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56. La présente plainte figure dans une communication datée du 6 novembre 1997 envoyée par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL).
- 56. La présente plainte figure dans une communication datée du 6 novembre 1997 envoyée par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL).
- 57. Le gouvernement a fait parvenir des observations dans une communication en date du 4 février 1998.
- 58. Le Chili n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 59. Dans sa communication en date du 6 novembre 1997, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) allègue que, le 29 juillet 1997, l'entreprise d'électricité Rhona SA a mis fin, de façon unilatérale, au contrat de travail de M. Eduardo Araos Herrera, secrétaire du Syndicat national de Rhona SA et trésorier de la Fédération de la métallurgie (FETEM). Selon la CISL, ce licenciement viole les normes relatives au droit du travail sanctionnées par la législation du travail chilienne et, de ce fait, les organisations syndicales intéressées ont engagé une procédure judiciaire pour nullité du licenciement et saisi l'autorité administrative du travail d'une plainte afin d'obtenir la réintégration du dirigeant dans son poste. Toutefois, tribunaux et autorités administratives se sont vus dépassés par l'attitude de défi de la direction de Rhona SA qui a refusé de se plier à la décision de la Direction nationale du travail demandant la réintégration du dirigeant injustement licencié. De même, la CISL allègue que MM. Sergio Cea Valenzuela, Sergio Silva Pérez et Jorge Muñoz Llanos, dirigeants syndicaux de l'entreprise Brink's Chile, ont été injustement licenciés, alors qu'ils bénéficiaient de la protection prévue par le droit du travail, au motif de leurs activités visant à constituer un syndicat de travailleurs dans ladite entreprise.
- 60. Par ailleurs, la CISL allègue que le 13 mai 1997, lors d'une journée de protestation organisée par la Confédération des syndicats du secteur bancaire dans les galeries du Sénat de la République pour manifester le désaccord du secteur face au projet de loi visant à étendre la durée du travail aux samedis, dimanches et jours fériés, les travailleurs ont été violemment expulsés et que, par la suite, les dirigeants syndicaux, Luis Pereira, Nicolás Soto et Luis Mesina, ont été détenus. Peu après, ces dirigeants ont été libérés, mais, fait sans précédent, le Sénat a engagé une procédure pénale contre eux pour "manque de respect à l'autorité" avec, pour conséquence, l'instruction en cours d'une procédure judiciaire malgré les appels répétés lancés par les organisations syndicales et sociales en vue d'obtenir la cessation de cette action.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 61. Dans sa communication du 4 février 1998, le gouvernement déclare, au sujet du licenciement de M. Eduardo Araos Herrera, dirigeant du syndicat de l'entreprise Rhona SA et de la Fédération de la métallurgie (FETEM), que l'employeur a effectivement mis fin à son contrat de travail sans avoir obtenu d'autorisation préalable du tribunal compétent, comme le prévoit l'article 174 du Code du travail. L'employeur invoque pour motif de ce mode de licenciement que, à la date où il a eu lieu, la personne en question n'était pas dirigeant syndical. Les inspecteurs du travail de Viña del Mar se sont rendus chez Rhona SA et ils ont sommé l'employeur de réintégrer le travailleur et de respecter ses obligations contractuelles. Cependant, l'entreprise n'a pas suivi les instructions des inspecteurs du travail et a maintenu le licenciement sans réintégrer le travailleur. Face à cette situation, le dirigeant syndical en a appelé au tribunal du travail compétent, demandant l'annulation de son licenciement et sa réintégration dans l'entreprise. Cette procédure est actuellement en cours devant le tribunal du travail de Viña del Mar.
- 62. S'agissant du licenciement de MM. Sergio Cea Valenzuela, Sergio Silva Pérez et Jorge Muñoz Llanos, dirigeants du syndicat de l'établissement de l'entreprise Brink's Chile, région V, le gouvernement fait savoir que ce syndicat a été constitué le 10 mai 1996 et qu'il a élu les dirigeants précités. L'entreprise a refusé de les recevoir et les a licenciés. Le gouvernement ajoute que, comme ces travailleurs bénéficiaient de la protection syndicale et que l'entreprise n'avait pas obtenu d'autorisation préalable de licenciement du tribunal du travail compétent, les inspecteurs du travail de Viña del Mar se sont rendus chez Brink's Chile, région V, et ont ordonné de les réintégrer. L'entreprise n'a pas respecté ces instructions et s'est vu infliger plusieurs amendes pécuniaires. Devant cette situation, les travailleurs ont saisi le tribunal du travail de Viña del Mar de ce cas pour "pratiques antisyndicales". Cette plainte a été acceptée et a fait l'objet d'un jugement favorable aux travailleurs le 27 septembre 1997. Mais l'entreprise a interjeté appel devant le tribunal supérieur (cour d'appel), ce qui a provoqué la nullité du jugement précédent et ramené la procédure au stade de la production de preuves demandées par l'entreprise. Cette procédure est actuellement en cours devant le Premier tribunal du travail de Valparaíso.
- 63. Le gouvernement précise que la direction du travail et ses services, les inspections du travail, n'ont pas faculté de faire exécuter leurs décisions et peuvent seulement infliger des amendes pécuniaires. Il ressortit aux tribunaux du travail, après le prononcé d'un jugement ordinaire, d'ordonner la réintégration des travailleurs qui bénéficient de la protection syndicale et qui ont été licenciés.
- 64. Pour ce qui est de la détention et de la procédure judiciaire pour "manque de respect à l'autorité" de la part de MM. Luis Pereira Concha, Nicolás Soto Reyes et Luis Mesina Marín, dirigeants de la Confédération des syndicats bancaires, le gouvernement indique qu'il a consulté le Sénat de la République (branche du pouvoir législatif), dont le président a fait, le 10 octobre 1997, la communication suivante:
- -- Le Sénat du Chili, conformément à sa tradition de tolérance vis-à-vis des opinions qui sont débattues dans son enceinte et désireux de porter à la connaissance du public ses activités, admet la présence dans les galeries de toute personne souhaitant assister à ses séances et connaître les différents points de vue exprimés. Cette règle revêt un caractère général et permanent, à l'exception des séances à huis clos.
- -- La présence dans les galeries réservées au public, en toute logique, est autorisée pour autant qu'il n'y ait pas de manifestations; et, au cas où il s'en produit, le président est tenu de maintenir l'ordre. A cet effet, le point 3 de l'article 23 du règlement du Sénat donne au président la faculté de demander l'intervention de la force publique, d'ordonner l'évacuation des galeries et "de mettre à la disposition de la justice tout individu qui provoque des désordres à n'importe quel endroit de l'enceinte".
- -- La faculté précitée se réfère à trois normes légales, dont deux figurent dans le Code pénal chilien en vigueur, sans modification, depuis le 1er mars 1875, qui qualifie de délit certaines conduites déterminées qui gênent les corps législatifs, leurs commissions, un sénateur ou député. L'article 263 sanctionne l'injure, dans les faits ou par la parole, faite aux corps législatifs ou à leurs commissions, tant lors d'actes publics que d'attributions particulières. L'article 264 stipule que "quiconque perturbe gravement l'ordre des séances des corps législatifs ou injurie ou menace, pendant ces séances, un député ou un sénateur" commet le délit de manque de respect à l'autorité, et il en va de même pour quiconque injurie ou menace un sénateur ou un député en raison des opinions exprimées au Congrès (nos 1 et 3, premier alinéa).
- -- Par ailleurs, la loi no 12927, sur la sécurité de l'Etat, promulguée le 2 août 1958, à la lettre b) de l'article 6, précise que commet un délit contre l'ordre public quiconque diffame, injurie ou calomnie les sénateurs ou députés, qu'il y ait diffamation, injure ou calomnie en raison ou non de l'exercice des fonctions de l'offensé.
- -- La même loi sur la sécurité de l'Etat, en son article 26, dispose que l'autorité compétente pour connaître des délits envisagés, entre autres dispositions, par les trois articles auxquels il vient d'être fait référence, est un juge de la cour d'appel qualifiée.
- -- Afin de faire comprendre les faits qui ont motivé l'action engagée postérieurement par le Sénat devant les tribunaux compétents, il cite la version de ces faits donnée par Monsieur le vice-président de l'Assemblée, le sénateur Eugenio Cantuarias devant le magistrat qui instruit le cas:
- "Le mardi 13 mai 1997, dans l'après-midi, le Sénat siégeait en présence d'un important public dans les galeries. Il examinait, en particulier, le projet de loi portant modification de la loi générale sur les banques...
- Pendant les interventions de certains sénateurs se sont produites dans le public, ... diverses manifestations tels des applaudissements, des quolibets ou des insultes, qui m'ont amené, en ma qualité de président en exercice du Sénat, à déclarer que les manifestations étaient interdites. Malgré cela, ... l'ordre a été tellement perturbé que je me suis vu obligé de suspendre la séance pour que la force publique fasse évacuer les galeries et que l'on puisse après cela reprendre la séance sans interruption.
- Je dois préciser que l'on a proféré des termes ... grossiers adressés principalement à certains sénateurs, ... que les désordres visant à interrompre les orateurs ont consisté en des cris et des slogans ainsi que le lancement depuis les galeries dans la salle du Sénat de différents objets,...
- Les gendarmes présents dans les galeries qui ont procédé à l'évacuation, ... ont identifié les principaux auteurs de ces désordres et de ces injures en la personne de MM. Nicolás Soto Reyes, Luis Fernando Mesina Marín et Luis Armando Pereira Concha,..."
- -- Comme on peut en juger, l'injonction formulée par le Sénat est strictement conforme aux dispositions légales et réglementaires en vigueur, et a pour seul but de sauvegarder la dignité et le respect dus à cette institution. Tout partisan de la défense de cette institution démocratique ne manquera pas d'admettre que son fonctionnement s'est vu objectivement entravé par les faits qui viennent d'être mentionnés, quels que soient les motifs qui ont pu pousser leurs auteurs. En fait, on s'est limité à demander d'un organe absolument impartial, tel le tribunal compétent, d'instruire les faits et de décider s'ils sont constitutifs de certains des délits mentionnés et, au cas où ils le seraient, de déterminer les responsabilités.
- -- S'agissant du procès intenté à la demande du Sénat contre les dirigeants syndicaux de la Fédération bancaire, il est inscrit au rôle sous le no 863-97, et est actuellement instruit par un juge de la cour d'appel de Valparaíso (tribunal civil et d'arbitrage). A l'heure actuelle, aucun de ces dirigeants syndicaux n'est détenu et ils jouissent de leur entière liberté.
- 65. Enfin, le gouvernement indique que tout autre précédent dont il viendrait à connaître serait communiqué comme il se doit.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 66. Pour ce qui est du licenciement de dirigeants syndicaux des entreprises Rhona SA (M. Araos Herrera) et Brink's (MM. Cea Valenzuela, Silva Pérez et Muñoz Llanos), alors qu'ils bénéficiaient de la protection syndicale, le comité prend acte que l'inspection du travail a ordonné la réintégration de ces travailleurs à leurs employeurs respectifs, qui l'ont refusée, et que, en conséquence de cela, ont été engagées des procédures judiciaires visant à réintégrer les licenciés, ces procédures sont actuellement en cours. A ce sujet, étant donné que la législation chilienne exige d'obtenir préalablement au licenciement de dirigeants syndicaux une autorisation judiciaire, et qu'elle n'a pas été demandée dans le cas présent, le comité regrette le licenciement des quatre syndicalistes mentionnés par le plaignant et rappelle que personne ne devrait être soumis à une discrimination dans l'emploi du fait de son affiliation ou de ses fonctions ou activités syndicales légitimes. Le comité souhaite rappeler que les affaires soulevant des questions de discrimination antisyndicale contraire à la convention no 98 devraient être examinées promptement afin que les mesures correctives nécessaires puissent être réellement efficaces. Une lenteur excessive dans le traitement des cas de discrimination antisyndicale et, en particulier, l'absence de jugement pendant un long délai dans les procès relatifs à la réintégration des dirigeants syndicaux licenciés équivalent à un déni de justice et, par conséquent, à une violation des droits syndicaux des intéressés. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 749.) A cet égard, le comité prie instamment le gouvernement de prendre immédiatement toutes les mesures possibles pour la réintégration des dirigeants syndicaux en cause. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat des procédures en cours.
- 67. S'agissant de l'évacuation du Sénat, de la détention des dirigeants syndicaux, Luis Pereira, Nicolás Soto et Luis Mesina, et de l'action pénale engagée à leur endroit pour "manque de respect à l'autorité", le comité prend note qu'ils sont tous trois actuellement en liberté dans l'attente du résultat de la procédure judiciaire. Le comité prend acte que, selon le gouvernement et le rapport envoyé par le président du Sénat, l'évacuation, la détention et la procédure pénale engagée contre ces personnes sont dues à des insultes grossières et répétées proférées à l'encontre de certains sénateurs lors de l'examen d'un projet de loi ainsi qu'à des désordres provoqués pour interrompre les orateurs, et ce en dépit d'un avertissement du président du Sénat. A cet égard, le comité rappelle qu'en exerçant leur liberté d'expression et en exprimant leurs opinions "les organisations syndicales ne devraient pas dépasser les limites convenables de la polémique et devraient s'abstenir d'excès de langage". (Voir Recueil, op. cit., paragr. 152.) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de la procédure en cours à l'encontre de ces dirigeants.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 68. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandation suivantes:
- a) Au sujet du licenciement de dirigeants syndicaux sans autorisation judiciaire dans les entreprises Rhona SA (M. Araos Herrera) et Brink's (MM. Cea Valenzuela, Silva Pérez et Muñoz Llanos), étant donné que la législation chilienne prescrit d'obtenir une autorisation judiciaire préalablement à tout licenciement de dirigeants syndicaux et qu'elle n'a pas été demandée dans le cas présent, le comité regrette le licenciement des quatre syndicalistes mentionnés par l'organisation plaignante, prie instamment le gouvernement de prendre immédiatement des mesures pour leur réintégration et demande au gouvernement de le tenir informé de l'issue des procédures en cours.
- b) En ce qui concerne les allégations relatives à l'évacuation du Sénat et à la détention temporaire des dirigeants syndicaux, Luis Pereira, Nicolás Soto et Luis Mesina, ainsi que la procédure judiciaire intentée contre eux pour délit de "manque de respect à l'autorité", le comité prend note que, selon le gouvernement, ces faits sont dus à des insultes "grossières" faites à certains sénateurs pendant l'examen d'un projet de loi et à des désordres provoqués pour interrompre les orateurs. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat du procès en cours contre ces dirigeants.