Display in: English - Spanish
- ont été harcelés et persécutés en raison de leurs activités syndicales.
- 194 La plainte a été présentée par l’Internationale des services publics (ISP), au nom de l’Association des infirmières diplômées du Bangladesh (BDNA), dans une communication datée du 19 mars 2002.
- 195 Le gouvernement a transmis sa réponse dans une communication datée du 15 juin 2002.
- 196 Le Bangladesh a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. Il n’a pas ratifié la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant - 197. Dans sa communication du 19 mars 2002, ISP allègue, au nom de son organisation affiliée, l’Association des infirmières diplômées du Bangladesh (BDNA), que la présidente de cette organisation, Mme Taposhi Bhattacharjee, ainsi que dix autres membres principaux de BDNA, ont fait l’objet de harcèlement et de persécution en raison de leurs activités syndicales.
- 198. Mme Taposhi est une infirmière chevronnée de l’hôpital Shahid Sorwardi de Dhaka. Elle a travaillé en qualité d’infirmière dans le secteur public pendant vingt-deux ans et, compte tenu de ses compétences professionnelles, elle a obtenu une bourse d’études de l’Organisation mondiale de la Santé pour suivre une formation complémentaire en soins médicaux à l’Université d’Adélaïde, en Australie, où elle devait présenter sa thèse de fin d’études en décembre 2001. Le 7 octobre 2001, elle a reçu une note écrite lui indiquant que son poste à l’hôpital ainsi que son congé autorisé étaient suspendus, étant donné qu’elle avait, semble-t-il, participé à une réunion politique le 15 septembre 2001, ce qui est illégal au regard de la réglementation des services publics du Bangladesh.
- 199. Mme Taposhi soutient qu’elle n’a jamais eu l’occasion d’exposer son cas. Elle dément les allégations qui ont été révélées en premier lieu dans un journal et qu’elle a immédiatement rejetées. Le rapport qu’on lui a fait lire le 10 février 2002 est entièrement faux et est fondé sur des témoignages hostiles; lorsqu’elle en a eu connaissance, elle a fourni des preuves tangibles que ces allégations étaient fausses. Les responsables de l’immeuble où la réunion est censée avoir eu lieu («Audit Bhavan») ont confirmé qu’il n’y avait pas eu de réunion le 15 septembre 2001, étant donné que le vendredi et le samedi sont des jours officiellement fériés; l’immeuble ainsi que l’entrée étaient fermés. BDNA a tenté, en vain, de régler cette affaire avec l’employeur, le ministère de la Santé et les autorités compétentes.
- 200. Par la suite, le directeur des services infirmiers a adressé des avertissements au secrétaire général, ainsi qu’à neuf autres membres de BDNA, pour avoir écrit en vue de protester contre la suspension de Mme Taposhi et de demander le retrait de cette mesure. Le plaignant ne peut qu’en conclure que les mesures prises à l’encontre de Mme Taposhi et des membres exécutifs de BDNA ne sont dues qu’à leurs activités syndicales légitimes.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 201. Dans sa communication du 15 juin 2002, le gouvernement déclare que, en tant que fonctionnaire, Mme Taposhi Bhattacharjee doit se soumettre aux dispositions des règlements et ordonnance suivants:
- – Règlement relatif aux fonctionnaires du gouvernement (Discipline et recours) de 1985;
- – Ordonnance relative aux fonctionnaires du gouvernement (Dispositions particulières) de 1979; et
- – Règlement relatif aux fonctionnaires du gouvernement (Conduite) de 1979.
- 202. Si l’article 38 de la Constitution garantit le droit de former des syndicats «… assujetti aux restrictions rationnelles imposées par la loi, afin de préserver la moralité ou l’ordre public», l’article 27 dispose que «personne n’est au-dessus de la loi et que chacun a les mêmes droits devant la loi».
- 203. Selon les termes du Règlement relatif aux fonctionnaires du gouvernement (Discipline et recours) de 1985, un fonctionnaire public peut être licencié pour mauvaise conduite; on entend par mauvaise conduite, une conduite préjudiciable au bon ordre ou à la discipline d’un service public ou contraire aux dispositions du Règlement relatif aux fonctionnaires du gouvernement (Conduite) de 1979, une conduite qui ne sied pas à un fonctionnaire, notamment le fait de soumettre des pétitions portant des accusations exagérées, vexatoires, fausses ou frivoles à l’encontre du gouvernement. Les fonctionnaires peuvent également être licenciés en vertu de l’Ordonnance relative aux fonctionnaires du gouvernement (Dispositions particulières) de 1979, s’ils s’engagent dans des activités qui nuisent à la discipline et gênent l’exécution des tâches d’un autre fonctionnaire, et s’ils incitent les autres fonctionnaires à abandonner leur poste ou à cesser leurs activités.
- 204. Selon les dispositions du Règlement relatif aux fonctionnaires du gouvernement (Conduite) de 1979, le fait de critiquer le gouvernement, de publier des tracts et de s’engager dans la politique en participant à des mouvements politiques liés aux affaires internes du Bangladesh, ainsi que le fait de se mettre en rapport directement ou indirectement avec des organismes d’aide extérieure, constituent une infraction en raison de laquelle un fonctionnaire peut être licencié, en vertu du Règlement relatif aux fonctionnaires du gouvernement (Discipline et recours) de 1985.
- 205. Mme Taposhi a été suspendue le 7 octobre 2001 et un comité d’enquête, composé du responsable de l’école d’infirmières de l’Université de médecine de Dhaka, a été mis en place le 8 décembre 2001. Le responsable chargé de l’enquête a recueilli des témoignages auprès de sept infirmières et de l’infirmière surveillante et a communiqué son rapport le 27 janvier 2002, qui concluait que les accusations portées à l’encontre de Mme Taposhi avaient été prouvées. L’avis de licenciement a été émis le 10 février 2002 et elle a été renvoyée du service le 26 février 2002.
- 206. Selon le gouvernement, il a été prouvé que Mme Taposhi a imprimé, publié et distribué un tract incitant la population en général, et les fonctionnaires en particulier, à se soulever contre le gouvernement de transition apolitique d’alors, ce qui équivaut à la sédition, à la trahison et à la subversion.
- 207. Le 9 mars 2002, Mme Taposhi a déposé une requête auprès de la chambre de la Haute Cour de la Cour suprême contre son licenciement; le tribunal a suspendu celui-ci le 10 mars 2002. L’ordonnance du tribunal a été exécutée et Mme Taposhi a repris ses fonctions.
- 208. Le gouvernement ajoute que Mme Taposhi a demandé à l’ISP d’intervenir sans lui donner toutes les informations, puisque l’affaire relative à son licenciement était en instance au tribunal. Etant donné que cette affaire est entre les mains de la justice, toute action entreprise par quiconque constitue un outrage au tribunal; la démarche que Mme Taposhi a entreprise est un acte de non-respect absolu de la loi et de la justice. L’article 117 de la Constitution du Bangladesh stipule que les plaintes relatives au fonctionnariat doivent être présentées au tribunal administratif; cependant, Mme Taposhi a préféré déposer une requête auprès de la chambre de la Haute Cour de la Cour suprême, où l’affaire est actuellement en instance. Etant donné qu’au Bangladesh le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir exécutif, le gouvernement ne peut pas agir en la matière.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 209. Le comité prend note que ce cas concerne le licenciement de la présidente d’un syndicat et les menaces proférées à l’encontre de dix membres principaux du comité exécutif de ce syndicat. Le gouvernement justifie la sanction émise à l’encontre de Mme Taposhi en faisant valoir qu’elle a imprimé, publié et distribué un tract incitant la population en général, et les fonctionnaires en particulier, à se soulever contre le gouvernement. Mme Taposhi a catégoriquement démenti avoir procédé à ces actes qui, selon elle, ont été entièrement fabriqués; elle prétend également qu’on ne lui a pas laissé la possibilité d’exposer son cas et que les mesures prises à son encontre sont dues à ses activités syndicales.
- 210. En ce qui concerne l’argument du gouvernement selon lequel Mme Taposhi n’aurait pas dû faire intervenir l’ISP auprès de l’OIT puisque l’affaire est entre les mains de la justice et que toute action entreprise par quiconque constitue un outrage au tribunal, le comité rappelle que, si le recours à la procédure judiciaire interne, quel qu’en soit le résultat, constitue un élément qui doit, certes, être pris en considération, le comité a toujours estimé, étant donné la nature de ses responsabilités, que sa compétence pour examiner les allégations n’était pas subordonnée à l’épuisement des procédures nationales de recours. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, annexe I, paragr. 33.]
- 211. S’agissant des dispositions sur lesquelles s’appuient les autorités pour suspendre et licencier Mme Taposhi, le comité note que la réglementation du service public, en particulier l’interdiction totale de toute activité politique prévue par les termes du Règlement relatif aux fonctionnaires du gouvernement (Conduite) de 1979, est formulée dans des termes plutôt vagues. Le comité note par ailleurs que les termes utilisés par le gouvernement pour qualifier les actes de Mme Taposhi sont très forts. Il rappelle que, si un mandat syndical ne confère pas à son titulaire une immunité lui permettant de violer les dispositions en vigueur, celles-ci, à leur tour, ne doivent pas porter atteinte aux garanties en matière de liberté syndicale, ni sanctionner des activités qui, conformément aux principes généralement reconnus en la matière, devraient être considérées commes des activités syndicales licites. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 42.]
- 212. Pour ce qui est des faits énoncés, le comité note que les preuves dont fait état le gouvernement sont minces, étant donné qu’il se limite à déclarer «qu’il a été prouvé» que Mme Taposhi avait procédé à ces actes, sans apporter de preuve tangible (à savoir le soi-disant tract) ni de preuve de témoignages (selon lesquels elle était bien la personne qui a publié et distribué le tract ou qui a incité les autres fonctionnaires à se soulever contre le gouvernement). Il apparaît également dans les documents transmis au comité que ces accusations ont été révélées en premier lieu dans un article de journal du 7 octobre 2001 qui indiquait qu’elle avait été suspendue. Par ailleurs, selon les propres observations du gouvernement, ce n’est que deux mois plus tard (8 décembre 2001) qu’un comité d’enquête a été établi. En outre, il n’a pas contesté le fait que Mme Taposhi n’ait pas eu une réelle occasion de donner sa version de l’affaire et d’exposer son cas (le responsable chargé de l’enquête lui a simplement lu le rapport que Mme Taposhi a jugé faux et fondé sur des témoignages erronés et hostiles), ni le fait que l’endroit où la réunion était censée avoir eu lieu ait été fermé, puisque que la date susmentionnée était un jour officiellement férié.
- 213. Compte tenu de la gravité des accusations et de leurs conséquences, ainsi que de l’inconsistance des preuves, le comité considère que la direction de l’hôpital, pour suivre une procédure régulière, aurait dû d’abord mener une enquête et ensuite prendre des mesures appropriées en fonction des déclarations de Mme Taposhi. Dans ces circonstances, le comité estime que les véritables motifs du licenciement de Mme Taposhi pourraient être liés à son statut et à ses activités de présidente de BDNA.
- 214. En ce qui concerne la situation actuelle de Mme Taposhi, le comité note que la chambre de Haute Cour de la Cour suprême a émis une ordonnance de suspension de l’avis de licenciement, suite à laquelle elle a réintégré son poste. Il semble, toutefois, que le fond de cette affaire soit toujours examiné par la Haute Cour, mais le comité n’est pas à même de juger les fondements sur lesquels la décision a été rendue, étant donné qu’aucun exemplaire de la décision ne lui a été communiqué. Espérant vivement que la Cour prendra en considération les éléments relatifs au licenciement de Mme Taposhi susmentionnés, ainsi que les principes de la liberté syndicale, lorsqu’elle examinera le fond de l’affaire, le comité demande au gouvernement de lui fournir un exemplaire de l’ordonnance de suspension émise le 10 mars 2002, et un exemplaire de la décision finale, lorsque celle-ci sera rendue. Notant que Mme Taposhi a été réintégrée dans ses fonctions dans l’attente du jugement, le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures dont il dispose pour veiller à ce que Mme Taposhi soit définitivement réintégrée dans son poste, au cas où la Cour estimerait que son licenciement était dû à ses activités syndicales. Il demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- 215. Les conclusions de possible discrimination syndicale mentionnées ci-dessus se fondent également sur les avertissements adressés au même moment à dix membres principaux du comité exécutif de BDNA, pour avoir protesté contre la suspension et le licenciement de Mme Taposhi. Le comité rappelle que le droit de pétition constitue une activité légitime des organisations syndicales, et les signataires de pétitions de nature syndicale ne devraient être ni inquiétés ni sanctionnés du fait de ce type d’activité. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 719.] Le comité demande instamment au gouvernement de veiller à ce que les avertissements adressés à ces dix travailleurs soient retirés de leur dossier personnel.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 216. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de lui fournir un exemplaire de l’ordonnance de suspension émise par la Haute Cour le 10 mars 2002, et un exemplaire de la décision finale lorsque celle-ci aura été rendue.
- b) Notant que Mme Taposhi a été réintégrée dans ses fonctions dans l’attente du jugement, le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures dont il dispose pour veiller à ce que Mme Taposhi soit définitivement réintégrée dans son poste, au cas où la Cour estimerait que son licenciement était dû à ses activités syndicales. Il demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- c) Le comité demande instamment au gouvernement de donner des directives appropriées à la direction de l’hôpital Shahid Sorwardi, afin que les avertissements adressés à dix membres principaux du comité exécutif du syndicat soient retirés de leur dossier personnel, et de le tenir informé à cet égard.