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- 83. La plainte figure dans une communication de l'Union syndicale ouvrière en date du 21 septembre 1994.
- 84. Le gouvernement a fait part de ses observations dans une communication datée du 31 janvier 1995.
- 85. L'Espagne a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 86. Dans sa communication du 21 septembre 1994, l'Union syndicale ouvrière (USO) allègue qu'une fois close la période de décompte des voix pour les élections syndicales de 1990 les organisations syndicales Union générale des travailleurs (UGT) et Confédération syndicale des commissions ouvrières (CC.OO.) sont parvenues à un accord visant à réformer la réglementation sur les élections syndicales, qui s'est concrétisé en septembre 1992 par une série de "Propositions de modifications de la réglementation électorale et de la représentativité syndicale" (le texte est annexé à la plainte). Dans ces propositions, les confédérations syndicales CC.OO. et UGT, conscientes de leur hégémonie, renonçaient à s'affronter et décidaient d'unir leurs efforts en vue de combattre les autres options syndicales. Les propositions de modifications ont été transmises au ministère du Travail et de la Sécurité sociale, qui est parvenu à un accord avec les confédérations syndicales UGT et CC.OO. concernant la réforme de la réglementation sur les élections syndicales. Cet accord s'est traduit par la loi no 11/1994 du 19 mai, et par le décret royal no 1988/1994 du 9 septembre portant approbation de la réglementation relative aux élections des organes de représentation des travailleurs dans l'entreprise (délégués du personnel et membres du comité d'entreprise), également approuvé par le gouvernement de l'Espagne (les textes sont annexés à la plainte).
- 87. L'organisation plaignante indique que la nouvelle réglementation électorale met l'accent sur le pouvoir exclusif dont jouissent les syndicats les plus représentatifs d'organiser les élections syndicales, les autres syndicats étant privés de cette attribution. Ce pouvoir exclusif des syndicats les plus représentatifs d'organiser les élections syndicales implique la capacité de regrouper ou de sectoriser à leur gré les processus électoraux, d'où la situation paradoxale que, même dans les secteurs ou entreprises où d'autres organisations syndicales sont majoritaires, l'initiative électorale appartient aux premiers: or le pouvoir de convocation est le critère déterminant de la représentativité. Ce pouvoir est encore renforcé pendant la période de transition établie (du 15 septembre 1994 au 15 décembre 1995), les syndicats les plus représentatifs ayant la possibilité d'arrêter les calendriers électoraux dont le dépôt auprès de l'office public relevant de l'administration du travail annule dans la plupart des cas le faible pouvoir d'organiser des élections reconnu aux syndicats qui ne sont pas les plus représentatifs.
- 88. Par ailleurs, l'accès aux listes électorales des entreprises et administrations, instruments électoraux indispensables, est lui aussi réservé aux syndicats les plus représentatifs et, bien qu'ils constituent des moyens justifiés d'exercer le droit de convoquer des élections, ces instruments ne sont pas expressément visés par la réglementation, étant donné que dans la demande de convocation d'élections ne devront figurer que l'identification de l'établissement et la date de commencement du processus électoral (article 67.1 de la loi no 8/1980 du 10 mars portant charte des travailleurs, révisé par la loi no 11/1994 du 19 mai). Ainsi, on fournit aux syndicats les plus représentatifs un instrument électoral précieux, alors que les autres syndicats qui participent aux élections s'en voient privés.
- 89. Par ailleurs, la nouvelle réglementation supprime les organes de contrôle des élections (Commission nationale et commissions provinciales des élections syndicales) qui, sans être un modèle d'efficacité et de contrôle des fraudes et des irrégularités endémiques, représentent davantage que l'institution qui les remplace: un office public d'enregistrement qui n'aura pas d'autre obligation que celle d'enregistrer toutes les données qui lui seront communiquées.
- 90. L'organisation plaignante indique que la nouvelle réglementation met en place un système d'arbitrage obligatoire en cas de situations litigieuses liées à des irrégularités électorales, qui comptent d'ailleurs parmi les caractéristiques des élections syndicales. Il suffit de rappeler que lors des élections syndicales de décembre 1990 il a fallu attendre onze mois pour que soient officiellement proclamés les résultats du scrutin. Les arbitres seront évidemment choisis par les syndicats les plus représentatifs, alors qu'ils statueront sur des questions qui affecteront tous les syndicats participant aux élections, qu'ils soient ou non les plus représentatifs.
- 91. Pour ce qui est des petites entreprises, qui élisent plus de 80 pour cent des représentants des travailleurs, la réglementation est extrêmement floue et peu contraignante, de sorte que rien n'empêche que l'ensemble de la procédure électorale se déroule en à peine plus de 24 heures.
- 92. Selon la réglementation approuvée, les élections syndicales en Espagne deviendront, après une période initiale de quinze mois, une espèce de mouvement perpétuel, sans début ni fin, et sans proclamation publique des résultats ni calcul électoral. Le système est favorable à ce que le statut de syndicat le plus représentatif (10 pour cent, contre 5 pour cent au niveau politique) continue d'appartenir aux mêmes syndicats. Rien ne semble indiquer ni être favorable à ce que les nouvelles normes puissent contribuer à modifier les critères de plus grande représentativité. La réglementation électorale implique l'immuabilité éternelle de l'actuel panorama syndical, l'impossibilité objective que d'autres projets, modèles et choix syndicaux puissent accéder au statut de syndicat le plus représentatif au niveau national. Cela suppose, par nature même, une transgression directe du principe démocratique selon lequel les minorités d'aujourd'hui peuvent être les majorités de demain, et vice versa, à condition que les voies démocratiques soient ouvertes en permanence et permettent à la volonté des travailleurs de s'exprimer. L'application de cette réglementation aura pour principaux effets le renforcement des syndicats les plus représentatifs (peut-être dans le but qu'ils fusionnent en un seul) et la disparition progressive des autres syndicats qui, actuellement, ne jouissent pas du statut de syndicat le plus représentatif.
- 93. Il ressort des paragraphes qui précédent que l'Etat espagnol et son gouvernement ont affaibli le droit de liberté syndicale, et en particulier la convention no 87.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 94. Dans sa communication du 31 janvier 1995, le gouvernement déclare que, lors de la réunion de la Commission nationale des élections, de caractère tripartite, qui s'est tenue au mois de septembre 1990 et à laquelle participait, entre autres organisations syndicales membres de ladite commission, l'USO, il a été convenu à l'unanimité qu'une fois close la période d'élections syndicales permettant de mesurer la représentativité des syndicats les membres de ladite commission soumettraient au gouvernement des propositions de modifications des lois et règlements en matière d'élections, afin de remédier aux carences constatées - ce qui fut fait.
- 95. La loi finalement adoptée chargeait le gouvernement de rédiger un règlement. Une fois mis au point le projet de règlement, ce dernier a été communiqué à huit organisations syndicales - dont évidemment l'USO - et à deux associations patronales, pour qu'elles formulent leurs observations afin d'améliorer le texte et de le rendre plus conforme à la loi. Nombre des observations formulées ont été retenues, mais, malheureusement, il n'a pas été possible de retenir les observations de l'USO pour la bonne raison qu'elle n'en a pas formulé.
- 96. Le gouvernement ajoute que la législation espagnole, dans des circonstances et des domaines déterminés, impose l'obligation de recueillir les avis de certaines institutions avant de soumettre les projets de loi au Congrès des députés.
- 97. Avant que le Parlement espagnol ne se prononce sur le projet de loi en question, ce dernier a fait l'objet d'un rapport en date du 17 novembre 1993 par le Conseil général du pouvoir judiciaire qui l'a jugé satisfaisant: il n'a pas formulé d'objections au modèle électoral défini dans le texte et s'est borné à apporter quelques corrections mineures au projet de loi, afin que: 1) les employeurs puissent contester les procédures électorales; 2) les arbitres puissent être désignés par des représentants autres que ceux des organisations les plus représentatives; 3) les arbitres soient licenciés en droit ou diplômés en sciences sociales; 4) les mandats puissent être révoqués pendant leur prorogation. La réglementation approuvée reflète ces modifications puisque l'article 76.2 de la loi no 11/1994 du 19 mai dispose que "tous ceux qui y ont un intérêt légitime, y compris l'entreprise ..." peuvent contester les processus électoraux. En ce qui concerne la désignation des arbitres, ces derniers peuvent être désignés par des organisations qui ne sont pas les plus représentatives: l'article 76.3 de ladite loi prévoit la désignation non seulement par les organisations les plus représentatives au niveau de l'Etat ou de la Communauté autonome, mais aussi par celles qui "... groupent au moins 10 pour cent des délégués et des membres des comités d'entreprise aux niveaux de la province, de la fonction ou de l'entreprise correspondante". Quant à la suggestion selon laquelle les arbitres devraient être licenciés en droit ou diplômés en sciences sociales, elle a été concrétisée à l'article 76.3 de ladite loi. Enfin, pour ce qui est de la révocation des mandats, l'article 67.1, paragraphe 5, indique "que des élections partielles pourront être organisées en cas de démissions, de révocations ou d'ajustements, la représentation résultant d'augmentation des effectifs", sans préjudice des dispositions transitoires pertinentes de la loi no 11/1994 du 19 mai.
- 98. Il ressort clairement qu'une fois apportées les modifications mineures préconisées par le Conseil général du pouvoir judiciaire la réglementation faisant l'objet de la plainte a été considérée comme satisfaisante par l'organe qui détient le pouvoir judiciaire de l'Etat.
- 99. De même, le 9 décembre 1993, le Conseil économique et social, organe consultatif dans les domaines socio-économiques et du travail, comprenant des représentants syndicaux, patronaux et sectoriels ainsi que des experts dans les domaines susmentionnés, a rédigé un rapport sur le projet de loi dans les conclusions duquel il juge satisfaisantes les dispositions relatives aux élections des représentants des travailleurs dans l'entreprise.
- 100. Le Sénat (chambre de représentation territoriale) et le Congrès des députés (organe qui détient le pouvoir législatif) ont approuvé la loi no 11/1994 du 19 mai, portant modification de certains articles de la charte des travailleurs, de la loi sur la procédure du travail et de la loi sur les infractions et les sanctions dans l'ordre social, parmi lesquels figurent les articles relatifs aux élections des représentants des travailleurs dans l'entreprise, objet de la plainte de l'USO.
- 101. S'agissant de l'analyse détaillée des considérations juridiques invoquées par l'USO dans sa requête, l'USO affirme que la nouvelle réglementation électorale confère uniquement aux syndicats les plus représentatifs le pouvoir exclusif d'organiser des élections syndicales, au détriment des autres syndicats. Cette affirmation générale, lourde d'intentions, ne correspond pas à la réalité de la réglementation dans la mesure où l'organisation d'élections syndicales, conformément à l'article 67.1 de la loi no 11/1994 du 19 mai, est l'apanage non seulement des syndicats les plus représentatifs, comme l'allègue la plainte, mais aussi des syndicats qui comptent au moins 10 pour cent de représentants dans l'entreprise, ainsi que des travailleurs de l'établissement par décision prise à la majorité. Cette réglementation correspond tout à fait à celle contenue dans la charte des travailleurs antérieurement à la loi no 11/1994; elle a été appliquée pour organiser les élections syndicales de 1990, auxquelles le syndicat USO a participé, ayant jugé satisfaisante cette façon d'organiser les processus électoraux: les règles n'ont pas changé dans la nouvelle loi.
- 102. En tout état de cause, le pouvoir d'organiser des élections est plus étendu que ce qui a été affirmé. L'article 7.2 de la loi organique sur la liberté syndicale confère aux syndicats ayant obtenu une certaine représentativité dans un secteur concret fonctionnel et territorial le pouvoir d'organiser des élections.
- 103. Par ailleurs, les dispositions mentionnées dans le paragraphe précédent n'épuisent pas les possibilités d'organiser des élections. Le dernier paragraphe de l'article 67.2 de la charte des travailleurs, dans sa nouvelle version, prévoit qu'"en cas de concurrence pour l'organisation d'élections dans une entreprise ou un établissement, c'est la première convocation enregistrée qui sera reconnue comme valide pour engager le processus électoral, sauf dans l'hypothèse où la majorité syndicale de l'entreprise ou de l'établissement comptant un comité d'entreprise aurait proposé une autre date, auquel cas cette dernière prévaudra".
- 104. En ce qui concerne la partie de la plainte selon laquelle l'accès aux listes électorales des entreprises et administrations est lui aussi réservé aux syndicats les plus représentatifs au détriment de ceux qui ne le sont pas, privant ainsi ces derniers d'un instrument électoral précieux, il convient de noter que l'organisation plaignante avance à nouveau une argumentation générale qui ne correspond pas à la réalité juridique de la réglementation. En effet, l'article 67 de la loi no 11/1994 du 19 mai qui réglemente l'accès aux registres des administrations publiques contenant les données relatives à l'inscription des entreprises et des travailleurs, pour mener à bien l'organisation d'élections dans les secteurs correspondants, ne réserve pas ce droit d'organisation aux syndicats les plus représentatifs, mais l'accorde aussi "à ceux qui sont habilités à organiser des élections". Cette précision enlève toute valeur à l'affirmation générale de l'auteur de la plainte, et confirme le droit d'accès aux registres des administrations publiques pour ceux qui sont habilités à organiser des élections.
- 105. En ce qui concerne l'argument de la plainte selon lequel la nouvelle réglementation supprime les organes de contrôle des élections (Commission nationale et commissions provinciales des élections syndicales) et les remplace par un office public d'enregistrement qui, selon l'auteur de la plainte, enregistrera toutes les données qui lui seront communiquées - et n'aura par nature pas d'autre obligation -, ces affirmations n'ont pas de fondement ni sur le plan juridique ni dans les faits. Le système de mesure de la représentativité syndicale, qui auparavant s'appliquait à une période de calcul limitée dans le temps (le calcul des résultats du scrutin incombant aux commissions provinciales des élections syndicales, tandis que la proclamation globale de ces mêmes résultats relevait de la Commission nationale), vise désormais à établir un processus électoral ouvert et à faire certifier tous les trois ans par l'office public d'enregistrement des procès-verbaux des élections la représentativité obtenue par chaque syndicat sur la base des procès-verbaux des processus électoraux enregistrés. Ce changement est motivé par la nécessité de rationaliser les processus électoraux, d'éviter la course à l'organisation d'élections, et d'encourager la mise au point d'un calendrier pour le déroulement des élections, ainsi que par le fait que l'ancien système de calcul qui incombait aux commissions provinciales des élections syndicales donnait lieu à des affrontements au moment d'évaluer les résultats des élections, rendant les commissions pratiquement inopérantes en tant qu'organes de décision. Mais cela ne signifie pas que le contrôle des processus électoraux est supprimé, étant donné que toutes les organisations syndicales continuent d'avoir la possibilité de contrôler les élections grâce à un meilleur contrôle non seulement des actes précédant le processus électoral, mais aussi des actes postélectoraux. Ainsi, l'article 67 de la charte des travailleurs, dans sa nouvelle version, oblige l'office public d'enregistrement à exposer au tableau d'affichage, au plus tard le premier jour ouvrable suivant, les préavis présentés et à en fournir une copie aux syndicats qui en font la demande. De cette façon, on garantit que tous les syndicats ayant l'intention de participer aux élections soient informés suffisamment à l'avance, c'est-à-dire au minimum un mois avant le début du processus électoral.
- 106. Il convient de souligner qu'il s'agit pour les syndicats de contrôler non seulement l'ouverture, mais aussi la clôture du processus électoral, les mêmes garanties étant prévues que pour l'organisation des élections: l'office public d'enregistrement est tenu d'afficher le jour ouvrable suivant les procès-verbaux des résultats qui lui sont communiqués et d'en remettre une copie aux syndicats qui en font la demande (article 75.6 de la charte des travailleurs, dans sa nouvelle version), mais il ne les enregistre que si aucune réclamation n'a été présentée dans les dix jours. La nouvelle législation diffère clairement de la précédente en ce sens qu'auparavant seules les commissions provinciales des élections syndicales étaient habilitées à statuer sur la validité des résultats, et que seuls les syndicats qui comptaient 10 pour cent de représentants représentaient les travailleurs au sein de ces commissions, tandis qu'aujourd'hui l'éventail s'est élargi à tous les syndicats, même à ceux qui n'atteignent pas ce taux de représentativité.
- 107. En cas de réclamation, la nouvelle réglementation prévoit un contrôle effectué par un arbitre désigné par les parties: la procédure d'arbitrage se caractérise par la brièveté des délais pour prononcer la sentence arbitrale, tout en préservant le droit des citoyens d'obtenir la protection effective des juges, qui est consacré par la Constitution à l'article 24.1; les intéressés peuvent contester les sentences arbitrales en recourant à la juridiction sociale, comme le prévoit le décret-loi royal no 521 du 27 avril 1990 portant approbation de la loi sur la procédure du travail (section "questions électorales", chapitre V, titre II, livre II).
- 108. En outre, l'affirmation de l'organisation plaignante selon laquelle l'office public d'enregistrement enregistrera toutes les données qui lui seront communiquées est dénuée de tout fondement, non seulement pour les raisons déjà exposées, mais aussi parce qu'elle méconnaît la fonction même de l'office public qui est le dépositaire légal des procès-verbaux des élections et l'intermédiaire entre la juridiction arbitrale et la juridiction sociale, en même temps qu'il est le contrôleur des procès-verbaux des élections et peut, dans certains cas, refuser le dépôt d'un procès-verbal. En pareil cas, il demandera au président du bureau de vote de corriger le défaut constaté; si la correction n'est pas apportée dans les dix jours, le dépôt du procès-verbal sera refusé; il va de soi que si l'intention d'organiser des élections n'a pas été communiquée, cela entraînera automatiquement le refus du dépôt. Il en résulte un nouveau contrôle juridictionnel puisque le refus du dépôt par l'office public d'enregistrement peut être contesté devant la juridiction sociale.
- 109. Tout cela rend la plainte sans fondement dans la mesure où le système de contrôle des procès-verbaux des élections est amélioré et que des contrôles sont établis par voie administrative, extrajuridictionnelle (arbitrage) et juridictionnelle (juridiction sociale).
- 110. L'argumentation juridique de la plainte du syndicat USO se borne à contester la procédure d'arbitrage en cas de conflits électoraux, ainsi que le système de désignation des arbitres, en soutenant que ces derniers sont désignés par les syndicats "les plus représentatifs", au détriment de ceux qui ne le sont pas.
- 111. Cette affirmation n'est pas exacte puisque, comme indiqué précédemment, d'autres syndicats peuvent participer à la désignation des arbitres. On a recherché un critère objectif: la réalité est qu'en Espagne il suffit à un syndicat de s'inscrire au registre correspondant pour être pleinement légalisé, et aujourd'hui plus de 3 000 syndicats sont ainsi légalisés.
- 112. En ce qui concerne l'établissement d'une procédure d'arbitrage en cas de contestation des processus électoraux, cette procédure extrajuridictionnelle renforce le contrôle des processus électoraux, sans empêcher les intéressés de recourir à la juridiction sociale puisqu'ils peuvent contester les sentences arbitrales. Cela permet une double forme de contrôle et de sécurité juridique pour les parties concernées par les processus électoraux.
- 113. Quant à l'affirmation contenue dans la plainte selon laquelle la désignation des arbitres ne peut être effectuée que par les syndicats les plus représentatifs, au détriment de ceux qui ne le sont pas, elle ne correspond pas non plus à la réalité ni en fait ni en droit, étant donné que la désignation des arbitres requiert l'accord unanime non seulement des syndicats les plus représentatifs au niveau de l'Etat ou de la Communauté autonome, mais aussi de ceux qui comptent au moins 10 pour cent des délégués et membres des comités d'entreprise aux niveaux de la province, de la branche ou de l'entreprise correspondante, conformément à l'article 76.3, second paragraphe, de la loi no 11/1994 du 19 mai.
- 114. Une autre objection de l'organisation plaignante est que dans les petites entreprises la réglementation contestée permet à l'ensemble du processus électoral de se dérouler en à peine plus de 24 heures. Selon le gouvernement, remplacer ce délai d'un jour par un délai plus long pour le déroulement des élections syndicales dans les établissements comptant jusqu'à 30 travailleurs, où un seul délégué du personnel est élu, n'ajouterait aucune garantie supplémentaire car l'objectif est de faciliter les processus électoraux en éliminant le formalisme rigide et en épargnant à l'entreprise une perte de temps avec le surcroît de coût économique que cela implique.
- 115. Pour ce qui est de l'aspect de la plainte qui critique la disposition transitoire qui proroge les mandats jusqu'à la tenue des prochaines élections (dans les quinze mois à partir du 15 septembre 1994), le gouvernement indique que l'une des raisons de la modification de la réglementation syndicale a été d'éviter une concentration électorale dans une période de scrutin déterminée, avec tous les affrontements syndicaux que cela implique. Si la prorogation des mandats électoraux résultant des élections tenues au cours de la dernière période de scrutin des élections de 1990 n'avait pas été prévue dans la réglementation, le même effet de "concentration" se reproduirait à nouveau, accompagné en toute logique de la même tension syndicale, source de conflits conférant un caractère judiciaire aux processus en raison des litiges apparus. Il ne faut pas en conclure à l'immuabilité de la réglementation, étant donné qu'une fois les quinze mois écoulés les processus électoraux se dérouleront de façon échelonnée, dont les résultats refléteront la volonté des travailleurs exprimée au moyen du scrutin.
- 116. Le gouvernement nie que les dispositions contestées par l'organisation plaignante constituent une violation du droit de la liberté syndicale, énoncé dans les conventions internationales.
- 117. Le fait que la législation relative aux élections, objet de la plainte, continue de prescrire un minimum de représentativité - prescription qui n'est pas nouvelle mais qui figurait déjà dans l'ancienne législation en la matière et dans la loi organique sur la liberté syndicale -, pour organiser des élections et, corollaire évident, avoir accès aux registres publics des listes électorales des entreprises et des travailleurs, et désigner les arbitres chargés d'examiner les réclamations, n'a jamais été considéré par le Comité de la liberté syndicale comme contraire aux normes internationales sur la liberté syndicale, a fortiori lorsque, comme dans le cas présent, cette prescription a un caractère objectif et se fonde sur des éléments qui n'offrent aucune possibilité de partialité ou d'abus et sur la confiance des travailleurs eux-mêmes, librement exprimée dans les urnes.
- 118. Le processus électoral dans toutes ses phases - organisation initiale, déroulement, procès-verbaux et traitement des réclamations en première instance - relève entièrement des travailleurs eux-mêmes et de leurs syndicats. L'office public d'enregistrement, seule manifestation des autorités publiques dans ce processus, joue le rôle de garant public de la bonne conduite des travailleurs et des syndicats, d'agent chargé de rendre publiques des informations dignes de foi, et de médiateur pour faciliter le règlement des réclamations éventuelles concernant les résultats et les procédures. Par ailleurs, l'office public d'enregistrement, organe stable et permanent, est conforme au principe du Comité de la liberté syndicale selon lequel les autorités compétentes devraient toujours être habilitées à procéder à une vérification objective de toute réclamation d'un syndicat revendiquant une certaine représentativité dans l'entreprise ou le secteur ou au plan national.
- 119. La procédure d'arbitrage est un système qui renforce le contrôle par les parties et, du point de vue de l'ingérence des autorités publiques, il est absolument impartial et objectif, comme le préconise le Comité de la liberté syndicale, étant donné que la désignation des arbitres par accord entre les parties n'est pas effectuée uniquement par les syndicats majoritaires mais aussi par ceux qui justifient d'un minimum de représentativité - gage de la confiance des travailleurs plutôt qu'exigence réglementaire, laquelle n'empêche en aucun cas l'accès à la voie juridictionnelle.
- 120. Enfin, le gouvernement rejette l'argument de l'organisation plaignante selon lequel la nouvelle législation contribue à maintenir un monopole syndical étant donné que, comme on l'a déjà dit, les seuls à pouvoir maintenir des monopoles de représentation syndicale sont les travailleurs en exprimant leur volonté dans les urnes lors des processus électoraux, processus qui continuent de se dérouler dans toutes les entreprises et dont les résultats pourront être dûment certifiés par l'office public d'enregistrement des procès-verbaux des élections.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 121. Le comité note que dans la présente plainte l'organisation plaignante conteste une série de dispositions de la loi no 11/1994 du 19 mai et du décret royal no 1844/1994 du 9 septembre relatives aux élections des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise. En particulier, l'organisation plaignante allègue que - au profit des deux confédérations syndicales espagnoles les plus représentatives et perpétuant l'actuel panorama syndical - ces dispositions: 1) accordent aux syndicats les plus représentatifs le pouvoir exclusif d'organiser des élections syndicales en leur permettant de regrouper ou de sectoriser à leur guise les processus électoraux; 2) réservent aux syndicats les plus représentatifs l'accès aux listes électorales des entreprises et des administrations; 3) établissent un office public d'enregistrement qui enregistrera toutes les données qui lui seront communiquées; 4) prévoient, en cas d'irrégularités électorales, l'arbitrage obligatoire, les arbitres étant élus par les syndicats les plus représentatifs même s'il s'agit de questions qui affectent d'autres syndicats; 5) n'exigent pas la proclamation publique des résultats ni du décompte électoral.
- 122. Le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles, en particulier, la nouvelle législation prévoit que: 1) l'organisation d'élections n'appartient pas seulement aux syndicats "les plus représentatifs", mais aussi à ceux qui comptent au moins 10 pour cent de représentants dans l'entreprise, ainsi qu'aux travailleurs de l'établissement par décision prise à la majorité; 2) l'accès aux listes électorales des entreprises et des administrations s'étend également aux syndicats comptant 10 pour cent de représentants, étant donné que l'accès aux registres est prévu dans la mesure nécessaire pour mener à bien l'organisation des élections; 3) le nouveau système améliore le contrôle des procès-verbaux des élections et établit des contrôles par voie administrative (office public d'enregistrement qui peut, dans certains cas, refuser le dépôt d'un procès-verbal d'élections), extrajuridictionnelle (arbitrage) et judiciaire; 4) la désignation des arbitres qui statuent sur les réclamations exige l'accord unanime des syndicats les plus représentatifs au niveau de l'Etat ou de la Communauté autonome, ainsi que des syndicats qui comptent au moins 10 pour cent des délégués et membres des comités d'entreprise aux niveaux de la province, de la branche ou de l'entreprise; 5) en ce qui concerne les déclarations de l'organisation plaignante au sujet de l'absence de proclamation publique des résultats globaux, il convient de souligner que la nouvelle loi (disposition transitoire) vise à éviter la concentration électorale au cours d'une période de scrutin déterminée, c'est-à-dire éviter tous les affrontements syndicaux qui en résultaient ainsi que les retombées judiciaires du processus électoral; une fois écoulé le délai de quinze mois à partir du 15 septembre 1994, les processus électoraux se dérouleront de manière échelonnée dans le temps; 6) il convient de réfuter l'affirmation selon laquelle la nouvelle législation contribue à maintenir un monopole syndical, étant donné que les seuls à pouvoir maintenir des monopoles de représentation syndicale sont les travailleurs en exprimant leur volonté dans les urnes; 7) tous ceux qui y ont un intérêt légitime peuvent contester les processus électoraux; 8) bien que l'organisation plaignante ait reçu le texte du projet de règlement d'application de la loi, elle n'a pas formulé d'observations à son sujet.
- 123. Le comité souhaite se référer à l'opinion de la commission d'experts sur la portée des privilèges et avantages des syndicats les plus représentatifs (voir Liberté syndicale et négociation collective, Etude d'ensemble de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, Conférence internationale du Travail, 81e session, 1994, paragr. 97 et 98):
- Certaines législations ... consacrent la notion de syndicats les plus représentatifs, auxquels sont généralement accordés des droits et avantages de portée variable. La commission considère que ce type de dispositions n'est pas en soi contraire au principe de la liberté syndicale, si certaines conditions sont respectées. Tout d'abord, la détermination de l'organisation la plus représentative devrait se faire d'après des critères objectifs, préétablis et précis, de façon à éviter toute possibilité de partialité ou d'abus. Par ailleurs, la distinction devrait généralement se limiter à la reconnaissance de certains droits préférentiels, par exemple aux fins telles que la négociation collective, de la consultation par les autorités ou de la désignation de délégués auprès d'organismes internationaux. Cependant, la liberté de choix des travailleurs serait compromise si la distinction entre les syndicats les plus représentatifs et les syndicats minoritaires, en droit ou dans la pratique, aboutit à interdire l'existence d'autres syndicats auxquels les travailleurs souhaiteraient s'affilier, ou à l'octroi de privilèges qui influenceraient indûment le choix d'une organisation par les travailleurs. Cette distinction ne devrait donc pas avoir pour effet de priver les syndicats non reconnus comme les plus représentatifs des moyens essentiels pour défendre les intérêts professionnels de leurs membres (par exemple, le droit de représenter leurs membres, y compris en cas de réclamation individuelle), pour l'organisation de leur gestion et de leur activité et pour la formulation de leurs programmes, conformément à la convention no 87.
- 124. Compte tenu de ces principes, et dans les circonstances particulières du cas, de l'avis du comité, octroyer le droit d'organiser des élections syndicales et d'accéder à cette fin aux registres (listes électorales des entreprises et administrations) aux syndicats les plus représentatifs et à ceux qui comptent 10 pour cent des représentants dans l'entreprise ou l'administration concernée ne semble pas influencer indûment les travailleurs dans le choix des organisations auxquelles ils souhaitent s'affilier, ni empêcher les organisations jouissant d'une moindre représentativité de défendre les intérêts de leurs membres, d'organiser leurs activités et de formuler leur programme d'action.
- 125. En revanche, le comité considère qu'en cas de réclamation au sujet des élections, le système de désignation des arbitres (accord unanime des syndicats les plus représentatifs et de ceux qui comptent 10 pour cent de représentativité) peut poser des problèmes de confiance lorsque c'est un syndicat de moindre représentativité qui conteste les élections. Néanmoins, étant donné que la loi prévoit que les arbitres seront nommés conformément aux principes de neutralité et de professionnalisme, et qu'elle garantit le droit de recourir en justice contre la sentence arbitrale, le comité, tout en jugeant souhaitable de réexaminer à l'avenir le système de désignation des arbitres, considère que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi, faute d'allégations concrètes au sujet d'arbitres ayant fait preuve de partialité.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 126. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à décider que ce cas n'appelle pas un examen plus approfondi.