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- 759. La plainte figure dans une communication de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP), la Fédération nationale des travailleurs des mines, de la métallurgie et de la sidérurgie du Pérou (FNTMMSP) et le Syndicat des ouvriers des mines de Shougang Hierro Perú S.A.A. (SOMSHP) en date du 17 avril 2008. Lesdites organisations ont fait parvenir des informations complémentaires et de nouvelles allégations par communications en date des 2 et 5 juin et du 7 novembre 2008. La FNTMMSP a envoyé de nouvelles allégations par communication en date du 2 juin 2008 et le SOMSHP a fait de même par communication du 21 septembre 2009.
- 760. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications en date des 13 août, 11 septembre et 22 octobre 2008, des 2 mars, 5 mai, 29 octobre, 3, 12 et 24 novembre, 14 décembre 2009 et du 25 mai 2010.
- 761. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 762. Dans des communications en date des 17 avril, 5 juin et 7 novembre 2008, la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP), la Fédération nationale des travailleurs des mines, de la métallurgie et de la sidérurgie du Pérou (FNTMMSP) et le Syndicat des ouvriers des mines de Shougang Hierro Perú S.A.A. (SOMSHP) indiquent que Shougang Corporation est une entreprise d’Etat chinoise qui exerce des activités dans le domaine du fer et réalise un chiffre d’affaires annuel de 7 460 millions de dollars. Le 30 décembre 1992, Shougang Corporation a acquis l’entreprise minière du fer du Pérou – Hierro Perú, et a fondé l’entreprise Shougang Hierro Perú S.A.A. Cette mine jouit d’une bonne situation économique et dispose de plans d’investissement jusqu’en 2011 pour un montant de plus de 500 millions de dollars.
- 763. Les organisations plaignantes allèguent que les travailleurs du syndicat pensaient que, grâce à l’organisation syndicale et à la négociation collective, c’est-à-dire au dialogue démocratique entre les travailleurs et les employeurs, il serait possible d’obtenir des améliorations dans leurs conditions de travail. Depuis 2002, le syndicat présente chaque année régulièrement à l’entreprise des cahiers de revendications afin de parvenir à des accords constructifs, de manière à éviter des confrontations, toujours coûteuses pour les deux parties. Cependant, l’entreprise a systématiquement écarté toute possibilité de dialogue, se limitant à deux points: des augmentations de salaires dérisoires et une prime de fin d’année. Ce sont les deux seuls points du cahier de revendications sur lesquels le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi (ministère du Travail) s’est prononcé, écartant les autres questions reprises dans les différents cahiers de revendications
- (2002-03, 2003-04, 2004-05, 2005-06, 2006-07, 2007-08 et 2008-09).
- 764. En ce qui concerne le cahier de revendications 2006-07, les organisations plaignantes indiquent que, le 27 février 2006, le syndicat a déposé son cahier de revendications pour la période allant du 1er avril 2006 au 31 mars 2007. Le 9 mars, le premier acte de négociation collective a été signé, ce qui ouvrait l’étape de négociation directe. Celle-ci a duré jusqu’au 30 mars, jour où l’abandon de cette étape a été communiqué, suite à l’intransigeance coutumière de l’entreprise en ce qui concerne les négociations de bonne foi. Le 26 avril, l’acte d’établissement de l’étape de conciliation a été signé. Après quatre réunions (26 avril, 3, 10 et 15 mai), la fin des réunions de conciliation a été déclarée; comme en d’autres occasions, les manœuvres dilatoires et le manque manifeste de volonté de négocier dont fait preuve l’entreprise sont préjudiciables au dialogue. Cependant, le syndicat a demandé des réunions extrajudiciaires entre les parties. Au cours desdites réunions, le 15 juin, le syndicat a présenté pour la troisième fois son cahier de revendications restructuré sans obtenir de résultat positif de la part de l’entreprise qui refuse tout changement substantiel.
- 765. Devant cette situation, une grève est décidée lors d’une assemblée générale extraordinaire du 1er juin, grève approuvée par 484 votes sur un total de 879 travailleurs. Le 14 juin, avant le début de la grève, le syndicat, voulant s’efforcer de rapprocher les positions des deux parties, a soumis son cahier de revendications pour la quatrième fois mais n’a obtenu aucune réponse favorable de la part de l’entreprise. Bien au contraire, l’entreprise a répondu à cet effort en dénonçant le syndicat devant le ministère du Travail au motif d’actes de violence présumés pendant le déroulement de la grève. Ceci a motivé, le 19 juin, l’intervention du ministère du Travail qui a effectué une inspection sur la grève; cette inspection n’a pas pu prouver que ce que l’entreprise avait déclaré s’était vraiment passé.
- 766. Comme elle l’a toujours fait les années précédentes, l’entreprise refuse de discuter d’autres sujets repris dans le cahier que l’augmentation et la prime de fin d’année. De nouveau, les points du cahier se référant à de meilleures conditions de travail (uniforme, provision d’eau dans les centres de travail, etc.) ainsi que celui qui demandait l’insertion des travailleurs liés à l’entreprise par des entreprises de sous-traitance se voient opposer un refus. Malgré cela, le syndicat a plus d’une fois présenté un cahier de revendications restructuré et supprimé de la négociation plusieurs points proposés auparavant, dans le but de parvenir à une solution consensuelle. Cette attitude est renforcée par la décision du ministère du Travail dans le règlement du conflit, vu qu’il se limite dans sa décision aux points que l’entreprise accepte de négocier.
- 767. Le 21 juin, le syndicat demande l’intervention du ministère du Travail pour qu’il règle le conflit de manière ferme et définitive. Le lendemain, l’entreprise se joint à la demande.
- 768. Le 26 juin, le ministère du Travail, par l’arrêt directorial no 011-2006-DPSC-ICA, décide la reprise du travail et une augmentation générale de 3,30 S/. sur les salaires de base journaliers à partir du 1er avril 2006 ainsi qu’une prime extraordinaire de 1 000 S/. pour tous les ouvriers. Le ministère a rejeté les autres points repris dans le projet de convention collective. Ladite décision est pleinement confirmée le 3 juillet par l’arrêt directorial du ministère no 040-2006-GORE-ICA-DRTPE.
- 769. En ce qui concerne le cahier de revendications 2007-08, les organisations plaignantes allèguent que, le 27 février 2007, le syndicat a soumis à l’entreprise son cahier de revendications 2007-08. Le 8 mars, la négociation collective a été engagée à l’étape de négociation directe. Après quatre réunions, au cours desquelles l’entreprise a fait preuve d’une attitude peu encline au dialogue fructueux et à la négociation de bonne foi, le syndicat s’est vu contraint de communiquer au ministère du Travail, le 28 mars, l’abandon de l’étape de négociation directe.
- 770. Le 19 avril, sur intervention du ministère du Travail, les réunions de conciliation sont mises en place; cette étape prend fin sans que l’entreprise n’accepte aucune des propositions que le syndicat a constamment reformulées afin de parvenir à un accord. La quatrième et dernière réunion de conciliation a eu lieu le 27 juin, à la suite de quoi trois autres réunions extrajudiciaires se sont tenues, réunions au cours desquelles le syndicat a, une fois de plus, montré qu’il était disposé à faire jouer tous les mécanismes nécessaires avant de recourir au droit de grève, sans obtenir de réponse; ceci montre bien quelle est la disposition de l’entreprise à négocier.
- 771. Le 29 août 2007, en assemblée générale extraordinaire, le syndicat a voté la grève générale illimitée (424 votes sur 447 présents) et a communiqué que le délai légal fixé pour la grève serait du 10 au 17 septembre 2007. Cependant, l’entreprise a porté atteinte au droit de grève. En effet, l’entreprise a remplacé les travailleurs en grève par d’autres travailleurs engagés spécialement pour cette occasion et a même engagé du personnel dans d’autres catégories (employés, travailleurs qui occupent des postes de confiance). L’entreprise a également procédé à l’enlèvement de biens et de matières premières sans l’autorisation du ministère du Travail. Cela s’est produit lorsque l’entreprise a embarqué du minerai en pleine grève.
- 772. Après la grève, et comme les années précédentes, le ministère du Travail a réglé le conflit par les décisions de septembre et octobre dans lesquelles il n’aborde que la question d’une augmentation générale et d’une prime de fin d’année.
- 773. Selon les organisations plaignantes, l’entreprise a violé le principe de bonne foi dans la négociation car il y a de sa part une pratique systématique (2002-2008) qui consiste à faire traîner les négociations en longueur de façon indue, ainsi qu’une attitude excessivement intransigeante car elle refuse de traiter quelque point que ce soit du cahier de revendications des travailleurs, excepté le point concernant l’augmentation de salaire, pour laquelle elle propose des sommes très éloignées de la croissance économique qui est actuellement la sienne.
- 774. D’autre part, ne pouvant parvenir à une solution entre les parties à cause de l’intransigeance de l’entreprise, les travailleurs sont obligés de mettre fin aux étapes de négociation directe et de conciliation. Cependant, lorsqu’ils exercent leur droit de grève, celui-ci est boycotté par l’entreprise; par conséquent, les mesures prises devenant inefficaces, ils se voient contraints de demander l’intervention de l’autorité administrative du travail pour qu’elle règle le conflit, ce schéma étant récurrent depuis 2002. Les ingérences de l’entreprise dans l’exercice du droit de grève rendent ce moyen d’action inefficace et ne laissent au syndicat d’autre alternative que de demander l’intervention du ministère du Travail (arbitrage sur les points sur lesquels l’entreprise consent), ce qui crée un cercle vicieux où le syndicat voit ses droits lésés. Ainsi, le droit de négociation collective est vidé de son contenu car l’Etat impose une solution au cahier de revendications qui exclut la quasi-totalité des points de négociation présentés par le syndicat, à l’exception de l’augmentation générale des salaires qui est décidée par le ministère du Travail; ceci empêche le syndicat d’obtenir, par la négociation collective, des améliorations sur d’autres questions économiques, sur les conditions de travail, de santé et de sécurité, etc. Selon les organisations plaignantes, le ministère du Travail devrait se prononcer de manière plus globale sur les points contenus dans le cahier de revendications.
- 775. Quant au cahier de revendications 2008-09, il a commencé à être discuté au niveau de la négociation directe le 7 mars 2008; la conciliation a débuté avec la présence de la Direction régionale du travail d’Ica, le 9 mai 2008, et s’est achevée le 28 mai 2008; plusieurs réunions extrajudiciaires se sont ensuite tenues à Lima devant la Direction nationale des relations collectives de travail du ministère du Travail. Durant tout le processus de discussion du cahier, l’entreprise a catégoriquement refusé de traiter tous les points exposés dans le nouveau cahier de revendications, sauf deux: l’augmentation de salaire et la prime de fin d’année, montrant ainsi son intention de ne pas régler le problème mais d’imposer ses conditions comme elle l’a toujours fait auparavant. Cette attitude manifestée par l’entreprise n’a pas non plus fait l’objet d’observation de la part du ministère du Travail qui n’a fait aucune remarque à l’entreprise pour la pousser à parvenir à une solution sur le cahier de revendications; bien au contraire, le ministère du Travail, par l’intermédiaire de la Direction régionale du travail d’Ica, a réglé le cahier de revendications de manière unilatérale et émis l’arrêt directorial régional no 053-2008-GORE-ICA-DRTPE du 10 août 2008 établissant que l’entreprise octroiera une augmentation générale de 3,70 S/. pour la catégorie la plus basse, ceci servant de base pour les autres, ainsi qu’une prime extraordinaire de 1 200 S/. (prime de fin d’année), ce qui est la pratique systématique imposée par l’entreprise depuis 2002 et avalisée par le ministère du Travail.
- 776. Dans une communication du 21 septembre 2009, le syndicat plaignant allègue que l’entreprise Hierro Perú S.A.A. refuse de se conformer aux décisions du ministère du Travail portant sur les cahiers de revendications de 2009-10 et, comme dans des situations antérieures, fait usage de recours et de manœuvres dilatoires qui ont pour conséquence la déclaration de nouvelles grèves par le syndicat.
- 777. D’autre part, la confédération et la fédération plaignantes allèguent, dans leur communication en date du 2 juin 2008, le licenciement arbitraire de 25 ouvriers municipaux de la municipalité de Surquillo le 31 décembre 2007 pour s’être constitués en Syndicat des travailleurs ouvriers municipaux de la municipalité de Surquillo et avoir réclamé le paiement de leurs rémunérations du mois de décembre 2007. Selon les organisations plaignantes, la municipalité n’a pas respecté l’article 48 du décret suprême no 003-97-TR sur «la fin des contrats de travail pour motifs objectifs». Concrètement, la municipalité a ignoré les procédures établies, procédures qui n’ont jamais été appliquées: i) la municipalité de Surquillo aurait dû communiquer au syndicat l’information pertinente en indiquant avec précision les motifs de la rupture des contrats et la liste des travailleurs affectés, et en rendre compte à l’autorité du travail en vue de l’ouverture du dossier correspondant; ii) la municipalité aurait dû entamer des négociations avec le syndicat afin de décider des conditions de rupture du contrat de travail ou des mesures qui pourraient être prises pour éviter ou limiter le licenciement; iii) en même temps, l’employeur aurait dû présenter devant l’autorité du travail une déclaration jurée indiquant qu’il faisait l’objet d’un motif objectif de cessation de la relation de travail et produire une expertise qui en justifierait le bien-fondé, expertise qui aurait dû être réalisée par un cabinet d’expertise comptable, autorisé par le service du Contrôleur général de la République.
- B. Réponse du gouvernement
- 778. Dans ses communications en date des 13 août, 11 septembre, 22 octobre 2008 et 2 mars 2009, le gouvernement déclare que, aux termes de la Constitution, l’Etat reconnaît le droit de négociation collective et s’oblige à la promouvoir. Par conséquent, se basant sur le principe de la liberté de négociation, la législation accepte que les parties aient pleine liberté pour décider des points de négociation et, partant, du contenu de la convention collective. La législation péruvienne consacre le droit des citoyens à réglementer librement leurs relations de travail, définissant les questions et les points à traiter pendant la procédure de négociation; ainsi, le pouvoir de réglementation des sujets collectifs réside dans la reconnaissance constitutionnelle de la négociation collective, en tant que mécanisme ou procédure par laquelle les parties de la relation de travail pourront créer les normes juridiques qui réglementeront leurs relations de travail. A ce sujet, le Comité de la liberté syndicale établit que:
- Le droit de négocier librement avec les employeurs au sujet des conditions de travail constitue un élément essentiel de la liberté syndicale, et les syndicats devraient avoir le droit, par le moyen de négociations collectives ou par tout autre moyen légal, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu’ils représentent, et les autorités publiques devraient s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal. Toute intervention de ce genre semblerait une violation du principe selon lequel les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d’action. (Recueil de décisions et de principes, paragr. 881.)
- Employeurs et syndicats doivent négocier de bonne foi en s’efforçant d’arriver à un accord et des relations professionnelles satisfaisantes dépendent essentiellement de l’attitude qu’adoptent les parties l’une à l’égard de l’autre et de leur confiance réciproque. (Recueil, op. cit., paragr. 936.)
- 779. La négociation collective a été réglementée par la Constitution de 1979 et par celle de 1993; la différence entre les deux textes pourrait tenir à trois éléments: le rôle de l’Etat face au droit, les moyens de règlement des conflits du travail et le caractère du produit de la négociation.
- 780. En ce qui concerne le règlement des conflits du travail (sachant que cet univers comprend différents moyens, dont la négociation collective), la fonction de l’Etat a été elle aussi revue. Alors que, dans le texte de 1979, il revenait à l’Etat de réglementer par la loi les procédures de négociation et de trancher de manière ferme et définitive les désaccords entre les parties, dans celui de 1993, il ne peut que promouvoir des formes de solution pacifique mais respectueuse des moyens de solution décidés par les parties elles-mêmes.
- 781. La procédure de négociation collective comprend plusieurs étapes; parmi celles-ci, la négociation directe au terme de laquelle les parties pourront employer différents moyens de règlement tels que la conciliation, la médiation ou l’arbitrage (volontaire); c’est ainsi que le conflit sera réglé et une solution sera trouvée, par le biais d’une convention collective ou d’une sentence arbitrale, ou alors exceptionnellement un moyen différent sera mis en œuvre, moyen qui serait une décision administrative: face à une grève qui se prolongerait de manière excessive, il est permis au ministère du Travail et de la Promotion sociale de régler le conflit de manière ferme et définitive; ladite décision sera fondamentalement basée sur l’avis émis pour l’évaluation des demandes des travailleurs, évaluation faite sur un plan technique, à la lumière de l’examen de la situation économico-financière de l’entreprise et de sa capacité à y répondre.
- 782. L’avis, émis par un bureau spécialisé du ministère du Travail au cours de la procédure de négociation, à la demande d’une des parties ou d’office lorsque l’évaluation des demandes des travailleurs est effectuée, passe nécessairement par l’examen de la situation économico-financière des entreprises et de leur capacité à répondre auxdites demandes, en tenant compte des niveaux existants dans des entreprises similaires, dans le même secteur d’activité économique ou dans la même région; les faits et les circonstances implicites de la négociation doivent, en général, également être étudiés.
- 783. L’avis, émis par ledit bureau technique, est porté à la connaissance des parties afin qu’elles puissent formuler leur observation; ledit avis a un caractère purement informatif; les parties prenantes dans la négociation collective doivent donc le prendre comme cadre de référence pour établir des améliorations de salaire ainsi que d’autres droits ou avantages.
- 784. En cas de déclaration de grève suite à la négociation collective et si celle-ci devait se prolonger de manière excessive dans le temps, portant gravement atteinte à une entreprise ou un secteur de production, ou si elle donnait lieu à des actes de violence ou, de quelque manière que ce soit, revêtait des aspects préoccupants de par son ampleur ou ses conséquences, l’autorité administrative encouragera un accord direct ou d’autres formes de solution pacifique au conflit; si ceci échouait, le conflit serait alors réglé par le ministère du Travail de manière ferme et définitive.
- 785. Comme il a déjà été exposé précédemment, le gouvernement, par le biais du ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi, est uniquement habilité à intervenir dans la procédure de formulation de l’avis économique pour l’évaluation des demandes des travailleurs et l’examen de la situation économico-financière des entreprises ainsi que de la capacité de l’entreprise engagée dans la procédure de négociation collective à y répondre et lorsqu’une grève est d’une telle gravité qu’elle cause préjudice à des tiers. Il n’est pas de sa compétence, par conséquent, d’interférer dans le domaine de l’autonomie des parties auxquelles il appartient et, à elles seules, de trouver une solution consensuelle aux différents points contenus dans le projet de négociation collective.
- 786. Il convient de conclure que l’Etat ne peut porter atteinte à l’autonomie collective étant donné que celle-ci est reconnue et encouragée par la Constitution de 1993. L’objet de la négociation collective est constitué par l’ensemble des questions susceptibles d’être abordées par les sujets engagés dans la négociation sans aucune interférence de l’Etat.
- 787. Les manœuvres dilatoires et les attitudes intransigeantes contraires au dialogue démocratique qui, selon les déclarations des organisations plaignantes, avaient restreint toute possibilité de signer, depuis des années, des conventions collectives portant sur d’autres conditions de travail, de santé et de sécurité, conditions exposées dans les différents cahiers de revendications présentés, ne constituent pas des faits imputables au gouvernement péruvien; étant entendu que leur participation auxdites procédures doit strictement être limitée de manière exceptionnelle et en se basant sur l’avis pour l’évaluation des demandes des travailleurs, cette évaluation étant faite sur un plan technique, à la lumière de l’examen de la situation économico-financière de l’entreprise et de sa capacité à y répondre. Il n’est par conséquent pas de sa compétence de se prononcer sur la totalité du cahier de revendications.
- 788. Pour ce qui est des allégations concernant le licenciement arbitraire de 25 ouvriers de la municipalité de Surquillo, le gouvernement indique qu’il a pu vérifier, suite aux différentes inspections, que 23 ouvriers sur les 25 ont été licenciés arbitrairement. En outre, plusieurs de ces ouvriers ont déposé un recours en justice et les procédures sont en cours devant cette instance. C’est pourquoi, poursuit le gouvernement, selon les dispositions du texte unique ordonné (TUO) de la loi organique du pouvoir judiciaire, puisqu’il existe des procédures en cours par l’autorité judiciaire, l’autorité administrative du travail doit s’abstenir d’émettre un jugement à ce sujet: toute attitude contraire impliquerait pour les fonctionnaires qui contreviendraient à cette norme une responsabilité pénale. Ladite disposition est en accord avec l’alinéa 2 de l’article 139 de la Constitution politique du Pérou.
- 789. Dans des communications en date des 5 mai, 29 octobre, 3, 12 et 24 novembre, et 14 décembre 2009, le gouvernement signale que l’autorité judiciaire s’est prononcée en faveur de la réintégration de l’employé Atilia Cecilia Alcaraz avec le paiement de rémunérations et d’indemnités sociales; les autres procès judiciaires demeurent en attente de jugement. Un coordinateur de la Cour suprême de justice a été nommé au sein du ministère du Travail en ce qui concerne l’application des conventions de l’OIT pour traiter des informations les plus à jour des instances judiciaires. Dans sa communication en date du 25 mai 2010, le gouvernement réitère les informations fournies précédemment.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 790. Le comité observe que, dans la présente plainte, les organisations plaignantes allèguent: 1) le manque de bonne foi de l’entreprise Shougang Hierro Perú S.A.A. dans les négociations collectives successives depuis 2002; en effet, dans toutes ces négociations, elle a fait traîner la négociation en longueur et a refusé de négocier des conditions de travail autres que des augmentations de salaires dérisoires et une prime de fin d’année; 2) la violation du droit de grève par l’entreprise pendant la procédure de négociation du cahier de revendications 2007-08; et 3) l’immobilisme du gouvernement qui s’est limité à régler parmi les points repris dans les différents cahiers de revendications uniquement ceux ayant trait aux augmentations de salaires et à la prime de fin d’année. De plus, le syndicat plaignant allègue des manœuvres dilatoires, des recours par l’entreprise aux cahiers de revendications de 2009-10 ainsi que le non-respect des décisions du ministère du Travail. D’autre part, les organisations plaignantes allèguent le licenciement de 25 travailleurs de la municipalité de Surquillo pour avoir constitué un syndicat et demandé le paiement de leurs rémunérations du mois de décembre 2007.
- 791. En ce qui concerne les allégations relatives au manque de bonne foi dans les négociations collectives successives depuis 2002 entre l’entreprise Shougang et le syndicat, ainsi qu’à l’attitude du ministère du Travail face à cette situation, le comité prend note de ce que, selon les allégations: 1) depuis 2002, le syndicat soumet son cahier de revendications à l’entreprise afin de parvenir à des accords constructifs, pour éviter des confrontations coûteuses pour les deux parties; cependant, l’entreprise refuserait systématiquement toute possibilité de dialogue, limitant sa proposition à deux points: une augmentation de salaire et une prime de fin d’année. Ce sont les deux seuls points sur lesquels le ministère du Travail se serait prononcé, écartant les autres aspects contenus dans le cahier; 2) des manœuvres dilatoires et un manque manifeste de volonté de négocier de la part de l’entreprise qui, de manière récurrente, frustre toute possibilité de dialogue en refusant d’effectuer des changements substantiels dans ses propositions, limitant ainsi le contenu matériel de la négociation collective, attitude qui aurait été renforcée ces dernières années par la décision du ministère du Travail lorsqu’il a réglé les conflits; en effet, loin de trancher en se prononçant sur les propositions reprises dans le projet de négociation collective, il n’a émis de décision que sur les points sur lesquels l’entreprise consentait à négocier; 3) ne parvenant pas à une solution entre les parties du fait de l’intransigeance de l’entreprise, les travailleurs se sont vus obligés de mettre un terme aux étapes de négociation directe et de conciliation; de plus, lorsqu’ils ont exercé leur droit de grève, celui-ci aurait été boycotté par l’entreprise qui les a accusés d’actes de violence, a embauché de nouveaux travailleurs pendant la durée de la grève et a poursuivi frauduleusement le travail; ces mesures étant devenues inefficaces, les travailleurs se seraient vus contraints de demander l’intervention du ministère du Travail; ceci constitue le cercle vicieux dans lequel le syndicat a vu ses droits bafoués; 4) l’intervention de l’Etat ne devrait pas se limiter à régler uniquement les deux points non refusés par l’entreprise dans toutes les négociations mais impliquer une décision plus globale sur le cahier de revendications présenté.
- 792. Le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles: 1) la législation laisse aux parties le droit de réglementer librement leurs relations de travail en définissant les questions et les points à traiter dans la négociation collective, conformément aux principes de la liberté syndicale, encourageant des formes de solution pacifique aux conflits mais respectant les moyens de solution décidés par les parties; 2) dans la procédure de négociation collective, l’Etat ne peut porter atteinte à l’autonomie des parties; les parties peuvent cependant employer différents moyens de règlement prévus par la législation tels que la conciliation, la médiation ou l’arbitrage (volontaire); 3) l’ensemble des sujets susceptibles d’être abordés dans la négociation revient de manière consensuelle aux parties, sans aucune interférence de l’Etat; les manœuvres dilatoires ou les attitudes intransigeantes de l’entreprise qui sont contraires au dialogue, pour ce qui est de la négociation de certaines questions, ne constituent pas des faits imputables au gouvernement et il n’est pas de sa compétence de se prononcer sur l’entièreté du cahier de revendications du syndicat; 4) ce qui est de la compétence du gouvernement, c’est uniquement, par le biais du ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi, d’intervenir dans la procédure de formulation de l’avis économique (à caractère informatif) pour l’évaluation des demandes des travailleurs et l’examen de la situation économico-financière des entreprises et de la capacité à y répondre de l’entreprise engagée dans la procédure de négociation collective (le gouvernement communique dans une annexe l’avis émis par rapport à la négociation collective dans le présent cas); au cas où la négociation collective serait suivie d’une déclaration de grève et si celle-ci devait se prolonger de manière excessive dans le temps, portant gravement préjudice à une entreprise ou un secteur de production, ou si elle donnait lieu à des actes de violence ou, de quelque manière que ce soit, revêtait des aspects préoccupants de par son ampleur ou ses conséquences, l’autorité administrative encouragera un accord direct ou d’autres formes de solution pacifique au conflit; au cas où ceci ne serait pas réglé, le conflit serait réglé de manière ferme et définitive par le ministère du Travail qui se baserait, dans ce cas, sur l’avis économique en question.
- 793. Le comité comprend les arguments du gouvernement et souligne l’importance du fait que l’autonomie des parties soit respectée dans la procédure de négociation collective de sorte que celle-ci revête un caractère libre et volontaire, comme consacré dans l’article 4 de la convention no 98; il partage également l’avis qu’il revient aux parties de déterminer les questions à négocier.
- 794. Dans le présent cas, le comité observe que la législation permet conjointement aux parties l’utilisation de la conciliation, de la médiation et de l’arbitrage (volontaire) en cas de blocage de la négociation, ainsi que l’exercice du droit de grève (qui a d’ailleurs été exercé plusieurs fois par le syndicat de l’entreprise même si, selon les allégations, il y a eu des restrictions qui seront examinées ultérieurement). Le comité observe cependant que, malgré l’exercice du droit de grève par le syndicat, l’entreprise a obtenu que, dans les négociations annuelles successives depuis 2002, la négociation ne traite que l’augmentation de salaire et la prime de fin d’année et, de fait, même ces deux questions sont décidées par l’autorité administrative après une demande d’arbitrage des parties, selon ce qui ressort de la documentation envoyée par les organisations plaignantes et d’après une évaluation des demandes des travailleurs réalisée par un bureau spécialisé du ministère du Travail et d’une analyse de la situation économico-financière de l’entreprise. Le comité observe que les organisations plaignantes ne remettent pas en cause cette évaluation économique.
- 795. Le comité observe que les organisations plaignantes reprochent au gouvernement de ne pas avoir pris de décisions concernant la totalité des sujets traités dans les cahiers de revendications du syndicat. Le comité doit rappeler cependant que, en vertu du principe de négociation libre et volontaire et du principe d’autonomie des parties, l’imposition d’un arbitrage avec effets obligatoires alors qu’il n’est pas demandé par les deux parties est, de manière générale, contraire à l’article 4 de la convention no 98 et incompatible avec celui-ci. Le comité a signalé à maintes reprises que l’imposition de l’arbitrage ne serait admissible, dans la fonction publique, que dans les services essentiels au sens strict du terme (c’est-à-dire ceux dont l’interruption pourrait mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de la population) ou en cas de crise nationale aiguë. Or l’entreprise ne fournit pas un service essentiel au sens strict du terme et, par conséquent, la demande du syndicat que l’autorité administrative exerce des fonctions d’arbitrage sans l’accord des deux parties doit être refusée. Le comité ne peut donc conclure qu’il se soit produit une violation formelle de la convention no 98, tenant compte en particulier du fait que le syndicat a pu, en principe, exercer quand il l’a désiré son droit de grève (bien que, dans certains cas, l’entreprise ait eu recours au remplacement des grévistes par d’autres travailleurs, point qui sera examiné ultérieurement).
- 796. Le comité insiste cependant sur ce qui suit: le fait que, à part les deux prestations économiques mentionnées (augmentation de salaire et prime de fin d’année), les négociations successives depuis 2002 aient exclu systématiquement, de par la volonté de l’entreprise, les autres conditions d’emploi, montre que l’objectif de la convention no 98 qui consiste à promouvoir la régulation des conditions d’emploi par les parties elles-mêmes, sans ingérence des autorités, n’est pas pleinement respecté. Le comité demande donc au gouvernement d’examiner avec les parties comment étendre dans la pratique la négociation collective aux conditions de travail et d’emploi ainsi qu’à d’autres sujets où la collaboration et le dialogue entre les parties pourraient être bénéfiques. Le comité souhaite rappeler à cet égard le principe selon lequel il importe qu’employeurs et syndicats participent aux négociations de bonne foi et déploient tous leurs efforts pour aboutir à un accord, des négociations véritables et constructives étant nécessaires pour établir et maintenir une relation de confiance entre les parties. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 935.] Le comité invite le gouvernement et les partenaires sociaux à examiner la possibilité que les autorités puissent réaliser des tâches de conciliation ou de médiation entre les parties en cas de blocage dans les négociations, y compris lorsque la grève n’a pas été déclarée.
- 797. D’autre part, observant que le gouvernement n’a pas répondu spécifiquement à l’allégation selon laquelle l’entreprise a eu recours au remplacement de grévistes pendant la négociation du cahier de revendications 2007-08 du syndicat, le comité souligne le principe selon lequel l’embauche de travailleurs pour briser une grève dans un secteur qui ne saurait être considéré comme un secteur essentiel au sens strict du terme, où la grève pourrait être interdite, constitue une violation grave de la liberté syndicale. Le comité rappelle également que, si une grève est légale, l’utilisation d’une main-d’œuvre étrangère à l’entreprise afin de remplacer les grévistes, pour une durée indéterminée, comporte un risque d’atteinte au droit de grève qui peut affecter le libre exercice des droits syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 632 et 633.]
- 798. Le comité demande au gouvernement de garantir le respect de ces principes si le syndicat a recours à la grève dans le contexte de futures négociations avec l’entreprise.
- 799. Enfin, en ce qui concerne l’allégation relative au licenciement de 25 travailleurs de la municipalité de Surquillo pour s’être constitués en syndicat et avoir réclamé le paiement de leurs rémunérations de décembre 2007, le comité regrette de constater que, selon le gouvernement, l’inspection du travail a reconnu que 23 des 25 travailleurs en question avaient été licenciés arbitrairement. Le comité prend note du fait que plusieurs recours en justice introduits par des travailleurs sont en cours et que le seul procès conclu a été celui de Mme Atilia Cecilia Alcaraz, ordonnant sa réintégration avec paiement de rémunérations et autres indemnités.
- 800. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de ces recours et, si le caractère antisyndical des licenciements est avéré, de prendre les mesures pour la réintégration des travailleurs licenciés à leur poste de travail avec paiement de rémunérations et autres indemnités. Si la réintégration n’est pas possible pour des raisons objectives et impérieuses, qu’ils soient indemnisés de manière complète de façon à ce que cela constitue une sanction suffisamment dissuasive contre des licenciements antisyndicaux.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 801. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de promouvoir la négociation collective et d’examiner avec les parties la manière d’étendre dans la pratique la négociation collective aux conditions de travail et d’emploi à contenu non économique ainsi qu’à d’autres sujets pour lesquels la collaboration et le dialogue entre les parties pourraient être bénéfiques. Le comité invite le gouvernement et les partenaires sociaux à examiner la possibilité que les autorités puissent réaliser des tâches de conciliation et de médiation entre les parties en cas de blocage dans les négociations, y compris lorsque la grève n’a pas été déclarée.
- b) Le comité rappelle l’importance qu’il attache à l’obligation de négocier collectivement de bonne foi.
- c) Observant que le gouvernement n’a pas spécifiquement répondu à l’allégation selon laquelle l’entreprise a eu recours au remplacement des grévistes pendant la négociation du cahier de revendications 2007-08 du syndicat, le comité lui demande de garantir le respect des principes mentionnés en matière de remplacement de grévistes si le syndicat a recours à la grève dans le contexte de futures négociations avec l’entreprise.
- d) Enfin, en ce qui concerne l’allégation relative au licenciement de 25 travailleurs de la municipalité de Surquillo pour s’être constitués en syndicat et avoir réclamé le paiement de leurs rémunérations de décembre 2007, le comité regrette de constater que, selon le gouvernement, l’inspection du travail a reconnu que 23 des 25 travailleurs en question avaient été licenciés arbitrairement. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat des recours en justice introduits par plusieurs travailleurs (une travailleuse a déjà été réintégrée et indemnisée) et, si le caractère antisyndical des licenciements est avéré, de prendre les mesures pour la réintégration des travailleurs licenciés à leur poste de travail avec paiement des rémunérations et autres indemnités. Si la réintégration n’est pas possible pour des raisons objectives et impérieuses, qu’ils soient indemnisés de manière complète de façon à ce que cela constitue une sanction suffisamment dissuasive contre des licenciements antisyndicaux.