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- 363. La plainte figure dans une communication de la Confédération des syndicats indépendants de Bosnie-Herzégovine (CSI de BiH) datée du 18 octobre 2002.
- 364. En l’absence de réponse du gouvernement, le comité a dû différer son examen du cas à deux reprises. A sa réunion de mai-juin 2003 [voir 331e rapport, paragr. 8], le comité a lancé un appel urgent au gouvernement en appelant son attention sur le fait que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d’administration, il pourra présenter un rapport sur le fond de cette affaire à sa prochaine réunion si les informations et observations du gouvernement ne sont pas envoyées à temps. [Voir document GB.287/8, paragr. 8.]
- 365. La Bosnie-Herzégovine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant - 366. Dans sa communication du 18 octobre 2002, la Confédération des syndicats indépendants de Bosnie-Herzégovine (CSI de BiH) allègue que le ministère des Affaires civiles et des Communications refuse d’enregistrer le plaignant et ses syndicats de branche membres de la CSI, enfreignant de ce fait les articles 3 et 7 de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par la Bosnie-Herzégovine.
- 367. La plainte déclare en particulier que, conformément à la loi sur les associations et les fondations de Bosnie-Herzégovine, le plaignant et ses membres ont déposé le 24 mai 2002 une demande d’enregistrement au registre des associations et des fondations de Bosnie-Herzégovine du ministère des Affaires civiles et des Communications. Le plaignant déclare que, toutes les conditions légales ayant été remplies, le ministère devait normalement procéder à l’enregistrement dans le délai de trente jours fixé par l’article 32, paragraphe 1, de la loi susmentionnée. Cependant, cet enregistrement n’a pas été effectué. Le 10 juillet 2002, le plaignant s’est adressé une deuxième fois au ministère pour demander à ce qu’il soit procédé à l’enregistrement. Le 25 juillet 2002, le ministère a informé le plaignant qu’il était impossible de procéder à l’enregistrement parce que, avant de soumettre la demande d’enregistrement au ministère, le plaignant aurait dû être enregistré au niveau de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, conformément à la loi sur les associations de citoyens. Le plaignant ajoute que, de la même façon, le ministère a contesté, comme étant entachés d’illégalité l’enregistrement précédent du plaignant auprès de la Cour cantonale de Sarajevo et l’article 2 du règlement du plaignant relatif à sa succession juridique à la CSI de BiH. Le ministère a également contesté le droit du plaignant d’inclure le nom de Bosnie-Herzégovine dans son titre, faisant remarquer que la loi sur l’usage et la protection du nom de Bosnie-Herzégovine était en cours de promulgation. Le plaignant ajoute que des réponses similaires ont été données par le ministère à ses syndicats de branche, qui sont membres de la confédération.
- 368. Le plaignant déclare que, compte tenu de ce qui précède, il s’est adressé de nouveau au ministère pour expliquer qu’il était le successeur légal de l’ancienne Confédération des syndicats de Bosnie-Herzégovine, qui avait changé son nom pour celui de Confédération des syndicats indépendants de Bosnie-Herzégovine lors d’un congrès tenu en 1990. La nouvelle confédération a été enregistrée par la Cour d’appel de Sarajevo et est en activité depuis 1990. Les modifications les plus récentes à son enregistrement ont été également faites par la Cour d’appel de Sarajevo en 1996. Le plaignant ne s’est pas enregistré de nouveau à la lumière des dispositions de la loi sur les associations de citoyens de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, car cette loi ne s’applique pas aux organisations de travailleurs qui opèrent au niveau de la République de Bosnie-Herzégovine, mais seulement au niveau de l’une de ses deux entités, c’est-à-dire la Fédération de Bosnie-Herzégovine. Par ailleurs, si cette loi imposait une obligation d’enregistrement, le plaignant n’aurait jamais pu être en mesure de modifier son enregistrement en 1996, car cette loi avait déjà été promulguée et était entrée en vigueur en 1995.
- 369. Le plaignant déclare que, comme il l’a indiqué au ministère, à la suite de la modification de son enregistrement en 1996, il a continué à agir conformément à la réglementation en vigueur au cours de cette période en vertu des dispositions transitoires figurant à l’annexe II, alinéas 2 et 4, de l’Accord de paix de Dayton. L’alinéa 2 dispose que, lors de l’entrée en vigueur de la Constitution, l’ensemble des lois, règlements et règles de procédure judiciaire en vigueur dans le territoire de la Bosnie-Herzégovine resteront applicables dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec cette Constitution, jusqu’à ce qu’il en soit décidé autrement par un organe gouvernemental compétent de Bosnie-Herzégovine. L’alinéa 4 dispose que, tant qu’ils n’ont pas été supprimés par un accord ou une loi, les bureaux gouvernementaux, institutions et autres organes de Bosnie-Herzégovine opèrent conformément à la loi en vigueur. Le plaignant déclare que la loi sur les associations et les fondations de Bosnie-Herzégovine est le premier texte législatif relatif à l’enregistrement des associations et des fondations au niveau de la République de Bosnie-Herzégovine adopté par l’autorité compétente, à savoir l’Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine, conformément à l’Accord de paix de Dayton. Aussi le plaignant affirme-t-il que, en attendant la promulgation de la loi sur les associations et les fondations avant de faire une nouvelle demande d’enregistrement, il a agi conformément à la législation et à la réglementation applicables – c’est donc à tort que la demande d’enregistrement a été refusée.
- 370. Par ailleurs, le plaignant déclare que le ministère a refusé d’approuver son enregistrement et son inscription au registre sous un nom incluant une référence à la Bosnie-Herzégovine parce que, selon lui, il n’existe pas de base légale suffisante pour autoriser le plaignant à se servir de ce nom. Le plaignant déclare que, dans sa réponse au ministère, il a expliqué qu’une base légale satisfaisante se trouve dans le titre même de la loi applicable, à savoir la loi sur les associations et les fondations de Bosnie-Herzégovine, et a rappelé qu’aucune disposition juridique interdirait le droit de se servir de ce nom. Par ailleurs, le plaignant conteste l’argument du ministère selon lequel il ne sera possible de résoudre cette question qu’après la promulgation de la loi sur l’usage et la protection du nom de Bosnie-Herzégovine, soutenant que la loi sur les associations et les fondations de Bosnie-Herzégovine et l’application de ses dispositions n’est pas subordonnée à la promulgation d’une autre loi.
- 371. Enfin, le plaignant déclare que le ministère n’a pas répondu à sa demande d’information sur la loi qui interdit son enregistrement et sur les textes juridiques qui l’autorisent à décider de l’usage du nom de Bosnie-Herzégovine.
B. Conclusions du comité
B. Conclusions du comité - 372. Le comité déplore le fait que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte et compte tenu de la gravité extrême des allégations, le gouvernement n’ait pas fourni en temps voulu les observations et informations demandées par le comité, alors qu’il a été invité à communiquer sa réponse à diverses reprises, notamment sous la forme d’un appel urgent lancé à sa réunion de juin 2002. Dans ces conditions et conformément avec la règle de procédure applicable [voir 127e rapport du comité, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration à sa 184e session], le comité est tenu de présenter un rapport sur le fond du présent cas, en l’absence des informations du gouvernement qu’il avait espéré recevoir en temps voulu.
- 373. Le comité rappelle tout d’abord au gouvernement que le but de l’ensemble de la procédure instituée à l’OIT pour l’examen des allégations en violation de la liberté syndicale est d’assurer le respect des libertés syndicales en droit comme en fait. Si la procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci doivent reconnaître à leur tour l’importance qu’il y a, pour leur propre réputation, à ce qu’ils présentent, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. [Voir premier rapport du comité, paragr. 31.]
- 374. Le comité note que la présente plainte concerne des allégations selon lesquelles le ministère des Affaires civiles et des Communications refuse à tort d’enregistrer la Confédération des syndicats indépendants de Bosnie-Herzégovine (CSI de BiH) et ses syndicats de branche. Le comité note avec préoccupation qu’il s’agit là du troisième cas qui lui est soumis au sujet d’un refus par les autorités d’enregistrer une organisation nationale d’employeurs ou de travailleurs au niveau de la République de Bosnie-Herzégovine. [Voir cas no 2053, 324e rapport, paragr. 219-234; cas no 2140, 329e rapport, paragr. 290-298.]
- 375. Le comité note que le plaignant, qui est le successeur de la Confédération des syndicats de Bosnie-Herzégovine, a soumis au ministère des Affaires civiles et des Communications une demande de nouvel enregistrement, conformément à la loi sur les associations et les fondations de Bosnie-Herzégovine, et que le ministère a rejeté la demande aux motifs suivants:
- – avant de soumettre une demande d’enregistrement au niveau de la République de Bosnie-Herzégovine en se fondant sur la loi sur les associations et les fondations de Bosnie-Herzégovine, le plaignant aurait dû faire une demande d’enregistrement au niveau de la Fédération de Bosnie-Herzégovine en se fondant sur la loi sur les associations de citoyens;
- – comme une telle demande n’a pas été faite, les autorités contestent l’enregistrement précédent du plaignant auprès de la Cour cantonale de Sarajevo et la légalité de sa succession à la Confédération des syndicats de Bosnie-Herzégovine;
- – il n’existe pas de base légale autorisant le plaignant à se servir du nom de Bosnie-Herzégovine, et la question ne peut être résolue avant la promulgation de la loi sur l’usage et la protection du nom de Bosnie-Herzégovine, promulgation qui est en cours.
- 376. Le comité note que, selon le plaignant, des réponses similaires ont été données à ses syndicats de branche. Le plaignant déclare qu’il a fourni une réponse détaillée au ministère mentionnant les points suivants:
- – la loi sur les associations de citoyens n’est pas applicable à son cas, étant donné qu’il est une confédération générale menant des activités au niveau national de la République de Bosnie-Herzégovine, et non de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, qui est l’une de ses deux entités;
- – il a déjà enregistré une modification à ses statuts en 1996 et a continué à agir selon les lois et règlements applicables, conformément à l’annexe II de l’Accord de paix de Dayton;
- – le droit d’utiliser le nom de Bosnie-Herzégovine est implicite dans le titre même de la loi applicable, à savoir la loi sur les associations et les fondations de Bosnie-Herzégovine, et l’application de cette loi n’est pas subordonnée à la promulgation d’une autre loi. Enfin, aucun texte légal n’interdit l’emploi de ce nom.
- 377. Le comité rappelle que le principe de la liberté syndicale risquerait très souvent de rester lettre morte si les travailleurs et les employeurs devaient, pour pouvoir constituer une organisation, obtenir une autorisation quelconque. Si les fondateurs d’un syndicat doivent observer les prescriptions qui peuvent être en vigueur en vertu d’une législation déterminée, ces prescriptions ne doivent pas équivaloir en pratique à une autorisation préalable, ni s’opposer à la création d’une organisation au point de constituer en fait une interdiction pure et simple. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 207.] Le comité rappelle également que les formalités prescrites par la loi pour créer un syndicat ne doivent pas être appliquées de manière à retarder ou à empêcher la formation des organisations syndicales, et que tout retard provoqué par les autorités dans l’enregistrement d’un syndicat constitue une violation de l’article 2 de la convention no 87. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 251.]
- 378. Le comité souligne que le droit à la reconnaissance officielle par le biais de l’enregistrement légal est un aspect essentiel du droit d’organisation, puisqu’il est une condition nécessaire à l’acquisition de la personnalité juridique en vertu de la loi sur les associations et les fondations de Bosnie-Herzégovine. [Art. 28, paragr. 1.] Le comité rappelle que l’acquisition, par les organisations de travailleurs, leurs fédérations et leurs confédérations, de la personnalité juridique ne peut être soumise à des conditions de nature à limiter le droit de constituer les organisations de leur choix ainsi que celui de s’y affilier. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 606 et 607.]
- 379. Le comité déplore le délai excessif qui s’est écoulé depuis le dépôt initial de la demande d’enregistrement, c’est-à-dire mai 2002, et considère que le rejet de la demande de nouvel enregistrement d’une organisation de bonne foi et ancienne, qui exerce ses activités depuis longtemps déjà dans la République, constitue une violation de l’article 2 de la convention no 87, ratifiée par la Bosnie-Herzégovine. Par ailleurs, le comité note que les motifs invoqués pour refuser d’enregistrer le plaignant apparaissent clairement injustifiés. Le comité demande fermement au gouvernement de prendre en urgence toutes les mesures nécessaires pour procéder rapidement à l’enregistrement du plaignant et de ses membres et de le tenir informé de l’évolution de la situation.
- 380. Le comité note que la demande d’enregistrement du plaignant a été rejetée sur la base de l’article 32 de la loi sur les associations et les fondations de Bosnie-Herzégovine, qui autorise le ministère des Affaires civiles et des Communications à accepter ou à refuser une demande d’enregistrement dans les trente jours de sa soumission et dispose que, si le ministre ne prend pas de décision dans ce délai, la demande d’enregistrement sera considérée comme rejetée. Le comité rappelle qu’une disposition en vertu de laquelle le ministre peut, discrétionnairement, approuver ou rejeter la création d’une fédération générale n’est pas conforme aux principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 609.] De manière plus générale, une disposition légale prévoyant que le droit d’association est soumis à une autorisation donnée d’une manière purement discrétionnaire par un département ministériel est incompatible avec le principe de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 245.] Le comité demande au gouvernement de rendre la législation concernant l’enregistrement des organisations d’employeurs et de travailleurs conforme à la convention no 87. Il rappelle au gouvernement qu’il peut se prévaloir de l’assistance technique du Bureau à ce sujet. Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs du présent cas.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 381. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité déplore que le gouvernement n’ait pas répondu aux allégations bien qu’il ait été invité à le faire en diverses occasions, y compris sous la forme d’un appel urgent, et il l’invite instamment à répondre rapidement.
- b) Le comité note avec préoccupation qu’il s’agit là du troisième cas qui lui est soumis au sujet d’un refus par les autorités d’enregistrer une organisation nationale d’employeurs ou de travailleurs au niveau de la République de Bosnie-Herzégovine.
- c) Déplorant le délai excessif qui s’est écoulé depuis le dépôt de la demande d’enregistrement par le plaignant, et notant que le refus d’enregistrer une organisation ancienne pour des motifs clairement injustifiés constitue une violation de l’article 2 de la convention no 87, ratifiée par la Bosnie-Herzégovine, le comité demande fermement au gouvernement de prendre en urgence toutes les mesures nécessaires pour procéder rapidement à l’enregistrement de la Confédération des syndicats indépendants de Bosnie-Herzégovine (CSI de BiH) et de ses membres, et de le tenir informé à ce sujet.
- d) Le comité demande au gouvernement de rendre la législation concernant l’enregistrement des organisations d’employeurs et de travailleurs conforme à la convention no 87. Il rappelle au gouvernement qu’il peut se prévaloir de l’assistance technique du Bureau à ce sujet.
- e) Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs du présent cas.