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- 409. La présente plainte a fait l’objet de communications du Conseil australien des syndicats (ACTU) en date des 10 mars 2004 et 3 octobre 2005. L’Internationale des syndicats des travailleurs du bâtiment, du bois et des industries des matériaux de construction (UITBB) s’y est associée, dans une communication en date du 29 avril 2004.
- 410. Le gouvernement a répondu par des communications en date des 14 février, 16 mars et 28 septembre 2005.
- 411. L’Australie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants- 412. Dans sa communication du 10 mars 2004, l’ACTU déclare que le projet de loi 2003 introduisant certaines améliorations dans le secteur du bâtiment et de la construction risque d’avoir des conséquences néfastes sur le droit de grève et le droit de négociation collective. Ce texte, adopté par la Chambre des représentants le 4 décembre 2003, devait encore recueillir l’approbation du Sénat avant de devenir loi. Au moment où la plainte a été déposée, il faisait l’objet d’une enquête de la part de la commission sénatoriale compétente, dont le rapport était attendu pour mai 2004.
- 413. Dans leur communication principale et les annexes jointes, les plaignants allèguent que ce projet de loi résulte des recommandations de la Commission royale pour le secteur du bâtiment et des travaux publics, qui a remis son rapport au gouvernement le 24 février 2004. Cette commission a été constituée par le gouvernement pour donner suite à un certain nombre d’allégations sans fondement du Bureau de la défense de l’emploi (Office of the Employment Advocate) selon lesquelles les syndicats du secteur auraient une conduite inacceptable et illégale. Si la commission a dépensé 60 millions de $AU pour mener ses investigations, elle n’en a pas moins été largement considérée comme partiale et injuste dans sa procédure, ses conclusions et ses recommandations. Les enquêteurs de la commission ont activement recherché des éléments à charge contre les syndicats mais ne se sont aucunement souciés de recueillir des éléments qui auraient pu les exonérer. Les syndicats n’ont eu que très peu de possibilités d’être entendus par la commission, que ce soit pour faire valoir les arguments en défense ou pour contre-interroger les témoins. La commission a procédé de telle sorte que des allégations susceptibles de faire sensation ont bénéficié d’une vaste couverture médiatique avant que les syndicats n’aient eu la possibilité de faire valoir leur point de vue ou de contre-interroger les témoins, de sorte que le tort causé à leur réputation ne pouvait être plus grand. Dans certains cas, les éléments de preuve avancés par les syndicats ont reçu moins d’attention que les preuves avancées par des témoins hostiles aux syndicats ou bienveillants pour les employeurs. Selon les plaignants, 90 pour cent du temps des audiences a été consacré à instruire des allégations hostiles aux syndicats, alors qu’il est de notoriété publique que les employeurs du secteur pratiquent couramment l’évasion fiscale ou des manœuvres pour se soustraire aux obligations légales vis-à-vis des salariés en matière de sécurité et de santé au travail.
- 414. Les plaignants affirment également que les recommandations de la commission sont elles aussi partiales, montant en épingle des infractions relativement mineures à la législation du travail commises par les syndicats tout en passant pratiquement sous silence des actes constitutifs d’évasion fiscale ou de non-versement des prestations dues par les employeurs aux salariés. Selon les plaignants, les conclusions se révèlent défavorables à 91,2 pour cent aux syndicats et à 8,8 pour cent seulement aux employeurs. De plus, la commission a adopté une interprétation large de ce qui est «illégal», puisqu’elle a inclus dans cette catégorie des comportements ne relevant pas du pénal, tels que des atteintes mineures ou à caractère technique à la loi de 1996 sur les relations du travail (ci-après, la «WRA») ou à des sentences arbitrales, de même que des violations de contrats ou d’autres préjudices économiques. Selon les plaignants, 52,7 pour cent des incidents ainsi retenus concernent des violations de sentences arbitrales ou de conventions collectives relatives au règlement de différends, des actes d’«ingérence dans des relations contractuelles», des atteintes à certaines dispositions de la WRA concernant la rémunération des jours de grève et des atteintes aux dispositions fédérales concernant le droit d’accès aux lieux de travail. Enfin, les plaignants déclarent que le «respect de la règle de droit» en matière de relations professionnelles, notion à laquelle la commission royale s’est abondamment référée, se concevrait pour celle-ci comme le devoir absolu de tout citoyen ou de toute organisation de se conformer à la loi existante, sans se soucier ni de son esprit ni des conséquences qui peuvent découler d’une interprétation littérale (la commission estimant, d’une manière générale, qu’il convient de réagir à toute inobservation par les sanctions les plus sévères). Une telle conception procède d’une distorsion du concept originel de respect de la légalité, conçu comme une protection du citoyen contre l’arbitraire du pouvoir.
- 415. S’agissant des dispositions du projet de loi sur le droit de grève, les plaignants déclarent qu’elles tendent à restreindre encore plus que ne le fait déjà la loi australienne en vigueur (la WRA) la faculté pour les travailleurs du secteur du bâtiment et de la construction de mener une action revendicative dite «protégée», c’est-à-dire une action revendicative qui n’expose pas ses auteurs à des sanctions légales. Aux termes de la législation actuelle, seules sont protégées les actions revendicatives en vue de la conclusion d’une convention collective n’intéressant qu’une seule et même entreprise, si bien que toute action revendicative expose ses auteurs à des sanctions, prévues par une loi particulière ou par la common law, dès lors: qu’une convention collective est en vigueur; que cette action vise l’obtention d’une convention avec plusieurs employeurs; porte sur des questions non sujettes à négociation (comme les suppressions de postes); ou constitue une action de solidarité ou de protestation. Selon les plaignants, le projet introduit les restrictions supplémentaires suivantes à l’action revendicative «protégée»:
- a) l’action revendicative directe, pour être «protégée» [c’est-à-dire légale], devrait être précédée d’un vote à bulletin secret obéissant à une procédure complexe, coûteuse et longue (art. 82, 85-115, 119 et 123-124 du projet). En particulier, pour pouvoir y recourir, un syndicat devrait adresser préalablement une demande à la Commission australienne des relations du travail (AIRC), avec copie aux différentes parties, lesquelles devraient avoir une possibilité raisonnable de formuler leurs observations avant que l’AIRC ne statue sur la demande. L’AIRC ne devrait pas autoriser la tenue d’un scrutin à moins d’être convaincue que la demanderesse a sincèrement recherché auparavant un accord avec l’employeur et qu’elle reste animée de la même intention (art. 62 et 97 du projet). L’autorisation (si elle est accordée) devrait préciser, entre autres, quels sont les salariés qui doivent être sondés par scrutin, le mode de scrutin, les dates du scrutin, la personne autorisée à le tenir et les questions devant être posées aux salariés dans ce cadre. L’action revendicative ne sera autorisée que si un pourcentage prescrit de personnes admises à participer au scrutin, représentant plus de 50 pour cent des votes valables, y sont favorables et que l’action est déclenchée dans les 30 jours suivant la date de la proclamation du résultat. Normalement, le syndicat devrait supporter les frais de la tenue du scrutin. Selon les plaignants, cette procédure aurait pour effet, dans la pratique, de supprimer toute possibilité de recourir légalement à l’action revendicative;
- b) l’action revendicative «protégée» ne pourrait avoir lieu que durant un «créneau» de quatorze jours après la date annoncée comme date de commencement, après quoi l’autorisation expresse de l’AIRC devrait être demandée mais en laissant s’écouler vingt et un jours après l’expiration des quatorze jours. Ainsi, un délai obligatoire de temporisation de vingt et un jours interviendrait quatorze jours après la date à laquelle l’action revendicative devrait commencer ou aurait effectivement commencé – une période supplémentaire de temporisation interviendrait après une nouvelle période de quatorze jours de grève (art. 81 de la loi). L’AIRC pourrait en outre décider de ne pas autoriser la poursuite de la grève au terme de la période de temporisation, en invoquant des raisons telles que l’intérêt public, les répercussions de l’action revendicative pour les tiers, le fait que l’une des parties n’a pas véritablement recherché un accord ou même la conduite déraisonnable de l’une des parties au cours de la phase de négociation (art. 81(3)(c), (d), (e) et (f) du projet);
- c) l’action revendicative «protégée» ne pourrait avoir lieu pendant la durée d’effet d’une convention enregistrée, quand bien même la question en litige ne serait pas visée par cette convention et aurait été laissée de côté en vue d’un règlement ultérieur (art. 80 du projet – sous réserve de ces conditions, l’action revendicative est actuellement possible);
- d) alors qu’il est d’ores et déjà prévu tout un arsenal de sanctions contre l’action revendicative «non protégée», le projet de loi tend à introduire une interdiction généralisée, susceptible d’être mise à exécution par voie d’injonction, qui exposerait le contrevenant à la fois à de lourdes amendes et à des compensations financières à verser à l’employeur ou à toute autre personne pouvant justifier d’un préjudice en résultant. Les tribunaux compétents pourraient donc imposer une amende pouvant s’élever à 110 000 $AU dans le cas d’une personne morale, notamment d’une association professionnelle, et à 22 000 $AU dans le cas d’une personne physique (art. 72(1), 73-75, 134, 136, 215 et 227 du projet).
- 416. S’agissant des dispositions du projet de loi concernant la négociation collective, les plaignants allèguent que ce texte tend à restreindre encore davantage le champ de la négociation, alors que la WRA rend déjà pratiquement impossible la négociation avec plusieurs employeurs ou la négociation sectorielle. Ainsi:
- a) le projet de loi interdit la «négociation type» («pattern bargaining»), démarche définie comme étant «une ligne de conduite ou de négociation, ou la formulation de revendications … visant à obtenir une base de rémunération commune ou d’autres conditions communes d’emploi … et qui vise plus d’une entreprise». Cela veut dire que les syndicats auraient interdiction de soutenir des revendications communes (et d’engager une action revendicative à ce titre) dans tout ou partie d’une branche d’activité, même si des revendications spécifiques étaient adressées à chaque entreprise et si toutes les autres conditions posées par la WRA étaient satisfaites, notamment l’envoi d’un préavis d’action revendicative à l’entreprise concernée. Le projet de loi prévoit également que la Cour fédérale pourrait rendre des injonctions pour prévenir toute «velléité» de négociation type, que le syndicat se soit ou non engagé dans cette voie ou, dans l’affirmative, s’il est – ou n’est pas – susceptible de récidiver, et qu’il y ait eu – ou non – préjudice pour l’employeur ou pour un tiers (art. 56, 67 et 81 du projet de loi);
- b) le projet de loi prévoit que les conventions collectives de chantier («project agreements») ne seraient pas susceptibles d’exécution forcée. Les conventions collectives de chantier sont un moyen efficace d’assurer que tous les salariés travaillant sur un même chantier, qui sont employés par de multiples PME sous-traitantes, sont couverts par une seule et même convention, qui définit les salaires et autres conditions d’emploi. Les conventions collectives de chantier sont normalement négociées entre les syndicats et les principaux adjudicataires en début de projet (encore que, sous le régime actuel de la WRA, les conventions de cette nature ne peuvent pas être homologuées; cette disposition vise des conventions conclues hors du cadre de la WRA, susceptibles d’exécution en tant que contrats ordinaires, et concerne les syndicats qui ne sont pas enregistrés en application de la WRA – art. 68 du projet de loi);
- c) alors que, à l’heure actuelle, la WRA exclut de la négociation collective certaines questions (notamment les frais de négociation, le traitement privilégié des travailleurs syndiqués et d’autres questions liées au syndicalisme), le projet de loi étendrait ces exclusions aux dispositions encourageant l’affiliation syndicale (art. 7, 57, 69 et 70 du projet de loi), au droit d’accès des représentants syndicaux aux lieux de travail (art. 179, 180, 182, 184, 199 et 200(2) du projet de loi) et à la faculté pour les syndicalistes d’organiser des réunions de présentation à l’intention des nouveaux salariés;
- d) le projet de loi cherche à instaurer un certain nombre d’obstacles procéduraux à la négociation et à l’enregistrement des conventions collectives, en prescrivant qu’un cycle de négociation doit avoir été ouvert et qu’un sondage des salariés par voie de scrutin doit avoir eu lieu pour approuver l’annonce officielle du lancement d’un tel cycle de négociation, ce qui constitue une condition suspensive de l’enregistrement d’une convention (art. 64 du projet de loi). Cette nouvelle règle de procédure particulièrement laborieuse n’est aucunement inspirée par le souci d’assurer que les salariés approuvent pleinement les termes de leur convention puisque la WRA prévoit de toute façon que les conventions ne peuvent être enregistrées que s’il est manifeste qu’une majorité des salariés l’approuve.
- 417. Le projet de loi instaure également, selon les plaignants, le bureau du Haut Commissaire australien au secteur du bâtiment et des travaux publics (ABCC), celui-ci devant être investi de larges pouvoirs de contrôle, d’investigation et d’exécution de la législation et du code. Les employeurs seraient tenus de par la loi d’aviser l’ABCC de tout événement, y compris du déclenchement et de la cessation d’une action revendicative «non protégée» (art. 76 et 135 du projet de loi). Les nouvelles conditions restreignant le droit d’accès des représentants syndicaux au lieu de travail prescrivent que l’ABCC devra recevoir du syndicat un exemplaire de toute notification d’accès adressée à un employeur (art. 189(8) et 190(3)(c) du projet de loi). De plus, l’ABCC aura de larges pouvoirs d’interrogation, le projet de loi prétendant prévaloir sur l’immunité de common law disposant que nul n’est tenu de s’incriminer (art. 230-234 du projet de loi). Enfin, en cas d’action revendicative «non protégée», l’ABCC est habilité à évaluer le préjudice subi par l’employeur ou par toute autre personne, évaluation réfragable, ce qui entraînera dans la pratique le renversement de la charge de la preuve dans ces circonstances (art. 77 du projet de loi).
- 418. En outre, selon les plaignants, le projet de loi prévoit que le ministre des Relations du travail promulguera un code du bâtiment et des travaux publics ou recueil de directives pratiques devant régir la négociation et les autres aspects des relations professionnelles dans le secteur (art. 26 du projet). Ce code ne sera sujet ni à approbation ni à modification de la part du Parlement et aura pour effet d’étendre le champ d’application du code officiellement en vigueur, ce qui n’est pas prévu par la législation mais a été utilisé pour empêcher un financement par le Commonwealth de tout projet dans lequel la convention collective liant l’entrepreneur, bien que légale, ne satisfait pas aux prescriptions du code.
- 419. Dans sa communication initiale, l’organisation plaignante concluait que ce projet de loi, s’il est adopté, ne fera qu’aggraver les divergences de la législation australienne par rapport aux principes fondamentaux de l’OIT et constituera une menace grave pour les travailleurs du secteur et leurs syndicats, s’agissant de leur faculté d’exercer leurs droits, en particulier le droit de faire grève et celui de négocier collectivement.
- 420. Dans une communication en date du 3 octobre 2005, l’organisation plaignante indique que le projet de loi de 2003 est devenu caduc en raison de la prorogation de la législature et qu’une nouvelle version du projet devait être présentée au Parlement nouvellement élu. Le projet de loi de 2005 reprenait certaines dispositions particulières du projet de 2003, mais pas d’autres. Lors de l’examen du projet de loi de 2005 par le Parlement, le gouvernement a présenté des amendements afin d’y incorporer plusieurs dispositions du projet de loi de 2003. Le projet de loi de 2005 reprenait dans ses grandes lignes celui de 2003, sauf pour les questions faisant partie du champ de la négociation. La loi de 2005 introduisant des améliorations dans l’industrie du bâtiment et de la construction (ci-après «la loi de 2005») est entrée en vigueur le 12 septembre 2005, certains aspects – notamment ceux relatifs au droit de grève – étant rétroactifs au mois de mars 2005.
- 421. L’organisation plaignante soulève les objections suivantes en regard de la loi de 2005. Premièrement, son article 27 prévoit l’introduction d’un Code de l’industrie, dont les dispositions ne seraient pas sujettes à l’examen du Parlement et que le gouvernement pourrait modifier à son gré. Aux termes du Code de pratique pour l’industrie du bâtiment et de la construction, et des lignes directrices de mise en œuvre du code adoptées par le gouvernement, toute société souhaitant présenter une offre de services pour un projet de construction bénéficiant d’un financement fédéral devrait se conformer au code. Or celui-ci impose plusieurs restrictions à la négociation collective et, en tout état de cause, ne peut être considéré comme favorisant la promotion de la négociation collective comme l’exige la convention no 98, ratifiée par l’Australie.
- 422. Deuxièmement, l’article 9 de la loi prévoit la création d’un poste de commissaire australien pour le bâtiment et la construction (le «Commissaire ABC») qui conserve les mêmes pouvoirs que dans le cadre du projet de loi de 2003; les commentaires formulés à cet égard dans la plainte initiale restent donc pertinents. S’agissant plus généralement de la question de l’inspection, l’organisation plaignante fait observer que, lorsqu’ils ont été appelés à examiner un certain nombre de questions relatives à l’exercice des pouvoirs des inspecteurs en vertu de la WRA, les tribunaux ont statué que ces inspecteurs se livraient à des enquêtes indues n’ayant rien à voir avec les relations professionnelles en Australie et engageaient des poursuites dans des cas perdus d’avance, sans disposer d’aucun élément de fond (PG & LJ Smith Plant Hire Pty Ltd. c. Lanksey Constructions Pty Ltd. [2004] FCA 1618; Pine c. Seelite Windows & Doors Pty Ltd. [2005] FCA 500; Thorsen c. Pine [2004] FCA 1316). L’organisation plaignante joint à sa plainte copie de plusieurs mises en demeure adressées à des travailleurs dans le but de les intimider et de les décourager de participer aux activités syndicales. Troisièmement, la loi introduit une disposition générale contre la grève; les commentaires formulés à cet égard dans la plainte initiale restent donc pertinents. Quatrièmement, l’article 41 de la loi ne permet pas aux employés de faire légalement grève («protected action») lorsqu’un aspect de leurs conditions d’emploi est couvert par une convention et ce, même s’il n’y a pas d’accord sur la question en litige.
- B. Réponse du gouvernement
- 423. Dans sa communication du 14 février 2005, le gouvernement souligne l’importance critique du secteur du bâtiment et des travaux publics pour l’économie et la prospérité de l’Australie (en 2002-03, ce secteur représentait un chiffre d’affaires de 46 milliards de $AU, soit près de 6 pour cent du produit intérieur brut, et employait 775 000 personnes, soit 8,2 pour cent de la population active). Le gouvernement souligne les particularités de ce secteur: l’emploi y est souvent temporaire et cyclique, et essentiellement assuré par des petites entreprises (94 pour cent d’entre elles emploient moins de cinq personnes) couvrant un vaste éventail d’activités relevant du secteur du bâtiment et de la construction; elles dépendent étroitement de rentrées régulières d’argent frais, comme la plupart des petites entreprises. La diversité du secteur du bâtiment et de la construction et la vulnérabilité particulière de ces petites entreprises en cas d’action revendicative permettent difficilement aux organes gouvernementaux de réguler efficacement ce secteur. Le gouvernement ajoute qu’en Australie le secteur du bâtiment et de la construction connaît un taux particulièrement élevé de conflits du travail: ainsi, en 2003, 249 journées de travail ont été perdues dans ce secteur pour 1 000 salariés, alors qu’il a été en moyenne de 53 journées perdues pour 1 000 salariés sur l’ensemble des autres secteurs; les conflits survenus dans le secteur du bâtiment et de la construction représentent près de 28 pour cent du total des conflits du travail. Selon le gouvernement, une étude indépendante a permis d’établir qu’une amélioration des pratiques sur le lieu travail dans le secteur du bâtiment et de la construction pourrait apporter à l’économie australienne un gain de 2,3 milliards de $AU par an, une baisse du coût de la vie de l’ordre de 1 pour cent et une progression du PIB de l’ordre de 1 pour cent.
- 424. Le gouvernement ajoute qu’il a constitué en août 2001 une Commission royale pour le bâtiment et les travaux publics (ci-après, la «commission royale») chargée de «mener des investigations sur les comportements et pratiques contraires à la loi, ou condamnables à un autre titre, qui ont cours dans le secteur du bâtiment et de la construction». Le gouvernement avait jugé nécessaire de constituer cette commission en raison des faits suivants: des propos du Secrétaire national de la division construction du Syndicat de la construction, de la foresterie, des industries extractives et de l’énergie (CFMEU) selon lesquels des éléments appartenant au crime organisé auraient infiltré son organisation; une série d’incursions violentes dans des chantiers à Perth; un ancien dirigeant syndical de Nouvelle-Galles du Sud se serait rendu coupable d’actes de corruption; un rapport du Bureau de la défense de l’emploi (Employment Advocate) a indiqué que les problèmes dans le secteur étaient d’une ampleur telle qu’ils dépassaient ses moyens d’intervention. Selon le gouvernement, l’enquête menée par la commission royale représente l’enquête indépendante la plus exhaustive jamais menée en Australie dans le secteur du bâtiment et de la construction. La commission a tenu 171 journées d’audiences publiques, au cours desquelles elle a entendu 750 personnes, reçu plus de 20 mémoires généraux de parties intéressées appartenant à l’ensemble du secteur, émis 1 489 ordres de comparution pour audition et 1 677 réquisitions de pièces. Le rapport final de la commission, qui a été remis en mars 2003, conclut à la nécessité impérieuse de procéder à des réformes dans un secteur qui se signale par son mépris de la légalité et sa tendance générale, aussi bien de la part des syndicats que des employeurs, à ne pas respecter les lois applicables, notamment la loi sur les relations du travail (WRA). Ces mêmes conclusions dépeignent un secteur qui évolue, sur les plans commercial et professionnel, en marge des normes de conduite observées dans le reste de l’économie australienne. Dans son rapport, la commission recense de nombreux exemples de conduite présentant un caractère contraire à la légalité et particulièrement condamnable. A son avis, ce ne sera qu’en agissant sur les structures et sur les mentalités qu’on parviendra à une amélioration réelle et durable dans le secteur, et elle propose dans son rapport un certain nombre d’initiatives propres à le réformer, notamment une législation qui lui serait spécifique, en indiquant qu’il lui paraît nécessaire, dans cette optique, de prévoir un organe de contrôle permanent spécialement adapté pour une telle mission.
- 425. Le gouvernement ajoute que, suite à la publication du rapport final de la commission royale, il a annoncé qu’il en accepterait les principales recommandations, notamment celles concernant l’adoption d’une législation spécifique au secteur de manière à y réglementer les relations du travail grâce à un nouvel organe régulateur – la Commission australienne du bâtiment et des travaux publics (ABCC) – et des réformes dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail. La législation spécifique au secteur, qui trouve son expression dans le projet de loi 2003 portant certaines améliorations dans le secteur du bâtiment et de la construction, constituerait le fer de lance de la réforme la plus importante qui ait jamais été tentée dans ce secteur pour répondre aux demandes pressantes de réformes de la commission royale.
- 426. Un texte de présentation du projet de loi a été publié pour commentaires le 18 septembre 2003. Au cours des quatre semaines de consultations, le Département de l’emploi et des relations du travail a reçu au total 61 observations émanant d’organisations d’employeurs, de syndicats, de sous-traitants et d’autres parties intéressées. Des rencontres ont également eu lieu avec les principaux intervenants du secteur et les autorités compétentes des Etats et Territoires. Les mesures proposées dans le texte à la fois répondent à la situation nationale du secteur du bâtiment et de la construction en Australie et sont nécessaires pour répondre de manière efficace aux constatations de la commission royale. Le 6 novembre 2003, le ministre de l’Emploi et des Relations du travail a présenté le projet de loi à la Chambre des représentants, qui l’a approuvé le 4 décembre 2003. Le texte a été soumis le 3 décembre 2003 à la Commission sénatoriale de l’emploi, des relations du travail et de l’éducation qui, sur une période d’un peu plus de six mois, a reçu plus de 120 mémoires et entendu 141 témoins dans le cadre de 14 audiences publiques. Elle a remis son rapport le 21 juin 2004 au gouvernement, qui n’a pas encore fait connaître ses réactions. La 40e session du Parlement ayant été prorogée, le projet de loi est devenu caduc avant que le Sénat n’en complète l’examen. Le 4 novembre 2004, le ministre a annoncé que le gouvernement en saisirait à nouveau le Parlement en 2005. Pour l’heure, le gouvernement se penche toujours sur la forme exacte que le texte doit revêtir et le calendrier de sa présentation.
- 427. S’agissant de la conformité du projet de loi avec les conventions de l’OIT, le gouvernement déclare avoir tenu compte de ses obligations internationales en élaborant une réponse législative aux conclusions de la commission royale; il estime que le projet de loi est effectivement conforme à ces obligations. Ce texte a pour ambition de créer un cadre se prêtant à la conclusion d’accords équitables et efficaces entre les employeurs et les salariés, y compris en ce qui concerne le recours à l’action revendicative. Le projet de loi met à profit l’accent mis sur la négociation collective au niveau de l’entreprise dans la législation fédérale des relations du travail. Le projet privilégie notamment une approche des relations du travail fondée sur l’unicité, la coopération, la progression du niveau de vie, de l’emploi, de la productivité et de la compétitivité internationale. Il reconnaît également qu’un grand nombre de salariés du secteur du bâtiment et de la construction sont régis par des instruments collectifs devant être élaborés par la voie de la négociation collective. Il ne tend pas à prescrire les résultats de la négociation, que celle-ci soit collective ou individuelle, reflétant ainsi la doctrine du gouvernement selon laquelle ces questions doivent être réglées par les employeurs et les salariés eux-mêmes.
- 428. Du point de vue du gouvernement, le projet de loi renforcerait la protection de la liberté syndicale et améliorerait la conformité de la législation australienne avec la convention no 87. Il aurait en effet apporté aux travailleurs une plus grande protection contre la discrimination en raison de leur décision de devenir membres d’un syndicat ou de s’en abstenir. Par exemple, ce texte aurait eu pour effet de renforcer la protection des personnes qui choisissent d’être membres ou dirigeants d’organisations syndicales. Il donnerait également aux employeurs et sous-traitants indépendants le même degré de protection et de liberté de choix qu’aux salariés. Enfin, il aurait contribué à améliorer la conformité de la législation australienne avec la convention (nº 81) sur l’inspection du travail, 1947, de même que la convention (nº 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981.
- 429. En dernier lieu, le gouvernement déclare que, le ministre ayant annoncé que le projet de loi serait à nouveau présenté au Parlement, les intéressés ont été invités à faire part de leurs suggestions à ce propos. Bien que cette invitation ne remonte qu’au début du mois de novembre 2004, le Département de l’emploi et des relations du travail avait déjà reçu, à la date de la communication, des réactions d’organisations d’employeurs, de membres influents du secteur du bâtiment et de la construction et d’autres parties intéressées. Le ministre étudiera toutes les suggestions reçues avant que le texte ne soit à nouveau présenté. Le texte suivra le cours normal de la procédure législative du Parlement, comme le prévoit la Constitution australienne. Cette procédure permettra aux partis, aux sénateurs et aux députés qui n’appartiennent pas à la majorité gouvernementale d’exprimer leur avis sur la législation proposée, d’interroger les ministres du gouvernement sur sa teneur et de proposer des amendements. Le gouvernement a affirmé sa volonté sans faille de soumettre de nouveau ce projet de loi au Parlement en 2005, de façon à rétablir la primauté du droit dans ce secteur. Au stade actuel, il serait inopportun de préjuger de la teneur ou de la forme finale que revêtira cette législation.
- 430. Le gouvernement conclut en indiquant qu’il s’engage à tenir le BIT informé des progrès de la législation envisagée, et qu’en élaborant sa législation sur les relations du travail il entend continuer à respecter les obligations internationales de l’Australie, tout en tenant compte de ses particularités nationales.
- 431. Dans une communication datée du 16 mai 2005, le gouvernement a indiqué que, en mars 2005, il avait soumis au Parlement fédéral le projet de loi de 2005 tendant à introduire certaines améliorations dans le secteur du bâtiment et de la construction (projet de loi de 2005). Ce projet de loi portait uniquement sur la question des actions revendicatives illégales et sur les dispositions annexes du projet de loi initial (2003). Les autres éléments du projet de loi initial devaient être soumis séparément au Parlement après juillet 2005. Le projet de loi de 2005 a été soumis le 16 mars 2005 à la Commission de l’emploi, des relations de travail et de l’éducation du Sénat australien en vue d’une évaluation de ses dispositions. La commission du Sénat a publié son rapport le 10 mai 2005, et le gouvernement étudie actuellement sa réponse à ce rapport. Le gouvernement joint un exemplaire du projet de loi de 2005.
- 432. Dans sa communication du 28 septembre 2005, le gouvernement indique qu’il a apporté des modifications importantes au projet de loi de 2005 après sa présentation au Parlement, de façon à y inclure seulement les dispositions relatives à la Commission australienne de l’industrie du bâtiment et de la construction. Le gouvernement joint à sa communication copie de la note explicative supplémentaire fournie au Parlement. Ce dernier a adopté la loi de 2005 sur l’amélioration de l’industrie du bâtiment et de la construction (la «loi de 2005») dont copie est jointe à sa communication. Selon le gouvernement, les aspects essentiels de la plainte concernant les allégations relatives aux restrictions soi-disant imposées aux travailleurs de ce secteur en matière de grève et de négociation collective n’ont pas été repris dans la loi de 2005. Le gouvernement estime dès lors que le comité devrait sérieusement envisager de classer la plainte puisque les éléments substantifs faisant l’objet de la plainte initiale ne se retrouvent plus dans la loi de 2005.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 433. Le comité note qu’il est allégué dans le présent cas que le projet de loi de 2003 tendant à introduire certaines améliorations dans le secteur du bâtiment et de la construction aurait des répercussions sur: le droit des travailleurs de ce secteur de faire grève, en étendant la portée des actions revendicatives «non protégées», extension qui s’accompagne de l’instauration de lourdes sanctions en cas d’infraction; le droit des travailleurs de ce secteur de négocier collectivement, en limitant le champ de la négociation, puisque la négociation type («pattern bargaining») serait interdite et que les conventions collectives de chantier («project agreements») deviendraient inapplicables. Le comité note que le projet de loi de 2003 est devenu caduc avec la prorogation de la 40e législature, avant son examen par le Sénat. Le projet de loi de 2005 sur l’amélioration de l’industrie du bâtiment et de la construction (le «projet de loi de 2005») a été présenté au Parlement fédéral et au Sénat en mars 2005; il comprenait seulement une partie des dispositions du projet de 2003 sur les grèves illégales et les dispositions connexes. Après son dépôt au Parlement, le projet de loi de 2005 a subi des amendements importants, par l’ajout d’autres dispositions tirées du projet de loi de 2003, plus particulièrement: l’ABCC; la mise en place d’un Code du bâtiment; la possibilité de demander une injonction contre une grève illégale; l’interdiction des grèves où interviendraient des participants extérieurs; le caractère non exécutoire des accords de chantier; l’interdiction de la discrimination, des mesures coercitives et des contrats inéquitables; et la santé et la sécurité au travail. Le projet de loi de 2005 a été adopté le 12 septembre 2005 et est alors devenu la loi de 2005 sur l’amélioration de l’industrie du bâtiment et de la construction (la «loi de 2005»).
- 434. Pour ce qui est du contexte, le comité note que le projet de loi de 2003 a été élaboré sur la base des recommandations de la Commission royale pour le secteur du bâtiment et des travaux publics. Selon les plaignants, cette commission a été constituée en réponse à un certain nombre d’allégations sans fondement selon lesquelles les syndicats du secteur auraient une conduite inacceptable et illégale; cette commission a été largement considérée comme partiale et injuste dans sa façon de procéder, ses conclusions et ses recommandations, ayant monté en épingle des infractions relativement mineures à la législation du travail commises par les syndicats tout en ayant passé pratiquement sous silence des éléments constitutifs d’évasion fiscale et le non-versement des prestations dues aux travailleurs par les employeurs. Selon les plaignants, les syndicats ont eu très peu de possibilités d’être entendus par la commission pour présenter leurs arguments et contre-interroger les témoins, alors que la commission a fait tout ce qu’elle a pu pour recueillir des éléments à charge des syndicats et porter atteinte autant qu’elle le pouvait à leur réputation.
- 435. Le gouvernement déclare que la commission royale a été constituée suite à des propos du secrétaire national de la division construction du Syndicat de la construction, de la foresterie, des industries extractives et de l’énergie (CFMEU) selon lesquels des éléments appartenant au crime organisé auraient infiltré son organisation; une série d’incursions violentes dans des chantiers se seraient produites à Perth; un ancien dirigeant syndical de Nouvelle-Galles du Sud se serait rendu coupable d’actes de corruption; et, selon un rapport du Bureau de la défense de l’emploi («Employment Advocate»), les problèmes que connaît le secteur sont d’une ampleur telle qu’ils dépassent ses moyens d’action. Toujours selon le gouvernement, les investigations menées par la commission royale représenteraient l’enquête indépendante la plus exhaustive jamais menée en Australie dans le secteur du bâtiment et de la construction. Le rapport concluait à la nécessité impérieuse de réformer un secteur caractérisé par son mépris du droit et sa tendance générale à violer la législation, notamment la loi sur les relations de travail (WRA), qui est le texte d’application générale en ce domaine, aussi bien de la part des syndicats que de celle des employeurs. Il ressort également de la communication initiale du gouvernement que les parties intéressées ont été invitées à faire part de leurs suggestions sur le projet de loi avant qu’il ne soit soumis de nouveau au Parlement et au Sénat et que des réactions ont déjà été reçues d’organisations d’employeurs, de membres influents du secteur et d’autres parties intéressées, étant entendu que des observations pourront encore être faites par des entités non gouvernementales après que le Parlement aura été saisi de nouveau du projet.
- 436. Le comité prend bonne note de l’indication du gouvernement selon laquelle les diverses parties intéressées ont eu la possibilité de faire connaître leurs réactions et de soumettre leurs commentaires sur les projets de loi de 2003 et de 2005. Toutefois, il observe également que le gouvernement n’apporte aucun élément indiquant qu’il y a eu des consultations directes avec les partenaires sociaux directement concernés par cette législation sur sa forme et sur son contenu. Le comité souligne l’importance qu’il convient d’attacher à ce que des consultations franches et complètes aient lieu sur toute question ou tout projet de dispositions législatives ayant une incidence sur les droits syndicaux. Il est essentiel que l’introduction d’un projet de loi affectant la négociation collective ou les conditions d’emploi soit précédée de consultations complètes et détaillées avec les organisations intéressées de travailleurs et d’employeurs. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 927 et 931.] Le comité demande au gouvernement de communiquer des renseignements précis sur les forums de consultations et sur les propositions formulées par les partenaires sociaux quant aux projets de loi de 2003 et 2005.
- 437. Le comité note que, selon les plaignants, le projet de loi initial de 2003 restreindrait les possibilités d’action revendicative «protégée» par le fait que ce texte:
- a) imposerait de procéder à un vote à bulletin secret, selon une procédure complexe, coûteuse et longue, qui aurait pour effet dans la pratique de supprimer toute possibilité légale de recourir à l’action revendicative;
- b) limiterait la durée de l’action revendicative à un «créneau» de 14 jours à compter de la notification, après quoi interviendrait obligatoirement une période de temporisation de 21 jours;
- c) interdirait la possibilité d’action revendicative «protégée» pendant la durée d’effet d’une convention collective, quand bien même la question en litige ne serait pas abordée par cette convention;
- d) introduirait une interdiction généralisée de l’action revendicative «non protégée», interdiction susceptible d’être mise à exécution par voie d’injonction, qui exposerait le contrevenant à de lourdes amendes (110 000 $AU dans le cas d’une personne morale et 22 000 $AU dans le cas d’un individu) et à des compensations financières à verser à l’employeur (art. 72(1), 73-75, 134, 136, 215 et 227 du projet de loi de 2003).
- 438. En outre, selon les plaignants, le projet de loi de 2003 restreindrait encore davantage le champ de la négociation par le fait qu’il:
- a) interdirait la négociation type («pattern bargaining») (et les actions revendicatives à ce titre), de sorte que les syndicats ne pourraient plus soutenir des revendications communes dans tout ou partie d’une branche d’activité;
- b) prévoirait que les conventions collectives de chantier («project agreements»), qui assurent que tous les salariés qui travaillent sur un même chantier, mais pouvant être employés par de multiples PME sous-traitantes, soient couverts par une seule et même convention fixant la rémunération et les autres conditions de travail de manière uniforme, ne seraient pas susceptibles d’exécution forcée;
- c) exclurait certaines questions du champ de la négociation collective, notamment: les dispositions encourageant l’affiliation syndicale; le droit d’accès des représentants syndicaux aux lieux de travail; et la faculté pour les syndicalistes d’organiser des réunions d’information à l’intention des nouveaux salariés;
- d) placerait un certain nombre d’obstacles de procédure à la négociation et à l’enregistrement des conventions collectives (en prescrivant comme condition suspensive de l’enregistrement d’une convention qu’un cycle de négociation doit avoir été ouvert et qu’un sondage des salariés par voie de scrutin doit avoir eu lieu pour approuver l’annonce officielle du lancement d’un tel cycle de négociation;
- e) conférerait au bureau du Commissaire australien pour le secteur du bâtiment et de la construction (ABCC) de larges pouvoirs de contrôle, d’investigation et d’application de tous ces textes;
- f) empêcherait un financement par le Commonwealth de tout projet dans lequel la convention collective liant l’entrepreneur, bien que légale, ne satisferait pas aux prescriptions d’un code devant être instauré par le gouvernement sans aucune implication du Parlement.
- 439. Le comité note que le gouvernement ne répond pas point par point aux allégations dans sa communication du 14 février 2005, mais indique plutôt d’une manière générale qu’il considère que le projet de loi de 2003 est conforme aux conventions nos 87 et 98 et qu’il tend à instaurer un cadre équitable et efficace pour la conclusion de conventions entre employeurs et salariés, régissant de manière appropriée le recours à l’action revendicative. Selon le gouvernement, le projet de loi de 2003 met à profit la place privilégiée de la négociation collective au niveau de l’entreprise dans la législation fédérale des relations du travail. Il va dans le sens d’un système de relations du travail faisant appel à la coopération, propice à la progression du niveau de vie, de l’emploi, de la productivité et de la compétitivité internationale. Il comporte des dispositions prévoyant que les conventions collectives doivent être élaborées par voie de négociation collective sans en prescrire l’issue. Il apporterait à tous les travailleurs une plus grande protection contre la discrimination en raison de leur décision de participer – ou de ne pas participer – à l’action syndicale. Enfin, il serait adapté à l’importance que représente ce secteur sur le plan économique et aux difficultés que pose sa réglementation, du fait qu’il est constitué d’une multiplicité de petites entreprises, particulièrement vulnérables à l’action revendicative. Le comité note enfin la déclaration du gouvernement dans sa communication du 28 septembre 2005, selon laquelle le dossier devrait être classé puisque les éléments substantifs de la plainte initiale ne figurent plus dans la loi de 2005.
- 440. Le comité prend note du texte de la loi de 2005, transmis par le gouvernement, et observe que les dispositions suivantes du projet de loi de 2003, qui faisaient l’objet de la plainte initiale, n’apparaissent pas dans la loi de 2005:
- a) les dispositions exigeant un scrutin secret pour le déclenchement des actions revendicatives et grèves légales («protected industrial action»);
- b) les dispositions limitant la durée des grèves à une période de 14 jours à partir du préavis, au terme de laquelle serait imposée une période obligatoire de temporisation («cooling of») de 21 jours;
- c) les dispositions concernant la négociation type («pattern bargaining»);
- d) l’exclusion de certaines questions du champ de la négociation collective;
- e) les obstacles procéduraux dans la négociation et l’enregistrement des conventions collectives.
- Le comité considère donc que ces aspects du cas n’appellent pas un examen plus approfondi.
- 441. S’agissant des dispositions de la loi de 2005 introduisant une interdiction générale des actions revendicatives illégales, qui pourrait être mise en œuvre par injonction, sous peine de lourdes amendes, le comité note que, d’après le texte de la loi de 2005 qui a été communiqué par le gouvernement, les articles 36(1), 37 et 38 introduisent la notion réglementaire d’«action revendicative illégale» et interdisent à quiconque de mener une action de ce type, sauf si elle est conforme aux exigences de la loi de 1996 sur les relations de travail (WRA). Plus précisément, l’article 37 de la loi de 2005 définit l’action revendicative illégale comme toute «action liée à une société constituée», «motivée par des raisons professionnelles», «menée dans le secteur du bâtiment» et autre qu’une action «exclue». L’action «exclue» est définie à l’article 36(1) de la loi de 2005 comme le fait de mener une action revendicative qui est «protégée» aux fins de la WRA. Si la notion d’action «protégée» au sens de la WRA implique que les syndicats puissent être privés de leur immunité et que leur responsabilité soit engagée en cas d’action revendicative menée en contravention des conditions précisées dans la WRA, la notion d’action «illégale» dans la loi de 2005 implique non seulement une responsabilité vis-à-vis de l’employeur, mais une responsabilité plus large envers les tiers ainsi qu’une interdiction totale (art. 38).
- 442. En ce qui concerne les références à la WRA dans la loi de 2005, le comité rappelle qu’il a déjà émis des conclusions et des recommandations sur certaines des dispositions de la WRA relatives à l’action protégée dans un cas précédent concernant l’Australie. [Voir cas no 1963, 320e rapport, paragr. 143-241.] Le comité rappelle à cet égard qu’il a estimé que le fait d’établir un lien entre les restrictions aux actions revendicatives et l’entrave aux échanges et au commerce (art. 170MW et 294) permettait de porter atteinte à une large gamme d’actions légitimes et qu’il avait demandé au gouvernement de modifier les dispositions de la WRA en conséquence. [Voir cas no 1963, 320e rapport, paragr. 229-230 et 241 c).]
- 443. En ce qui concerne la définition de l’action revendicative illégale au sens de l’article 37 de la loi de 2005, c’est-à-dire toute «action liée à une société constituée», «motivée par des raisons professionnelles», «menée dans le secteur du bâtiment» et autre qu’une action «exclue» (laquelle est une action protégée au sens de la WRA), le comité note que ces notions sont définies de manière large dans les articles 4, 5 et 36(1) de la loi de 2005, de telle façon que l’interdiction de toute action revendicative illégale s’applique à une large gamme de travailleurs, d’activités et de types d’action revendicative. Le comité note en particulier que l’article 36(4) de la loi de 2005 inclut dans la définition de la notion de «conflit du travail» (et donc dans celle de l’action revendicative) non seulement les situations dans lesquelles il y a menace, probabilité ou imminence d’un conflit du travail, mais aussi celles qui sont «de nature» à susciter un tel conflit. Si cette disposition reprend largement la disposition correspondante de l’article 4 de la WRA, ses effets vont plus loin que ceux de cette dernière en raison du fait que la loi de 2005 impose une interdiction totale de toute action revendicative illégale sous peine de pénalités et de sanctions graves (voir ci-dessous). De plus, l’article 39 de la loi de 2005 autorise toute personne, et non seulement l’employeur ou les autorités, à demander au tribunal compétent de rendre une ordonnance d’injonction contre une action revendicative illégale, non seulement lorsque cette action est en cours ou imminente, mais aussi lorsqu’elle est «probable». Ainsi, le champ d’application des amendes et pénalités imposées en cas d’action revendicative illégale est élargi jusqu’à englober les situations qui sont «de nature» à provoquer une action revendicative, et non pas seulement celles où une telle action est «vraisemblable» ou «probable».
- 444. Le comité note également que l’interdiction des actions revendicatives illégales dans la loi de 2005 s’accompagne de sanctions pénales et civiles sévères qui peuvent être exigées par un large ensemble de personnes «lésées» à l’encontre de personnes qui peuvent n’avoir qu’un lien distant avec l’action revendicative en question. Ainsi, le comité note que l’article 49(2) de la loi de 2005 impose des pénalités financières pour les violations de l’article 38: jusqu’à 1 000 unités de pénalisation pour les personnes morales (110 000 $AU) et 200 unités de pénalisation pour les personnes physiques (22 000 $AU). Le comité note en outre que ces pénalités apparaissent beaucoup plus élevées que les pénalités correspondantes fixées dans la WRA, dont le maximum est de 10 000 $AU pour les personnes morales et 2 000 $AU pour les personnes physiques (art. 170CR, 170HI, 170NF, 170VV, 178, 285F, 298U et 533 de la WRA). Par ailleurs, l’article 49(6) de la loi de 2005 a pour effet d’élargir la gamme des personnes qui peuvent prétendre au versement d’une indemnité et à l’imposition de pénalités à raison des dommages causés par une action revendicative illégale, en y incluant des entités qui ne sont pas directement parties au différend, mais qui peuvent être affectées par la violation. Enfin, l’article 48(2) de la loi de 2005 inclut au nombre de ceux qui peuvent être considérés comme ayant enfreint la loi les personnes qui ont participé à cette infraction sous forme d’aide, de complicité, de conseil ou d’incitation, y ont contribué par des menaces, des promesses ou tout autre moyen, y ont joué un rôle ou y ont été parties de manière consciente, directement ou indirectement, ou ont conspiré avec d’autres à la réalisation de l’infraction.
- 445. Le comité note également que l’article 40 de la loi de 2005 a pour effet de rendre illégale toute action revendicative faisant intervenir des «personnes extérieures», c’est-à-dire une ou plusieurs personnes qui ne sont pas des salariés de l’employeur en question, ni mandataires ou employés de l’organisation participant à la négociation de la convention collective proposée. Comme il l’a été souligné ci-dessus, cette disposition introduit des pénalités plus sévères, tant pour les violations des dispositions de la WRA que celles de la loi de 1974 sur les pratiques commerciales concernant l’interdiction des actions revendicatives menées pour appuyer la négociation de conventions couvrant plusieurs employeurs, ainsi que l’interdiction des grèves de solidarité et des boycotts secondaires (art. 170LI, 170MM et 170MW (4) et (6) de la WRA; art. 45DB de la loi de 1974 sur les pratiques commerciales). Le comité rappelle que, dans un cas antérieur concernant l’Australie, il avait déjà conclu en rapport avec la loi de 1974 sur les pratiques commerciales qu’une interdiction générale des grèves de solidarité pouvait conduire à des abus et que les travailleurs devraient avoir le droit de mener ce type d’actions à condition que la grève initiale qu’ils appuient soit elle-même légale. [Voir cas no 1963, 320e rapport, paragr. 235.] Le comité rappelle également que les dispositions législatives interdisant les grèves liées au problème de l’application d’un contrat collectif à plus d’un employeur sont incompatibles avec les principes de la liberté syndicale en matière de droit de grève; les travailleurs et leurs organisations devraient pouvoir déclencher une action de revendication à l’appui de tels contrats. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 490.]
- 446. En résumé, le comité note que la loi de 2005 transpose au secteur du bâtiment les restrictions à la grève qu’il a déjà critiquées au sujet de la WRA et de la loi sur les pratiques commerciales qui semblent en élargir encore plus les effets dans ce secteur. Il note également que la loi de 2005 renforce ces restrictions en imposant des pénalités et des sanctions qui peuvent être 11 fois plus élevées que celles généralement applicables. Ces pénalités et sanctions peuvent devenir applicables à des travailleurs ayant un lien distant avec le secteur du bâtiment et de la construction et peuvent être mises en application par des tiers. Le comité considère que cette large interdiction de toute action revendicative illégale, combinée aux pénalités et sanctions lourdes et largement applicables prévues par la loi de 2005, est de nature à dissuader les travailleurs de participer à toute activité revendicative par crainte des conséquences. Le comité souligne que le droit de grève est l’un des moyens essentiels par lesquels les travailleurs et leurs organisations peuvent promouvoir et défendre leurs intérêts économiques et sociaux. Pour déterminer les cas dans lesquels une grève pourrait être interdite, le critère à retenir est l’existence d’une menace évidente et imminente pour la vie, la sécurité et la santé dans tout ou partie de la population. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 474 et 540.] Le secteur du bâtiment n’est pas un service essentiel au sens strict du terme [voir Recueil, op. cit., paragr. 545], et les travailleurs de ce secteur devraient donc jouir du droit de grève sans restrictions excessives.
- 447. Le comité demande donc au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier les articles 36, 37 et 38 de la loi de 2005 afin de faire en sorte que toute référence à l’«action revendicative illégale» dans le secteur du bâtiment et de la construction soit conforme aux principes de la liberté syndicale. Il demande également au gouvernement de prendre les mesures voulues pour amender les articles 39, 40 et 48 à 50 de la loi de 2005 en vue de supprimer toutes les entraves, pénalités ou sanctions excessives imposées en raison d’une action revendicative dans le secteur du bâtiment et de la construction. Le comité demande à être tenu informé des mesures prises ou envisagées à cet égard sur l’ensemble des points susmentionnés.
- 448. S’agissant des dispositions du projet de loi de 2005 qui interdiraient l’exécution forcée des conventions collectives de chantier, empêchant ainsi les négociations avec plusieurs employeurs, le comité note que l’article 64 de la loi de 2005 dispose que les conventions collectives de chantier ne sont pas exécutoires: a) si elles sont conclues dans l’intention d’obtenir des conditions d’emploi uniformes pour les travailleurs de la construction à l’égard de travaux de construction qu’ils exécutent sur un ou plusieurs sites donnés; b) si tous les travailleurs concernés ne sont pas salariés du même employeur; c) si i) une partie à l’accord est une organisation et au moins certains travailleurs sont membres de cette organisation, ou ii) une partie à l’accord est une société et au moins certains travailleurs en sont employés; et d) si la convention n’est pas enregistrée. Le comité tient à rappeler qu’en vertu du principe de négociation collective libre et volontaire énoncé à l’article 4 de la convention no 98 la détermination du niveau de négociation collective devrait dépendre essentiellement de la volonté des parties et, par conséquent, ce niveau ne devrait pas être imposé en vertu de la législation, d’une décision de l’autorité administrative ou de la jurisprudence de l’autorité administrative du travail. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 851.] De plus, le comité estime que le type de revendications qui peuvent être présentées par l’une des parties à la négociation, comme l’instauration d’une base de rémunération commune, devrait être laissé à l’initiative et au jugement des parties concernées. Le comité demande donc au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour réviser l’article 64 de la loi de 2005, de sorte que le choix du niveau de la négociation soit laissé aux parties et non imposé par la loi, par décision administrative, ou par la jurisprudence de l’autorité administrative du travail. Le comité demande à être tenu informé à cet égard.
- 449. S’agissant des dispositions de la loi de 2005 qui, selon l’organisation plaignante, pourraient permettre au gouvernement de refuser un financement de source fédérale aux entrepreneurs liés par une convention collective qui, bien que légale, ne répondrait pas aux exigences d’un code de la construction (élaboré sans intervention du Parlement), le comité note que l’article 27(1) de la loi de 2005 autorise le ministre à publier un code de pratique (le Code de la construction) «auquel doivent se conformer les personnes effectuant des travaux de construction». L’article 27(5) dispose que ce document constitue un «acte législatif» au sens de la loi de 2003 sur les actes législatifs. L’article 28 dispose que toute personne est tenue de se conformer au Code de la construction pour tout travail de construction et que le Commissaire ABCC peut lui enjoindre de produire dans les 14 jours un rapport écrit sur le respect de ces obligations; l’amende prévue en cas de violation est fixée à 11 000 $AU pour une société et à 2 200 $AU pour les autres. Comme il est expliqué dans une brochure d’information du gouvernement sur le code et les lignes directrices, même si la seule sanction pour violation des prescriptions du code et des lignes directrices consiste en une incapacité à présenter une offre de services pour les travaux de construction recevant un financement de source fédérale (de telle sorte qu’à compter du 1er octobre 2005 tous les nouveaux projets de construction devront être conformes au code et aux lignes directrices si leurs promoteurs veulent présenter une offre pour des projets de construction recevant un financement de source fédérale), la loi de 2005 imposera en fait de lourdes sanctions à tous les intervenants du secteur en cas de violation. Le comité note en outre que la loi de 2005 donne de larges pouvoirs d’enquête au Commissaire ABCC en matière de violations du code (voir ci-dessous). Le comité note que, en vertu des lignes directrices révisées, un accord industriel:
- i) ne doit pas contenir de dispositions restreignant le type d’accord qui peut être proposé à, ou demandé par, un employé. Sont notamment illégales les dispositions empêchant un employeur, expressément ou en pratique, d’offrir un AWA à un travailleur pendant la durée de validité d’une convention certifiée, enregistrée ou non enregistrée;
- ii) ne doit pas contenir de dispositions octroyant au représentant d’un syndicat l’accès à un site de construction, sauf en stricte conformité avec les procédures de la WRA régissant l’entrée dans les sites et leur inspection; sont notamment interdites les clauses permettant un accès plus large que celui permis par la WRA;
- iii) ne doit imposer aucune restriction ou limitation au choix d’accord collectif et, notamment, ne doit pas contenir de clause disposant que l’employeur devra renégocier un futur accord collectif avec un syndicat;
- iv) ne doit pas contenir de dispositions prévoyant des conditions d’emploi particulières, y compris le paiement de sommes supérieures à l’accord dans le cadre d’un système d’apprentissage de groupe ou d’un système analogue de prestation de services;
- v) s’il prévoit une indemnité de site, doit en préciser le montant dans un accord certifié en vertu de la WRA, ou approuvé aux termes de la législation applicable de l’Etat concerné;
- vi) ne doit pas contenir de dispositions relatives aux accords de sites de construction, sauf en ce qui concerne les contrats importants;
- vii) ne doit pas contenir de dispositions exigeant l’emploi d’un délégué syndical, ou d’un autre représentant du personnel, non affecté à des fonctions;
- viii) ne doit pas contenir de dispositions obligeant un employeur à apposer quelque marque syndicale sur des biens ou des équipements, y compris les vêtements, fournis par la société;
- ix) s’il contient des dispositions sur le règlement des différends, celles-ci doivent autoriser l’employé concerné à décider librement s’il souhaite être représenté, et par qui;
- x) ne doit pas contenir de critères de mise à pied ne tenant pas compte des exigences opérationnelles de l’employeur, critères tels que «dernier embauché, premier licencié»;
- xi) ne doit pas contenir de dispositions limitant les critères d’embauche, à court ou long terme, de l’employeur, ni de dispositions établissant les conditions d’emploi de toute personne qui n’est pas partie à l’accord industriel. Par conséquent, un accord ne doit pas contenir de dispositions obligeant un employeur à consulter un syndicat, ou à obtenir son accord, en ce qui concerne le nombre, la source, le type d’emploi (par exemple CDI, CDD) ou le paiement du travail demandé par l’employeur;
- xii) ne doit pas empêcher l’employeur d’effectuer des paiements forfaitaires («all-in payments»), c’est-à-dire des paiements (sur une base horaire, journalière ou hebdomadaire) en lieu et place des droits expressément prévus par la législation ou les ententes collectives (par exemple pour les congés annuels ou les heures supplémentaires).
- 450. Le comité rappelle que le droit de négocier librement avec les employeurs au sujet des conditions de travail constitue un élément essentiel de la liberté syndicale; les syndicats devraient avoir le droit, par le moyen de négociations collectives ou par tout autre moyen légal, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu’ils représentent, et les autorités publiques devraient s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal. Toute intervention de ce genre semblerait une violation du principe selon lequel les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d’action. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 782.] Le comité considère que les questions qui peuvent être sujettes à la négociation collective comprennent: le type d’accord qui peut être proposé aux travailleurs ou le type d’accord industriel devant être négocié par la suite; le salaire, les allocations et indemnités; les horaires de travail; les congés annuels; les critères de sélection en cas de mise à pied; le champ d’application de la convention collective; l’octroi de facilités syndicales, y compris un accès au lieu de travail plus large que celui prévu par la législation, etc. Ces questions ne devraient pas être exclues du champ de la négociation collective par la loi ou, comme en l’espèce, en raison des pénalités financières applicables en cas de non-respect du code ou des lignes directrices.
- 451. S’agissant du lien entre les conventions collectives et les AWAs, le comité rappelle qu’il avait déjà noté, dans un cas antérieur concernant l’Australie, les préoccupations exprimées par la commission d’experts au sujet de la primauté accordée aux relations individuelles sur les relations collectives par les procédures AWA. Il avait donc demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris par la voie d’amendements législatifs, pour faire en sorte que les AWAs ne nuisent pas au droit de négociation collective et ne favorisent pas les relations individuelles par rapport aux relations collectives. [Voir cas no 1963, 320e rapport, paragr. 238-239.] Le comité note qu’en exigeant que les conventions collectives contiennent une clause permettant aux employeurs d’offrir des AWAs même lorsqu’une convention collective est en vigueur le code, les lignes directrices et la loi de 2005 qui prévoient des pénalités sévères en cas de violation ont tendance à promouvoir les accords individuels plutôt que la négociation collective. Le comité rappelle à cet égard que, tandis que des incitations importantes existent dans la législation pour faire en sorte que les AWAs puissent prévaloir sur les conventions collectives, l’inverse n’est pas possible aux termes de la WRA, dont l’article 170VQ6 c) dispose qu’un AWA, une fois en place, exclut l’application d’une convention collective.
- 452. Compte tenu de ce qui précède, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures voulues pour promouvoir la négociation collective, comme prévu par la convention no 98, ratifiée par l’Australie. Le comité demande notamment au gouvernement de réviser les dispositions du code et des lignes directrices du secteur de la construction, en vue de les amender si nécessaire, afin qu’elles soient conformes aux principes de la liberté syndicale et n’aient pas pour effet, dans la pratique, de promouvoir des violations de ces principes. Le comité demande également au gouvernement de s’assurer que la législation ne comporte pas de pénalités ou d’incitations financières liées aux dispositions constituant des restrictions indues à la liberté syndicale ou à la négociation collective. Le comité demande à être tenu informé à cet égard.
- 453. S’agissant des dispositions de la loi de 2005 sur les vastes pouvoirs de contrôle, d’enquête et d’exécution concernant les dispositions sur la liberté syndicale et la négociation collective, le comité note que l’article 9 de la loi de 2005 prévoit la création d’un poste de Commissaire australien du secteur du bâtiment et de la construction (le «Commissaire») nommé par le ministre (art. 15 de la loi de 2005). Les articles 11 et 12 disposent que le ministre peut donner des instructions écrites au Commissaire et exiger de lui, outre le rapport annuel devant être produit aux termes de l’article 14, des rapports sur des questions particulières. L’article 10 donne entre autres au Commissaire le pouvoir de faire enquête sur les violations alléguées de la loi de 2005, de la WRA, d’une sentence, d’une convention enregistrée, d’un AWA, d’une ordonnance de l’AIRC et du Code de la construction. L’article 52 de la loi de 2005 donne notamment au Commissaire le pouvoir de décerner des ordonnances écrites demandant à toute personne de donner des informations, de produire des documents et de répondre à des questions, l’article 52(6) prévoyant une peine de six mois d’emprisonnement en cas de défaut de se conformer à l’ordonnance. L’article 53 dispose par ailleurs qu’une personne ne peut invoquer que le fait d’obtempérer à l’ordonnance l’amènerait à violer une autre loi ou à s’incriminer, ou serait de quelque autre façon contraire à l’ordre public. L’article 55 autorise le Commissaire à prendre possession de tout document produit en vertu de l’article 52 et à «le conserver aussi longtemps que nécessaire pour mener l’enquête à laquelle le document se rapporte». L’article 56 autorise le Commissaire à copier, et à conserver, tout ou partie de tous les documents produits en vertu de l’article 52. L’article 59(3) et (5) autorise le Commissaire à entrer dans tout lieu dont il a des motifs raisonnables de croire qu’il s’y trouve des documents pertinents pour l’application de la loi; il peut aussi examiner et copier tout document trouvé sur les lieux ou accessible à partir d’un ordinateur se trouvant sur les lieux, s’il a des motifs raisonnables de croire qu’ils sont pertinents pour les fins de l’application de la loi. L’article 59(7) autorise le Commissaire à conserver les documents aussi longtemps que nécessaire. L’article 59(9) et (10) autorise le Commissaire à entrer dans des locaux pour y interroger toute personne qui pourrait détenir des informations pertinentes pour les fins de l’application de la loi.
- 454. Le comité observe avec préoccupation que, outre les restrictions imposées par la loi de 2005 en ce qui concerne la négociation collective et les actions de revendication, cette loi donne également de très vastes pouvoirs d’enquête au Commissaire, sans prévoir des garanties suffisantes contre l’ingérence dans les activités syndicales. Le comité note que le Commissaire peut pénétrer dans tout local, y prendre possession de documents et les garder «aussi longtemps que nécessaire», en garder copie et interroger toute personne aux «fins de l’application de la loi», c’est-à-dire en l’absence de toute violation soupçonnée de la loi. En outre, la loi de 2005 ne comporte aucune disposition permettant d’intenter de se pourvoir en justice contre les ordonnances du Commissaire. Le comité note également que la loi de 2005 ne prévoit pas la nécessité de s’assurer que les pénalités sont proportionnées à l’infraction commise, ce qui est préoccupant compte tenu des sanctions sévères pouvant être imposées en cas de défaut d’obtempérer à un ordre du Commissaire de donner des informations ou de produire des documents. Le comité note enfin, sur la base des allégations de l’organisation plaignante, que ces larges pouvoirs sont dévolus au Commissaire alors même que les tribunaux ont statué que les inspecteurs se livraient à des enquêtes indues n’ayant rien à voir avec les relations professionnelles en Australie et engageaient des poursuites dans des cas «perdus d’avance, sans disposer d’aucun élément de fond».
- 455. Le comité considère que les très larges pouvoirs conférés au Commissaire, sans limites clairement définies et sans contrôle judiciaire, pourraient entraîner une sérieuse ingérence dans les affaires internes des syndicats. Le comité demande donc au gouvernement d’introduire dans la loi de 2005 des garanties suffisantes afin de s’assurer que les activités du Commissaire et des inspecteurs du secteur de la construction ne donnent pas lieu à de telles ingérences; il lui demande en particulier d’amender la loi afin de permettre aux justiciables de saisir les tribunaux, avant d’être tenus de produire des documents ou de fournir des informations lorsque le Commissaire rend une ordonnance en ce sens. Quant à la peine de six mois d’emprisonnement dont est passible une personne qui omet de produire des documents ou de fournir des informations, en violation d’une ordonnance du Commissaire, le comité rappelle que les sanctions devraient être proportionnées à la gravité de l’infraction et demande au gouvernement d’envisager d’amender cette disposition. Le comité demande à être tenu informé à cet égard.
- 456. Compte tenu de ce qui précède, rappelant à nouveau l’importance qu’il convient d’attacher à ce que des consultations franches et entières aient lieu sur toutes les questions et sur les projets de législation touchant les droits syndicaux, le comité demande au gouvernement d’engager des consultations supplémentaires avec les organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs dans le secteur du bâtiment et de la construction, afin d’obtenir les points de vue des partenaires sociaux lors de l’examen des amendements proposés à la législation, tout en tenant dûment compte des conventions nos 87 et 98, ratifiées par l’Australie, et des principes de la liberté syndicale mentionnés ci-dessus.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 457. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de fournir des renseignements précis sur les forums de consultations et sur les propositions formulées par les partenaires sociaux sur les projets de loi de 2003 et 2005.
- b) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier les articles 36, 37 et 38 de la loi de 2005 sur l’amélioration de l’industrie de la construction et du bâtiment (la loi de 2005) afin de faire en sorte que toute référence à l’«action revendicative illégale» dans le secteur du bâtiment et de la construction soit conforme aux principes de la liberté syndicale. Il demande également au gouvernement de prendre des mesures pour modifier les articles 39, 40 et 48 à 50 de la loi de 2005 en vue de supprimer toutes les entraves, pénalités et sanctions excessives imposées en raison d’une action revendicative dans le secteur du bâtiment et de la construction. Le comité demande à être tenu informé des mesures prises ou envisagées à cet égard.
- c) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour réviser l’article 64 de la loi de 2005, afin que le niveau de la négociation soit laissé à la discrétion des parties et non imposé par la loi, par décision administrative ou par la jurisprudence des autorités administratives du travail. Le comité demande à être tenu informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- d) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures voulues pour promouvoir la négociation collective, comme prévu par la convention no 98, ratifiée par l’Australie. Le comité demande notamment au gouvernement de réviser les dispositions du code et des lignes directrices du secteur de la construction en vue de les amender, si nécessaire, afin qu’elles soient conformes aux principes de la liberté syndicale. Le comité demande également au gouvernement de s’assurer que la législation ne comporte pas de pénalités ou d’incitations financières liées aux dispositions constituant des restrictions indues à la liberté syndicale ou à la négociation collective. Le comité demande à être tenu informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- e) Le comité demande au gouvernement d’introduire dans la loi de 2005 des garanties suffisantes afin de s’assurer que les activités du Commissaire et des inspecteurs du secteur de la construction ne donnent pas lieu à des ingérences dans les affaires internes des syndicats; il lui demande en particulier d’amender la loi afin de permettre aux justiciables de saisir les tribunaux, avant d’être tenus de produire des documents lorsque le Commissaire rend une ordonnance en ce sens. Quant à la peine de six mois d’emprisonnement dont est passible une personne qui omet de produire des documents ou de fournir des informations, en violation d’une ordonnance du Commissaire, le comité rappelle que les sanctions devraient être proportionnées à la gravité de l’infraction et demande au gouvernement d’envisager d’amender cette disposition. Le comité demande à être tenu informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- f) Compte tenu de ce qui précède, rappelant à nouveau l’importance qu’il convient d’attacher à ce que des consultations franches et entières aient lieu sur toutes les questions et sur les projets de législation touchant les droits syndicaux, le comité demande au gouvernement d’engager des consultations supplémentaires avec les organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs dans le secteur du bâtiment et de la construction, afin d’obtenir les points de vue des partenaires sociaux lors de l’examen des amendements proposés à la législation actuelle, en tenant dûment compte des conventions nos 87 et 98, ratifiées par l’Australie, et des principes de la liberté syndicale mentionnés ci-dessus. Le comité demande à être tenu informé de l’évolution de la situation à cet égard.