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- 984. La plainte figure dans les communications transmises en date des 15 mai et 12 juillet 2004 par le Syndicat des chômeurs de l’Iraq (UUI) et la Fédération des conseils et syndicats de travailleurs de l’Iraq (FWCUI).
- 985. Le gouvernement n’ayant pas fourni de réponse lors de sa réunion de juin 2005 [voir 337e rapport, paragr. 10], le comité a lancé un appel urgent au gouvernement et a attiré son attention sur le fait que, conformément aux règles de procédure établies au paragraphe 17 de son 127e rapport, et approuvées par le Conseil d’administration, il pourrait se prononcer sur le fond de cette affaire même s’il n’a pas reçu en temps utile d’observations ni d’informations de la part du gouvernement en question. A l’heure actuelle, le gouvernement n’a pas fait part de ses observations.
- 986. L’Iraq a ratifié la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, mais pas la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants - 987. Dans leur communication datée du 15 mai 2004, les plaignants ont indiqué que les travailleurs iraquiens avaient eux-mêmes constitué plusieurs organisations syndicales après la chute de l’ancien régime, entre autres la Fédération des conseils et syndicats de travailleurs de l’Iraq (FWCUI), dont le Syndicat des chômeurs de l’Iraq (UUI) est membre. La FWCUI est née lors de la conférence nationale de sa fondation tenue le 8 décembre 2003 à Bagdad et elle compte aujourd’hui 300 000 travailleurs iraquiens. Quant à l’UUI, il a été formé en mai 2003 avec l’élection d’un bureau et d’un secrétaire général. Il a ouvert des directions locales dans sept provinces et compte actuellement 150 000 adhérents partout dans le pays.
- 988. Les plaignants ont expliqué que, le 28 janvier 2004, le décret no 16, adopté par le président du Conseil de gouvernement provisoire, Adnan Pachachi, établissait la reconnaissance de l’une des fédérations de syndicats existant en Iraq, la Fédération iraquienne des syndicats de travailleurs (IFTU), en affirmant que l’IFTU et son président, M. Rasem Hussein Abdullah, «étaient les représentants légitimes et légaux du mouvement des travailleurs en Iraq». En plusieurs endroits, notamment la gare ferroviaire de Bagdad et la raffinerie de Basra, après l’adoption du décret no 16, les travailleurs iraquiens se sont fait dire par la direction qu’ils devraient s’inscrire au syndicat légalisé, ce qui sous-entendait que les autres syndicats seraient illégaux. Les plaignants ont ajouté que les travailleurs iraquiens qui n’adhéraient pas au seul syndicat reconnu risquaient d’être arrêtés et mis sous les verrous.
- 989. Les plaignants ont dit considérer que la situation engendrée par la publication du décret no 16 était incompatible avec les normes de l’OIT relatives à la liberté d’association, en particulier avec la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. Selon eux, en adoptant le décret no 16, qui reconnaît l’existence d’un syndicat déterminé, les pouvoirs publics ont exclu le droit pour chacun d’adhérer aux syndicats de son choix et ont reconduit le système antérieur de sélection et de reconnaissance officielles des syndicats, en contradiction flagrante avec les principes inscrits dans les conventions.
- 990. Les plaignants ont expliqué que des centaines de milliers de travailleurs en Iraq étaient au chômage (70 pour cent de la population active). Par le biais de leurs organisations et de représentants élus dans les règles, ils revendiquaient le droit de formuler des demandes dans le cadre de l’élaboration d’une législation du travail dans le pays. Ils considéraient comme étant une condition préalable à cet égard l’existence d’une véritable liberté syndicale garantissant aux travailleurs iraquiens le droit de s’organiser et de négocier collectivement.
- 991. Les plaignants se sont également référés au fait que la loi de 1987 interdisant de faire grève dans toutes les entreprises publiques n’avait pas été abrogée, outre que des syndicalistes iraquiens avaient été menacés par la direction de leur entreprise et avaient été agressés par les forces d’occupation pour cause de grève.
B. Conclusions du comité
B. Conclusions du comité- 992. Le comité regrette que, malgré tout le temps écoulé depuis le dépôt de la plainte, le gouvernement n’ait toujours pas répondu aux allégations des organisations plaignantes, bien que le comité l’ait fortement invité à lui communiquer ses observations ou des informations sur cette affaire en diverses occasions, y compris sous la forme d’un appel urgent lancé par le comité lors de sa réunion de juin 2005. Dans une telle situation, conformément aux règles de procédure établies au paragraphe 17 de son 127e rapport, et approuvées par le Conseil d’administration, le comité a indiqué qu’il se prononcerait sur le fond de cette affaire à sa prochaine session même s’il n’avait pas reçu en temps utile les observations et les informations demandées.
- 993. Le comité rappelle que toute la procédure établie par l’Organisation internationale du Travail pour l’examen des allégations d’infraction à la liberté d’association a pour objet de promouvoir le respect de ce droit dans la loi et dans les faits. Le comité ne doute pas que, si cette procédure met les gouvernements à l’abri d’accusations non fondées, les gouvernements comprendront de leur côté que, pour qu’une affaire puisse être examinée avec objectivité, il est important de répondre de manière détaillée aux allégations formulées à leur encontre.
- 994. Le comité note que, en l’espèce, les allégations concernent des restrictions touchant le droit, pour les travailleurs, de constituer et d’intégrer l’organisation de leur choix et de mener des négociations collectives, restrictions découlant du décret no 16 adopté le 28 janvier 2004, qui reconnaît la Fédération iraquienne des syndicats de travailleurs (IFTU) comme la seule organisation légitime et légale en Iraq.
- 995. Tout en ayant conscience du processus de reconstruction en cours dans le pays, et de la reconstruction des institutions nationales, ainsi que du climat de violence sous-jacent, le comité insiste sur l’importance qu’il accorde au droit, pour les travailleurs, de constituer et d’intégrer les organisations de leur choix en toute liberté. Certes, les travailleurs et les employeurs ont intérêt à éviter la multiplication d’organisations concurrentes, mais une situation de monopole imposée par la loi est contraire au principe du libre choix des organisations syndicales et patronales. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 288.] Les travailleurs doivent être libres de choisir le syndicat dont ils pensent qu’il défend le mieux leurs intérêts professionnels sans ingérence des autorités. A cet égard, le droit de constituer et d’intégrer des organisations de leur choix, prescrit dans la convention no 87, ne se veut en aucun cas l’expression du soutien à l’idée d’un syndicat unique pas plus qu’à celle de syndicats multiples. Il se veut l’affirmation du fait que, d’un côté, il existe dans beaucoup de pays plusieurs organisations auxquelles travailleurs et employeurs sont libres d’adhérer ou non et que, d’un autre côté, travailleurs et employeurs peuvent souhaiter créer de nouvelles organisations dans un pays qui ne se distingue pas par la diversité de telles structures. Cette diversité doit rester possible dans tous les cas. Par conséquent, toute politique gouvernementale consistant à «imposer» une situation de monopole serait contraire aux principes fondamentaux de la liberté d’association, et les mesures prises contre des travailleurs désireux de créer des organisations en dehors de l’organisation syndicale officielle seraient incompatibles avec lesdits principes. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 291 et 301.]
- 996. Compte tenu de ce qui précède, il convient de protéger le droit, pour les travailleurs qui ne souhaitent pas adhérer à l’IFTU, d’intégrer une autre organisation pour défendre leurs intérêts. C’est pourquoi le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier le décret no 16 de manière que les travailleurs puissent adhérer au syndicat de leur choix sans ingérence des pouvoirs publics. Il prie le gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- 997. En ce qui concerne l’allégation relative à des menaces et des agressions touchant des syndicalistes iraquiens et consécutives à la suppression du droit de faire grève dans toutes les entreprises publiques, le comité juge cette allégation trop vague pour qu’il puisse en tirer des conclusions. Le comité demande aux plaignants de fournir un complément d’information à cet égard. Il veut toutefois rappeler l’importance qu’il apporte au principe selon lequel le droit de grève constitue pour les travailleurs et leurs organisations l’un des principaux moyens de promouvoir et défendre leurs intérêts économiques et sociaux. A ce titre, les fonctionnaires des entreprises d’Etat commerciales ou industrielles doivent avoir le droit de négocier des accords collectifs, être convenablement protégés contre les actes de discrimination antisyndicale et avoir le droit de faire grève, dans la mesure où l’interruption du service ne met pas en danger la vie, la sécurité personnelle ni la santé de l’ensemble ou d’une partie de la population. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 475 et 532.] Le comité demande au gouvernement de revoir sa législation pour s’assurer que ce principe est pleinement respecté à l’égard des travailleurs des entreprises publiques.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 998. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité regrette que le gouvernement n’ait pas répondu aux allégations, bien qu’il ait été invité à le faire en diverses occasions, y compris sous la forme d’un appel urgent, et il l’invite à répondre dans les plus brefs délais.
- b) Le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier le décret no 16 de manière que les travailleurs puissent adhérer au syndicat de leur choix sans ingérence des pouvoirs publics, et prie le gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- c) En ce qui concerne l’allégation relative à des menaces et des agressions touchant des syndicalistes iraquiens et consécutives à une loi de 1987 interdisant de faire grève dans les entreprises publiques, le comité demande aux plaignants de fournir un complément d’information à cet égard. Le comité demande également au gouvernement de revoir sa législation pour s’assurer que l’interdiction d’entamer un mouvement de grève vise uniquement les travailleurs des entreprises publiques susceptibles de fournir des services essentiels au sens strict du terme.