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Definitive Report - Report No 332, November 2003

Case No 2261 (Greece) - Complaint date: 16-APR-03 - Closed

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  1. 647. La plainte figure dans une communication de la Fédération des industries du nord de la Grèce (FIGN) datée du 16 avril 2003.
  2. 648. Le gouvernement a répondu dans une communication datée du 22 juillet 2003.
  3. 649. La Grèce a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (nº 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 650. Dans sa communication du 16 avril 2003, la Fédération des industries du nord de la Grèce déclare qu’elle est une organisation d’employeurs regroupant 450 membres, essentiellement des entreprises et des groupes d’entreprises, qui exercent leurs activités industrielles dans le nord de la Grèce. L’organisation plaignante indique qu’elle est indépendante, non affiliée à une organisation nationale d’employeurs.
  2. 651. L’organisation plaignante allègue que la loi no 1876/1990 (la loi) crée un régime d’arbitrage obligatoire à l’initiative d’une des parties à la négociation collective, ce qui est contraire à l’article 6 de la convention no 154, ratifiée par la Grèce. En particulier, une entité privée appelée organisme de médiation et d’arbitrage (OMED) a été créée sur la base de l’article 17 de la loi. Selon l’organisation plaignante, l’OMED a été autorisé à faire procéder à des médiations et au règlement de conflits collectifs par des personnes appelées «arbitres», qui lui sont liées par des contrats de fourniture de services, en vertu de l’article 18 de la loi. L’organisation plaignante déclare également que le paragraphe 1 de l’article 17 de la loi autorise le ministre du Travail à décider de la création du conseil exécutif et de la désignation de son président et de l’adjoint de celui-ci.
  3. 652. L’organisation plaignante déclare que les articles 14 à 16 de la loi ont mis en place un système d’arbitrage pour le règlement des conflits collectifs, système en vertu duquel une partie peut contraindre unilatéralement l’autre partie à l’arbitrage. En particulier, l’article 14, paragraphe 1, dispose que, si les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord par voie de négociation, elles sont autorisées à recourir à la médiation ou à l’arbitrage. L’article 15 fixe la procédure de médiation. L’article 16 énumère les parties qui sont habilitées à soumettre unilatéralement un différend à l’arbitrage, à savoir:
    • – les syndicats, s’ils acceptent les recommandations du médiateur et que l’employeur les rejette (art. 16, paragr. 1 c));
    • – l’une ou l’autre des parties, si l’autre partie s’est opposée au recours à la médiation (art. 16, paragr. 1 b));
    • – en ce qui concerne en particulier les conventions collectives des entreprises, la partie qui accepte les recommandations du médiateur alors qu’elles ont été rejetées par l’autre partie (art. 16, paragr. 1 d)).
  4. 653. L’organisation plaignante déclare également que, selon l’article 16, paragraphe 4, si les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur la désignation d’un arbitre, celui-ci est choisi par tirage au sort entre les arbitres de l’OMED. Selon l’article 16, paragraphe 3, la décision de l’arbitre a le caractère contraignant d’une convention collective et commence à porter effet le jour suivant la soumission de la demande d’arbitrage.
  5. 654. L’organisation plaignante allègue que, en vertu des dispositions précitées, lorsque l’employeur conteste les revendications syndicales, le syndicat peut recourir à la médiation. Si l’employeur n’accepte pas la décision du médiateur, le syndicat peut alors le contraindre à l’arbitrage. La décision de l’arbitre est totalement contraignante et ne peut être contestée devant les autorités ou les tribunaux. L’organisation plaignante conclut que, les employeurs pouvant être contraints à recourir à un arbitrage obligatoire en cas de désaccord avec le syndicat ou le médiateur, la loi crée un régime d’arbitrage obligatoire.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 655. Dans une communication datée du 22 juillet 2003, le gouvernement déclare que la loi no 1876/1990 (la loi), dont l’objectif général est de garantir et de promouvoir un système de libre négociation collective, est la première de son type, car elle est le résultat d’un «accord social conclu par des parties de haut niveau» et adopté par le gouvernement multipartite en 1990, avec l’accord unanime de l’ensemble des partis politiques représentés au Parlement. La loi est parvenue à mettre en place un système complet de freins et de contrepoids. Toute modification partielle de ces dispositions ne peut être effectuée qu’en révisant l’ensemble des relations d’emploi collectives. Son équilibre ne saurait être perturbé, car elle a fait la preuve de son utilité au cours du temps. C’est pourquoi le gouvernement affirme qu’il ne serait pas souhaitable de la modifier sans l’accord social nécessaire dont elle émane.
  2. 656. Le gouvernement note que la question soulevée dans la plainte concerne la possibilité de recourir unilatéralement à l’arbitrage obligatoire sur la base de l’article 16, paragraphe 1 b), c) et d), de la loi. Cependant, le gouvernement souligne que l’arbitrage a un rôle secondaire lié au droit de mener un dialogue effectif de bonne foi, droit qui est garanti par l’article 4, paragraphes 1 et 3, de la loi. Cet article énonce les principes fondamentaux de la libre négociation collective fondée sur le droit et l’obligation de négocier collectivement, ainsi que sur le principe du dialogue mené de bonne foi. Le recours unilatéral à l’arbitrage, lorsqu’il est autorisé, est considéré comme une mesure exceptionnelle prise en cas de refus de l’une des parties de participer au dialogue et à la négociation ou de rejet de la proposition du médiateur. Par ailleurs, le recours unilatéral à l’arbitrage constitue l’exception, la règle générale étant le recours à l’arbitrage par consentement mutuel des parties (art. 16, paragr. 18 a), de la loi).
  3. 657. Le gouvernement souligne que le mécanisme prévu pour le règlement des différends est secondaire par rapport à la volonté des parties, lesquelles sont habilitées à mettre en place, si elles le souhaitent, d’autres mécanismes mieux adaptés de règlement de leurs différends par la voie d’une convention collective spéciale. Le gouvernement déclare que c’est seulement en l’absence d’accord entre les parties au sujet du règlement de leurs conflits collectifs que l’OMED peut intervenir à titre complémentaire en fournissant des services de médiation et d’arbitrage, afin de renforcer la négociation collective (art. 15-17 de la loi). La médiation, et plus encore l’arbitrage, est conforme à l’esprit et à la lettre de l’article 22, paragraphe 2, de la Constitution de 1975 et ne vise pas à remplacer la négociation, mais a un caractère clairement complémentaire dans le cadre de l’autonomie des parties (art. 4, paragr. 2, de la loi). C’est pourquoi les parties peuvent en tout temps, avant ou après que le médiateur a fait sa proposition ou que l’arbitre a rendu sa sentence, conclure une convention collective et annuler la médiation ou l’arbitrage. Le gouvernement soutient donc que l’autonomie des parties est respectée tout au long de la procédure de négociation, même au stade de l’arbitrage, lequel peut entraîner la conclusion d’une convention collective. C’est seulement dans des cas exceptionnels que la décision de l’arbitre remplace la volonté commune des parties, après qu’ont été pris en considération leurs intérêts, sur la base de leurs propositions et des pièces justificatives.
  4. 658. Par ailleurs, le gouvernement déclare que le système mis en place par la loi a permis de corriger le déséquilibre existant entre le pouvoir de négociation des organisations d’employeurs et celui des organisations de travailleurs, de façon que les conditions d’emploi, et particulièrement les rémunérations, puissent être fixées et réajustées périodiquement (en pratique chaque année ou tous les deux ans). Le gouvernement déclare que, en l’absence de ces dispositions, il se produirait un blocage des rémunérations des travailleurs lorsque les organisations de travailleurs ne disposent pas d’un pouvoir de négociation suffisant pour exercer des pressions effectives sur les employeurs. Ainsi, le réajustement des rémunérations est-il garanti en fin de compte.
  5. 659. Le gouvernement ajoute que les statistiques collectées depuis la mise en place de l’OMED confirment que les négociations collectives autonomes menées par les parties prédominent, tandis que l’arbitrage joue un rôle complémentaire. On compte une sentence arbitrale pour sept conventions collectives. En pratique, la procédure d’arbitrage est déclenchée en cas d’échec des négociations, lorsqu’il est nécessaire de débloquer la situation.
  6. 660. En ce qui concerne le contrôle juridictionnel des sentences arbitrales, le gouvernement déclare que ces sentences, tout comme les conventions collectives, ressortissent au droit civil, qui vise à assurer le règlement des différends d’intérêts collectifs. L’arbitre n’agit pas en tant qu’agent administratif et la sentence arbitrale n’est pas un acte administratif. Les sentences sont régies par le droit civil et relèvent de la juridiction des tribunaux civils ordinaires. Les tribunaux connaissent uniquement des questions de procédure et de compétence, ainsi que des conflits entre la teneur des sentences arbitrales et les textes qui leur sont supérieurs (à savoir la Constitution et les lois d’urgence). Le contrôle juridictionnel ne porte pas sur la teneur des sentences, sauf en cas d’erreur évidente et manifeste.
  7. 661. Le gouvernement souligne que, par une série de décisions, le Conseil juridique de l’Etat a décidé que la loi et le système de médiation et d’arbitrage qu’elle met en place sont conformes à la Constitution (art. 22, paragr. 2, et art. 23). Par ailleurs, des décisions récentes des tribunaux civils supérieurs ont établi que la loi – et en particulier les dispositions de l’article 16, paragraphe 1 – était conforme à la convention no 154. Enfin, les membres du conseil exécutif de l’OMED, qui représentent l’ensemble des partenaires sociaux, ont exprimé leur soutien au système de médiation et d’arbitrage prévu par la loi.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 662. Le comité note que la présente plainte concerne des allégations selon lesquelles la loi no 1876/1990 (la loi) enfreint le principe de la négociation collective libre et volontaire parce qu’elle crée un régime d’arbitrage obligatoire à l’initiative d’une des parties à la négociation collective.
  2. 663. Le comité note que, en vertu de l’article 14 de la loi, lorsque les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord par voie de négociation, elles peuvent demander les services d’un médiateur ou recourir à l’arbitrage. L’article 14 dispose que les conditions dans lesquelles le recours à l’arbitrage peut avoir lieu et les procédures correspondantes sont fixées dans des clauses spéciales incorporées dans les conventions collectives. En l’absence de telles clauses, ces procédures sont déterminées par accord entre les parties. Il semble que les dispositions de la loi ne s’appliquent qu’en l’absence d’un tel accord. L’article 15 de la loi fixe la procédure de médiation, qui peut être déclenchée à l’initiative de l’une ou l’autre des parties. L’article 17 concerne la création d’un organisme de médiation et d’arbitrage (OMED), qui est une entité de droit privé gérée par un conseil exécutif composé, entre autres, de professeurs d’universités spécialisés en économie, en relations professionnelles et en droit du travail, ainsi que de représentants des organisations nationales d’employeurs et de travailleurs. Le conseil exécutif est convoqué par une décision du ministre du Travail, et son président est désigné par la même décision. L’article 16 dispose que le recours à l’arbitrage peut avoir lieu, tout d’abord par accord entre les parties et, ensuite, de manière unilatérale:
    • – à l’initiative de l’une des parties si l’autre partie refuse le recours à la médiation (paragr. 1 b));
    • – à l’initiative des organisations de travailleurs si elles acceptent les propositions du médiateur et que l’employeur les rejette (paragr. 1 c));
    • – lorsqu’il existe des conventions collectives dans les entreprises et les organismes d’intérêt public, le droit de recourir à l’arbitrage ne peut être exercé que par la partie qui accepte les propositions du médiateur alors que l’autre partie les rejette (paragr. 1 d)).
  3. 664. Le comité note que le gouvernement et l’organisation plaignante affirment tous deux que le recours à l’arbitrage obligatoire peut être demandé unilatéralement par la partie qui accepte les recommandations du médiateur alors que l’autre partie les rejette (art. 16, paragr. 1, de la loi). L’organisation plaignante souligne en particulier que l’article 16, paragraphe 1 c), s’applique uniquement aux employeurs, qu’il vise à contraindre à l’arbitrage s’ils rejettent les recommandations du médiateur. Selon l’organisation plaignante, ces dispositions enfreignent le principe de la négociation collective libre et volontaire proclamé dans les conventions nos 98 et 154, ratifiées par la Grèce. Pour sa part, le gouvernement met l’accent sur le caractère particulier du système mis en place par la loi, système qui, à son avis – avis confirmé par les décisions juridictionnelles des tribunaux civils et par le Conseil juridique de l’Etat –, ne constitue pas une violation des conventions applicables. Ainsi, selon le gouvernement:
    • – le système ne constitue pas une ingérence dans la négociation collective de la part des autorités, puisque l’OMED est une entité privée et que les partenaires sociaux sont représentés à son conseil exécutif;
    • – les dispositions de la loi sont le résultat d’un «accord social conclu par des parties de haut niveau» et adopté par le gouvernement multipartite en 1990 avec l’accord unanime de l’ensemble des partis politiques représentés au Parlement;
    • – la loi prévoit un système complet de freins et de contrepoids qui constitue un aspect essentiel du caractère harmonieux des relations professionnelles dans le pays;
    • – si elles le souhaitent, les parties ont le droit de créer d’autres mécanismes mieux adaptés de règlement de leurs différends par la voie d’une convention collective spéciale;
    • – l’arbitrage a un caractère secondaire par rapport à la volonté des parties, lesquelles peuvent conclure une convention collective et annuler la procédure de médiation ou d’arbitrage en tout temps, avant ou après que la proposition du médiateur a été faite ou que la sentence de l’arbitre a été rendue;
    • – le recours unilatéral à l’arbitrage est rare, la règle générale étant que les parties y recourent par consentement mutuel (on compte une sentence arbitrale pour sept conventions collectives);
    • – le système vise à corriger le déséquilibre existant entre le pouvoir de négociation des organisations d’employeurs et celui des organisations de travailleurs, ainsi qu’à éviter le blocage des négociations relatives aux conditions d’emploi, et particulièrement aux rémunérations.
  4. 665. Le comité rappelle que l’imposition d’une procédure d’arbitrage obligatoire dans le cas où les parties ne peuvent se mettre d’accord sur un projet de convention collective soulève des problèmes d’application de la convention no 98. Le recours à l’arbitrage obligatoire lorsque les parties ne parviennent pas à un accord par la négociation collective n’est admissible que pour les services essentiels au sens strict, c’est-à-dire ceux dont l’interruption pourrait mettre en péril la vie, la sécurité ou la santé de tout ou partie de la population. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, paragr. 861 et 860.]
  5. 666. Le comité note toutefois que l’article 14 de la loi no 1876/1990 autorise les parties à créer, si elles le souhaitent, d’autres mécanismes mieux adaptés de règlement de leurs différends par la voie d’une convention collective spéciale. Par ailleurs, selon les statistiques fournies par le gouvernement, le recours à l’arbitrage obligatoire est une mesure exceptionnelle, et les parties conservent le droit de conclure une convention collective et d’annuler la procédure de médiation ou d’arbitrage en tout temps avant ou après que la proposition du médiateur a été faite ou que la sentence de l’arbitre a été rendue. Enfin, le comité prend note du contexte dans lequel la loi a été adoptée, et en particulier de la décision unanime de l’ensemble des parties représentées au Parlement, avec le soutien des organisations nationales d’employeurs et de travailleurs qui sont représentées au conseil exécutif de l’OMED.
  6. 667. Tout en tenant compte du fait que les facteurs susmentionnés atténuent le caractère obligatoire du régime d’arbitrage établi par la loi no 1876/1990, le comité considère qu’il y a encore matière à amélioration dans l’application du principe de la négociation collective libre et volontaire et des conventions nos 98 et 154, ratifiées par la Grèce. Le comité suggère donc au gouvernement d’entreprendre des consultations avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, en vue d’envisager les mesures propres à faire en sorte que la possibilité de recourir à l’arbitrage obligatoire soit réservée aux services essentiels au sens strict du terme.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 668. A la lumière des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité suggère au gouvernement d’entreprendre des consultations avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, en vue d’envisager les mesures propres à faire en sorte que la possibilité de recourir à la procédure de l’arbitrage obligatoire soit réservée aux services essentiels au sens strict du terme.
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