Display in: English - Spanish
- 209. La présente plainte figure dans une communication de la Centrale des travailleurs argentins (CTA) de mars 2006. Dans une communication du 18 septembre 2006, la CTA a adressé de nouvelles allégations au sujet de sa plainte.
- 210. Le gouvernement a adressé ses observations dans une communication du 15 mai 2007.
- 211. L’Argentine a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant- 212. Dans sa communication de mars 2006, la Centrale des travailleurs argentins (CTA) indique qu’elle est une confédération syndicale (entité de troisième degré) enregistrée sous le numéro 2027 par le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, en vertu de la résolution no 325 du ministère. La CTA indique aussi qu’elle regroupe des travailleurs de différents secteurs, des chômeurs, des travailleurs précaires et des retraités et que, en demandant le statut syndical – demande qui fait l’objet de la présente plainte – elle vise à être reconnue définitivement par l’Etat argentin. La CTA indique que, le 23 août 2004, elle a entamé la procédure de demande du statut syndical devant le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale.
- 213. La CTA énumère les démarches et procédures qui ont été effectuées depuis qu’elle a demandé le statut syndical au ministère du Travail, en particulier les suivantes: 1) le 20 décembre 2004, la direction du service «Structure syndicale» a conseillé de transmettre la demande de statut syndical à la Confédération générale du travail, celle-ci disposant de vingt jours pour répondre. A la même date, le Directeur national des associations syndicales a partagé l’avis susmentionné et a demandé des informations, avant de transmettre le dossier à la Confédération générale du travail, sur l’existence d’entités de deuxième et de troisième degré dont le statut syndical coïncide avec les entités de premier degré présentées dans le dossier, ainsi que sur l’enregistrement de son affiliation dans le cas où la direction nationale en aurait été informée; 2) le 31 janvier 2005, ces informations ont été communiquées; 3) le 9 février 2005, la CTA a présenté une requête de «traitement rapide» afin qu’il soit procédé à la transmission du dossier à la Confédération générale du travail; 4) le 18 mars 2005, une action en amparo pour retard administratif a été intentée devant l’autorité judiciaire du travail; 5) le 8 juin 2005, l’autorité judiciaire s’est prononcée en faveur de la demande de la CTA et a décidé ce qui suit: de déclarer le retard administratif et d’ordonner au ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale (Direction des associations syndicales) de mener à bien la procédure administrative dans un délai de vingt jours, et de transmettre à la Confédération générale du travail la demande de statut syndical formulée par la Centrale des travailleurs argentins (CTA); 6) le 18 mai 2005, le Secrétariat du travail a ordonné de transmettre la demande de statut syndical à 12 fédérations et à une confédération (la CGT), et a joint copie de la décision et du dossier no 1-2015-1094.616. Il convient de préciser que la juge chargée de l’affaire a estimé aussi que la décision en question ralentissait la procédure sans la faire aboutir et a constaté qu’il y avait un retard administratif; 7) la plupart des fédérations et la CGT ont répondu qu’elles s’opposaient à l’octroi du statut syndical à la CTA; 8) le 17 novembre 2005, la CTA a demandé de nouveau un «traitement rapide» du dossier, afin que l’organe d’application statue et se prononce en faveur de la demande de statut syndical formulée en août 2004; 9) le 22 février 2006, une décision du Directeur national des associations syndicales a été notifiée; la CTA estime qu’il s’agit d’une nouvelle mesure dilatoire manifeste qui consiste à «demander à la Confédération générale du travail de la République argentine d’indiquer les entités ayant statut syndical qui lui sont affiliées, et à accorder à cette fin à la CGT un délai de vingt jours ouvrables…».
- 214. La CTA estime nécessaire d’expliquer succinctement ce qui fait l’objet du débat et sa position, ainsi que celle de la CGT, et surtout d’apporter des éclaircissements sur les atermoiements de l’administration publique. La reconnaissance de la demande de statut syndical se fonde sur de précédentes décisions dans ce domaine du ministère du Travail du gouvernement actuel. Le statut syndical d’une entité syndicale de troisième degré est constitué en tenant compte du champ d’action individuel et territorial des syndicats de premier et de deuxième degré qui la composent. A titre d’exemple, on peut citer comme précédent l’octroi du statut syndical à la Fédération argentine des travailleurs de l’alimentation (pâtisserie, confiserie, fabriques de glaces, de pizzas et d’alfajores), à la Fédération des cadres du gouvernement de la ville autonome de Buenos Aires et à la Fédération nationale des chauffeurs de taxi. Ce système dit «radial ascendant» n’est pas soumis à la procédure établie aux articles 25 et 28 de la loi no 23551 sur les associations syndicales (LAS).
- 215. La CTA ajoute que la CGT ainsi que les fédérations qui la composent estiment que la demande de la CTA est contraire à la loi. La CGT allègue que, en vertu des articles 32, 33 et 25, lus conjointement, de la loi sur les associations syndicales, le régime de comparaison du statut syndical s’applique par conséquent aussi aux associations de deuxième et de troisième degré, à condition qu’il soit démontré qu’elles sont les organisations les plus représentatives à ces niveaux. Selon la CGT, le statut syndical doit être octroyé à la confédération la plus représentative, c’est-à-dire à celle qui compte le plus grand nombre d’affiliés cotisants dans chaque entité affiliée ayant le statut syndical. A cette fin, il faut effectuer une comparaison, conformément aux articles 25 et 28 de la loi susmentionnée. La CGT estime donc qu’une seule confédération générale peut avoir le statut syndical.
- 216. Selon la CTA, la demande de statut syndical est conforme aux termes de l’article 32 de la loi sur les associations syndicales, qui dispose ce qui suit: «Les fédérations et les confédérations les plus représentatives acquièrent le statut syndical dans les conditions prévues à l’article 25.» En vertu de l’article 25, l’octroi du statut syndical est soumis à deux conditions: a) que l’entité soit enregistrée et qu’elle déploie ses activités depuis au moins six mois; et b) que l’entité regroupe plus de 20 pour cent des travailleurs qu’elle souhaite représenter. Ces conditions étaient satisfaites au moment de la demande de statut syndical et, par conséquent, la CTA estime que l’administration retarde sa décision finale, en faveur ou non de l’octroi du statut syndical. Le ministère du Travail doit donc statuer et se prononcer en faveur ou non de la demande de statut syndical. Il ne peut pas continuer de garder le silence ou prendre des mesures dilatoires chaque fois qu’il est demandé de traiter l’affaire rapidement, ou lorsqu’un recours en amparo pour retard administratif est imminent.
- 217. La CTA souligne que, en raison de l’attitude dilatoire du ministère du Travail, elle ne peut pas recourir à la justice pour que celle-ci se prononce en définitive sur la façon d’interpréter la législation argentine en ce qui concerne sa demande de statut syndical. La CTA précise à ce sujet que l’article 62 de la loi sur les associations syndicales prévoit que le refus d’octroyer le statut syndical peut faire l’objet d’un recours direct devant la Chambre d’appel nationale sur les questions du travail.
- 218. Dans sa communication du 18 septembre 2006, la CTA indique que, depuis la présentation du cas au comité, le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale continue d’avoir une attitude dilatoire qui, comme il a déjà été indiqué, consiste à ne pas se prononcer ou à retarder sa décision sur la demande de statut syndical. Soit le ministère ne respecte pas les délais que la loi établit pour se prononcer sur les démarches destinées à faire aboutir la procédure, soit il prend des initiatives qui visent exclusivement à entraîner des retards. La CTA fait mention de procédures de transmission du dossier à la Confédération générale du travail, de demandes de prorogations du dossier, de la présentation de plaintes devant l’autorité administrative, et de demandes de traitement rapide qui n’ont pas abouti.
- 219. Selon la CTA, il ressort de l’examen des procédures en cours que l’administration publique ne s’occupe du dossier que lorsque la CTA formule des demandes de traitement rapide, ou lorsqu’elle intente un recours en amparo pour retard administratif. Dans chacune de ces situations, l’administration se met sur la défensive et se justifie en prétendant que, même lorsque des décisions ayant un effet dilatoire sont prises, comme celle de transmettre le dossier à la CGT, cela contribue en fait à faire avancer la procédure et à parvenir à une décision qui, nécessairement, restera liée à l’objet de la demande. L’Etat argentin a besoin d’au moins trois ans pour mener à terme ce type de procédures, lesquelles ne devraient viser qu’à s’assurer que les demandes des organisations représentatives de travailleurs qui sollicitent le statut syndical sont conformes à la loi.
- 220. D’autre part, la CTA indique que, les 30 et 31 mars 2006, le septième Congrès national de ses délégués s’est tenu à Mar del Plata (province de Buenos Aires). Pendant le congrès, plus de 8 000 travailleurs, exerçant pleinement la liberté syndicale, ont approuvé à une grande majorité plusieurs réformes du statut social de la CTA. Entre autres objectifs, ces réformes visaient à approfondir et à renforcer la démocratie syndicale. A cette occasion, le statut social a été réformé et ses articles 2 et 4 ont été reformulés comme suit: «Article 2: La CTA a pour champ d’action l’ensemble du territoire de la République argentine. Peuvent adhérer à la CTA les syndicats de premier degré, les unions, associations ou fédérations de travailleurs, les coopératives populaires et les associations civiles qui acceptent les principes, buts et fondements de l’entité de troisième degré. Peuvent s’affilier à la CTA tous les travailleurs et les travailleuses qui, individuellement, déploient des activités productives et créatrices destinées à satisfaire leurs besoins matériels et spirituels. En principe, peuvent s’affilier: a) les travailleurs ayant un emploi; b) les travailleurs sans emploi; c) les travailleurs bénéficiaires de l’une quelconque des prestations du régime de sécurité sociale; d) les travailleurs autonomes et indépendants, à condition qu’ils n’emploient pas d’autres travailleurs en relation de dépendance; e) les travailleurs associés ou en autogestion; et f) les travailleurs domestiques. Article 4: L’affiliation à la CTA est un acte volontaire et libre des travailleurs âgés de plus de 14 ans qui répondent aux critères susmentionnés, la seule condition étant qu’ils acceptent et poursuivent les objectifs énoncés dans la Déclaration de principes et dans le chapitre sur les objectifs et finalités de la CTA, et qu’ils respectent les statuts. Les travailleurs peuvent s’affilier directement en s’adressant à l’organisation locale, provinciale, régionale ou nationale de la CTA, ou au syndicat, à l’union, à l’association ou à la fédération de quelque type que ce soit affiliés à la CTA. L’affiliation d’une entité syndicale nationale ou provinciale est soumise à l’approbation de la Commission exécutive nationale.»
- 221. La CTA indique qu’elle a satisfait aux conditions de procédure qu’exige la législation argentine pour que soient approuvées les modifications de son statut social. Par la suite, le 27 juillet 2006, la résolution no 717/2006 du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale a été publiée dans le Bulletin officiel de la République argentine (p. 29). Cette résolution porte sur la réforme du statut social de la CTA. La réforme a été approuvée partiellement, des réserves ayant été formulées à propos de ce que l’autorité d’application appelle «typologie syndicale adoptée» et «champ d’affiliation». Cette résolution reprend donc des décisions qui portent atteinte et nuisent à la législation internationale, dont l’application est obligatoire, et non facultative, pour l’Etat argentin.
- 222. Selon la CTA, cette résolution est tout à fait contraire à l’exercice de la liberté syndicale et du droit d’association, et enfreint les articles 2, 3 et 6 de la convention no 87. L’Etat argentin, dans les considérants de la résolution en question, indique ce qui suit: «A propos des normes statutaires soumises pour approbation et, en particulier, des dispositions concernant la typologie syndicale adoptée et celles qui font référence au champ d’affiliation, la loi no 23551 (loi sur les associations syndicales) et le décret réglementaire no 438/88 de cette loi prévalent et sont opposables à toute disposition contraire à la loi». Rappelant ces fondements, l’autorité d’application a décidé à l’article 1 de la résolution ce qui suit: «Est approuvé, dans la mesure de sa conformité à la loi, le texte du statut social de la Centrale des travailleurs argentins (CTA), appelée désormais Centrale des travailleurs de l’Argentine (CTA) (folio 44/99 du dossier no 1.166.285/06), conformément aux dispositions de la loi no 23551 et du décret réglementaire no 467/88, normes qui prévalent de plein droit sur le statut et qui sont opposables à toute disposition contraire à la loi, en particulier en ce qui concerne la typologie syndicale adoptée et le champ d’affiliation, comme le dispose la norme juridique susmentionnée.»
- 223. La CTA ajoute que, se référant aux nouveaux articles 2 et 4 du statut, la résolution no 717/2006 conteste la typologie syndicale et le champ d’affiliation. L’autorité administrative poursuit sa pratique d’exclusion puisqu’elle estime que le contenu de ces nouveaux articles, qui a été approuvé au septième Congrès de Mar del Plata, excède le cadre juridique. Ainsi, la résolution no 717/2006 devient discriminatoire étant donné qu’elle n’a d’autre résultat que celui de porter atteinte à la reconnaissance, à la jouissance et à l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits socio-économiques fondamentaux des affiliés de la CTA. C’est précisément parce que l’autorité indique que la loi sur les associations syndicales et son décret réglementaire prévalent sur la disposition relative à la «typologie syndicale adoptée» (autrement dit, la syndicalisation des travailleurs qui ne réunissent pas les conditions requises par cette loi et son décret réglementaire ne sera pas acceptée) que les droits socio-économiques des affiliés de la CTA sont enfreints. De la sorte, on prive de droit d’association les travailleurs autonomes ou assimilés, les travailleurs indépendants, les personnes dont la relation de travail n’est pas déclarée et les chômeurs.
- 224. La CTA estime que cela démontre que la restriction inacceptable, faite par la résolution no 717/2006, de la liberté syndicale et de l’autonomie collective s’ajoute à tout un ensemble d’actes de l’administration qui vont bien au-delà du simple contrôle de la légalité et de l’enregistrement d’une organisation, et traduit l’animosité et le harcèlement à l’encontre de la CTA. Les articles contestés par le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale de la République argentine sont essentiels pour le développement organisationnel et pour l’activité syndicale de la CTA en tant que centrale de travailleurs. Tant l’affiliation directe (art. 4) que l’affiliation de travailleurs, quelle que soit leur situation (art. 2), sont des caractéristiques fondamentales de la CTA. En définitive, ce sont les associations, leurs affiliés et les travailleurs qui, exerçant pleinement et librement leurs droits fondamentaux, doivent avoir la faculté de choisir les formes d’organisation syndicale.
- 225. Enfin, la CTA indique qu’elle a intenté les recours administratifs correspondants devant l’autorité d’application. Dans ces recours, la CTA déclare qu’elle n’a accepté aucun type de restriction de sa volonté de s’organiser de façon autonome: «Par conséquent, la CTA insiste sur la formulation de l’article 2 et de l’article 4 de son statut social, telle qu’elle a été approuvée par les délégués au congrès. La CTA n’admet ni n’accepte que le pouvoir exécutif national, par le biais du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, intervienne dans des questions qui relèvent exclusivement de la compétence de l’organisation syndicale.»
- B. Réponse du gouvernement
- 226. Dans sa communication du mois d’avril 2006, le gouvernement signale d’emblée les contradictions existantes dans les allégations de la CTA. D’une part, la CTA indique qu’elle a essayé d’obtenir le statut syndical, conformément à l’article 28 de la loi no 23551 affiliant, en même temps, des sujets qui ne sont pas prévus par les dispositions relatives au statut syndical. D’autre part, la CTA adhère aux dispositions de la loi susmentionnée et allègue que la violation réside principalement dans le retard pris par le gouvernement par le biais d’actes administratifs successifs. Le gouvernement résume en disant que les questions soulevées dans les allégations se réfèrent à la nécessité ou non de recourir au contrôle de la représentativité établi dans l’article 28 de la loi no 23551 ou, si cela est possible, à l’application exclusive des articles 25 et 32 de la loi no 23551, conformément à l’article 28 in fine de cette même loi.
- 227. Le gouvernement réfute, en premier lieu, qu’il y ait du retard en ce qui concerne l’adoption des décisions administratives. En effet, il rappelle que la CTA a présenté sa demande d’octroi du statut syndical le 23 août 2004. Le 3 septembre, la Direction nationale des associations syndicales a émis un avis demandant à la CTA d’envoyer les procès-verbaux des assemblées au cours desquelles tous les organismes de base ont décidé de leur affiliation à l’organisme de troisième degré, ainsi que les procès-verbaux des assemblées dans lesquelles lesdites affiliations sont acceptées. Le 20 décembre 2004, la Direction nationale des associations syndicales a émis un nouvel avis qui énumère les organismes de base dont les procès-verbaux ont été ajoutés au dossier et qui conseille d’envoyer ce dossier à la Confédération générale du travail (CGT) sous 20 jours. Avant cela, il a estimé opportun de vérifier s’il n’existait pas des organismes de premier ou second degré – ayant un statut syndical préexistant – qui pourraient coïncider totalement ou partiellement avec les statuts des syndicats de base qui se sont affiliés à la CTA. Cela a donné lieu à un rapport daté du 31 janvier 2005. En février, la CTA a demandé le transfert du dossier à la CGT.
- 228. Le gouvernement ajoute que les activités administratives ont continué à être successivement examinées par le Département de structure syndicale de la Direction nationale des associations syndicales, le ministre du Travail et la Direction des actions judiciaires de la Direction générale des affaires juridiques suivant un processus judiciaire instauré par la CTA.
- 229. Le gouvernement signale que, selon la CTA, les conditions énumérées dans les articles 25 et 32 de la loi no 23551 pour la reconnaissance de la plus grande représentativité sont intégralement réunis puisque les organisations qui se sont affiliées à la CTA sont les plus représentatives dans leurs domaines respectifs, et il est donc inutile de recourir aux dispositions de l’article 28 de la loi no 23551. Suite à cette indication, le gouvernement signale que le ministre du Travail s’est vu obligé de demander des rapports pour déterminer l’existence d’organismes de second et troisième degré dont le statut syndical est allégué par la CTA.
- 230. Le 18 mai 2005, le ministre du Travail a décidé de donner la parole à la CGT et aux organismes de second degré qui pourraient voir leurs intérêts affectés, et à partir de ce moment-là, les organismes concernés ont commencé à répondre. Plusieurs prorogations ont été demandées et acceptées.
- 231. Le gouvernement ajoute que, le 21 février 2006, le Département de structure syndicale de la Direction nationale des associations syndicales a conseillé de transmettre les procédures au tribunal supérieur et de demander à la CGT qu’elle indique, par le biais d’arrêts, les organismes ayant le statut syndical qui lui étaient affiliés. Ceci se fonde sur le fait qu’aucune demande d’octroi du statut syndical de la part d’un organisme de troisième degré effectuant des activités multiples n’a été faite depuis 1946, au moment où la CGT a obtenu le statut syndical conformément à une législation différente de la loi no 23551. La CGT a reçu une notification le 21 février 2006, et le 22 mars elle a demandé une prorogation de 20 jours qui lui a été accordée et qui a pris fin le 17 mai 2006. Une autre prorogation a suivi. Finalement, le 12 août 2006, la CGT a été assignée en justice afin qu’elle réponde et le dossier a été transmis à la Direction générale des affaires juridiques.
- 232. Finalement, le gouvernement signale que le dossier concernant la demande d’octroi du statut syndical déposée par la CTA est toujours actif et en instance, avec les caractéristiques particulières qui sont les siennes, compte tenu du fait que – en ce qui concerne la demande présentée par la CGT – le seul antécédent relatif à une demande d’octroi du statut syndical de la part d’un organisme de troisième degré effectuant des activités multiples date de 1946. A l’heure actuelle, les différentes organisations de premier degré affiliées à la CGT se présentent au cours de la procédure afin d’indiquer le nombre d’affiliés qui cotisent. C’est le nombre élevé de syndicats affiliés à la CGT qui retarde le processus et non l’existence d’actes dilatoires.
- 233. Le gouvernement souligne l’importance de prendre en compte non seulement les intérêts de la CTA mais aussi ceux de la CGT, ce qui implique un contrôle de la représentativité des organismes de premier, second et troisième degré. Cette situation est difficile compte tenu du grand nombre de syndicats ayant le statut syndical qui existe en Argentine.
- 234. En ce qui concerne la résolution no 717/06 du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité, qui statue sur la réforme du statut social de la CTA – approuvant partiellement le statut et émettant des réserves quant à la typologie syndicale et la portée des affiliations adoptées –, le gouvernement nie les allégations de la CTA selon lesquelles la résolution en question viole les dispositions des articles 2, 3 et 7 de la convention no 87. Dans la législation argentine – et conformément aux articles 1, 5 et 23 de la loi no 23551 –, la constitution d’associations professionnelles, quel que soit leur degré, ainsi que le choix de la structure syndicale sont absolument libres, sans intervention des autorités. Le gouvernement souligne en outre que, dans le cas d’espèce, le cas no 1777 examiné par le comité n’est pas applicable.
- 235. Le gouvernement tient à clarifier que ce que l’on examine dans le cas présent est le contrôle de la représentativité pour l’obtention du statut syndical, ainsi que la modification préalable des statuts pour incorporer des typologies syndicales et des domaines subjectifs qui ne sont pas conformes à la loi no 23551. En effet, rien n’empêche que l’organisation syndicale se regroupe afin d’obtenir la simple inscription conformément à ce qui est établi dans la résolution no 325/97. Toutefois, lorsqu’il s’agit de l’obtention du statut syndical, la situation est différente, puisque cela implique la prise en compte du critère de représentativité et la comparaison avec d’autres organisations qui ont obtenu leurs statuts conformément aux dispositions de la loi no 23551.
- 236. Le gouvernement souligne que la CTA s’est adressée au ministère du Travail pour l’obtention du statut syndical, conformément à la législation, laquelle n’admet pas l’affiliation directe, ni la nature des organisations proposées par les statuts de la CTA, lesquels ont été examinés par le ministère du Travail, conformément aux dispositions des articles 21 et 56, paragraphes 1, 2, 21, 25 et 32. Le gouvernement souligne également que la résolution ministérielle, qui reconnaît le statut syndical, doit entretenir une relation directe avec les statuts de l’organisme qui ont été approuvés, inscrits et préalablement enregistrés. Dans le présent cas, ces derniers ont été modifiés afin d’obtenir le statut syndical en altérant l’univers de représentation et la typologie établis par la loi no 23551, en vertu de laquelle le statut syndical a été demandé.
- 237. Le gouvernement estime, d’autre part, que le comité ne peut pas se prononcer sur le cas d’espèce, parce qu’il lui manque des éléments, lesquels n’ont pas été apportés au débat. L’article 25 de la loi établit que la qualification de «syndicat le plus représentatif» sera attribuée à l’association qui dispose du plus grand nombre, en moyenne, d’affiliés qui cotisent, par rapport au nombre moyen de travailleurs qu’elle prétend représenter.
- 238. Selon le gouvernement, l’organisation plaignante indique son intention d’entamer les démarches dans le cadre de la loi no 23551 avec l’espoir qu’un changement de critère dans l’administration permettra la coexistence d’organisations de premier, deuxième et troisième degré ayant un statut syndical conformément aux articles 28 in fine, 25 et 32 de la loi mentionnée. Dans toutes ses argumentations, il reconnaît que la loi admet seulement l’affiliation des travailleurs aux organisations de premier degré et déclare ce qui suit: «... en effet, les organismes de second degré sont en charge des activités qui lui sont expressément déléguées par l’organisme de premier degré, fondamentalement celle de négociation collective. Ce sont des organismes qui regroupent d’autres organismes syndicaux. La volonté des travailleurs de s’affilier s’exerce seulement dans les organismes de premier degré. L’affiliation à ceux de second et troisième degré est un acte d’association qui est exercé par une organisation de travailleurs, et pas par un ou plusieurs travailleurs, l’organisation pouvant être affiliée ou non et se désaffilier d’un organisme de degré inférieur…» En vertu de ce qui précède, l’organisation plaignante ne peut pas se sentir lésée par l’examen de ses statuts quant à l’impossibilité d’affilier directement les travailleurs à un organisme de troisième degré.
- 239. Dans le même sens, quant aux travailleurs en général, le gouvernement indique que, conformément à l’article 2 de la loi no 23551 qui établit les associations qui devront être prises en considération pour les domaines de représentation de la loi et à l’article 1 du décret no 467/88 qui définit le concept de travailleur, la disposition de l’article 25 limite l’univers de représentativité aux travailleurs en relation de dépendance, affiliés qui cotisent.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 240. Le comité observe que, dans le présent cas, l’organisation plaignante fait état de la longue période que l’autorité administrative a laissé s’écouler sans se prononcer sur la demande de statut syndical que l’organisation plaignante a soumise le 23 août 2004. L’organisation plaignante ajoute que, en violation des principes de la liberté syndicale, l’autorité administrative n’a approuvé que partiellement les réformes que la CTA a apportées à son statut social et adoptées pendant son congrès national en mars 2006.
- 241. Déplorant le retard du gouvernement dans l’envoi de sa réponse, le comité note les observations du gouvernement dans lesquelles il indique les diverses mesures adoptées dans le cadre de l’examen de la demande de statut syndical d’une organisation syndicale de troisième degré et réfute qu’on soit devant un cas de retard administratif. Le comité note que le gouvernement rapporte les diverses instances auxquelles ont été soumises les procédures, à cause de la participation de plusieurs intéressés. Le comité note également que, selon le gouvernement, il s’agit d’une demande particulière d’octroi du statut syndical de la part d’une organisation syndicale de troisième degré, qui ne s’était pas présentée depuis 1946, époque où la Confédération générale du travail a demandé le statut syndical et où la législation en vigueur était tout autre.
- 242. Le comité note cependant avec préoccupation que, pendant presque trois ans, des démarches administratives ont été effectuées et ont entraîné un retard excessif qui a pu nuire à l’exercice des activités de l’organisation plaignante. Le comité observe par ailleurs que, dans son rapport de 2007 [voir rapport III (Partie 1A), p. 44 de la version française], la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations a examiné cette question et a indiqué ce qui suit:
- Compte tenu des importants avantages que confère le statut syndical aux organisations de travailleurs (entre autres, le droit de négociation collective), la commission déplore que l’autorité administrative ait laissé s’écouler un aussi long délai – plus de deux ans selon le gouvernement – sans se prononcer sur la question. La commission enjoint le gouvernement de se prononcer sans plus attendre sur la demande de statut syndical déposée par la CTA.
- De la même façon, le comité prie instamment le gouvernement de se prononcer sans retard sur la demande de statut syndical de la CTA – qui a été soumise il y a près de trois ans – et de le tenir informé à cet égard.
- 243. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle l’autorité administrative n’a approuvé que partiellement les réformes que la CTA a apportées à son statut social et adoptées pendant son congrès national en mars 2006, le comité note que, d’après l’organisation plaignante, la résolution administrative no 717/2006 conteste les nouveaux articles 2 et 4 du statut de l’organisation qui portent sur la typologie syndicale adoptée et sur le champ d’affiliation (en particulier, l’article 2 permet l’affiliation à la CTA des travailleurs ayant ou non un emploi, et des bénéficiaires de prestations du régime de sécurité sociale, et prévoit que cette affiliation peut être effectuée auprès de n’importe quelle organisation affiliée à la CTA, ou directement auprès de la centrale).
- 244. Le comité note les observations du gouvernement selon lesquelles les conditions pour obtenir la simple inscription sont différentes de celles qui existent pour obtenir le statut syndical et que les statuts de la CTA ont été modifiés afin d’obtenir le statut syndical, y compris des sujets non considérés par la loi no 23551 puisque celle-ci n’admet pas l’affiliation directe, ni la nature des organisations proposées par les statuts de la CTA.
- 245. A cet égard, le comité rappelle qu’il s’est prononcé dans le passé au sujet d’allégations analogues de la CTA qui portaient sur le refus du gouvernement de procéder à son inscription syndicale simple, au motif que la CTA est une entité syndicale de troisième degré qui présente certaines particularités structurelles en ce qui concerne la représentation personnelle puisqu’elle permet à des personnes – y compris les retraités et les chômeurs – de s’affilier directement, contrairement aux dispositions de la loi sur les associations syndicales. [Voir 300e rapport, cas no 1777, paragr. 58 à 73.] A cette occasion, le comité avait indiqué ce qui suit:
- Le comité rappelle que, conformément à l’article 3 de la convention no 87, les organisations d’employeurs et de travailleurs doivent avoir le droit d’élaborer leurs statuts. Le comité estime donc que l’interdiction d’une affiliation directe de certaines personnes à des fédérations ou confédérations est contraire aux principes de la liberté syndicale. C’est aux organisations elles-mêmes qu’il appartient de déterminer comme elles l’entendent les règles relatives à leur affiliation.
- Dans ces conditions, le comité prie instamment le gouvernement de prendre des mesures pour approuver complètement le statut social de la CTA, et de le tenir informé à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 246. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie instamment le gouvernement de se prononcer sans délai sur la demande de statut syndical de la CTA – qui a été soumise il y a presque trois ans – et de le tenir informé à cet égard.
- b) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre des mesures pour approuver complètement le statut social de la CTA, et de le tenir informé à cet égard.