les dispositions de la convention no 155), à la Direction nationale de l’emploi (par la création de l’Institut national de l’emploi et de la formation professionnelle, également tripartite), à la Direction nationale de la sécurité sociale (où a eu lieu un dialogue social national sur la sécurité sociale qui a permis de se mettre d’accord sur la réforme de l’assurance-chômage et un meilleur accès à la retraite) et à la Direction nationale de l’inspection des finances de l’intérieur.
- 1340. On remarque également une croissance importante du salaire réel, qui a dépassé la barre des 26 pour cent en moyenne, selon des données fournies par l’Institut national de la statistique. Cette croissance s’est accompagnée d’une baisse du taux de chômage qui, d’après les dernières statistiques de cette année, est passé à 6,4 pour cent, l’une des valeurs les plus basses depuis que ce taux est calculé, et qui le fait passer en dessous du taux de chômage structurel du pays. En conséquence, le taux de travail informel a diminué et se situe aux alentours de 23 pour cent. Aujourd’hui, plus de 1 500 000 travailleurs cotisent à la sécurité sociale et, pour la première fois de l’histoire, l’institut de la statistique a obtenu des résultats économiques excédentaires tant pour l’exercice 2008 que pour l’exercice 2009. S’agissant de la réglementation, diverses lois relatives au travail et à la sécurité sociale ont été adoptées. En raison de leur importance, le gouvernement en cite quelques-unes: a) la loi sur la promotion et la protection de l’activité syndicale (son adoption était indispensable dans un contexte de promotion des négociations collectives); b) les deux lois sur le recours à des tiers ou l’externalisation des services de l’entreprise; c) la nouvelle loi sur les travailleurs au foyer (service domestique); d) la loi sur la limitation de la journée de travail des travailleurs ruraux; e) les lois sur les congés spéciaux; f) la loi sur la réforme de l’assurance-chômage; g) la loi sur la négociation collective dans le secteur public; et h) la loi sur la réforme des procédures relatives au travail.
- 1341. Le gouvernement indique qu’il a encouragé une politique de démocratisation du dialogue social dans tous les domaines possibles – y compris celui de la sécurité sociale – fondée sur le tripartisme le plus pur. Engager des négociations tripartites de bonne foi ne signifie pas que l’on parvienne nécessairement à l’unanimité ou au consensus. Bien que l’unanimité ou le consensus soient souhaités, ils supposent néanmoins que chaque partenaire social fasse un exercice qui consiste à obtenir et accorder des concessions. Si l’une des parties à la négociation adopte une stratégie qui consiste à s’opposer systématiquement à toute réforme, cela amène les autres secteurs concernés à régler la question par un vote à la majorité. La recherche du consensus social ne peut empêcher que l’on s’oppose aux réformes requises pour que le pays aille de l’avant ni qu’on les refuse.
- 1342. En outre, le parlement national, organe naturel où les projets de loi sont soumis à discussion et approbation, rassemble divers partis politiques de tous les horizons philosophiques de la société uruguayenne. Cela signifie que, une fois que les voies de discussion visant à parvenir à un consensus ont été épuisées, le projet est remis à l’organe législatif où chaque groupe professionnel est entendu.
- 1343. Le gouvernement fait savoir, concernant la question de l’occupation des locaux des entreprises, que les articles 21 à 24 du projet de loi initial (relatifs à l’occupation des locaux des entreprises) ont été retirés sur ordre du Président de la République à la demande des employeurs. Cela montre également que la voix des employeurs a été entendue à plusieurs reprises par le gouvernement.
- 1344. Le gouvernement déclare que l’année 2009 a été une année électorale en Uruguay et que, en raison de cela, la plainte ressemble davantage à un discours électoral qu’à une allégation contre un projet. En effet, plusieurs affirmations sont faites qui pourraient induire le Comité de la liberté syndicale en erreur. Le gouvernement affirme qu’un tripartisme et un dialogue social authentiques ont été mis en place dans le pays et que toute déclaration contraire des organisations plaignantes est loin de la réalité. Le gouvernement cite quelques exemples de mise en place du dialogue social, du tripartisme et de la négociation collective à partir du 1er mars 2005 – date à laquelle le gouvernement est entré en fonction – tels que la réinstallation des conseils salariaux (considérés par les doctrinaires comme des instruments fondamentaux – peut-être les plus importants – de participation et de dialogue social en Uruguay puisqu’ils ont le potentiel de fonctionner comme mécanismes de gestion du système des relations de travail); la création de l’espace de dialogue social dénommé Engagement national; la mise en œuvre du Conseil économique national et la composition tripartite des organes ci-après: la Commission de l’éradication du travail des enfants (sous la direction de l’Inspection générale du travail), la Commission de l’égalité et du genre (qui relève de la Direction nationale de l’emploi), la Commission de la sécurité et de la santé au travail (chapeautée par l’Inspection générale du travail), la Commission de la classification et du regroupement des activités professionnelles (chapeautée par la Direction nationale du travail), la Commission tripartite de l’industrie de la construction (chapeautée par l’Inspection générale du travail), le Fonds de chômage et de retraite des travailleurs de l’industrie de la construction (géré par la Direction nationale du travail), la Commission tripartite de l’industrie métallurgique (qui relève de l’Inspection générale du travail et de la sécurité sociale), la Commission tripartite de l’industrie navale (qui a promulgué des décrets dans le but de parvenir aux consensus atteints au sein de cette commission), la Commission tripartite de l’industrie laitière (qui relève également de l’Inspection générale du travail), la Commission tripartite de l’industrie chimique (également chapeautée par l’Inspection générale du travail), la Commission tripartite pour la réglementation de la convention no 184 et le dialogue national sur la sécurité sociale qui a abouti à la conclusion d’un accord par les trois parties. Bon nombre de ces réalisations bénéficient ou ont bénéficié de l’appui ou de l’assistance technique du BIT.
- 1345. Les employeurs ont toujours été écoutés. Il convient de faire remarquer que, dans un contexte où le dialogue social est privilégié et où le tripartisme est si efficace, il est impossible qu’une partie de leurs avis n’ait pas été prise en compte et il est logique de penser et facile de démontrer que, dans certains domaines, les employeurs ont imposé leurs points de vue. Ce n’est pas un hasard si, en matière de salaires, plus de 80 pour cent des activités ont abouti à l’adoption de conventions collectives à l’unanimité. Cela constitue une preuve incontestable. Les conventions auxquelles il est fait allusion ont été publiées au Journal officiel national et sont disponibles sur le site Web du ministère concerné. Le gouvernement ajoute que le fait est que de 1990 à 2005 le dialogue social existait à peine parce que la politique relative aux relations de travail ne relevait pas de l’Etat. Jusqu’alors, les travailleurs n’avaient jamais été en situation de parité pour exiger des améliorations de la part des employeurs.
- 1346. Par ailleurs, le gouvernement indique constater une opposition constante du secteur patronal à la majorité des thèmes proposés en matière de dialogue social. Si cette opposition s’accompagnait de solutions de rechange, cela contribuerait à enrichir le débat. Toutefois, dans beaucoup de cas, l’opposition se fait sans contre-proposition ni justification. Le gouvernement soutient que c’est faire preuve de témérité que d’affirmer que la législation du travail approuvée n’est pas le fruit d’un dialogue social. L’OIE, la CIU et la CNCS citent dans leur plainte une longue liste de lois et de décrets à l’égard desquels elles n’ont apparemment pas été écoutées. Le gouvernement affirme que cette affirmation est inexacte car, chaque fois qu’elles ont été écoutées, des commissions ont été créées au sein du ministère du Travail et de la Sécurité sociale notamment. De plus, elles ont été reçues dans les milieux parlementaires, sans compter les multiples demandes d’entrevue et d’échange de vues avec le ministre en personne et d’autres autorités du Secrétariat d’Etat.
- 1347. Le gouvernement indique que le secteur patronal a été écouté durant le processus qui a précédé l’adoption de la loi no 17940 sur la liberté syndicale – normes pour sa protection; l’adoption des lois sur le recours à des tiers ou l’externalisation des services de l’entreprise; l’adoption des deux lois sur les congés spéciaux; l’adoption de la loi no 18091 sur la prescription des créances salariales. Le gouvernement soutient qu’ouvrir un espace de dialogue social, de tripartisme ou de négociation collective ne signifie pas que l’on parviendra nécessairement à un accord. Tous les efforts sont mis en œuvre pour y parvenir; mais, dans le cas contraire, s’il existe un consensus partiel, les lois sont remises au parlement avec ces accords partiels.
- 1348. Le gouvernement déclare que le projet de loi a été conçu sur la base de nombreuses propositions émanant de techniciens hautement qualifiés dont des techniciens de l’exécutif, des parlementaires ou conseillers parlementaires, des avocats en exercice ou des fonctionnaires du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Au moment de l’élaboration du projet, aucun participant n’a pu laisser de côté les recommandations de la mission du BIT qui s’est rendue en Uruguay en novembre 1986. Le pouvoir exécutif était et est conscient que le droit collectif du travail repose sur trois axes: le syndicat, la négociation collective et la grève. Le projet n’a pas pour ambition de réglementer ces trois aspects mais seulement l’un d’eux, celui de la négociation collective. La plainte omet de signaler, délibérément peut-être, que la grève est réglementée par la Constitution et que la liberté syndicale a été réglementée par l’entremise de la loi no 17940 par cette même administration, dans le cadre d’un ample débat au cours duquel les employeurs s’opposaient à sa réglementation. Et, en raison de cette absence de réglementation, le pays était continuellement mis en cause par l’OIT car il n’existait pas de mécanisme permettant d’offrir une stabilité aux dirigeants et aux militants syndicaux. En effet, la réintégration n’existait pas.
- 1349. Le système porte donc sur l’un des axes, celui de la négociation collective, ses acteurs, ses niveaux d’articulation, son objet, etc. Il ne parle ni de grève ni de syndicats. Il existait un chapitre initialement destiné aux mécanismes d’évacuation des entreprises, mais le Président de la République en personne ainsi que le ministre du Travail et de la Sécurité sociale se sont engagés devant les employeurs, l’opinion publique et les commissions parlementaires à veiller à ce que cet aspect du projet reste sans effet. Et c’est ce que l’on constate dans la loi no 18566 qui a été finalement adoptée. Par conséquent, le gouvernement réitère que le projet porte uniquement sur la négociation collective. Il se demande alors pourquoi le projet devrait évoquer la question de la protection du droit de propriété. Ce droit est en effet consacré dans la Constitution et dans la loi, et sa protection relève essentiellement du pouvoir judiciaire. Il se demande également pourquoi elle doit porter sur la liberté de commerce et d’industrie alors que celle-ci est également protégée par la Constitution et la loi.
- 1350. Le gouvernement répète que les articles visant à réglementer les occupations de locaux ont été retirés de la loi. Celle-ci ne réglemente pas le droit de grève et encore moins des mesures qui, selon les employeurs nationaux, ne l’encadrent pas. Si les travailleurs adoptent de telles mesures, les employeurs doivent les dénoncer devant les instances judiciaires, seules habilitées à déterminer si ces mesures font partie du droit de grève, et non devant les instances administratives qui ne sont pas compétentes en la matière. Mais le projet et la loi actuelle réglementent un système de négociation collective et indiquent comment s’articulent les institutions qui la composent.
- 1351. Le gouvernement signale que le projet contient un modèle qui fait référence à la négociation collective et non à la responsabilité de ceux qui y participent (qu’il s’agisse de travailleurs ou d’employeurs). Cela signifie que, si une entreprise, un groupe d’entreprises ou une ou plusieurs organisations d’employeurs violent la convention collective, leur responsabilité n’est pas non plus réglementée car ce n’est pas l’objet de la loi. Le dernier cas de figure relèverait d’une loi régissant la vie des organisations syndicales (tant de travailleurs que d’employeurs), ce qui n’est pas l’objet du projet en question.
- 1352. S’agissant de l’affirmation selon laquelle «… il paraît déraisonnable de croire que les articles 21 à 24 permettent ou facilitent la négociation. Les organisations plaignantes ne croient pas qu’une violation du droit de propriété “permette ou facilite” la négociation.», le gouvernement rappelle que les articles auxquels il est fait allusion ont été retirés du projet par décision du Président de la République il y a longtemps et qu’ils ne figurent pas dans la loi qui a été sanctionnée en temps opportun.
- 1353. Le gouvernement propose d’analyser plus en profondeur le contenu de la loi qui a été adoptée. Cette loi regroupe les transformations survenues dans la pratique des conseils salariaux à partir de 1985, les réordonne et y ajoute quelques solutions nouvelles. Elle comprend six parties. La première partie porte sur les principes et droits fondamentaux du Système de négociation collective et s’appuie essentiellement sur les recommandations nos 113 et 163 de l’OIT. Dans les parties II et III, le modèle de négociation collective est exposé par secteur d’activité et demeure centralisé, comme ce fut le cas jusqu’à présent. Certains articles fondamentaux de la loi no 10449 y sont modifiés en substance. La partie IV est consacrée aux négociations bipartites, c’est-à-dire les négociations collectives classiques par entreprise ou par groupe d’entreprises. Dans la partie V, des clauses de prévention et de résolution des conflits collectifs sont introduites, qui sont conformes aux pratiques en vigueur et ne sortent pas du champ de compétence actuel de la Direction nationale du travail et des conseils salariaux, défini à l’article 20 de la loi-mère no 10449. Enfin, la partie VI, fruit d’un accord politique de dernière minute qui a fait l’objet de sérieuses critiques tant de la part des syndicats que des spécialistes du droit du travail, semble ne pas avoir été nommée. Cet article concerne les clauses de paix à inclure dans les conventions collectives.
- 1354. Le système s’articule autour de trois nivaux: le niveau national ou général, le secteur d’activité ou la chaîne de production et la négociation collective bipartite au niveau d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises. Au premier niveau se situe l’organe directeur qui gère les relations de travail. Cet organe s’appelle le Conseil supérieur tripartite, qui agit comme organe de consultation en ce qui concerne la fixation du salaire minimum national, et organise le niveau suivant (par branche d’activité ou par conseil salarial), etc.
- 1355. Au deuxième niveau, les négociations collectives s’effectuent par secteur d’activité ou chaîne de production. Il correspond au modèle tripartite traditionnel existant, à savoir la négociation au sein de conseils salariaux. La loi introduit une variable intéressante qui, bien que faiblement définie, permet d’organiser des négociations collectives par chaîne de production. Enfin, au troisième niveau se déroulent les négociations collectives classiques.
- 1356. Leur caractéristique la plus évidente est qu’elles sont bipartites, c’est-à-dire qu’elles se déroulent entre un employeur, un groupe d’employeurs, une ou plusieurs organisations représentatives d’employeurs, d’une part, et, d’autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de travailleurs. A cet égard, la doctrine nationale a souligné que «Les organisations syndicales se sont toujours méfié des conventions d’entreprise soit par crainte qu’une généralisation du modèle de négociation mette en péril celui de l’activité, soit parce qu’elles considèrent qu’au niveau de l’entreprise le syndicat est plus faible et, par conséquent, le pouvoir de négociation des travailleurs est moindre. Cette méfiance n’est pas qu’un caprice mais est due à une réalité qui a démontré – particulièrement pendant la période allant de 1994 à 2004 – qu’à plusieurs reprises la convention d’entreprise n’était qu’une simple formule utilisée pour réduire les avantages des travailleurs.» L’article 15 de la nouvelle loi est important parce qu’il stipule que les parties pourront négocier par branche, par secteur d’activité, par entreprise, par établissement ou à quelque autre niveau qu’elles jugent nécessaire, mais à condition que les négociations aux niveaux inférieurs ne réduisent pas les minima adoptés dans les conventions de niveau supérieur, «à l’exception de ce qui a été décidé par le conseil salarial concerné». Cela revient à consacrer ce que l’on appelle communément des clauses de non-participation.
- 1357. En ce qui concerne la partie I, comme le reconnaissent les organisations plaignantes, elle porte sur les principes et droits fondamentaux du Système de négociation collective. Ces articles ne font que reprendre les principes du droit du travail international applicables aux négociations collectives – qui figurent dans d’innombrables pactes internationaux et en particulier dans les conventions internationales du travail qui, selon les employeurs, sont violées. S’agissant de l’obligation de négocier de bonne foi et du droit à l’information (article 4), il semblerait que le mouvement patronal de l’Uruguay se soit toujours opposé à tout projet de négociation collective, quel qu’il soit. Le droit à l’information découle du droit de négocier de bonne foi et est amplement défini à l’article 7 de la recommandation no 163 de l’OIT.
- 1358. Le gouvernement souligne qu’il ne peut y avoir de négociations franches, sérieuses et productives si ce type d’obligation n’est pas consacré. Cela est d’autant plus vrai qu’en l’absence de données fiables personne ne peut être sûr de ce qui est en train d’être négocié. Si autour d’une table de négociations les employeurs déclarent être dans une situation critique et que les travailleurs n’ont même pas la possibilité de le vérifier, cela pourrait fausser les négociations. Le droit à la négociation est indispensable pour effectuer des négociations collectives, et négocier de bonne foi implique que l’on fournisse des renseignements qui permettent à l’autre partie d’être en position d’égalité.
- 1359. De plus, comme il a été signalé dans l’exposé des motifs présenté par le pouvoir exécutif au parlement national dans le cadre de la présentation du projet, l’article 4 reprend en partie la recommandation no 161 de l’OIT sur la négociation collective car elle établit des mécanismes d’échange et de consultation et consacre l’obligation de réserve. Il ne s’agit pas de mettre la main sur les secrets confidentiels d’une entreprise mais simplement de permettre une certaine transparence à l’égard d’aspects en rapport avec la situation présente et future de l’entreprise. Les employeurs trouvaient que l’article 4 n’avait pas de sens s’il ne prévoyait pas de sanction en cas de violation du droit de réserve. Le libellé final de la loi a donc été amélioré sur la base de ces critiques et inclut l’obligation de réserve dont le «… non-respect donnera lieu à des sanctions à l’égard du contrevenant».
- 1360. Concernant l’impossibilité d’engager une action en responsabilité civile contre les syndicats en raison du fait que ces derniers n’ont aucune obligation de posséder une personnalité juridique, le gouvernement indique qu’il s’agit d’une demi-vérité. En effet, le système de droit collectif, abstentionniste par définition et fondé sur la liberté syndicale la plus absolue, n’exige pas des syndicats qu’ils aient une personnalité juridique pour pouvoir agir dans le monde du travail. En d’autres termes, dans leur propre intérêt, il est impératif qu’ils aient une personnalité juridique. Du point de vue constitutionnel, l’article 57 de la Charte encourage les organisations de ce type en leur offrant des franchises pour leur permettre d’obtenir une personnalité juridique. Il convient de garder à l’esprit que l’Etat ne crée pas le syndicat mais que celui-ci se crée de lui-même. En lui accordant la personnalité juridique, l’Etat ne fait que reconnaître une réalité existante et accomplir une obligation tant internationale que constitutionnelle. Dans les faits, la majorité des organisations syndicales de branche d’activité ont une personnalité juridique. Par conséquent, si l’on souhaite engager une action en responsabilité civile contre elles, rien ne s’y oppose du point de vue du droit positif national. Cela dit, le gouvernement répète que la prétendue réglementation n’a rien d’une loi destinée à réglementer les négociations collectives. Dans tous les cas, celles-ci doivent faire l’objet d’une loi sur les associations professionnelles.
- 1361. L’article 5 du projet et de la loi consacre la communication et la consultation entre les parties et s’appuie sur les principes de la recommandation no 131 de l’OIT relative aux consultations. Le gouvernement ne comprend pas quel point de cet article dérange les employeurs. Par ailleurs, comme il a été dit précédemment, dans un contexte de dialogue social et de tripartisme à grande échelle comme celui qui a été mis en place par l’administration actuelle, les espaces de participation et de consultation sont devenus superflus.
- 1362. Concernant la partie II contestée par les organisations plaignantes et en vertu de laquelle le Conseil supérieur tripartite est créé, le gouvernement fait remarquer que le conseil n’est pas une invention mais qu’il s’agit simplement de consacrer dans la loi un organe qui a été créé par un décret du pouvoir exécutif, lequel fonctionne de manière tripartite lors des réunions des conseils salariaux depuis 2005 et dont les organisations plaignantes sont d’ailleurs titulaires. Quant aux antécédents du conseil, la loi no 10449 n’a pas institué cet organe mais fait exclusivement référence à la création des conseils salariaux, sans mentionner l’existence d’un organe de coordination ou de direction. Toutefois, avant le départ du gouvernement de fait qui a dirigé le pays entre 1973 et le 28 février 1985, il y avait la CONAPRO (Commission nationale programmatique) dont la finalité était d’agir comme mécanisme de coordination des principales lignes d’action à présenter au début du nouveau mandat présidentiel. Il existait au sein de cette commission un groupe spécialisé en relations de travail qui avait pour mandat, entre autres choses, d’étudier la réinstallation des conseils salariaux, les politiques de fixation des salaires minima, etc. A la fin de son mandat, il a été jugé nécessaire de maintenir ce cadre, et c’est ainsi que le Conseil supérieur des salaires a été créé. Cet organe comprenait des représentants du premier niveau du système des relations de travail, lequel exerçait des fonctions de direction, de coordination, etc. en matière de salaires.
- 1363. Après le départ du premier gouvernement postdictature (1990), les conseils salariaux ne furent plus convoqués jusqu’en 2005, raison pour laquelle il n’existe aucune trace de cet organe. Avec l’arrivée de l’administration actuelle, la décision politique de réinstaurer les conseils salariaux a été prise. Pour ce faire, le décret no 105/2005 du 7 mars 2005 a été promulgué, et les organes précités ont été convoqués. L’article 3 du décret crée un conseil supérieur tripartite dont les attributions sont les suivantes: a) analyser et régler la question de la reclassification des groupes d’activité des conseils salariaux et les conflits qui naissent à ce sujet; b) «analyser et préparer les modifications à apporter à la loi no 10449 du 12 novembre 1943»; c) dans les faits, le Conseil supérieur tripartite avait d’autres compétences, comme celle d’être un cadre au sein duquel le pouvoir exécutif présenta ses règles économiques pour chaque cycle où l’on discuta de l’évolution de chacun d’eux et où l’on essaya d’en faire un cadre de discussion primaire en vue de créer un projet de loi sur la promotion et la protection de la liberté syndicale, etc.
- 1364. Le gouvernement affirme qu’il est impossible d’analyser cet organe sans, au préalable, comprendre la totalité du projet. Le projet, aujourd’hui transformé en loi qui instaure le Système national de négociation collective, articule essentiellement trois niveaux de négociation. Au premier niveau, général ou national, se trouve le Conseil supérieur tripartite dont les compétences sont les suivantes: a) agir comme organe de consultation avant la fixation ou la modification du salaire minimum national, qu’il déterminera pour les secteurs d’activité qui ne sont pas parvenus à le fixer par voie de négociation collective; b) classer les groupes de négociation tripartite par branche d’activité ou chaîne de production et désigner, le cas échéant, les organisations négociatrices dans chaque domaine. C’est ce qui s’est produit de 2005 à aujourd’hui; c) conseiller le pouvoir exécutif quant à l’examen des recours administratifs interjetés à l’égard des résolutions relatives à la classification des entreprises, une fonction qu’il a également remplie dans les faits et qui, pour les entreprises en particulier, est assurée par la Commission tripartite de la classification et du regroupement des activités professionnelles; d) étudier les questions liées aux niveaux de négociation. Ces études servent d’exemple lorsqu’une convention d’entreprise peut avoir une incidence sur les minima prévus dans la convention conclue par l’entremise de la branche d’activité; et e) étudier et prendre des initiatives visant à favoriser les consultations, les négociations collectives et le développement des relations de travail.
- 1365. Le deuxième niveau est celui où s’effectuent les négociations collectives par branche d’activité, l’objectif étant de fixer les salaires minima par secteur d’activité, ce qui correspond à la tradition en matière de négociations collectives de l’Uruguay. Le troisième niveau est celui des négociations collectives au sein de l’entreprise.
- 1366. Comme il est indiqué dans l’exposé des motifs du projet de loi: «Dans le cas d’espèce, on donne un fondement juridique à un organe qui a joué un rôle essentiel dans la structure des dernières convocations des conseils salariaux, un cas qui a permis d’atteindre une marge d’accords quasi totale concernant la formation des groupes d’activité, grâce à un accord obtenu a posteriori au moyen d’un décret du pouvoir exécutif.» (Un autre exemple d’un dialogue social et d’un tripartisme efficaces.) Selon le gouvernement, les organisations plaignantes confondent négociations collectives et relations de travail lorsqu’elles soutiennent que le conseil devra être érigé en directeur de la négociation collective dans toutes ses dimensions, oubliant qu’une négociation collective est par définition bipartite, libre et volontaire. Quiconque connaît les obligations de l’Etat uruguayen au titre de la Constitution et des nombreux traités de l’ONU, de l’OEA et de l’OIT qu’il a ratifiés devrait s’apercevoir que, très souvent, l’Etat doit intervenir dans certains aspects du système des relations de travail et les diriger. Pendant des années, l’Etat uruguayen a été informé qu’il ne respectait pas intégralement ses obligations internationales en matière de liberté syndicale parce qu’il ne protégeait pas convenablement les dirigeants et les militants syndicaux, par le biais notamment de mécanismes de réintégration ou de réengagement. Les obligations contractées au titre de plusieurs instruments internationaux l’obligent à défendre ce droit humain fondamental. Dans ce contexte (dû à une situation nationale particulière), un interventionnisme étatique incitatif s’avérait nécessaire, de même qu’une direction de l’Etat, afin de veiller au respect des obligations internationales contractées par le pays vu que l’une des parties – les travailleurs – se trouvait dans une situation de très grande faiblesse.
- 1367. S’agissant de l’interventionnisme de l’Etat dans les négociations collectives, le gouvernement prévoit de le réduire, de manière à ne plus intervenir que dans le domaine de la fixation des salaires minima. Le gouvernement s’étonne que les organisations plaignantes omettent de mentionner les conventions internationales de l’OIT nos 26 et 131, également ratifiées par l’Uruguay, et au sujet desquelles l’OIT a formulé des observations à plusieurs reprises parce que les mécanismes de consultation n’étaient pas utilisés pour fixer les salaires minima et la syndicalisation des secteurs ruraux, publics et domestiques n’était pas encouragée. A la lumière des obligations contractées au titre de ces conventions, l’Etat a décidé d’intervenir à titre incitatif dans le système des relations de travail. Ainsi, la négociation collective cesse – dans le domaine des salaires minima par exemple – d’être exclusivement libre. Sur ce point, il convient de rappeler les dispositions de l’alinéa 1 de l’article 4 de la convention no 131. En effet, en matière de fixation des salaires minima, l’Etat uruguayen a contracté auprès de l’OIT une obligation à laquelle il ne peut se dérober, celle de garantir aux citoyens des augmentations de leurs salaires minima. L’exécution de cette obligation passe par le système des conseils salariaux grâce auquel l’Etat peut intervenir dans le système de fixation des salaires minima, les garantir et garantir leur augmentation.
- 1368. Si une convention collective librement conclue fixe les salaires minima en-dessous du minimum national, l’Etat se doit d’intervenir et d’y remédier afin de la rendre conforme à la réglementation internationale. Le gouvernement relève que, pendant quinze ans, soit de 1990 à 2005, le tripartisme a pratiquement disparu du pays. Les syndicats se sont affaiblis, certains ont disparu et le taux de syndicalisation a atteint un niveau inférieur à 10 pour cent. Durant cette période, les conseils salariaux ne furent pas convoqués, les salaires réels s’appauvrirent et, dans certains cas, leur baisse atteignit les 50 pour cent. Plus que jamais, la sécurité sociale fut «définancée»; l’informalité atteignit des niveaux proches de 40 pour cent, etc. Pourtant, les employeurs ne réclamèrent jamais le tripartisme qu’ils invoquent aujourd’hui.
- 1369. Le gouvernement souligne que, depuis que les conseils salariaux ont été rétablis, plus de 700 conventions collectives ont été conclues au niveau de la branche d’activité seulement, le taux de syndicalisation est passé de 8 pour cent à plus de 25 pour cent, la formalisation a été renforcée, le chômage a continué à baisser, la syndicalisation et les propositions en matière de sécurité sociale se sont révélées absolument bénéfiques et, surtout, les entreprises se sont multipliées et n’ont pas perdu leur compétitivité, raison pour laquelle le pays n’est pas entré en récession pendant la récente crise financière mondiale. En Uruguay, le tripartisme est manifeste. De multiples espaces de ce type ont été signalés. La loi vise à les garantir et surtout à apporter des changements à l’égard de la convocation des conseils salariaux qui, jusqu’à présent, étaient convoqués par le gouvernement en fonction. C’est ainsi qu’ils ont fonctionné de 1985 à 1980. En 2000, le nouveau gouvernement a cessé de les convoquer, et cet espace de tripartisme et de dialogue social a disparu malgré les plaintes et les demandes répétées des travailleurs en vue de leur rétablissement. Les employeurs ne dirent rien à ce sujet. Les gouvernements qui avaient commencé à les gérer, tant en 1995 qu’en 2000, ne recréèrent pas non plus ces espaces et n’appliquèrent pas la loi no 10449. Les employeurs ne se levèrent pas non plus à ces occasions. Toutefois, la réforme qui a été présentée sous forme de loi aujourd’hui rend obligatoires les convocations effectuées par n’importe lequel des trois secteurs impliqués aux niveaux primaire et secondaire et met fin à leur caractère facultatif. Ainsi, on donne au tripartisme trois caractéristiques, à savoir la prévisibilité, la stabilité et la continuité, ce qui la met à l’abri d’un contrôle exclusif du gouvernement.
- 1370. Le gouvernement indique que l’autre point soulevé est une critique de la loi fondée sur une fausse opposition entre le binôme dirigisme/interventionnisme et la négociation libre et volontaire. Le gouvernement signale qu’il s’agit là d’une fausse opposition. A certaines occasions, l’Etat se doit d’intervenir dans le système des relations de travail (selon le gouvernement, ne pas intervenir – comme ce fut le cas pour les gouvernements précédents – constitue aussi une forme d’interventionnisme nommé inaction) afin que les travailleurs puissent jouir de leurs droits humains fondamentaux, par exemple, et que soient respectés leur liberté syndicale, leur droit à la négociation collective, leur conscience morale, leur intimité, leur droit à des journées de travail limitées, etc. Un grand nombre de ces droits trouvent leur fondement dans la Constitution même de la République et d’autres dans les obligations internationales contractées par l’Etat uruguayen auprès de l’OIT. L’intervention peut être classée dans une troisième catégorie dont la finalité est de créer une législation et des conditions qui encouragent ou favorisent la liberté syndicale, la négociation collective, la syndicalisation, etc.; d’abord par le biais d’un mandat constitutionnel et ensuite à travers une décision ou un choix politique qui permet d’avoir dans ce système des relations de travail saines, constructives et fermes. L’une des nombreuses obligations de l’Etat consiste à fixer les salaires minima pour les travailleurs, à veiller à ce que ces salaires soient ajustés périodiquement et, dans la mesure du possible, à permettre que les travailleurs participent à cette fixation dans une position d’égalité avec les employeurs et l’Etat.
- 1371. Au second niveau de la négociation du projet (art. 12 et suiv.), il est établi que les conseils salariaux rempliront ces obligations internationales puisqu’ils ont pour rôle de «… fixer le montant minimum des salaires et les conditions de travail de tous les travailleurs du secteur privé…». Cependant, le troisième niveau établit les négociations collectives bipartites (art. 14 et suiv.). A ce niveau, les négociations sont libres et volontaires et possèdent toutes les caractéristiques de l’autonomie collective. Le gouvernement considère qu’il est par conséquent tendancieux – et cela reflète une interprétation erronée qui pourrait induire le comité en erreur – d’affirmer que, dans tous les cas où l’on ne sera pas parvenu à un accord bilatéral (convention collective typique), il appartiendra aux conseils salariaux de fixer les salaires. Les négociations collectives bilatérales, des conventions collectives classiques s’entend, resteront libres et volontaires comme elles l’ont été jusqu’à présent. Mais en ce qui concerne la fixation des salaires minima, lorsqu’un accord n’aura pas été conclu et lorsque les négociations au niveau de la branche d’activité auront échoué ou lorsqu’aucun cadre de négociation n’aura été mis en place, l’Etat convoquera les conseils salariaux, organes tripartites, afin de fixer les salaires minima, conformément à l’article 4 de la convention no 131 de l’OIT.
- 1372. Le gouvernement indique que les commentaires selon lesquels les décisions du conseil ne seront pas équilibrées parce que le gouvernement a un plus grand nombre de représentants que les secteurs professionnels traduisent une méconnaissance ou un rejet du fonctionnement des grands organes de l’OIT, où les délégations n’ont pas le même nombre de délégués par secteur. En général, l’Etat possède le double des représentants des secteurs professionnels.
- 1373. S’agissant de la partie III, à l’égard de laquelle les organisations plaignantes soutiennent que la convocation aux conseils salariaux est contraire au principe de négociations libres et volontaires, le gouvernement déclare que le projet de loi vise, d’une part, les négociations collectives classiques et, d’autre part, à travers des négociations collectives atypiques, le respect de l’obligation de fixer des salaires minima au titre de la convention no 131. Le libellé proposé renvoie à l’instrument international précité, en réponse aux observations dont le pays a fait l’objet de la part des organes de contrôle (Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations et Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail) qui ont indiqué, de manière réitérée, que le gouvernement ne respectait pas les dispositions de l’accord mentionné, étant donné que les autorités publiques ne consultaient pas les organisations les plus représentatives de travailleurs et d’employeurs au sujet de la fixation, l’application et la modification des salaires minima.
- 1374. En outre, les négociations collectives qui s’effectuent au sein des conseils salariaux demeurent libres et volontaires. Si l’Etat convoque des rencontres dans ce cadre de négociation, c’est dans le but de fixer les salaires minima ou de les modifier. Les organisations professionnelles sont libres de ne pas y participer mais, lorsqu’elles ne le font pas, ce sont elles qui sont perdantes ou ne reconnaissent pas cet espace de négociation et de consultation. L’Etat peut alors fixer les salaires minima sans les avoir entendues parce qu’elles ne se sont pas présentées ou après avoir écouté une seule partie. La participation aux conseils salariaux ne s’accompagne pas d’une obligation d’être d’accord, comme il a été dit au cours des cycles de négociation qui se sont déroulés depuis 2005. Au cours de ces cycles, le pourcentage d’accords conclus à l’unanimité a été supérieur à 80 pour cent et celui des accords conclus à la majorité de 13 pour cent environ. Dans 7 pour cent des cas, les parties ne sont pas tombées d’accord, et l’Etat a promulgué des décrets pour fixer les salaires minima, et ce après avoir participé à tout le cycle des négociations, au cours duquel il est intervenu dans le but de trouver des accords. Cette intervention lui a permis de remplir ses obligations, à savoir fixer les salaires minima et mettre en place des mécanismes de négociation collective et de consultation. Le plus étonnant dans la plainte est que les employeurs s’opposent apparemment au mode de fonctionnement du système de conseils salariaux alors que, au niveau local, ils ont demandé à y participer avec véhémence et, lorsque le moment de négocier est arrivé, à une majorité écrasante, ils ont signé les conventions collectives au sein de ces organes.
- 1375. Concernant la partie IV sur les négociations collectives bipartites et plus précisément en ce qui a trait à l’objection selon laquelle l’un de leurs défauts concerne les négociations collectives par entreprise, à l’égard desquelles il est prévu que «… lorsqu’il n’existe pas d’organisation de travailleurs, c’est à l’organisation la plus représentative du niveau supérieur qu’il appartient de négocier…», le gouvernement déclare que cette disposition obéit au fait qu’en Uruguay la quasi-totalité des entreprises sont micro, petites ou moyennes. Il n’existe pratiquement pas d’organisation syndicale par entreprise mais plutôt par secteur d’activité. Cela signifie que les travailleurs adhèrent au syndicat de leur secteur d’activité parce qu’il n’en existe pas au sein de leur entreprise. On constate ainsi la présence de multiples fédérations, telles que la FUECI (Fédération uruguayenne des employés du commerce et de l’industrie), la FOEB (Fédération d’ouvriers et d’employés du secteur des boissons) et la FUS (Fédération uruguayenne de la santé). Traditionnellement, les négociations collectives dans le pays s’effectuent donc essentiellement par branche d’activité. Le gouvernement indique par ailleurs que l’intérêt collectif des travailleurs d’une entreprise affiliés à un syndicat de branche d’activité peut être représenté par l’organisation mentionnée.
- 1376. Quant à l’autre critique selon laquelle le projet ne prévoit pas de «contrôle administratif de la représentativité et de la consultation qui permette de le tester», le gouvernement déclare que les critères utilisés sont conformes à ceux établis par l’OIT elle-même. Toutefois, le point critiqué peut faire l’objet d’une future réglementation que la loi amènera sans aucun doute avec elle. En ce qui concerne la partie V sur la prévention et la résolution des conflits, le gouvernement réitère que les articles 21 à 24 relatifs à l’occupation de lieux de travail ont été exclus du projet par décision du Président de la République, laquelle a été communiquée aux employeurs et portée à la connaissance du public en temps opportun.
- 1377. Enfin, le gouvernement déclare que la plainte s’appuie sur des hypothèses pouvant clairement être identifiées comme fausses et fallacieuses. Nier l’existence du dialogue social et du tripartisme en Uruguay, c’est nier la réalité ou peut-être vouloir induire en erreur ceux qui sont censés comprendre la situation. Pendant quinze ans, les conseils salariaux n’ont pas été convoqués, ce qui a eu sur les salaires des travailleurs les conséquences que l’on sait et a sans doute influencé les valeurs sociales. L’appauvrissement des salaires a eu une incidence négative sur la situation sociale. En effet, les richesses se sont concentrées dans certains secteurs, et les niveaux d’informalité ont augmenté, ce qui a affaibli l’acteur social qu’est le syndicat.
- 1378. Dans sa communication en date du 11 février 2010, le gouvernement déclare que, bien qu’il se soit déjà exprimé sur la question, il est fondamental d’expliquer les raisons pour lesquelles il a tardé à faire part de ses observations. Le Comité de la liberté syndicale, dans son 355e rapport correspondant à la 306e réunion tenue en novembre 2009, a lancé un appel pressant au gouvernement car, à cette date, il n’avait toujours pas reçu l’information demandée. A ce propos, et rappelant que le gouvernement s’est toujours empressé d’apporter une réponse à l’égard des cas qui sont présentés, ce dernier tient à faire remarquer que le présent cas concerne un projet de loi sur la négociation collective qui a été présenté au parlement national en octobre 2007 et qui, dès le départ, a fait l’objet de diverses modifications.
- 1379. Parmi ces modifications, on peut citer l’engagement pris par le Président de la République de retirer du projet initial les articles 21 à 24 relatifs à l’occupation des lieux de travail, devant les employeurs et l’opinion publique, cette décision ayant été communiquée à la presse nationale et portée par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale à la connaissance des autorités parlementaires, des employeurs et des différents médias. En ce qui concerne la remise du projet au parlement, le gouvernement souhaite faire savoir que le projet a été analysé par la Commission sur la législation du travail de la Chambre des représentants (chemise no 2159, année 2007) et par la Commission du travail et de la sécurité sociale du Sénat (chemise no 1591, année 2009), après que le gouvernement a reçu la Chambre de commerce du secteur des produits nationaux, la CNCS, la CIU, l’Association nationale des organismes de radiodiffusion uruguayens (ANDEBU), la Fédération du transport professionnel de marchandises (ITPC), l’Association des promoteurs immobiliers du secteur privé de l’Uruguay (APPCU), la Chambre de la construction de l’Uruguay (CCU), l’Organisation de la presse de l’intérieur (OPI), la Chambre de l’industrie de la construction de l’Est (CICE), la Ligue de la construction de l’Uruguay, la Chambre du tourisme, le Centre de la navigation, l’Association nationale des micro et petites entreprises (ANMYPE), la Chambre des armateurs de la pêche de l’Uruguay (CAPU), la Chambre de l’industrie de la pêche de l’Uruguay (CIPU), la Chambre marchande nationale, ainsi que le directeur de l’Institut du droit du travail et de la sécurité sociale de la faculté de droit de l’Université de la République, l’Assemblée intersyndicale des travailleurs (PIT-CNT) et le ministère du Travail et de la Sécurité sociale.
- 1380. Comme il est souligné dans le paragraphe ci-dessus, l’étude, l’analyse du projet sur la négociation collective précité et les procédures connexes ont pris plusieurs mois. Le projet a fait l’objet de diverses modifications, raison pour laquelle le Secrétariat d’Etat a jugé pertinent d’attendre son évolution avant de formuler sa réponse à l’égard du présent cas. A cela s’ajoute le fait qu’au mois de juillet 2009 les autorités du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, à savoir le ministre et le vice-ministre, ont changé. Enfin, le 11 septembre 2009, la loi no 18566 intitulée Principes et droits fondamentaux du Système de négociation collective a été promulguée et, au moment où le gouvernement s’apprêtait à présenter ses observations, il a reçu une note de l’OIT contenant des renseignements complémentaires sur la plainte, qu’il a dû examiner. Le gouvernement rappelle qu’il a toujours formulé ses observations à l’égard des différentes plaintes qu’il a reçues dans les meilleurs délais, mais que la situation actuelle est exceptionnelle car il s’est produit une série d’incidents et d’événements qui l’ont empêché de remplir ses obligations avec la rapidité requise.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 1381. Le comité observe que, dans le présent cas, les organisations plaignantes allèguent qu’à la demande du gouvernement une série de normes du travail ont été adoptées sans que les employeurs aient été consultés et sans que l’on tienne compte de leurs propositions, raison pour laquelle elles s’opposent à un projet de loi (devenu par la suite la loi no 18566) sur la création d’un système de négociation collective.
- Absence de consultations effectuées de bonne foi avant l’adoption de la réglementation relative au travail
- 1382. Concernant l’allégation selon laquelle, à la demande du gouvernement, une série de normes du travail ont été adoptées, sans que des consultations franches et effectuées de bonne foi aient eu lieu et sans que le temps suffisant pour exprimer leurs points de vue et en discuter largement afin de parvenir à un compromis adapté ait été accordé aux employeurs (les organisations plaignantes citent en détail le décret no 145 de 2005 qui a abrogé deux décrets – dont l’un était en vigueur depuis plus de quarante ans – qui permettaient au ministère de l’Intérieur de procéder à l’évacuation des entreprises occupées par leurs travailleurs; la loi nº 17930 portant création du Registre des entreprises en infraction, qui relève de l’Inspection générale du travail et de la sécurité; la loi nº17940 sur la liberté syndicale et le décret no 66/06 qui la réglemente; la loi no 18091 qui allonge le délai de prescription des créances salariales; la loi no 18172 d’août 2007 relative à la présentation des comptes et au bilan budgétaire; la loi no 18099 de décembre 2007 relative au recours aux intermédiaires, à la sous-traitance et à l’intermédiation en matière de main-d’œuvre; le décret no 291/2007 qui réglemente la convention no 155 de l’OIT; la loi no 18251 de janvier 2008 qui établit des normes en matière de responsabilité au travail dans les processus de décentralisation de l’entreprise; et, en particulier, la loi sur la négociation collective no 18566), le comité prend note que le gouvernement déclare: 1) qu’il a mis en œuvre une politique de démocratisation du dialogue social dans tous les domaines possibles, fondée sur le plus pur tripartisme; 2) que participer à des négociations tripartites effectuées de bonne foi n’implique pas forcément que l’on parvienne à l’unanimité ou au consensus; 3) que, si l’une des parties à la négociation adopte une stratégie qui consiste à s’opposer systématiquement à toute réforme, cela amène les autres secteurs concernés à régler la question par un vote à la majorité puisque la recherche du consensus social ne peut empêcher que l’on s’oppose aux réformes requises pour que le pays aille de l’avant ni qu’on les refuse; 4) que le parlement national, à qui les projets de loi sont soumis pour discussion et approbation, rassemble divers partis politiques de tous les horizons sociaux de l’Uruguay et constitue un lieu où chaque groupe professionnel est entendu; 5) que le retrait des articles 21 à 24 du projet de loi sur la négociation collective sur ordre du Président de la République montre que le secteur patronal est entendu; 6) qu’à partir de mars 2005, avec l’entrée en fonction du nouveau gouvernement, un tripartisme et un dialogue social authentiques ont été mis en place dans le pays, et le secteur patronal a toujours été écouté. Preuve en est qu’en matière de salaires plus de 80 pour cent des activités ont abouti à l’adoption de conventions collectives à l’unanimité. Chaque fois que les employeurs sont écoutés, des commissions relevant du ministère du Travail et de la Sécurité sociale sont créées, et les employeurs sont reçus dans les milieux parlementaires; 7) qu’il est inexact que les lois relatives au travail approuvées ne sont pas le fruit d’un dialogue social; que les employeurs ont été écoutés au cours du processus avant que les lois sur la liberté syndicale, le recours à des tiers ou l’externalisation, les congés spéciaux, la prescription des créances salariales et le projet de création d’un système de négociation collective national soient adoptés; 8) qu’en ce qui concerne le projet de loi sur la négociation collective (devenu la loi no 18566) les employeurs ont été invités à y participer, ont commencé le processus, mais se sont volontairement retirés par la suite, et qu’au cours du processus parlementaire les organisations d’employeurs, les organisations de travailleurs et les représentants académiques ont été reçus; et 9) que l’ouverture d’un espace de dialogue social ne signifie pas que l’on est obligé de conclure un accord.
- 1383. A cet égard, le comité prend note des déclarations contradictoires du gouvernement et des organisations plaignantes à propos du fait que des consultations suffisantes effectuées de bonne foi et visant à parvenir dans la mesure du possible à des solutions concertées dans le cadre de l’adoption de normes du travail ont été organisées ou ne l’ont pas été. Le comité rappelle que le paragraphe 1 de la recommandation (no 113) sur la consultation aux échelons industriel et national, 1960, dispose que des mesures appropriées devraient être prises en vue de promouvoir aux échelons industriel et national une consultation et une collaboration efficaces entre les autorités publiques et les organisations d’employeurs et de travailleurs, et que, en vertu des dispositions du paragraphe 5 de ladite recommandation, cette consultation devrait notamment viser à faire en sorte que les autorités publiques compétentes sollicitent de façon appropriée les vues, les conseils et le concours des organisations d’employeurs et de travailleurs dans des domaines tels que la préparation et la mise en œuvre de la législation touchant leurs intérêts. Le comité rappelle également qu’à plusieurs reprises il a souligné qu’il est important que les consultations se déroulent de bonne foi, dans la confiance et le respect mutuel, et que les parties aient suffisamment de temps pour exprimer leurs points de vue et en discuter largement, afin de pouvoir parvenir à un compromis adapté. Le gouvernement doit aussi veiller à donner le poids nécessaire aux accords auxquels les organisations de travailleurs et d’employeurs sont parvenues. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1071.] Le comité demande au gouvernement de veiller au respect de ces principes afin que la législation qui touche directement les intérêts des organisations de travailleurs et d’employeurs fasse l’objet de consultations pleines et franches et soit le résultat de solutions concertées.
- 1384. Quant au décret no 145 de 2005 en vertu duquel, selon les organisations plaignantes, deux décrets – dont un en vigueur depuis plus de quarante ans – qui permettaient au ministère de l’Intérieur d’évacuer les locaux d’entreprises occupées par les travailleurs ont été abrogés, le comité est d’avis que le droit de grève et l’occupation du lieu de travail doivent être exercés dans le respect de la liberté de travailler des non-grévistes, tout comme le droit de la direction de pénétrer dans les locaux de l’entreprise. Compte tenu de ce qui précède, le comité demande au gouvernement de veiller au respect de ces principes dans les normes réglementaires qu’il adopte et dans la pratique.
- Loi no 18566 sur la négociation collective
- 1385. S’agissant de la loi no 18566 qui est contestée, le comité prend bonne note en premier lieu que le gouvernement l’informe que certains articles du projet de loi à l’origine de la plainte, auxquels les organisations plaignantes avaient fait objection et qui concernaient l’occupation du lieu de travail pendant la grève, n’ont pas été inclus dans la loi qui a été adoptée.
- 1386. Le comité note que les organisations plaignantes allèguent que: 1) la loi en question consacre l’intervention du gouvernement dans les négociations collectives, en vertu de la création du Conseil supérieur tripartite comme organe de coordination et de gouvernance des relations de travail (art. 7), à composition tripartite mais ayant une majorité de représentants du gouvernement (neuf représentants du gouvernement, six représentants des organisations les plus représentatives d’employeurs et six représentants des organisations les plus représentatives de travailleurs); 2) l’article 10, alinéa d), dispose que l’une des compétences du conseil consiste à examiner les questions liées aux niveaux de négociation tripartite et bipartite et à se prononcer dessus, et l’alinéa e) établit que le conseil pourra «étudier et prendre des initiatives dans des domaines qu’il juge pertinents en vue d’encourager les consultations, les négociations et le développement des relations de travail»; 3) le fait que le nombre des délégués du pouvoir exécutif soit plus élevé, que le vote soit uninominal, que les compétences du conseil soient définies de manière large, ambiguë et confuse et qu’il y ait peu de définitions démontre qu’il s’agit d’un organe dont l’objectif est de permettre l’interventionnisme et le dirigisme de l’Etat dans les négociations collectives; 4) l’article 17, qui prévoit la prolongation obligatoire de la validité des conventions collectives jusqu’à ce qu’un nouvel accord les remplace, constitue une ingérence dans les négociations libres; 5) l’article 12 sur le fonctionnement des conseils salariaux n’est pas conforme aux principes relatifs à la négociation collective, étant donné qu’il établit que les décisions des conseils prennent effet une fois qu’elles ont été enregistrées et publiées par le pouvoir exécutif; et 6) cette loi consacre l’intervention et l’ingérence des autorités, ce qui constitue une violation des conventions nos 98 et 154, et a motivé l’observation de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations au sujet de l’application de la convention no 98 par l’Uruguay.
- 1387. Le comité prend note que le gouvernement déclare d’une manière générale: 1) qu’au moment où il a pris ses fonctions le paysage des relations de travail en Uruguay était pauvre, les salaires minima se situaient à des niveaux indécents, les négociations collectives n’existaient quasiment pas et la liberté syndicale était opprimée; 2) que la législation violait de manière flagrante les conventions internationales et que, par exemple, les travailleurs ruraux et domestiques n’avaient pas de journée de travail limitée ni le droit de négocier dans les conseils salariaux; 3) que les conseils salariaux n’avaient pas été convoqués depuis 1990 et qu’il existait moins d’une centaine de conventions collectives seulement par entreprise, lesquelles avaient une incidence sur moins de 10 pour cent des travailleurs; 4) qu’entre 2002 et 2004 d’innombrables conventions collectives ont été signées, qui diminuaient les droits des travailleurs, et que, lorsque le nouveau gouvernement est arrivé en 2005, sa première mesure a consisté à rétablir les conseils salariaux; 5) que, de 1990 à 2005, ces conseils n’avaient pas été convoqués, bien que la loi en vertu de laquelle ils avaient été créés fût pleinement en vigueur, et le secteur des employeurs n’avait jamais formulé de plainte; 6) que les conseils salariaux sont des organes à composition tripartite dont l’attribution principale consiste à fixer les salaires minima par branche d’activité et par catégorie, mais qu’ils peuvent également faire office d’organe de conciliation dans les conflits collectifs, fixer les augmentations de salaire pour le reste des travailleurs, etc.; 7) que la première mesure prise par le gouvernement a consisté à rétablir le Conseil supérieur tripartite et, par la suite, 20 groupes d’activité qui ont à leur tour créé des sous-groupes; 8) qu’un cadre de discussion a été mis en place dans le secteur public, lequel a permis de parvenir à un accord-cadre et, par consensus, à une loi sur la négociation collective pour le secteur public, qu’un conseil salarial a été créé pour les travailleurs domestiques, qui a permis de parvenir à une convention collective; et 9) que trois cycles de négociation ont été organisés, que le pourcentage de conventions collectives conclues à l’unanimité a été supérieur à 80 pour cent, et qu’on remarque une croissance importante du salaire réel.
- 1388. Concernant le texte de loi proprement dit, le comité prend note que le gouvernement déclare: 1) que le système de négociation s’articule autour de trois niveaux (national, branche d’activité ou chaîne de production et négociation collective bipartite au niveau d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises); 2) qu’au premier niveau se situe l’organe directeur, le Conseil supérieur tripartite, qui gère les relations de travail; qu’au deuxième niveau se déroulent les négociations par branche d’activité, et les négociations se déroulent dans les conseils salariaux; qu’au troisième niveau se déroulent les négociations collectives classiques (dont la caractéristique la plus évidente est qu’elles sont bipartites); 3) que l’article 15 est important parce qu’il établit que les négociations aux niveaux inférieurs ne réduiront pas les minima adoptés dans les conventions de niveau supérieur, à l’exception de ce qui a été décidé par le conseil salarial concerné; 4) que le droit à l’information prévu à l’article 4 découle du droit de négocier de bonne foi et est amplement défini dans la recommandation no 163 de l’OIT, que la recommandation no 161 de l’OIT le reprend en partie, établit des mécanismes d’échange et de consultation, et consacre l’obligation de réserve (la majorité des organisations syndicales de branche d’activité ayant une personnalité juridique, si l’on souhaite engager une action en responsabilité civile contre elles, rien ne s’y oppose du point de vue du droit positif national); 5) que la création du Conseil supérieur tripartite n’est pas synonyme d’intervention, mais qu’il s’agit de consacrer dans la loi un organe créé par décret du pouvoir exécutif, lequel a fonctionné de manière tripartite tout au long des cycles de négociation des conseils salariaux organisés depuis 2005 (le gouvernement évoque l’évolution historique suivie par les conseils salariaux depuis 2005); 6) que les organisations plaignantes confondent négociations collectives et relations de travail lorsqu’elles soutiennent que le conseil devra être érigé en organe directeur de la négociation collective dans toutes ses dimensions, oubliant qu’une négociation collective est par définition bipartite, libre et volontaire; 7) qu’en vertu de l’article 12, au second niveau de négociation, les conseils salariaux auront pour rôle de fixer le montant minimum des salaires et les conditions de travail de tous les travailleurs du secteur privé, tandis qu’au troisième niveau les négociations collectives sont bipartites et libres et ont toutes les caractéristiques de l’autonomie collective; 8) que, pour ce qui est de l’allégation selon laquelle il existe un déséquilibre au niveau des représentants au conseil, elle traduit une méconnaissance du fonctionnement des grands organes de l’OIT, où les délégations n’ont pas le même nombre de délégués par secteur; 9) que la convocation des conseils salariaux permet de remplir l’obligation de fixer les salaires minima, en vertu de la convention no 131 de l’OIT; 10) que la décision selon laquelle, dans les négociations collectives par entreprise, lorsqu’il n’existe pas d’organisation de travailleurs, c’est à l’organisation la plus représentative du niveau supérieur qu’il appartient de négocier obéit au fait qu’en Uruguay la quasi-totalité des entreprises sont micro, petites ou moyennes, et qu’il n’existe pratiquement pas d’organisation syndicale par entreprise, mais plutôt par branche d’activité; et 11) que, en ce qui concerne la critique selon laquelle le projet ne prévoit pas de contrôle administratif de la représentativité et de la consultation, les critères utilisés sont conformes à ceux établis par l’OIT elle-même, mais que ce point pourrait faire l’objet d’une future réglementation.
- 1389. Le comité accueille favorablement l’objectif du gouvernement de promouvoir les négociations collectives, ainsi que l’évolution de la couverture des conventions collectives et de leur nombre. En ce qui concerne le contenu de la loi, le comité formule les commentaires suivants au sujet des articles qui pourraient poser des problèmes, s’agissant de leur conformité avec les principes relatifs à la négociation collective, ou qui méritent d’être interprétés à la lumière de ces principes:
- I. Concernant l’échange des renseignements nécessaires pour faciliter le déroulement normal du processus de négociation collective et le fait que, en ce qui concerne les renseignements confidentiels, l’obligation de réserve est implicite dans les communications et son non-respect donnera lieu à des sanctions à l’égard du contrevenant (art. 4), le comité considère que toutes les parties à la négociation, qu’elles jouissent ou non de la personnalité juridique, doivent être responsables en cas de violation du droit de réserve à l’égard de l’information qu’elles reçoivent dans le cadre des négociations collectives. Le comité demande au gouvernement de veiller au respect de ce principe.
- II. Concernant la composition du Conseil supérieur tripartite (art. 8), le comité considère que l’on pourrait prévoir un nombre égal de membres pour chacun des trois secteurs et la présence d’un président indépendant, de préférence nommé conjointement par les organisations de travailleurs et d’employeurs, qui pourrait départager les votes. Le comité prie le gouvernement d’engager des discussions avec les partenaires sociaux sur la modification de la loi afin de trouver une solution concertée sur le nombre de représentants au conseil.
- III. Concernant les compétences du Conseil supérieur tripartite en général et celle qui consiste à examiner les questions liées aux niveaux de négociation tripartite et bipartite et à se prononcer dessus en particulier (art. 10, D), le comité a souligné à plusieurs reprises que la détermination du niveau de négociation (collective bipartite) devrait dépendre de la volonté des parties. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 989.] Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris la modification de la législation en vigueur, pour que le niveau de négociation collective soit établi par les parties et ne fasse pas l’objet d’un vote dans une entité tripartite.
- IV. Concernant la possibilité que les conseils salariaux établissent les conditions de travail dans les cas où elles sont définies d’un commun accord par les délégués des employeurs et des travailleurs du groupe salarial concerné (art. 12), le comité rappelle tout d’abord que, conformément aux normes de l’OIT, la fixation des salaires minima peut faire l’objet d’une décision d’instances tripartites. En outre, rappelant qu’il appartient aux autorités législatives de déterminer les minima légaux en matière de conditions de travail et que l’article 4 de la convention no 98 encourage la négociation tripartite en matière de fixation des conditions de travail, le comité s’attend à ce que ces principes soient appliqués et que toute convention collective relative à la définition des conditions d’emploi soit le fruit d’un accord entre les parties, conformément aux dispositions de l’article en question.
- V. Concernant les personnes ou entités habilitées à effectuer des négociations collectives et en particulier la disposition selon laquelle, dans le cadre des négociations collectives par entreprise, lorsqu’il n’existe pas d’organisation de travailleurs, c’est à l’organisation la plus représentative du niveau supérieur qu’il appartient de négocier (art. 14, dernière partie), le comité observe que les organisations plaignantes estiment que l’inexistence d’un syndicat n’est pas synonyme d’inexistence de relations collectives au sein de l’entreprise. Le comité estime, d’une part, que des négociations avec l’organisation la plus représentative du niveau supérieur ne devraient être menées que si dans l’entreprise il existe une représentation syndicale conforme à la législation nationale. D’autre part, il rappelle que la recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, privilégie, s’agissant des parties à la négociation collective, les organisations de travailleurs et ne mentionne les représentants des travailleurs non organisés qu’en l’absence de telles organisations. Compte tenu de ce qui précède, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la future réglementation tienne pleinement compte de ces principes.
- VI. Concernant les effets des conventions collectives, et en particulier le fait que l’application des conventions collectives par secteur d’activité conclues par les organisations les plus représentatives est obligatoire pour tous les employeurs et travailleurs du niveau de négociation concerné une fois qu’elles ont été enregistrées et publiées par le pouvoir exécutif (art. 16), le comité, tenant compte des préoccupations exprimées par les organisations plaignantes, demande au gouvernement de s’assurer que le processus d’enregistrement et de publication de la convention collective sert uniquement à contrôler l’application des minima légaux et à régler les questions de forme, comme déterminer les parties à la convention et ses destinataires de manière suffisamment précise, ainsi que la durée de sa validité.
- VII. Concernant la validité des conventions collectives et en particulier le fait que toutes les clauses de la convention arrivées à échéance restent pleinement en vigueur jusqu’à ce qu’un nouvel accord les remplace, sauf si les parties en ont décidé autrement (art. 17, deuxième paragraphe), le comité rappelle que la durée des conventions collectives est une question qui relève au premier chef des parties concernées mais, si une action gouvernementale est envisagée, la législation devrait refléter un accord tripartite. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1047.] Dans ces conditions et étant donné que les organisations plaignantes ont exprimé leur désaccord avec l’idée qu’une convention puisse rester automatiquement en vigueur jusqu’à ce qu’elle soit remplacée par une autre, le comité invite le gouvernement à discuter avec les partenaires sociaux sur la modification de la législation en vue d’une solution acceptable pour les deux parties.
- 1390. Le comité demande au gouvernement de prendre, en consultation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives, les mesures nécessaires, y compris la modification de la loi no 18566 sur le Système de négociation collective pour mettre en œuvre les conclusions formulées dans les paragraphes précédents, afin de s’assurer que la loi no 18566 sur le Système de négociation collective est pleinement conforme aux conventions ratifiées par l’Uruguay en matière de négociations collectives. Le comité appelle l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur ce cas.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 1391. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) S’agissant du décret no 145 de 2005 en vertu duquel, selon les organisations plaignantes, deux décrets – dont un en vigueur depuis plus de quarante ans – qui permettaient au ministère de l’Intérieur de procéder à l’évacuation des locaux d’entreprises occupées par les travailleurs ont été abrogés, le comité est d’avis que le droit de grève et l’occupation du lieu de travail doivent être exercés dans le respect de la liberté de travailler des non-grévistes, tout comme le droit de la direction de pénétrer dans les locaux de l’entreprise. Compte tenu de cela, le comité demande au gouvernement de veiller au respect de ces principes dans les normes réglementaires qu’il adopte et dans la pratique.
- b) Le comité demande au gouvernement de prendre, en consultation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives, des mesures pour modifier la loi no 18566 pour mettre en œuvre les conclusions formulées dans les paragraphes précédents et s’assurer de la pleine conformité avec les principes de la négociation collective et les conventions ratifiées par l’Uruguay en la matière. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- c) Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur ce cas.
Annexe
Annexe- Loi no 18566, Système de négociation collective
- Création
- Le Sénat et la Chambre des représentants de la République orientale de l’Uruguay, réunis en Assemblée générale,
- Décrètent ce qui suit:
- I. Principes et droits fondamentaux du Système
- de négociation collective
- Article 1 (Principes et droits). Le Système de négociation collective s’inspire des principes et droits énoncés dans le présent chapitre et des autres droits fondamentaux reconnus à l’échelle internationale et est régi par ceux-ci.
- Article 2 (Droit de négociation collective). Dans l’exercice de leur autonomie collective, les employeurs ou organisations d’employeurs, d’une part, et une ou plusieurs organisations de travailleurs, d’autre part, ont le droit d’adopter librement des accords sur les conditions de travail et d’emploi et de réglementer leurs relations réciproques.
- Article 3 (Promotion et garantie). L’Etat promeut et garantit le libre exercice des négociations collectives à tous les niveaux. A cet effet, il prend les mesures adéquates pour faciliter et encourager les négociations entre employeurs et travailleurs.
- Article 4 (Devoir de négocier de bonne foi). Dans toutes les négociations collectives, les parties donnent à leurs négociateurs respectifs le mandat requis pour mener à bien les négociations, sous réserve de toute disposition relative aux consultations au sein de leurs organisations respectives. Dans tous les cas, elles doivent justifier de manière suffisante les positions qu’elles adoptent pendant la négociation.
- Les parties doivent aussi échanger les renseignements nécessaires pour faciliter le déroulement normal du processus de négociation collective. En ce qui concerne les renseignements confidentiels, l’obligation de réserve est implicite dans les communications, et son non-respect engage la responsabilité des contrevenants.
- Article 5 (Collaboration et consultation). La collaboration et les consultations entre les parties doivent avoir pour objectif général d’encourager une compréhension mutuelle et de bonnes relations entre les autorités publiques et les organisations d’employeurs et de travailleurs, de même qu’entre les organisations elles-mêmes, en vue de développer l’économie dans son ensemble ou quelques-unes de ses branches, d’améliorer les conditions de travail et d’élever le niveau de vie.
- Cette collaboration et ces consultations auront pour objectif, en particulier:
- A) de permettre l’examen conjoint, par les organisations d’employeurs et de travailleurs, des questions d’intérêt mutuel, en vue de parvenir, dans la mesure du possible, à des solutions convenues d’un commun accord;
- B) de permettre que les autorités publiques compétentes obtiennent de manière adéquate les avis, les conseils et l’assistance des organisations d’employeurs et de travailleurs au sujet de questions comme:
- i) la préparation et l’application de la législation touchant leurs intérêts;
- ii) la création et le fonctionnement des organismes nationaux, tels que ceux qui s’occupent de l’organisation de l’emploi, de la formation et de la réadaptation professionnelles, de la protection des travailleurs, de la sécurité et l’hygiène au travail, de la productivité, la sécurité et le bien-être sociaux;
- iii) l’élaboration et l’application des programmes de développement économique et social.
- Article 6 (Formation à la négociation). Les parties à la négociation collective peuvent adopter des mesures afin que leurs négociateurs, à tous les niveaux, puissent recevoir une formation adéquate.
- A la demande des organisations intéressées, les autorités publiques prêtent aux organisations d’employeurs ou de travailleurs une assistance à l’égard de cette formation.
- L’organisation compétente d’employeurs ou de travailleurs décide du contenu et des questions liées à la supervision des programmes relatifs à cette formation.
- La formation à donner ne portera pas atteinte au droit des organisations d’employeurs et de travailleurs de désigner leurs propres représentants aux fins de la négociation collective.
- II. Conseil supérieur tripartite
- Article 7 (Création du Conseil supérieur tripartite). Le Conseil supérieur tripartite est créé comme organe de coordination et de gouvernance des relations de travail. Il réglemente son propre fonctionnement.
- Article 8 (Composition). Le Conseil supérieur tripartite se compose de neuf délégués du pouvoir exécutif, six délégués des organisations les plus représentatives d’employeurs et six délégués des organisations les plus représentatives de travailleurs, plus un nombre égal de suppléants ou remplaçants pour chaque partie.
- Article 9 (Fonctionnement). Le Conseil supérieur tripartite peut être convoqué par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale d’office ou de manière contraignante à la demande de n’importe quelle partie.
- Pour les réunions du conseil, la participation de 50 pour cent au moins de ses membres est requise, et cette participation doit refléter la composition tripartite de cet organe. Au cas où le quorum n’est pas atteint, une deuxième convocation doit être envoyée dans les 48 heures, afin que le nombre de participants atteigne le minimum de 50 pour cent des membres du conseil requis.
- Pour adopter une résolution, le conseil doit obtenir un vote à la majorité absolue de ses membres.
- Article 10 (Compétences). Le Conseil supérieur tripartite détient les compétences suivantes:
- A) se prononcer, au préalable, sur la fixation, la mise en œuvre et la modification du salaire minimum national, qu’il détermine pour les secteurs d’activité qui ne sont pas parvenus à le fixer par voie de négociation collective. Le pouvoir exécutif soumet ces questions au conseil suffisamment à l’avance;
- B) classer les groupes de négociation tripartite par branche d’activité ou chaîne de production et désigner, le cas échéant, les organisations négociatrices dans chaque domaine;
- C) conseiller, de manière contraignante, le pouvoir exécutif quant à l’examen des recours administratifs interjetés à l’égard des résolutions relatives aux différends occasionnés par la classification des entreprises dans les groupes d’activité dans le cadre de négociations tripartites;
- D) examiner les questions liées aux niveaux de négociation tripartite et bipartite et se prononcer dessus;
- E) étudier et prendre des initiatives dans des domaines qu’il juge pertinents en vue d’encourager les consultations, les négociations et le développement des relations de travail.
- III. Négociations collectives par secteur d’activité
- Article 11 (Conseils salariaux). Les négociations collectives au niveau de la branche d’activité ou des chaînes de production peuvent être effectuées au moyen de la convocation des conseils salariaux créés en vertu de la loi no 10449 du 12 novembre 1943, ou par négociation collective bipartite.
- Article 12 (Compétence). L’article 5 de la loi no 10449 du 12 novembre 1943 est remplacé par ce qui suit:
- Article 5. Les Conseils salariaux sont créés et auront pour rôle de fixer le montant minimum des salaires par catégorie professionnelle et d’actualiser la rémunération de tous les travailleurs du secteur privé, sans préjudice de la compétence qui leur est attribuée à l’article 4 de la loi no 17940 du 2 janvier 2006. De même, le Conseil salarial peut établir les conditions de travail dans les cas où elles sont définies d’un commun accord par les délégués des employeurs et des travailleurs du groupe salarial concerné. Les décisions des conseils salariaux prennent effet dans le secteur d’activité concerné une fois qu’elles ont été enregistrées et publiées par le pouvoir exécutif.
- En tout temps, le pouvoir exécutif peut convoquer les conseils salariaux d’office ou de manière contraignante, si les organisations représentatives du secteur d’activité concerné le demandent. Le cas échéant, le conseil devra être convoqué dans les quinze jours à compter de la date à laquelle la demande a été présentée.
- La convocation des conseils salariaux ne sera pas nécessaire en ce qui concerne les activités ou les secteurs pour lesquels une convention collective dûment conclue par les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives de l’activité ou du secteur est en vigueur.
- Article 13 (Désignation de délégués). L’article 6 de la loi no 10449 du 12 novembre 1943 est remplacé par le suivant:
- Article 6. Le Conseil supérieur tripartite effectue la classification par groupes d’activité, et pour chacun d’eux un conseil salarial composé de sept membres, dont trois désignés par le pouvoir exécutif, deux par les patrons et deux par les travailleurs, auxquels s’ajoute un nombre égal de suppléants, sera constitué.
- Le premier des trois délégués désignés par le pouvoir exécutif assure la présidence.
- Le pouvoir exécutif désigne les délégués des travailleurs et des employeurs en consultation avec les organisations les plus représentatives de chaque groupe d’activité.
- Dans les secteurs où il n’existe pas d’organisation suffisamment représentative, le pouvoir exécutif désigne les délégués qui lui sont proposés par les organisations membres du Conseil supérieur tripartite, ou adopte les mécanismes de choix que celui-ci propose.
- IV. Négociations collectives bipartites
- Article 14 (Personnes ou entités compétentes). Sont habilités à négocier et conclure des conventions collectives un employeur, un groupe d’employeurs, une ou plusieurs organisations représentatives des employeurs, d’une part, et une ou plusieurs organisations représentatives des travailleurs, d’autre part. Quand il existe plus d’une organisation habilitée à négocier et que celles-ci ne parviennent pas à se mettre d’accord entre elles, c’est à l’organisation la plus représentative qu’il appartient de négocier, laquelle est désignée sur la base de critères tels que l’ancienneté, la continuité, l’indépendance et le nombre de membres de l’organisation. En ce qui concerne les négociations par entreprise, lorsqu’il n’existe pas d’organisation de travailleurs, c’est à l’organisation la plus représentative du niveau supérieur qu’il appartient de négocier.
- Article 15 (Niveaux et articulation). Les parties peuvent négocier par branche ou secteur d’activité, par entreprise, par établissement ou à quelque autre niveau qu’elles jugent nécessaire. Les négociations aux niveaux inférieurs ne réduiront pas les minima adoptés dans les conventions de niveau supérieur, à l’exception de ce qui a été décidé par le conseil salarial concerné.
- Article 16 (Effets de la convention collective). Les conventions collectives ne peuvent être modifiées par le biais d’un contrat individuel ou d’accords plurisubjectifs au détriment des travailleurs. L’application des conventions collectives par secteur d’activité conclues par les organisations les plus représentatives est obligatoire pour tous les employeurs et travailleurs du niveau de négociation concerné, une fois qu’elles ont été enregistrées et publiées par le pouvoir exécutif.
- Article 17 (Validité). La validité des conventions collectives est établie d’un commun accord par les parties, lesquelles peuvent également décider de sa prorogation expresse ou tacite et de la procédure de dénonciation.
- Toutes les clauses des conventions collectives arrivées à échéance resteront pleinement en vigueur jusqu’à ce qu’un nouvel accord les remplace, sauf si les parties en ont décidé autrement.
- V. Prévention et résolution des conflits
- Article 18. Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale est compétent en matière de médiation et de conciliation en cas de conflits collectifs liés au travail.
- Article 19 (Procédures autonomes). Les employeurs ou leurs organisations et les organisations syndicales peuvent établir, par le biais de l’autonomie collective, des mécanismes de prévention et de résolution des conflits, tels que des procédures d’information et de consultation ou des instances de négociation, de conciliation préalable et d’arbitrage volontaire.
- Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, par l’intermédiaire de la Direction nationale du travail, offre des conseils et une assistance technique aux parties, afin d’encourager et de promouvoir les procédures mentionnées au paragraphe précédent.
- Article 20 (Médiation et conciliation volontaire). Les employeurs et leurs organisations et les organisations de travailleurs peuvent recourir, à tout moment et de la manière qu’ils jugent appropriée, aux services de médiation et de conciliation offerts par la Direction nationale du travail ou le conseil salarial compétent pour l’activité exercée par l’entreprise (article 20 de la loi no 10449 du 12 novembre 1943).
- Lorsque les parties choisissent de soumettre le différend au conseil salarial compétent, celui-ci se réunit immédiatement après avoir reçu la demande et les antécédents connexes, afin d’essayer de parvenir à une conciliation entre les parties concernées.
- Si, après un délai raisonnable, la majorité des délégués du conseil salarial estime qu’il est impossible de parvenir à un accord de conciliation, un compte rendu sera adressé à la Direction nationale du travail qui prendra les mesures pertinentes.
- VI.
- Article 21. Pendant toute la durée de la validité des conventions collectives, les parties s’engagent à ne pas adopter de mesure contraire à ce qui a été convenu. Pour cette raison, elles ne doivent pas non plus appliquer de mesure d’action, de quelque nature que ce soit. Cette clause s’applique à toutes les questions qui ont été négociées et ont fait l’objet d’un accord dans la convention. Est exclue de son champ d’application l’adhésion à des mesures syndicales de portée nationale prises par les organisations syndicales. Afin de résoudre les controverses liées à l’interprétation des conventions, celles-ci doivent prévoir des mécanismes qui permettent d’épuiser toutes les voies de négociation directe entre les parties avant de faire intervenir l’autorité ministérielle compétente afin d’éviter les conflits, ainsi que les actions et les conséquences qui en découlent. A défaut d’une procédure convenue par les parties, la violation des dispositions du premier paragraphe du présent article peut entraîner une déclaration d’annulation de la convention, laquelle doit être portée à la connaissance du tribunal du travail.
- Salle de réunion de la Chambre des représentants, Montevideo, 2 septembre 2009.