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Interim Report - Report No 304, June 1996

Case No 1862 (Bangladesh) - Complaint date: 11-DEC-95 - Closed

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57. Dans une communication datée du 11 décembre 1995, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a présenté une plainte contre le gouvernement du Bangladesh. La Fédération internationale des travailleurs du textile, de l'habillement et du cuir (FITTHC) s'est associée à cette plainte dans une communication datée du 11 janvier 1996.

  1. 57. Dans une communication datée du 11 décembre 1995, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a présenté une plainte contre le gouvernement du Bangladesh. La Fédération internationale des travailleurs du textile, de l'habillement et du cuir (FITTHC) s'est associée à cette plainte dans une communication datée du 11 janvier 1996.
  2. 58. Le gouvernement du Bangladesh a présenté ses observations dans une communication datée du 5 février 1996.
  3. 59. Le Bangladesh a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 60. La CISL allègue que le gouvernement du Bangladesh a violé les principes de la liberté syndicale dans la mesure où, dans certaines circonstances qui seront décrites ci-après, il n'a pas assuré une protection à des travailleurs et des syndicalistes.
  2. 61. Le BIGU (Syndicat des travailleurs indépendants de l'habillement du Bangladesh) a été créé en décembre 1994. Il s'agit du premier syndicat du Bangladesh fondé et dirigé par des travailleuses. D'après la CISL, ce syndicat s'est heurté, dès le début, à une résistance de la part des entreprises de cette branche d'activité qui a conduit à une violation systématique du droit d'organisation et d'autres droits syndicaux. Pour défendre ces droits, le BIGU a dû présenter plusieurs plaintes devant les tribunaux du travail contre des entreprises de l'habillement que dirigent des membres de la BGMEA (Association des fabricants et exportateurs de vêtements du Bangladesh), l'association des employeurs bangladeshis dans le secteur de l'habillement.
  3. 62. D'après la confédération plaignante, des violations systématiques des droits des travailleurs se seraient produites, en particulier, dans l'usine de tricots de Palmal, à Dhaka, usine dirigée par un vice-président de la BGMEA. Parmi les violations dont été victimes des travailleurs et des membres de leurs familles, il y aurait eu des voies de fait, des démission forcées, des licenciements, des listes noires, des menaces et d'autres manoeuvres d'intimidation.
    • Pressions et voies de fait exercées contre MM. N. Ahmed et M. Rahman, et démissions
  4. 63. La CISL indique que, le 25 mai 1995, M. Nasir Ahmed, membre du BIGU, aurait été sévèrement battu et enfermé dans un entrepôt par les dirigeants de Palmal. Il aurait été l'objet de menace de mort s'il refusait de signer une feuille blanche, ce qu'il a fini par faire. Le directeur de Palmal a alors rédigé une lettre de démission, et il s'est ainsi retrouvé à la porte de l'usine. Deux jours auparavant, le 23 mai 1995, les dirigeants de Palmal avaient frappé un militant syndical du BIGU, M. Motiur Rahman, et l'avaient enfermé dans un entrepôt pendant sept heures. Ils avaient menacé de torturer tous les travailleurs qui participaient à des activités syndicales et de le tuer. Comme M. Ahmed, il a été forcé de signer une feuille banche. Il a ainsi été démis de ses fonctions et expulsé de l'usine.
    • Cessation d'emploi et inscription sur une liste noire de huit membres du BIGU
  5. 64. La confédération plaignante allègue qu'une autre atteinte aux droits syndicaux s'est produite en rapport avec le paiement des heures supplémentaires: depuis janvier 1995, les travailleurs de la bonneterie de l'entreprise Palmal ont dû travailler de nuit, mais ils n'ont été que partiellement payés pour les heures supplémentaires ainsi effectuées. En outre, en mars 1995, la rémunération des heures supplémentaires a été réduite, alors que le nombre d'heures de travail effectuées n'a pas changé. Huit membres du BIGU ont demandé à recevoir le montant qu'ils percevaient auparavant mais il ont été licenciés sur le champ. Comme ils avaient introduit des recours en réintégration devant le Tribunal du travail, la direction de l'usine leur a notifié leur absence sans autorisation. Les travailleurs ont alors déposé un deuxième recours. Ils figurent aujourd'hui sur une liste noire, Palmal ayant envoyé leurs noms et leurs photographies à d'autres usines de la région.
    • Dénigrement de 11 membres du BIGU
  6. 65. Selon la confédération plaignante, quand une association de défense des droits de l'homme a commencé à enquêter sur les abus commis dans l'entreprise Palmal, celle-ci a falsifié des documents pour essayer de discréditer les onze membres du BIGU qui avaient intenté une action en justice contre elle; elle a poussé 154 travailleurs à signer des feuilles blanches, en leur faisant croire que s'ils ne signaient pas l'entreprise serait obligée de quitter la région. Une page de couverture qualifiant les plaignants de "mécréants" qui cherchaient à détruire l'usine était jointe à ces feuilles. Le document a ensuite été envoyé à l'association de défense des droits de l'homme.
    • Menace de transfert pour quatre membres du BIGU
  7. 66. En août, quatre militants du BIGU ont été informés qu'ils seraient transférés vers une autre usine très éloignée de leur domicile.
    • Démission forcée avortée, licenciement de cinq travailleurs, inscription sur des listes noires, voies de fait, discrimination antisyndicale, pressions exercées sur des proches
  8. 67. Le 7 septembre 1995, cinq travailleurs, dont la présidente de secteur du BIGU, Mme Kalpona, ont été contraints par le directeur général à la démission s'ils ne voulaient pas être licenciés. Ils ont refusé de démissionner et ont continué à travailler. Le 13 septembre, Mme Kalpona et un autre travailleur M. Nurul Islam ont été informés de nouveau que l'on n'avait plus besoin de leurs services et qu'ils devaient quitter l'usine. Comme ils refusaient de se plier à cette injonction, M. Nurul Islam a été pris au collet, et ils ont été tous deux littéralement jetés dehors. Ils n'ont jamais perçu les arriérés de salaires auxquels ils avaient droit et se sont vu fermer les portes des autres usines pendant un certain temps sous l'effet des efforts déployés par l'entreprise Palmal pour les faire placer sur une liste noire. Ils ont tout de même fini par trouver un emploi dans une autre usine. M. Nurul Islam a été embauché à condition de renoncer à poursuivre l'entreprise Palmal en justice. Le directeur général de l'entreprise lui a fait savoir que le mois de salaire et les deux mois d'heures supplémentaires qui restaient à payer ne lui seraient versés que s'il acceptait de signer une lettre de démission.
  9. 68. Le 17 septembre 1995, le directeur général de l'entreprise Palmal a demandé aux surveillants de la chaîne de fabrication de se renseigner sur les activités syndicales du personnel. Ces surveillants ont établi une liste de 18 membres du BIGU. Six de ces membres ont dû démissionner s'ils ne voulaient pas que leur photographie soit diffusée. Le 19 septembre, ces dix-huit membres du BIGU ont écrit à la direction pour dire qu'en agissant en faveur d'un syndicat ils ne faisaient qu'exercer leurs droits. Ces membres ont été interrogés ultérieurement par la direction, qui n'a pas voulu reconnaître les heures supplémentaires effectuées, les privant ainsi d'un revenu dont leurs familles avaient besoin. Craignant des mesures de représailles, d'autres travailleurs de l'entreprise ont refusé de s'associer à un recours en justice pour obtenir le paiement du salaire minimum.
  10. 69. D'après la CISL, la direction de l'entreprise Palmal a aussi utilisé une autre tactique qui consistait à faire pression sur les parents des militants du BIGU employés dans la même usine en les menaçant de licenciement ou de voies de fait si les membres du BIGU poursuivaient leurs activités. Peu après que les travailleurs aient réclamé, comme précisé ci-dessus, le paiement des heures supplémentaires, l'entreprise a licencié la mère de l'un des plaignants. En menaçant les frères de deux travailleurs, la direction a conduit un travailleur à retirer sa plainte, et un autre à démissionner. Les représentants de la direction se sont rendus au domicile d'une soeur de l'un des plaignants et, usant de menaces, ont poussé son mari, lui aussi employé chez Palmal, à la frapper devant eux.
    • Contrainte à la démission et menace d'inscription sur une liste noire de deux travailleuses
  11. 70. Le 17 septembre 1995, deux travailleuses qui se rendaient régulièrement dans les bureaux du BIGU ont été contraintes par le directeur général à signer des lettres de démission si elles ne voulaient pas que leur photographie soit communiquée à d'autres usines. Elles ont reçu l'ordre de ne plus se rendre dans les bureaux du BIGU. Craignant pour leur emploi, elles ont obtempéré (mais elles n'ont pas été autorisées à lire les lettres qu'on leur avait fait signer). Elles ont eu trop peur pour intenter une action en justice contre l'entreprise. Elles n'ont perçu ni le paiement des heures supplémentaires ni l'indemnité de départ auxquels elles avaient droit.
    • Agression contre des syndicalistes et attaques contre des locaux syndicaux
  12. 71. Dans la nuit du 21 novembre 1995, un groupe de 25 à 30 personnes a pris d'assaut les bureaux et le centre d'étude du BIGU, à Dhaka, et a agressé et terrorisé les responsables et l'avocat, ainsi que le personnel et les membres présents du syndicat. La plupart des victimes étaient des femmes. Les assaillants -- des jeunes gens bien habillés -- étaient armés de pistolets, de fusils et de cocktails molotovs. Ils ont frappé des responsables du BIGU, y compris le président, le vice-président, le secrétaire général, le secrétaire chargé de la presse et des militants, avec la crosse de leur fusil et des chaises. Ils ont encerclé l'avocate du BIGU, Mme F.K. Feroza, lui ont arraché son sari et tenté d'y mettre le feu. Ils ont menacé d'abattre tout travailleur qui oserait dire un mot, ont tiré plusieurs coups de feu en l'air, détruit des dossiers, brisé des vitres, renversé des classeurs et d'autres meubles, et lancé des allumettes allumées dans la pièce. Il y avait plus de 120 travailleurs sur les lieux qui étaient venus soit pour solliciter l'avis d'un juriste, soit pour prendre un cours de droit du travail ou de langues. L'immeuble abrite également une école du BIGU destinée aux enfants des travailleurs et un dispensaire. Malgré les importants dommages causés, les bureaux du BIGU étaient de nouveau ouverts le lendemain. Les responsables syndicaux ont informé les autorités de cette agression, et ont réclamé une enquête approfondie et une protection contre d'autres attaques éventuelles.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 72. Dans sa communication du 5 février 1996, le gouvernement indique qu'il a mené une enquête approfondie à la suite de la présentation de cette plainte, et qu'il n'a constaté aucune atteinte aux droits syndicaux. Il ajoute que, d'après la direction de l'entreprise, les allégations présentées l'ont été à l'instigation d'intervenants extérieurs qui cherchent à démolir l'industrie de l'habillement, une industrie entièrement orientée vers l'exportation.
    • Enregistrement de syndicats
  2. 73. Selon le gouvernement, il existe 106 syndicats d'entreprise et six fédérations nationales dans le secteur de l'habillement, d'où la nécessité d'avoir un syndicalisme sain. Cependant, souligne-t-il, le BIGU n'est pas un syndicat enregistré. Il aurait été créé en décembre 1994 et regrouperait essentiellement des travailleurs et travailleuses venant de 600 usines de vêtements qui auraient été licenciés ou qui auraient démissionné. Aucun document, même sous la forme d'une liste d'adhérents, n'a pu être fourni aux enquêteurs qui se sont rendus dans les locaux du BIGU le 15 janvier 1995. Il semble que certains des travailleurs de Palmal Knitwear sont membres du BIGU, mais leur nombre n'a pas pu être précisé. Pour le gouvernement, le BIGU n'existe pas en tant que syndicat, et ses activités, que gèrent des conseillers juridiques présentés comme des militants des droits de l'homme, ne sauraient être qualifiés d'activités syndicales au sens de l'article 11 A de l'ordonnance de 1969 sur les relations professionnelles, qui dispose qu'aucun syndicat non enregistré ne peut être considéré comme un syndicat, d'autant que l'article 7(2) de cette ordonnance, dispose qu'aucun syndicat ne peut être enregistré s'il ne regroupe pas au moins 30 pour cent de la main-d'oeuvre totale de l'établissement.
    • Pressions, voies de fait et démission de MM. M. Rahman et N. Ahmed
  3. 74. Le gouvernement indique que M. Motiur Rahman, machiniste chez Palmal Knitwear, a démissionné de son plein gré en 1995, en la présence de son beau-frère. Il travaille aujourd'hui dans une usine de vêtements de Gazipur, où il perçoit un salaire plus élevé. La direction de l'usine nie catégoriquement avoir enfermé M. Rahman dans un dépôt en raison de ses activités syndicales. M. Nasir Ahmed a démissionné de son plein gré le 25 mai 1995 et travaille aujourd'hui dans une autre usine de vêtements de Dhaka, où il perçoit un salaire plus élevé. Il a toutefois intenté devant le Tribunal du travail une action qui est encore en instance.
    • Cessation d'emploi et inscription sur une liste noire de huit membres du BIGU
  4. 75. Selon la direction de Palmal, il y aurait eu entre les travailleurs et l'entreprise un malentendu au sujet du paiement des heures supplémentaires, qui aurait été réglé à l'amiable entre-temps. Au cours de l'enquête, certains travailleurs ont confirmé ce point et ont indiqué qu'ils percevaient maintenant régulièrement leurs salaires et leurs indemnités pour heures supplémentaires, qui étaient plus élevés que dans des entreprises comparables. La direction a souligné que c'est en raison d'une absence prolongée non autorisée que les huit membres du BIGU ont été démis de leurs fonctions. Comme l'indique le plaignant, ils ont déposé des plaintes qui sont actuellement en cours d'instance, à l'exception de deux d'entre elles qui ont été retirées. Tous ceux qui ont été démis de leurs fonctions ont trouvé entre-temps un emploi dans d'autres usines de vêtements de la région.
  5. 76. D'après la direction de Palmal, les allégations d'inscription sur des listes noires sont fabriquées de toutes pièces. Dans une lettre datée du 19 novembre 1995 et adressée à la Fédération internationale des travailleurs du textile, de l'habillement et du cuir (FITTCH), dont copie a été fournie par le gouvernement, l'entreprise souligne que, ces travailleurs s'étant absentés sans autorisation, des mesures devaient être prises à leur encontre. Cela a abouti à des poursuites judiciaires, les travailleurs réclamant le paiement de leurs salaires, au motif qu'ils s'étaient présentés à leur travail mais n'avaient pas été autorisés à travailler. D'après l'entreprise, ils auraient travaillé dans une autre usine pendant leur période d'absence. Afin d'obtenir des preuves de ce qu'elle avançait, l'entreprise a envoyé des lettres auxquelles étaient jointes les photographies des travailleurs concernés, et elle a reçu confirmation.
    • Dénigrement de 11 membres du BIGU
  6. 77. L'équipe chargée de l'enquête a appris que l'entreprise avait fourni certaines informations à M. S. Hoque, qui s'était présenté comme un militant des droits de l'homme, mais n'a pas pu obtenir de précisions sur la nature de ces informations. La direction a nié catégoriquement avoir exercé des pressions sur 154 travailleurs. Selon elle, cela n'aurait aucun sens, sur le plan économique, de menacer de licenciement des travailleurs qui, lorsqu'ils commencent à travailler dans l'entreprise, ne possèdent aucune qualification, et qui acquièrent celles-ci sur le tas. Les travailleurs interrogés au cours de l'enquête n'ont pas pu confirmer l'allégation selon laquelle ils auraient été forcés par l'entreprise de signer des feuilles blanches, dont le dessein aurait été de discréditer des membres du BIGU.
    • Démission forcée avortée et licenciement de cinq travailleurs, inscription sur une liste noire, voies de fait
  7. 78. Selon le gouvernement, les allégations relatives à la cessation d'emploi de Mme Kalpona et de M. Nurul Islam se sont révélées fausses. M. Nurul Islam a été licencié pour absence prolongée non autorisée. Aujourd'hui, il est employé ailleurs, comme l'a confirmé Mme Hena, présidente du BIGU, et il a reçu son dû de la direction. La procédure intentée contre Mme Kalpona suit son cours et cette dernière n'a pas été démise de ses fonctions. Les autres allégations relatives à ce grief n'ont pas pu être confirmées au cours de l'enquête.
    • Attaques contre des locaux syndicaux
  8. 79. Même s'il n'a pas mené d'enquête détaillée sur ce sujet, le gouvernement fait savoir que l'attaque perpétrée contre les locaux syndicaux a été signalée à la police. Mme Hena, présidente du BIGU, a indiqué à l'équipe chargée de l'enquête que cette agression a peut-être été montée par des employeurs du secteur de l'habillement, mais elle n'a désigné nommément ni Palmal ni aucune autre entreprise.
    • Autres allégations formulées par la confédération plaignante
  9. 80. D'après le gouvernement, rien ne permet de confirmer les autres allégations formulées par la confédération plaignante comme celles relatives à la menace de transfert qui aurait été proférée contre quatre membres du BIGU, aux démissions forcées de deux travailleuses et menaces de les inscrire sur une liste noire, à l'enquête antisyndicale impliquant des actes de discrimination antisyndicale qui aurait été effectuée par la direction de Palmal et au chantage fait à des proches.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 81. Le comité note que cette plainte concerne plusieurs cas graves d'entraves de la part des employeurs à la constitution d'un nouveau syndicat dans l'industrie du vêtement au Bangladesh et à des activités syndicales. Avant d'examiner les questions quant au fond, le comité se déclare profondément préoccupé par le nombre et la gravité des allégations, qui composent un tableau plutôt sombre, où l'exercice des droits syndicaux légitimes paraît sérieusement compromis. Il tient à rappeler que les droits des organisations de travailleurs et d'employeurs ne peuvent s'exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l'encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et qu'il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 47.)
  2. 82. Le comité note également que le gouvernement a mené une enquête sur les allégations qui ont été formulées. Compte tenu des résultats de son enquête et s'appuyant presque exclusivement sur les informations fournies par l'entreprise elle-même, le gouvernement estime que l'employeur n'a pas agi pour des motifs antisyndicaux. Dans ce contexte, le comité tient à rappeler le principe général, déjà mentionné dans un cas précédent concernant le Bangladesh, selon lequel, dans les cas où les activités syndicales sont présentées comme le seul motif des incidents, il incombe au gouvernement de montrer que les mesures prises ne sont nullement liées à des considérations syndicales. (Voir 241e rapport, cas no 1326 (Bangladesh), paragr. 816.) A la lumière de ce principe, et afin de lui permettre de se prononcer en pleine connaissance des faits, le comité prie instamment le gouvernement de prolonger son enquête pour lever les contradictions entre ces éléments d'information fournis jusqu'à présent et parvenir à une vision équilibrée qui tienne compte du point de vue de l'organisation plaignante.
  3. 83. Le comité note, par ailleurs, que plusieurs plaintes concernant les incidents évoqués par la confédération plaignante sont en instance devant les tribunaux du travail du Bangladesh. Le comité exprime l'espoir que ces tribunaux prendront leurs décisions rapidement, et il demande au gouvernement de transmettre une copie des décisions de justice dès qu'elles seront rendues.
    • Enregistrement de syndicats
  4. 84. Le comité note que, d'après le gouvernement, le BIGU n'est pas un syndicat, parce qu'il n'est pas enregistré en tant que tel au sens de l'ordonnance sur les relations professionnelles de 1969. Le comité demande au gouvernement d'indiquer si le BIGU a déposé une demande d'enregistrement et, si tel est le cas, de fournir des informations sur le traitement de cette demande et de communiquer le résultat de la procédure d'enregistrement dès qu'il sera disponible.
    • Pratique de liste noire à l'encontre des travailleurs et des syndicalistes
  5. 85. Le comité note que plusieurs des incidents évoqués par la confédération plaignante comprennent des allégations concernant l'inscription par la direction sur des listes noires. La confédération plaignante mentionne plusieurs cas où des photographies de travailleurs et de syndicalistes ont été prises et transmises à des employeurs potentiels. D'après la CISL, le but visé était de placer les travailleurs concernés sur les listes noires pour qu'ils ne puissent plus être employés par d'autres entreprises, ce que nie l'entreprise, qui affirme qu'elle n'a agi de cette manière que pour pouvoir prouver, dans le cadre des procédures intentées par les travailleurs devant les tribunaux du travail que ces derniers s'étaient absentés sans autorisation. En prenant des photographies de ces travailleurs et en les transmettant à d'autres entreprises, elle pouvait prouver que certains des salariés portés absents chez Palmal étaient en train de travailler ailleurs. De l'avis du comité, les travailleurs ont de nombreuses difficultés pratiques pour établir la nature réelle de leur licenciement ou du refus de les embaucher, et ces difficultés peuvent trouver leur origine dans des pratiques de liste noire qui constitueraient, si elles étaient prouvées, des actes graves de discrimination antisyndicale. Le comité demande au gouvernement de poursuivre son enquête sur les raisons qui ont conduit Palmal à transmettre des photographies de travailleurs à d'autres employeurs et le prie de le tenir informé à cet égard.
    • Manoeuvres d'intimidation, voies de fait et démission de MM. M. Rahman et N. Ahmed
  6. 86. Le comité note que si la confédération plaignante et le gouvernement sont d'accord pour dire que MM. Rahman et Ahmed ne font plus partie du personnel de Palmal, en revanche, ils divergent sur les circonstances qui ont abouti à leur départ: si, pour le gouvernement, ces deux militants du BIGU ont bien démissionné de leur plein gré -- la question des violences qu'ils auraient subies restant ouverte --, d'après la CISL, ils auraient tous deux subi des pressions et tous deux été forcés de démissionner en raison de leurs activités syndicales. Devant ces déclarations contradictoires, le comité appelle toutefois l'attention du gouvernement sur le principe fondamental selon lequel les manoeuvres d'intimidation, les atteintes à l'intégrité physique des syndicalistes et les démissions forcées portent sérieusement atteinte à la liberté syndicale. (Voir Recueil, op. cit, paragr. 46, 47 et 702.) Le comité prie le gouvernement de clarifier les circonstances ayant conduit au licenciement de MM. M. Rahman et N. Ahmed et de le tenir informé.
    • Licenciement de huit membres du BIGU
  7. 87. Le comité note que les raisons pour lesquelles huit membres du BIGU de l'entreprise Palmal ont été démis de leurs fonctions en rapport avec une controverse sur les heures supplémentaires suscitent des déclarations contradictoires. Alors que le gouvernement déduit des résultats de son enquête que ces travailleurs ont été licenciés pour absence prolongée sans autorisation, la confédération plaignante déclare, pour sa part, que s'ils ont été démis de leurs fonctions c'est uniquement parce qu'ils défendaient les droits des travailleurs sur des questions d'indemnisation, autrement dit dans l'exercice de leurs activités syndicales. Le comité note également que le Tribunal du travail est actuellement saisi de six plaintes en rapport avec cette affaire. Devant ces déclarations contradictoires, le comité indique à nouveau que le licenciement de travailleurs exerçant des fonctions syndicales est un acte de discrimination antisyndicale. (Recueil, op. cit., paragr. 702.) Il demande au gouvernement de mieux clarifier les raisons du licenciement de huit membres du BIGU et de le tenir informé. Il prie également le gouvernement de transmettre des copies des décisions du Tribunal du travail sur les procédures en cours liées à cette allégation.
    • Dénigrement de 11 membres du BIGU et menaces de transfert proférées contre quatre membres du BIGU
  8. 88. Le comité note que des déclarations contradictoires ont été faites sur le point de savoir si l'entreprise en question a essayé de discréditer 11 membres du BIGU en fabriquant de toutes pièces des preuves montrant que les travailleurs eux-mêmes condamnaient les activités de leurs onze collègues qui avaient poursuivi l'entreprise en justice. Notant que les travailleurs interrogés au cours de l'enquête n'ont pas pu confirmer cette allégation, le comité demande au gouvernement de poursuivre son enquête sur ce point de façon à lui fournir des informations complètes.
  9. 89. La position du comité est la même en ce qui concerne l'allégation selon laquelle quatre membres du BIGU auraient été menacés de transfert. Tout en rappelant que les menaces de transfert sont, dans certaines circonstances, un acte de discrimination antisyndicale en matière d'emploi (voir Recueil, op. cit., paragr. 695), le comité demande à l'organisation plaignante de fournir des informations plus détaillées et plus précises pour étayer son allégation.
    • Tentative de démission forcée et licenciement de cinq travailleurs, voies de fait, discrimination antisyndicale et pressions exercées sur des proches
  10. 90. Le comité note que la confédération plaignante dénonce le licenciement de cinq travailleurs. Toutefois, des renseignements n'ont été donnés que pour Mme Kalpona et M. Nurul Islam. Aucune information n'a été fournie pour les autres travailleurs, et les liens existant entre le départ de M. Islam et ses activités syndicales demeurent inexpliqués, alors que, d'après le gouvernement, il a été licencié pour absence sans autorisation. La confédération plaignante affirme que Mme Kalpona et M. Islam ont été inscrits sur une liste noire, mais il ajoute que ces deux travailleurs ont trouvé un autre emploi entre-temps. Cela est confirmé par le gouvernement pour ce qui est de M. Nurul Islam. S'agissant de Mme Kalpona, le gouvernement insiste sur le fait qu'elle fait toujours partie du personnel de Palmal. Tout en prenant note de cette information, le comité regrette les graves difficultés auxquelles Mme Kalpona est confrontée dans son emploi en raison de ses activités syndicales. Il demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour clarifier sa situation en matière d'emploi et pour garantir qu'elle ne fasse pas l'objet d'une discrimination en raison de ses activités syndicales et qu'elle puisse rester dans son poste de travail chez Palmal si elle le souhaite.
  11. 91. Le comité note que le gouvernement ne nie pas qu'une attitude antisyndicale a été suivie par la direction, et qu'il n'a pas pu l'éclairer davantage sur ce point. Le comité estime que ces allégations vont tout à fait dans le sens d'un acte grave de discrimination antisyndicale de la part de la direction de l'entreprise. Il estime en effet qu'en établissant des listes de syndicalistes comme base de ses activités antisyndicales systématique, telles que les démissions forcées, l'établissement de listes noires, etc., la direction de l'entreprise a sérieusement porté atteinte aux principes de la liberté syndicale. Il en va de même lorsqu'elle a refusé de payer les heures supplémentaires effectuées par des syndicalistes en raison de leurs activités syndicales. Par conséquent, le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à toutes les formes de discrimination antisyndicale dans l'entreprise concernée, y compris les démissions forcées et le non-paiement des heures supplémentaires effectuées par des syndicalistes.
  12. 92. Le comité regrette également que la direction de Palmal ait, d'après les allégations présentées, exercé des pressions sur des proches des militants du BIGU employés eux aussi chez Palmal. Il demande au gouvernement d'apporter d'autres précisions en ce qui concerne cette allégation et estime qu'un tel acte, s'il était prouvé, constituerait une forme de discrimination antisyndicale particulièrement grave risquant d'alourdir le climat général d'intimidation et d'oppression créé par la direction.
    • Démission forcée de deux travailleuses
  13. 93. Le comité note que l'allégation selon laquelle deux travailleuses ont dû démissionner parce qu'elles craignaient, si elles ne le faisaient pas, d'être placées sur une liste noire en raison de leurs contacts avec le BIGU n'a pas encore été clarifiée par le gouvernement. Le comité estime que de telles pratiques, si elles étaient prouvées, constitueraient une forme de discrimination antisyndicale grave. Par conséquent, il prie le gouvernement de clarifier la situation de ces deux travailleuses et de le tenir informé.
    • Attaque contre des locaux syndicaux
  14. 94. Le comité déplore l'attaque contre des locaux syndicaux commise le 21 novembre 1995 et les voies de fait dont ont été victimes les syndicalistes présents. Le comité souligne que toute agression contre des syndicalistes et contre des locaux et biens syndicaux constitue une grave violation des droits syndicaux. Ce type d'activité criminelle crée un climat d'intimidation qui est extrêmement préjudiciable à l'exercice des activités syndicales.
  15. 95. Le comité note que ce grave incident a été signalé à la police, mais que le gouvernement n'a fait état d'aucun progrès dans le déroulement de l'enquête de police, et que l'enquête menée par le gouvernement n'a pas apporté de nouvelles lumières sur ce grave incident. Déplorant cette grave violation des droits syndicaux, le comité demande instamment au gouvernement de diligenter immédiatement une enquête judiciaire indépendante sur l'attaque contre les locaux syndicaux et les voies de fait perpétrées sur des syndicalistes le 21 novembre 1995 afin d'identifier et de punir les coupables, et de le tenir informé du résultat de cette enquête.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 96. Au vu de ses conclusions intérimaires, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) De façon générale, le comité prie instamment le gouvernement de prolonger son enquête pour lever les contradictions entre les éléments d'information fournis jusqu'à présent et parvenir à une vision équilibrée qui tienne compte du point de vue de l'organisation plaignante.
    • b) Le comité prie le gouvernement d'indiquer si le BIGU a déposé une demande d'enregistrement et, si tel est le cas, de fournir des informations sur le traitement de cette demande et de communiquer le résultat de la procédure d'enregistrement dès qu'il sera disponible.
    • c) Le comité prie le gouvernement de poursuivre son enquête sur les raisons qui ont conduit Palmal à transmettre des photographies de travailleurs à d'autres entreprises et de le tenir informé à cet égard.
    • d) Le comité prie le gouvernement de clarifier les circonstances ayant conduit au licenciement: a) de MM. M. Rahman et N. Ahmed; b) de huit membres du BIGU; et c) de huit travailleuses et de le tenir informé.
    • e) Le comité prie le gouvernement de poursuivre son enquête sur l'allégation de dénigrement de 11 membres du BIGU et des menaces de transfert proférées à l'encontre de quatre membres du BIGU. Il prie aussi l'organisation plaignante de fournir des informations plus détaillées et plus précises à l'appui de cette dernière allégation.
    • f) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour clarifier la situation de Mme Kalpona en matière d'emploi et pour garantir qu'elle puisse rester à son poste chez Palmal, si elle le souhaite, et qu'elle ne fasse pas l'objet d'une discrimination en raison de ses activités syndicales.
    • g) Le comité demande au gouvernement de diligenter immédiatement une enquête judiciaire indépendante sur l'attaque contre les locaux syndicaux et les voies de fait perpétrées sur des syndicalistes le 21 novembre 1995, et de le tenir informé du résultat de cette enquête.
    • h) Le comité demande au gouvernement de fournir des copies des décisions des tribunaux du travail sur ce cas dès qu'elles seront rendues.
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