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- 623. La Confédération internationale des syndicats libres a présenté cette plainte dans une communication du 24 juin 2003.
- 624. Le gouvernement a communiqué ses observations dans une communication datée du 3 février 2004.
- 625. Le Mexique a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais pas la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant - 626. Dans sa communication du 24 juin 2003, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) indique que, le 20 janvier 2003, 162 travailleurs employés par l’entreprise Matamoros Garment S.A. de CV ont décidé de créer le Syndicat indépendant des travailleurs de l’entreprise Matamoros Garment S.A. de CV (SITEMAG) et ont transmis au Conseil local de conciliation et d’arbitrage de l’Etat de Puebla une demande de reconnaissance légale. La CISL souligne que l’entreprise en question s’est opposée à la création d’un nouveau syndicat et a informé les travailleurs que leur initiative avait contraint l’un des clients les plus importants de l’entreprise à résilier son contrat avec celle-ci.
- 627. La CISL affirme que, le 19 mars 2003, le Conseil local de conciliation et d’arbitrage de l’Etat de Puebla a rejeté la demande de reconnaissance du SITEMAG. Selon l’organisation plaignante, les raisons invoquées à cet effet sont les suivantes: 1) la secrétaire du SITEMAG a approuvé la liste des participants alors qu’elle n’assistait pas à la réunion (l’organisation plaignante indique que la personne concernée a bien participé à la réunion et que son nom figure sur la liste des participants sous forme abrégée); 2) l’une des listes contenant le nom des travailleurs affiliés au syndicat mentionne l’objectif de la réunion tandis que l’autre non; ces listes n’étant pas identiques, elles n’ont pas de validité juridique (l’organisation plaignante rétorque qu’il s’agit de la même liste, que l’une a été complétée à la main le jour de l’assemblée, et l’autre dactylographiée); 3) les listes communiquées ne précisent pas si les personnes présentes le jour de l’assemblée convoquée pour créer le syndicat sont âgées de plus de 14 ans (l’organisation plaignante reconnaît que les listes ne précisent pas l’âge des signataires mais affirme que, puisqu’elles ont été cosignées par 162 travailleurs alors qu’il n’en faut que 20 pour créer un syndicat, il est difficile d’imaginer que de ces 162 travailleurs il n’y en ait pas au moins 20 âgés de plus de 14 ans); 4) l’un des signataires s’est présenté au conseil le 16 mars 2003 et a fait savoir qu’il n’avait pas certifié sa signature (l’organisation plaignante dit ne pas connaître les motifs de la démarche de la personne en question mais que, quoi qu’il en soit, sa déclaration ne modifie en rien la volonté des 161 autres travailleurs signataires); et 5) le 18 mars 2003, l’entreprise était fermée et donc le nombre de 20 travailleurs en activité nécessaire pour créer un syndicat n’était pas atteint ce jour-là (l’organisation plaignante indique que le conseil a attendu presque deux mois avant d’examiner la situation de l’entreprise et qu’il l’a fait le jour où il a accepté la fermeture temporaire de l’entreprise faute d’activités; selon la CISL, la décision de fermer le site a été prise en accord avec l’autre syndicat de l’entreprise mais n’a pas été notifiée à temps; de plus, les justifications financières de cette décision n’ont pas été apportées).
- 628. La CISL ajoute que le Conseil local de conciliation et d’arbitrage de l’Etat de Puebla aurait dû donner la possibilité au SITEMAG de remédier aux inexactitudes ou omissions constatées lors de l’examen de sa demande, mais que le syndicat n’a reçu aucune observation de la part de cette instance jusqu’au jour où le rejet de sa demande de reconnaissance par la loi lui a été notifié.
- 629. En dernier lieu, la CISL indique que la question de la reconnaissance du SITEMAG est d’une importance fondamentale car, même si l’entreprise Matamoros Garment S.A. de CV est actuellement fermée et son avenir incertain, la société n’a pas été dissoute; or, outre que le refus de reconnaître ledit syndicat est une violation patente du droit à la liberté syndicale, le message ainsi délivré risque de dissuader d’autres travailleurs de créer des syndicats libres et indépendants. Par ailleurs, le refus de reconnaître le SITEMAG n’est pas un cas isolé, le Conseil local de conciliation et d’arbitrage en question ayant déjà rejeté une demande similaire introduite par un syndicat de travailleurs de l’entreprise KUKDONG à Atlixco; en outre, le Conseil local de conciliation et d’arbitrage de Coahuila a rejeté en 2002 la demande de reconnaissance d’un syndicat indépendant de travailleurs de l’entreprise ALCOIA FUJIKURA, à Piedras Negras.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement - 630. Dans une communication datée du 3 février 2004, le gouvernement indique que la CISL reconnaît que le SITEMAG a exercé librement son droit de se constituer en tant que syndicat, qu’il s’est doté d’une personnalité morale et statutaire propres aux fins de défendre les intérêts de ses affiliés de la manière et selon les termes qu’ils ont jugés pertinents, conformément aux dispositions de la convention no 87 de l’OIT. Le gouvernement précise qu’il découle de la communication de la CISL que le SITEMAG a demandé son enregistrement auprès du Conseil local de conciliation et d’arbitrage de Puebla en vertu du fait qu’il était pleinement constitué, que ses statuts et règlements avaient été élaborés, ses représentants librement élus, sa gestion et ses activités organisées, et son programme d’action formulé, comme prescrit à l’article 3, paragraphe 1, de la convention no 87 de l’OIT.
- 631. Le gouvernement estime qu’il ressort de la décision adoptée le 19 mars 2003 par le Conseil local de conciliation et d’arbitrage de l’Etat de Puebla, jointe en annexe à la communication de la CISL, que cette instance a agi conformément au droit en statuant en toute indépendance sur la demande de reconnaissance du SITEMAG, en vertu des critères de recevabilité énoncés aux articles 356, 364 et 365 de la loi fédérale sur le travail, et que sa décision est dûment fondée et motivée. Parallèlement, le gouvernement indique que le SITEMAG pouvait se défendre et exercer ses droits en usant des voies d’action et des recours légaux pertinents prévus par le système juridique mexicain, en l’espèce contre la décision du Conseil local de conciliation et d’arbitrage de l’Etat de Puebla; or il ressort de la plainte que la partie plaignante n’a pas exercé de quelconque voie d’action ou introduit de recours contre la décision mentionnée.
- 632. Pour ce qui est de l’allégation selon laquelle le SITEMAG aurait dû avoir la possibilité de corriger les inexactitudes ou omissions constatées lors du processus d’examen de sa demande, le gouvernement indique que les conseils de conciliation et d’arbitrage ne sont pas tenus de remédier aux déficiences ou erreurs figurant dans les documents communiqués par les «syndicats», en raison du fait que la protection des travailleurs ou la possibilité de défense ne sont accordées précisément que dans le cas où la demande écrite d’un «travailleur» est incomplète ou défectueuse, à condition que dans le document constitutif de la demande le travailleur sollicite l’assistance substantielle et procédurale des conseils de conciliation et d’arbitrage. Le gouvernement affirme que, si le SITEMAG conteste le refus d’enregistrement notifié par l’instance de conciliation et d’arbitrage, il peut parfaitement utiliser les voies d’action et introduire les recours prévus par la loi contre une décision qu’il juge contraire à ses intérêts.
- 633. En conclusion, le gouvernement déclare: 1) que cette affaire a été transmise aux organes juridictionnels compétents, lesquels, conformément à la loi, ont déterminé qu’il ne convenait pas d’enregistrer le syndicat SITEMAG au motif que sa demande ne satisfaisait pas aux critères établis par la législation du travail; 2) que les travailleurs concernés auraient pu faire valoir leurs droits par un recours auprès des organes juridictionnels compétents et exercer les actions légales pertinentes, en l’espèce en se prévalant des voies d’action prévues par le système juridique mexicain; 3) que le SITEMAG a exercé librement son droit de se constituer en syndicat et s’est doté d’une personnalité morale et statutaire propres afin de défendre les intérêts de ses affiliés de la manière et selon les termes qu’ils ont jugés pertinents et qu’il a librement rédigé ses statuts et règlements, élu ses représentants, organisé sa gestion et ses activités, et formulé son programme d’action; en conséquence, les principes établis par la convention no 87 de l’OIT n’ont pas été violés; et 4) que les faits incriminés par l’organisation plaignante dans sa communication ne sont pas constitutifs d’une violation par le gouvernement du principe de liberté syndicale et du droit syndical tel qu’établi par la convention no 87.
- 634. Le gouvernement joint à sa réponse une communication de la Confédération des chambres d’industrie des Etats-Unis du Mexique (CONCAMIN). Cette confédération indique que ce cas concerne un groupe de personnes qui souhaitaient créer un nouveau syndicat, clairement défini comme un syndicat d’entreprise, alors que l’employeur a dû fermer l’entreprise faute d’activités. La cessation d’activités a été décidée en accord avec le syndicat Francisco Villa, habilité à représenter les travailleurs. Pour la confédération, il est clair que l’objectif réellement recherché par ces travailleurs était de créer une nouvelle structure syndicale pour servir leurs intérêts lucratifs. Or, malheureusement, la mondialisation pousse souvent les pays dont la main-d’oeuvre est infiniment moins coûteuse que la main-d’oeuvre mexicaine et dans lesquels le syndicalisme n’est pas développé à accueillir des entreprises de confection, obligeant ainsi leurs homologues mexicaines à cesser leur activité. La CONCAMIN ajoute que la CISL n’a pas tenu compte du fait que la loi autorise les employeurs et les syndicats à convenir de la fermeture d’une entreprise, à condition que les indemnisations légales correspondantes soient dûment versées aux travailleurs, ce qui en l’espèce a été fait. La législation mexicaine autorise un employeur à fermer une entreprise lorsque celle-ci n’est pas rentable ou qu’elle produit à perte, disposition établie à l’article cinq de la Constitution générale du Mexique.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité - 635. Le comité note que l’organisation plaignante affirme que, le 20 janvier 2003, 162 travailleurs employés par l’entreprise Matamoros Garment S.A. de CV ont décidé de créer le Syndicat indépendant des travailleurs de l’entreprise Matamoros Garment S.A. de CV (SITEMAG) et qu’ils ont transmis au Conseil local de conciliation et d’arbitrage de l’Etat de Puebla une demande de reconnaissance, laquelle a été rejetée le 19 mars 2003 sur la base de motifs injustifiés.
- 636. Le comité prend note du fait que le gouvernement indique à cet égard: 1) qu’en conformité avec les dispositions énoncées dans la convention no 87 le SITEMAG a exercé librement son droit de se constituer en syndicat et a demandé son enregistrement auprès du Conseil local de conciliation et d’arbitrage de l’Etat de Puebla, lequel est un organe juridictionnel; 2) qu’il ressort de la décision du conseil en date du 19 mars 2003 que celui-ci a agi conformément au droit et a pris une décision concernant l’enregistrement du SITEMAG en toute indépendance et que cette décision a été dûment fondée et motivée; 3) que le SITEMAG a eu tout loisir de se défendre et de faire valoir ses droits à cet égard en utilisant les voies d’action et en introduisant les recours légaux pertinents prévus par le système juridique mexicain contre la décision du conseil; or il ressort de la plainte que ces voies de recours n’ont pas été explorées; et 4) que les conseils de conciliation et d’arbitrage ne sont pas tenus de remédier aux déficiences ou irrégularités figurant dans les documents qui leur sont transmis par les syndicats. Parallèlement, le comité prend note de la communication de la Confédération des chambres d’industrie des Etats-Unis du Mexique (CONCAMIN), jointe par le gouvernement du Mexique à sa réponse, dans laquelle il est indiqué: i) qu’il s’agit d’un cas concernant un groupe de travailleurs qui souhaitaient créer un syndicat d’entreprise alors que l’employeur a été contraint de fermer ladite entreprise faute d’activités; ii) que la fermeture du site - option prévue par la législation mexicaine, selon la CONCAMIN - a été décidée en accord avec le syndicat Francisco Villa et que les travailleurs ont perçu les indemnisations légales correspondantes.
- 637. En premier lieu, le comité observe que le gouvernement admet que le SITEMAG n’a pas obtenu sa reconnaissance légale. A cet égard, le comité note que, selon le gouvernement, en vertu des dispositions légales, le Conseil local de conciliation et d’arbitrage de l’Etat de Puebla n’était pas tenu d’informer ou de demander au syndicat en question de corriger les irrégularités de sa demande avant de se prononcer de manière définitive sur celle-ci. Cependant, le comité est au regret de constater que deux mois se sont écoulés avant que le conseil ne se prononce sur la demande de reconnaissance déposée par le SITEMAG et que le conseil n’a rendu une décision en l’espèce que le jour suivant la fermeture de l’entreprise - ce fait allégué par l’organisation plaignante n’a pas été démenti par le gouvernement. Le comité considère que ce retard a été préjudiciable aux travailleurs qui avaient décidé de constituer le syndicat SITEMAG, attendu que ledit retard a empêché le syndicat concerné de participer aux négociations relatives aux conséquences de la fermeture de l’entreprise sur les droits des travailleurs, objectif qui était sans doute poursuivi par la décision de créer un syndicat et qui est légitime.
- 638. En tout état de cause et en tenant compte du fait que, selon l’organisation plaignante, l’entreprise est désormais fermée même si la société n’a pas été dissoute, le comité espère que, si l’entreprise Matamoros Garment S.A. de CV reprend ses activités et si le SITEMAG présente une nouvelle demande de reconnaissance, l’autorité compétente (le Conseil local de conciliation et d’arbitrage de l’Etat de Puebla) se prononcera rapidement à cet égard. Le comité invite fermement le gouvernement à prendre des mesures afin qu’à l’avenir, si l’instance chargée de reconnaître la légalité des organisations syndicales considère que les documents communiqués à cette fin comportent des irrégularités, elle donne aux demandeurs la possibilité de rectifier les irrégularités constatées. Le comité rappelle à cet égard que «Le principe de la liberté syndicale risquerait très souvent de rester lettre morte si les travailleurs et les employeurs devaient, pour pouvoir constituer une organisation, obtenir une autorisation quelconque. Il peut s’agir soit d’une autorisation visant directement la création de l’organisation syndicale elle-même, soit de la nécessité d’obtenir l’approbation discrétionnaire des statuts ou du règlement administratif, soit encore d’une autorisation dont l’obtention est nécessaire avant la création de cette organisation» et que «Les formalités prescrites par la loi pour créer un syndicat ne doivent pas être appliquées de manière à retarder ou à empêcher la formation des organisations professionnelles.» [Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 244 et 249.]
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 639. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Tenant compte du fait que selon l’organisation plaignante l’entreprise est fermée mais que la société n’est pas dissoute, le comité espère que, si l’entreprise Matamoros Garment S.A. de CV reprend ses activités et si le SITEMAG présente une nouvelle demande de reconnaissance, l’autorité compétente (le Conseil local de conciliation et d’arbitrage de l’Etat de Puebla) se prononcera rapidement sur celle-ci.
- b) Le comité invite fermement le gouvernement à prendre des mesures pour qu’à l’avenir, si l’instance chargée de reconnaître la légalité des organisations syndicales considère que les documents soumis à cette fin comportent des irrégularités, elle donne aux demandeurs la possibilité de rectifier les irrégularités constatées.