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Interim Report - Report No 294, June 1994

Case No 1712 (Morocco) - Complaint date: 17-APR-93 - Closed

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586. Par des communications datées respectivement des 8 et 23 décembre 1992 et 17 avril 1993, l'Union marocaine du travail (UMT) a présenté des plaintes en violation des droits syndicaux contre le gouvernement du Maroc. En ce qui concerne le cas no 1687, elle a envoyé des informations complémentaires en date du 23 décembre 1992. Pour ce qui est du cas no 1712, dans une communication du 22 avril 1993, la Confédération internationale libre des syndicats (CISL) a déclaré s'associer à la plainte présentée par l'UMT; celle-ci a présenté de nouvelles allégations en date du 15 juin 1993.

  1. 586. Par des communications datées respectivement des 8 et 23 décembre 1992 et 17 avril 1993, l'Union marocaine du travail (UMT) a présenté des plaintes en violation des droits syndicaux contre le gouvernement du Maroc. En ce qui concerne le cas no 1687, elle a envoyé des informations complémentaires en date du 23 décembre 1992. Pour ce qui est du cas no 1712, dans une communication du 22 avril 1993, la Confédération internationale libre des syndicats (CISL) a déclaré s'associer à la plainte présentée par l'UMT; celle-ci a présenté de nouvelles allégations en date du 15 juin 1993.
  2. 587. Le gouvernement a fourni ses observations sur le cas no 1691 dans une communication datée du 6 février 1994. Il a fait parvenir ses observations concernant les cas nos 1687 et 1712 par une communication du 16 février 1994.
  3. 588. Le Maroc n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  • Cas no 1687
    1. 589 Dans sa communication du 8 décembre 1992, l'Union marocaine du travail (UMT) allègue des actes de discrimination antisyndicale de la part de la direction de la Société industrielle de nettoyage (SINET), ayant son siège social à Casablanca, à l'encontre des travailleurs et des délégués syndicaux employés par cette entreprise ainsi que des actes d'ingérence à l'encontre du syndicat d'entreprise de l'UMT qui regroupe 280 des 320 personnes employées par SINET.
    2. 590 L'organisation plaignante précise que, dans le cadre de l'exercice régulier de leur mandat, les délégués syndicaux ont présenté au directeur de cette entreprise des observations relatives à la protection salariale des employés. Elle explique que les délégués ont fait ressortir à cette occasion de graves irrégularités: depuis 1990, la direction prélèverait sur les salaires une cotisation au régime de base de la sécurité sociale calculée sur 26 jours, alors qu'elle ne déclarerait que 13 jours à la Caisse nationale de sécurité sociale, ainsi qu'un montant de 4,5 pour cent au titre de la retraite complémentaire alors qu'elle n'effectuerait pas de versement à la Caisse interprofessionnelle marocaine de retraite. Par ailleurs, le directeur aurait communiqué aux autorités des "résultats" d'élections des délégués du personnel bien que, d'après l'UMT, aucun scrutin n'ait été organisé, les salariés n'ayant pas été invités à voter et aucune liste de candidature n'ayant été déposée.
    3. 591 L'UMT relate que quatre délégués syndicaux ont été arbitrairement licenciés en date du 2 novembre 1992 pour avoir protesté contre le détournement des cotisations sociales des salariés et contre la falsification flagrante de leur volonté par la désignation pure et simple de représentants des travailleurs par l'employeur. Il s'agit de MM. Bouna Houcine, secrétaire général du syndicat d'entreprise de l'UMT, Mouzoune Hassan, secrétaire général adjoint, Attor Ahmed et Lachgar Brahim, délégués syndicaux.
    4. 592 Selon l'organisation plaignante, en dépit d'une grève générale de vingt-quatre heures observée le 11 novembre 1992 et des multiples démarches de l'UMT et de l'Union locale de l'UMT de Casablanca auprès des autorités préfectorales, la situation n'aurait pas changé: les quatre syndicalistes demeurent indûment privés d'emploi et les cotisations syndicales sont détournées sans que les pouvoirs publics n'interviennent pour faire respecter l'exercice du droit syndical et la législation sur la sécurité sociale. Elle ajoute que le directeur de l'établissement développe une attitude aggressive vis-à-vis des travailleurs et multiplie les provocations à leur encontre. Ainsi, depuis lesdits licenciements, il se serait entouré d'une brigade d'hommes de mains chargés de terroriser les travailleurs à l'intérieur et à l'extérieur de l'entreprise, et il répèterait qu'il "ne craint personne" et que "nul ne le fera revenir sur ses décisions".
    5. 593 Dans une communication datée du 23 décembre 1992, l'UMT fait parvenir copie d'une lettre du secrétaire général de l'Union régionale de l'UMT de Casablanca adressée au ministre de l'Emploi, datée du 9 décembre 1992, ainsi que d'une lettre du secrétariat national de l'UMT adressée au même ministre, datée du 23 décembre 1992, dans lesquelles l'UMT attire l'attention de ce dernier sur la situation au sein de l'entreprise SINET et lui demande d'intervenir afin d'y faire respecter l'exercice du droit syndical par la réintégration des syndicalistes licenciés, ainsi que de la législation du travail par la reconstitution intégrale des droits sociaux des travailleurs de cet établissement.
  • Cas no 1691
    1. 594 Dans sa communication du 23 décembre 1992, l'UMT allègue des actes de discrimination antisyndicale de la part de la direction de la société Filarsy, ayant son siège social à Casablanca, à l'encontre des délégués syndicaux et des travailleurs employés par cette entreprise ainsi que des actes d'ingérence à l'encontre du syndicat d'entreprise affilié de l'UMT qui regroupe 110 des salariés.
    2. 595 L'UMT précise que le 22 septembre 1992 la direction de Filarsy a licencié arbitrairement sept des neuf membres du bureau syndical de l'UMT qui venait d'être constitué au sein de l'entreprise. Au terme d'une série de réunions tenues en vain avec l'Inspection du travail et les autorités préfectorales de Hay Moahammadi-Aïn Sebaa (Casablanca) en vue d'obtenir l'annulation de ces licenciements et la reconnaissance du droit syndical par l'employeur, les travailleurs ont entamé une grève en date du 29 octobre 1992. L'organisation plaignante indique qu'en date de la plainte la grève se poursuit.
    3. 596 Entre-temps, selon l'UMT, la direction persiste dans son refus de reconnaître le bureau syndical et de réintégrer les personnes licenciées. Elle aurait en outre eu recours au recrutement de briseurs de grève. En dépit des protestations de l'Union régionale de l'UMT de Casablanca, les autorités publiques n'auraient pris aucune mesure pour faire respecter le droit syndical et le droit de grève.
    4. 597 L'organisation plaignante relate que le 23 décembre 1992 les forces de l'ordre, conduites par un officier de la police et le caïd de la circonscription, ont déclenché une violente offensive contre les travailleurs face à l'entrée de l'entreprise. Elles auraient brutalisé les travailleurs au moyen de gourdins et de matraques, multiplié les coups et les injures et poursuivi les grévistes jusque dans les quartiers environnants. Dans sa fuite, un travailleur aurait été heurté par une voiture et gravement blessé. De nombreuses blessures - fractures et contusions - auraient également été relevées chez les travailleurs.
  • Cas no 1712
    1. 598 Dans sa communication du 17 avril 1993, l'organisation plaignante allègue des violations des droits syndicaux et des atteintes au droit de négociation au sein de l'hôtel Mansour Ed Dahbi à Marrakech.
    2. 599 L'UMT déclare que le 15 avril 1992, jour après la constitution d'un bureau syndical de l'UMT au sein de cet hôtel, la direction de la chaîne hotelière dont l'hôtel Mansour Ed Dahbi fait partie aurait licencié sans aucune explication l'ensemble des membres de ce bureau. L'employeur aurait refusé tout dialogue avec le syndicat, proclamant qu'il ne le reconnaissait pas et qu'il ne voulait pas entendre parler de syndicat dans ses établissements. L'organisation plaignante relate que, face au mouvement de solidarité déclenché par les personnels et par le bureau syndical, le patron aurait procédé à une avalanche de mesures d'intimidation dont 98 suspensions.
    3. 600 Suite à ces mesures, les salariés de l'hôtel Mansour Ed Dahbi se sont mis en grève illimitée. Au lieu d'ouvrir une négociation de bonne foi, le patron aurait alors fait appel aux autorités publiques et à la police qui auraient violemment attaqué les grévistes aux portes mêmes de l'hôtel le 17 avril 1992. Lors de ces violences, plusieurs travailleurs ont été arrêtés (Aboul Hanane Abdeljalil, Abou Nouass Latifa, El Hasnaoui Ahmed, El Korssa Aberahmane, Boukentar Mohammed, Souhal Fatima, Boulal Zohra et Kati Mohammed) tandis que d'autres ont été blessés (Sebti Mohammed, Tagmouti Aberahmane, Fellah Ahmed, Baname Aziza, Daiss Hafida (femme enceinte), Alaoui Daquaq et Manchoub Fatema Zohra). Toujours selon l'UMT, ces événements ont suscité la solidarité des travailleurs du secteur hôtelier; le personnel des hôtels Nfis et Toubkal se seraient également mis en grève.
    4. 601 Dans sa communication du 15 juin 1993, l'UMT allègue des violations des droits syndicaux au sein de l'usine de plastique Plastima à Casablanca ainsi qu'une intervention de la police à l'encontre des travailleurs de cette entreprise. Elle indique que ces derniers observaient depuis le 17 mai 1993 une grève quotidienne de deux heures à l'intérieur de l'entreprise pour exprimer leur solidarité avec onze de leurs camarades qui avaient été arbitrairement licenciés. L'organisation plaignante explique que le 10 mai 1993 la direction avait, en violation de la loi sur la représentation du personnel, procédé à la suspension de trois délégués syndicaux de l'UMT qui sont également des délégués du personnel. Toujours selon l'UMT, en réaction à la protestation immédiate de l'ensemble des travailleurs, la direction a licencié les trois délégués syndicaux en question ainsi que huit autres travailleurs.
    5. 602 Le 14 juin 1993, la direction aurait fermé les portes de l'usine. Le 15 mai au matin, la police serait intervenue, en présence d'un commissaire, pour interdire par la force l'accès à l'établissement aux travailleurs et pour laisser entrer une vingtaine de briseurs de grève. D'après l'organisation plaignante, l'intervention de la police s'est accompagnée de provocations, de menaces et de voies de fait à l'encontre des syndicalistes de l'entreprise et des responsables de la section régionale de l'UMT présents sur place.

B. Réponses du gouvernement

B. Réponses du gouvernement
  • Cas no 1687
    1. 603 Dans sa communication du 16 février 1994, le gouvernement indique, pour ce qui est de l'allégation selon laquelle la direction de la Société industrielle de nettoyage à Casablanca (SINET) ne déclare pas le nombre total des jours de travail à la Caisse nationale de sécurité sociale, qu'à la suite de l'intervention de l'Inspection du travail cet employeur procède à la déclaration complémentaire pour les jours de retard non déclarés au cours de la période comprise entre août 1990 et janvier 1991. En ce qui concerne l'absence d'acquittement des montants dus à la Caisse interprofessionnelle de retraite, il s'agit, d'après le gouvernement, d'un retard lié, selon l'employeur, aux difficultés financières que rencontre la société en raison de la perte d'un nombre important de chantiers. L'Inspection du travail a obtenu de l'employeur l'engagement officiel de procéder au règlement de ce cas dans les plus brefs délais. Le gouvernement ajoute qu'il faut souligner que l'affiliation des employeurs à la Caisse interprofessionnelle de retraite est considérée comme facultative, celle-ci représentant un régime complémentaire au régime obligatoire confié à la Caisse nationale de sécurité sociale.
    2. 604 Pour ce qui est du licenciement de certains travailleurs, le gouvernement indique que, selon les déclarations de l'employeur, la direction de l'établissement procède chaque année, pour les besoins du service, au transfert de ses travailleurs dans les différentes branches qui en relèvent. A l'occasion des transferts de 1992, les quatre travailleurs mentionnés par l'organisation plaignante ont refusé de rejoindre leur nouveau lieu de travail, ce qui a abouti à leur licenciement. Toujours d'après le gouvernement, l'Inspection du travail a tenté de trouver une solution satisfaisante à cette affaire mais aucun accord n'a pu être trouvé. L'employeur a alors donné son accord pour l'octroi aux travailleurs concernés d'une indemnité forfaitaire en vue de mettre un terme au différend; cependant, ceux-ci auraient refusé cette proposition et préféré soumettre leur cas au tribunal compétent.
    3. 605 Enfin, le gouvernement déclare que la société a procédé le 20 septembre 1992 à l'élection des délégués des travailleurs dans l'établissement; après la proclamation des résultats des élections, ces derniers ont exercé leur droit de recours devant la justice. Le tribunal compétent a décidé de rejeter le recours présenté par les travailleurs concernés vu que les moyens qu'ils avaient soulevés étaient dénués de tout fondement.
  • Cas no 1691
    1. 606 Dans sa communication du 6 février 1994, le gouvernement indique que les causes du différend qui s'est produit dans la société Filarsy sont liées à la décision de licenciement prise à l'encontre de sept travailleurs accusés par la direction de l'entreprise d'avoir commis diverses fautes professionnelles, comme l'a indiqué l'Inspection du travail qui est intervenue pour régler le différend à l'amiable. Devant l'impossibilité de trouver une solution satisfaisante pour les deux parties, les travailleurs ont soumis leur cas au tribunal compétent.
    2. 607 En ce qui concerne les allégations portant sur le recours à une main-d'oeuvre temporaire pour faire échec à la grève, le gouvernement déclare que les enquêtes menées par l'Inspection du travail à ce sujet n'ont pas prouvé ces allégations, étant donné que tous les travailleurs présents dans l'établissement au cours de la grève avaient été engagés avant le déclenchement de celle-ci, puisqu'ils avaient déjà été déclarés à la Caisse nationale de sécurité sociale.
    3. 608 Pour ce qui est des allégations au sujet de l'intervention de la police au cours de la grève, il s'agit, selon le gouvernement, d'une intervention de l'autorité locale en vue d'assurer la protection de la liberté du travail qui avait été perturbée de la part de certains travailleurs grévistes ayant tenté d'interdire aux travailleurs non grévistes de se rendre à leur travail.
    4. 609 Le gouvernement signale également que l'établissement a organisé, pour le 30 septembre 1992, l'élection des représentants des travailleurs, laquelle s'est soldée par la victoire de six représentants et de six suppléants, non affiliés à une organisation syndicale. C'est la raison pour laquelle, d'après le gouvernement, l'organisation plaignante a présenté un recours contre les élections devant le tribunal compétent; celui-ci a rendu une décision déclarant la légalité de ces élections.
  • Cas no 1712
    1. 610 Selon le gouvernement, dans sa réponse du 16 février 1994, l'employeur de l'hôtel Mansour Ed Dahbi à Marrakech considère que le licenciement des travailleurs entre dans ses compétences en matière disciplinaire conformément à la loi en vigueur. Il fait remarquer que les travailleurs concernés sont considérés comme des travailleurs ordinaires n'ayant aucune qualité ou fonction syndicale, et ce en l'absence de toute déclaration écrite sur la constitution du bureau syndical. L'enquête effectuée par l'Inspection du travail a montré que le bureau syndical n'avait aucune existence légale parce que la procédure légale prévue dans le dahir du 16 juillet 1957 sur les syndicats professionnels n'a pas été suivie. En effet, selon le gouvernement, l'union locale de l'UMT n'a pas communiqué aux services compétents la liste des membres du bureau.
    2. 611 Pour ce qui est de l'allégation portant sur le refus de l'employeur de dialoguer avec le syndicat, le gouvernement déclare qu'elle est dénuée de tout fondement, comme l'indique l'Inspection du travail; la pratique prouve au contraire que le dialogue et la consultation ont constitué la base des rapports entre la direction de l'hôtel et les travailleurs. Le gouvernement déclare également que les procès-verbaux des réunions tenues par les deux parties confirment ce fait, et il joint copie d'un procès-verbal. Il cite à titre d'exemple des réunions qui se seraient déroulées entre les parties les 21, 28 et 30 avril et indique que d'autres réunions ont eu lieu par la suite sous le contrôle de l'Inspection du travail.
    3. 612 S'agissant des allégations concernant la non-reconnaissance du syndicat de l'UMT au sein de l'hôtel, le gouvernement signale que selon le rapport de l'Inspection du travail la direction de la chaîne hotelière en question fonde ses rapports avec son personnel sur une base de respect des droits et libertés syndicaux, en reconnaissant les bureaux syndicaux dans les différents établissements qui en relèvent à l'intérieur du wilayat de Marrakech. Cependant, et pour expliquer la réalité des faits à l'hôtel Mansour Ed Dahbi, le gouvernement ajoute que la direction de l'hôtel a refusé de répondre aux revendications syndicales en raison des conditions économiques exceptionnelles, ce qui a été considéré par l'union locale des syndicats de Marrakech comme une atteinte aux droits et libertés syndicaux et a contribué à créer un climat de tension entre les deux parties.
    4. 613 Concernant les allégations portant sur la suspension de 98 travailleurs, le gouvernement indique que le nombre de travailleurs qui ont été licenciés parmi ceux bénéficiant d'un statut permanent et officiel est de 27. Quant aux autres travailleurs, ils sont soit saisonniers soit liés à l'hôtel par des contrats à durée déterminée. Selon le gouvernement, la décision de licenciement a été prise à la suite du refus des travailleurs de se soumettre à la décision de transfert de 11 travailleurs vers la ville de Ouarzazate pour répondre aux besoins de l'hôtel de cette ville. Plusieurs des collègues des travailleurs concernés ont organisé une grève de solidarité. Dans le but d'assurer le succès de cette grève, les travailleurs grévistes ont occupé l'entrée de l'hôtel, ce qui a amené la direction à licencier plusieurs autres travailleurs qu'elle a accusés d'avoir perturbé la liberté du travail. Toujours d'après le gouvernement, l'Inspection du travail a mené une tentative de conciliation en vue de trouver une solution satisfaisante au différend. Cependant, aucun accord n'a pu être trouvé en raison de l'obstination des parties concernées.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 614. Le comité note avec préoccupation que les allégations faisant l'objet des cas présents portent sur de nombreuses atteintes à la liberté syndicale dans quatre entreprises privées marocaines: actes de discrimination antisyndicale visant les délégués syndicaux et des travailleurs syndiqués; actes d'ingérence commis par les employeurs et les autorités à l'encontre des bureaux syndicaux de l'UMT; et interventions violentes des forces de l'ordre et des autorités lors de mouvements de grève.
  2. 615. Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas répondu aux allégations les plus récentes de l'organisation plaignante concernant des violations des droits syndicaux au sein de l'usine Plastima à Casablanca (interventions violentes des forces de l'ordre pour disperser des grévistes, licenciements arbitraires, remplacement des grévistes par des briseurs de grève). Il lui demande instamment de fournir sans tarder ses observations sur ces allégations.
  3. 616. Le comité note tout d'abord que l'organisation plaignante fait état d'un grand nombre de suspensions et de licenciements pour des raisons antisyndicales. Ainsi, à l'entreprise SINET à Casablanca, quatre dirigeants syndicaux ont été licenciés en date du 2 novembre 1992 pour avoir, selon l'organisation plaignante, protesté contre le détournement des cotisations sociales des salariés et contre la falsification de l'élection des représentants des travailleurs par l'employeur. Selon le gouvernement, suite à un transfert pour raisons de service, ces personnes avaient refusé de rejoindre leur nouveau lieu de travail et ont donc été licenciées. Les quatre travailleurs ont soumis leur cas au tribunal compétent.
  4. 617. En ce qui concerne la société Filarsy à Casablanca, l'organisation plaignante allègue que sept des neuf membres du bureau syndical de l'UMT qui venait d'être constitué au sein de cette entreprise ont été licenciés. Le gouvernement de son côté déclare que ces licenciements étaient motivés par diverses fautes professionnelles et que ce cas a été soumis au tribunal compétent.
  5. 618. Dans l'hôtel Mansour Ed Dahbi à Marrakech, selon l'organisation plaignante, tous les membres du bureau syndical de l'UMT ont été licenciés sans aucune explication après la constitution de ce bureau; de plus, 98 autres travailleurs ont été suspendus pour avoir exprimé leur solidarité avec les personnes licenciées. Le gouvernement déclare qu'en l'absence de toute déclaration écrite sur la constitution du bureau syndical les travailleurs concernés sont considérés comme des travailleurs ordinaires n'ayant aucune qualité ou fonction syndicale. S'agissant de la suspension et du licenciement de travailleurs de l'entreprise, y compris les membres du bureau syndical, le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle ces mesures ont été prises à la suite du refus des travailleurs de se soumettre à la décision de transfert de 11 travailleurs vers la ville de Ouarzazate. Toujours selon le gouvernement, plusieurs autres travailleurs ont été licenciés pour avoir perturbé la liberté du travail.
  6. 619. Le comité note avec préoccupation les contradictions qui existent entre les déclarations de l'organisation plaignante et du gouvernement concernant l'ensemble des licenciements et suspensions mentionnés ci-dessus, le gouvernement réfutant que ces mesures soient prises pour des raisons antisyndicales. Compte tenu du grand nombre de personnes concernées et des circonstances dans lesquelles ces mesures ont été prises (création de bureaux syndicaux, mouvements de grève au sein des entreprises concernées), le comité n'est pas en mesure de conclure que les licenciements et suspensions n'ont eu aucun lien avec les activités syndicales des personnes en question.
  7. 620. C'est pourquoi le comité rappelle au gouvernement les principes fondamentaux selon lesquels tous les travailleurs doivent pouvoir effectivement former en toute liberté des organisations de leur choix et y adhérer librement et que nul ne devrait faire l'objet de discrimination dans l'emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, (paragr. 222 et 538.) Il demande au gouvernement que des enquêtes soient menées en vue d'établir les véritables raisons du licenciement de MM. Bouna Houcine, secrétaire général du syndicat d'entreprise de l'UMT, Mouzoune Hassan, secrétaire général adjoint, ainsi que Attor Ahmed et Lachgar Brahim, délégués syndicaux dans l'entreprise SINET; des sept membres du bureau syndical de l'UMT dans l'entreprise Filarsy; de tous les membres du bureau syndical de l'UMT de l'hôtel Mansour Ed Dahbi à Marrakech; ainsi que de la suspension de 98 travailleurs à l'hôtel Mansour Ed Dahbi, et, au cas où il serait prouvé que ces personnes ont été licenciées ou suspendues en raison de leurs activités syndicales, qu'elles soient réintégrées dans leurs emplois. Il prie le gouvernement de lui communiquer les résultats de ces enquêtes ainsi que des recours en justice introduits par les quatre délégués syndicaux et syndicalistes de l'entreprise SINET et les sept travailleurs de l'entreprise Filarsy contre les licenciements dont ils ont fait l'objet.
  8. 621. S'agissant des interventions des forces de l'ordre lors des grèves de solidarité déclenchées par les travailleurs de l'entreprise Filarsy et de l'hôtel Mansour Ed Dahbi (lors de ces interventions plusieurs personnes auraient été blessées), le comité prend note de la réponse du gouvernement selon laquelle il s'agissait, en ce qui concerne la société Filarsy, d'une intervention de l'autorité locale en vue d'assurer la protection de la liberté du travail qui avait été perturbée par certains grévistes qui avaient tenté d'interdire aux travailleurs non grévistes de se rendre à leur travail. A cet égard, le comité souligne que le seul fait de participer à un piquet de grève et d'inciter fermement, mais pacifiquement, les autres salariés à ne pas rejoindre leur poste de travail ne peut être considéré comme une action illégitime. Il en va toutefois autrement lorsque le piquet de grève s'accompagne de violences ou d'entraves à la liberté du travail par contrainte exercée sur les non-grévistes, actes qui, dans beaucoup de pays, sont punis par la loi pénale. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 435.) Le comité rappelle également que les autorités ne devraient avoir recours à la force publique dans des cas de mouvements de grève que dans des situations présentant un caractère de gravité et où l'ordre public serait sérieusement menacé. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 431.) Le comité demande par conséquent au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour qu'une enquête indépendante, impartiale et approfondie soit menée pour déterminer la nature des actions de la police mentionnées par l'organisation plaignante et définir les responsabilités, et de lui communiquer les résultats de cette enquête.
  9. 622. Quant aux arrestations de grévistes auxquelles la police a procédées en date du 17 avril 1993 lors de la grève qui s'est déroulée dans l'hôtel Mansour Ed Dahbi, le comité note que le gouvernement n'a pas fourni de réponse. Le comité rappelle que le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts économiques et sociaux. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 363.) En outre, de l'avis du comité, les autorités ne devraient pas avoir recours aux mesures d'emprisonnement en cas d'organisation ou de participation à une grève pacifique. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 447.) Compte tenu de ces principes auxquels il attache une grande importance, le comité demande au gouvernement de transmettre des renseignements sur l'évolution de la situation des travailleurs de l'hôtel Mansour Ed Dahbi arrêtés - MM. Aboul Hanane Abdeljalil, Abou Nouass Latifa, El Hasnaoui Ahmed, El Korssa Aberahmane, Boukentar Mohammed, Souhal Fatima, Boulal Zohra et Kati Mohammed -, en indiquant s'ils ont été remis en liberté et réintégrés dans leur poste de travail.
  10. 623. En ce qui concerne les allégations d'après lesquelles la société Filarsy a eu recours à des briseurs de grève, le comité observe que le gouvernement déclare que les enquêtes menées par l'Inspection du travail à ce sujet n'ont pas prouvé ces allégations étant donné que tous les travailleurs présents dans l'établissement au cours de la grève avaient été engagés avant le déclenchement de celle-ci puisqu'ils avaient déjà été déclarés à la Caisse nationale de sécurité sociale.
  11. 624. D'une manière générale, le comité doit regretter qu'il soit une fois de plus saisi dans les cas présents d'allégations portant sur de graves restrictions des droits syndicaux des travailleurs marocains et sur le refus des autorités d'intervenir pour faire respecter effectivement ces droits dans la pratique. Rappelant que les droits syndicaux ne peuvent s'exercer que dans un climat dénué de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l'encontre des syndicalistes et qu'il appartient au gouvernement d'assurer le respect de ce principe (voir Recueil, op. cit., paragr. 70), le comité lance un appel au gouvernement pour que des mesures appropriées soient prises en vue d'assurer aux travailleurs le libre exercice des droits syndicaux. Il demande instamment au gouvernement de s'efforcer de prendre les mesures nécessaires pour que ces droits soient effectivement reconnus et respectés tant en fait qu'en droit.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 625. Vu les conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas répondu aux allégations les plus récentes de l'organisation plaignante concernant des violations des droits syndicaux au sein de l'usine Plastima à Casablanca et il lui demande instamment de fournir sans tarder ses observations à cet égard.
    • b) Rappelant les principes fondamentaux selon lesquels tous les travailleurs doivent pouvoir effectivement former en toute liberté des organisations de leur choix et y adhérer librement et que nul ne devrait faire l'objet de discrimination dans l'emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes, le comité demande au gouvernement que des enquêtes soient menées en vue d'établir les véritables raisons du licenciement de MM. Bouna Houcine, secrétaire général du syndicat d'entreprise de l'UMT, Mouzoune Hassan, secrétaire général adjoint, ainsi que Attor Ahmed et Lachgar Brahim, délégués syndicaux dans l'entreprise SINET de Casablanca; des sept membres du bureau syndical de l'UMT dans l'entreprise Filarsy de Casablanca; de tous les membres du bureau syndical de l'UMT de l'hôtel Mansour Ed Dahbi à Marrakech; ainsi que de la suspension de 98 travailleurs de cet hôtel et, au cas où il serait prouvé que ces personnes ont été licenciées ou suspendues en raison de leurs activités syndicales, qu'elles soient réintégrées dans leurs emplois. Il prie le gouvernement de lui communiquer les résultats de ces enquêtes ainsi que des recours en justice introduits par les quatre délégués syndicaux et syndicalistes de l'entreprise SINET et les sept travailleurs de l'entreprise Filarsy contre les licenciements dont ils ont fait l'objet.
    • c) Rappelant que les autorités ne devraient avoir recours à la force publique dans des cas de mouvements de grève que dans des situations présentant un caractère de gravité et où l'ordre public serait sérieusement menacé, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour qu'une enquête indépendante, impartiale et approfondie soit menée pour déterminer la nature des actions de la police mentionnées par l'organisation plaignante et définir les responsabilités, et de lui communiquer les résultats de cette enquête.
    • d) Rappelant que le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts économiques et sociaux et que les autorités ne devraient pas avoir recours aux mesures d'emprisonnement en cas d'organisation ou de participation à une grève pacifique, le comité demande au gouvernement de transmettre des renseignements sur l'évolution de la situation des travailleurs de l'hôtel Mansour Ed Dahbi - Aboul Hanane Abdeljalil, Abou Nouass Latifa, El Hasnaoui Ahmed, El Korssa Aberahmane, Boukentar Mohammed, Souhal Fatima, Boulal Zohra et Kati Mohammed -, en indiquant s'ils ont été remis en liberté et réintégrés dans leur poste de travail.
    • e) Soulignant que les droits syndicaux ne peuvent s'exercer que dans un climat dénué de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l'encontre des syndicalistes et qu'il appartient au gouvernement d'assurer le respect de ce principe, le comité lance un appel au gouvernement pour que des mesures appropriées soient prises en vue d'assurer aux travailleurs le libre exercice des droits syndicaux. Il demande instamment au gouvernement de s'efforcer de prendre des mesures pour que ces droits soient effectivement reconnus et respectés tant en fait qu'en droit.
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