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- 368. Le comité a examiné ce cas lors de sa réunion de février 1993 (voir 286e rapport du comité, paragr. 674 à 728, approuvé par le Conseil d'administration à sa 255e session (mars 1993)), au cours de laquelle il a formulé des conclusions intérimaires.
- 369. Depuis lors, dans une communication du 23 août 1993, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a présenté de nouvelles allégations. Le gouvernement a fait parvenir des réponses complémentaires dans une communication reçue en date du 6 octobre 1993 et dans une lettre datée du 31 janvier 1994.
- 370. La Chine n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
- 371. A sa session de février 1993, le comité a examiné une plainte présentée par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) portant sur la loi du 3 avril 1992 sur les syndicats ainsi que sur des pressions - y compris physiques - exercées contre des militants syndicaux indépendants, la condamnation, la détention et le licenciement de travailleurs et les obstacles apportés au fonctionnement des syndicats indépendants, et notamment au Syndicat libre de Chine qui avait annoncé son existence en mai 1992.
- 372. Lors de cette session, le comité avait formulé les recommandations suivantes (voir 286e rapport du comité, paragr. 728):
- a) Constatant que de nombreuses dispositions de la loi syndicale adoptée en avril 1992 sont contraires aux principes de l'OIT relatifs aux droits des travailleurs sans distinction d'aucune sorte de constituer sans autorisation préalable les organisations de leur choix et au droit des syndicats d'élaborer leurs statuts, d'organiser leurs activités et de formuler leurs programmes d'action, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les dispositions en question, mentionnées dans les conclusions, soient modifiées.
- b) Le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur la législation et la pratique en matière de règlement des conflits collectifs du travail et d'indiquer notamment si le Règlement provisoire de 1987 est toujours en vigueur.
- c) Le comité demande au gouvernement de fournir ses observations sur les allégations selon lesquelles M. Han Dongfang a été soumis à des pressions, y compris des brutalités physiques.
- d) Le comité demande au gouvernement d'indiquer, de façon précise, quels sont les faits concrets commis par MM. Tang Yangjuan, Liu Wei et Leng Wambao qui ont abouti à leur conmdamnation pour subversion par les autorités judiciaires de Changchun.
- e) Bien qu'il ait noté que certaines personnes mentionnées dans la plainte ont été libérées, le comité doit exprimer sa vive préoccupation devant la sévérité des sanctions prononcées par les tribunaux à l'encontre des travailleurs membres ou dirigeants des fédérations autonomes de travailleurs. Il demande que ces affaires soient réexaminées afin qu'un terme soit mis aux détentions de ces travailleurs. Il demande au gouvernement de lui fournir des informations sur les développements qui interviendraient à cet égard.
- f) Le comité demande au gouvernement de fournir ses observations sur les allégations relatives à la demande du Parti communiste de mener une enquête approfondie pour traquer le Syndicat libre de Chine.
B. Nouvelles allégations de l'organisation plaignante
B. Nouvelles allégations de l'organisation plaignante
- 373. Dans une communication du 23 août 1993, la CISL présente de nouvelles allégations au sujet de la situation de M. Han Dongfang, dirigeant de la Fédération autonome des travailleurs de Beijing. Elle explique que M. Han Dongfang, après avoir été détenu sans jugement pendant vingt-deux mois en raison de sa participation aux manifestations de 1989 sur la place Tiananmen et ses activités syndicales indépendantes, a été remis en liberté en novembre 1991, le gouvernement ayant retiré les chefs d'accusation contre lui. En raison d'une tuberculose contractée lors de sa détention, les autorités chinoises lui ont donné l'autorisation officielle de se rendre aux Etats-Unis où il a séjourné de septembre 1992 à août 1993 afin d'y subir un traitement médical.
- 374. Toutefois, déclare l'organisation plaignante, après avoir participé à la Conférence mondiale des Nations Unies sur les droits de l'homme à Vienne ainsi qu'à la Conférence internationale du Travail en tant que membre de la délégation de la CISL, M. Han Dongfang a été informé de son licenciement par son employeur, l'Autorité des Chemins de fer de Beijing. La CISL relate que le 13 août 1993, M. Han Dongfang est rentré en Chine, par la ville de Huizhou, d'où il voulait regagner Beijing. Le lendemain, des agents de la sécurité publique l'ont interrogé dans sa chambre d'hôtel à Guangzhou et l'ont obligé de force à quitter la Chine. Son expulsion de la Chine s'est déroulée contre son gré, s'est accompagnée de coups et blessures et n'a pas été motivée.
- 375. D'après la CISL, la seule justification de cette mesure fournie jusqu'à présent provient de l'agence de presse New China News à Hong-kong et a la teneur suivante:
- "Han Dongfang avait été remis en liberté surveillée par les autorités en septembre afin qu'il puisse se faire traiter médicalement. Avant son départ, il avait promis de ne pas entreprendre d'actions à l'encontre de la Constitution chinoise ou visant à nuire à l'intérêt national. Toutefois, une fois arrivé aux Etats-Unis, Han Dongfang n'a pas du tout tenu sa promesse. C'est pourquoi l'autorité chinoise compétente a décidé, conformément à la loi, de lui interdire de rentrer en territoire chinois."
- 376. La CISL allègue que cette déclaration est incorrecte. Premièrement, M. Han Dongfang n'a jamais été remis en liberté surveillée; étant donné que le tribunal a décidé de ne pas retenir de chefs d'accusation contre lui lorsqu'il est parti pour les Etats-Unis, il ne saurait être considéré comme un prisonnier en liberté surveillée. En second lieu, il ne lui a jamais été refusé de rentrer en Chine; lorsqu'il était déjà en territoire chinois, il en avait été expulsé après avoir été conduit à la frontière entre Hong-kong et la Chine par les forces de sécurité.
C. Réponse du gouvernement
C. Réponse du gouvernement
- 377. Dans sa réponse reçue en date du 6 octobre 1993, le gouvernement déclare qu'il a déjà communiqué antérieurement les principes sur lesquels repose sa position vis-à-vis du présent cas et qu'il souhaite maintenant clarifier et expliquer certains points concernant les conclusions et questions que le comité a formulées dans son 286e rapport.
- 378. Pour ce qui est de la législation et de la pratique en matière de règlement des conflits du travail, le gouvernement indique que la politique et la législation chinoises en la matière ont été élaborées conformément à la réforme et au processus d'ouverture que connaît le pays actuellement, à la lumière des expériences menées avec succès dans d'autres pays et des conseils fournis par des experts de l'OIT. Il explique que les conflits du travail sont réglés à trois niveaux: par la médiation à l'intérieur de l'entreprise, par l'arbitrage au niveau local et par les jugements des tribunaux. La plupart des moyennes et grandes entreprises ont constitué des comités de médiation des conflits du travail, composés de représentants des travailleurs, de la direction et du syndicat. Ces comités sont chargés de se prononcer sur les conflits du travail survenant dans l'entreprise et qui leur sont soumis sur une base volontaire. Environ 90 pour cent des conflits du travail sont réglés par les comités de médiation.
- 379. Au niveau local, continue le gouvernement, il existe actuellement plus de 2.800 comités locaux (au niveau des comtés, des villes, des circonscriptions, des grandes villes et des provinces). Ils sont composés, en nombre égal, de représentants de l'administration du travail, des syndicats et des entreprises, et sont chargés de l'arbitrage des conflits du travail. Environ 70 pour cent des sentences arbitrales rendues par les comités locaux permettent de régler les différends. Lorsqu'une des parties au conflit est en désaccord avec la sentence arbitrale, elle peut porter le différend devant un tribunal du peuple et, lorsqu'elle est également en désaccord avec le jugement rendu par celui-ci, devant la Cour intermédiaire qui rendra un jugement définitif et exécutoire. Le gouvernement déclare que les procédures de règlement des conflits du travail protègent suffisamment et de façon efficace et équitable les droits et intérêts des entreprises et des travailleurs. Pour illustrer cette affirmation, le gouvernement cite à titre d'exemple deux conflits du travail, opposant dans chaque cas une travailleuse et une entreprise, qui ont été réglés en faveur des travailleuses par des Cours intermédiaires saisies en dernière instance. Le gouvernement cite également des statistiques recensées par les institutions d'arbitrage des conflits du travail de Beijing d'après lesquelles un tiers des plus de 700 conflits ont été réglés en faveur de la direction des entreprises, un tiers en faveur des travailleurs et un tiers ont trouvé une solution suite à la médiation.
- 380. S'agissant plus particulièrement des pénalités contenues dans le Règlement provisoire de 1987, le gouvernement indique qu'elles visent des infractions et des crimes qui ne portent pas sur la liberté d'association. Il signale par ailleurs que le Règlement provisoire de 1987 sur le traitement des conflits du travail dans les entreprises d'Etat a été abrogé en date du 1er août 1993 et remplacé par le Règlement sur le traitement des conflits du travail dans les entreprises de la République populaire de Chine. Par rapport au Règlement provisoire de 1987, le nouveau Règlement: i) s'applique désormais à l'ensemble des entreprises; ii) étend l'arbitrage aux conflits portant sur la mise en oeuvre des règlements de l'Etat relatifs aux salaires, à l'assurance, au bien-être, à la formation et à la protection du travail; et iii) contient des règles précises relatives aux arbitres et au système d'arbitrage par les tribunaux afin d'améliorer le sens de la responsabilité et l'efficacité du personnel sur le terrain. Le gouvernement ajoute que le nouveau Règlement contient également plus de pénalités bien définies visant des infractions à la loi. Ainsi, l'article 37 énumère un nombre d'actes qui sont interdits au cours du règlement d'un conflit du travail et pour lesquels le comité d'arbitrage peut critiquer et éduquer les personnes ayant commis ces actes, leur ordonner de corriger les actes et les punir conformément aux dispositions pertinentes du "Règlement pénal de la sécurité publique de la République populaire de Chine". Lorsque le crime commis est sérieux, il entraîne également la responsabilité pénale. Le gouvernement conclut qu'à la lumière de l'ensemble de ces dispositions il n'est pas fondé de craindre une violation du principe de la liberté d'association.
- 381. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles M. Han Dongfang a été soumis à des pressions, y compris des brutalités physiques, le gouvernement revient sur le différend sur un logement dans lequel cette personne était impliquée. Il déclare qu'il ressort d'une enquête qu'il a effectuée qu'en 1983 M. Hang Dongfang avait conclu un accord avec une entreprise prévoyant que le deux-pièces qu'il occupait avec sa famille allait être tranformé en bureaux et qu'un logement de quatre pièces allait être mis temporairement à sa disposition en attendant la mise à disposition définitive d'un appartement de trois pièces qui était encore en construction. A deux reprises cependant, en 1985 et en 1992, M. Han Dongfang et sa famille se seraient à nouveau installés dans l'ancien deux-pièces, malgré un nouvel accord obtenu avec l'entreprise en 1987 et l'ordre de quitter les lieux donné par le tribunal du peuple. Lors d'une audience de cette affaire, le 14 mai 1992, M. Han Dongfang a insulté les fonctionnaires et blessé l'un d'entre eux avec une chaise. Il s'est également cogné volontairement la tête contre une table et s'est blessé le visage avec une chaise dans le but d'intimider le tribunal. Pour mettre fin aux blessures qu'il s'infligeait ainsi qu'à l'acte illégal commis par M. Han Dongfang, les fonctionnaires ont pris des mesures protectrices. Le gouvernement conclut qu'il était nécessaire que le tribunal prenne ces mesures qui d'ailleurs étaient totalement légales, et que seul M. Han Dongfang est responsable de l'incident survenu le 14 mai 1992. D'après le gouvernement, l'allégation selon laquelle "des fonctionnaires de justice l'ont battu avec un bâton électrique et assommé" est totalement infondée.
- 382. Pour ce qui est de la condamnation pour subversion de MM. Tang Yangjuan, Liu Wei et Leng Wambao, le gouvernement déclare que, conformément à ce qu'il avait indiqué antérieurement, ces personnes n'ont pas été condamnées à "un régime d'éducation par le travail", mais à des peines prononcées par le tribunal du peuple de la circonscription de Changchun après que celui-ci avait constaté qu'elles s'étaient rendues coupables de conspiration visant à créer une organisation illégale pour renverser le gouvernement. En avril 1989, les intéressés, ainsi que d'autres personnes de la même entreprise, préparaient secrètement la création d'une organisation illégale dont M. Tang serait le leader. Au mois de mai, ils ont incité des travailleurs innocents à se mettre en grève, à faire obstacle à la production et à attaquer les immeubles du gouvernement de la ville. Lors de manifestations publiques, ils ont appelé à un renversement du gouvernement. Le 23 mai, MM. Tang et Lei, ainsi que d'autres personnes, ont semé le désordre sur la place centrale de Changchun, ce qui a causé des accidents de voiture, ainsi que la paralysie totale de la circulation sur la place et le désordre public. Le gouvernement conclut qu'il est clair que, lors de ces événements, MM. Tang Yangjuan, Liu Wei et Leng Wambao n'exerçaient pas d'activités syndicales ou ne cherchaient pas à protéger les intérêts des travailleurs mais, au contraire, violaient la loi pénale chinoise en essayant de créer une organisation illégale visant à renverser le gouvernement. C'est pourquoi il était nécesaire et approprié que le tribunal du peuple leur impose des sanctions. Il est par conséquent non fondé, d'après le gouvernement, de conclure qu'ils ont fait l'objet d'"une atteinte manifeste aux droits fondamentaux de l'homme".
- 383. S'agissant de l'allégation relative à la demande du Parti communiste de mener une enquête approfondie pour traquer le Syndicat libre de Chine, le gouvernement déclare que, contrairement à ce qu'avait indiqué l'organisation plaignante, une organisation syndicale dénommée "Syndicat libre de Chine" n'a jamais été constituée en mai 1992. Il n'a jamais existé non plus de directive ordonnant une enquête au sujet de cette organisation. Le gouvernement indique que ce qui a été dit sur le Syndicat libre de Chine et sur un ordre d'enquêter sur ce syndicat ne sont que des rumeurs.
- 384. En ce qui concerne la sévérité des sanctions prononcées par les tribunaux à l'encontre des travailleurs membres ou dirigeants des fédérations autonomes de travailleurs, le gouvernement signale qu'il est un fait notoire que les tribunaux chinois prononcent leurs sentences en stricte conformité avec les faits commis et dans le respect des lois. Il ajoute que trois autres criminels ont été remis en liberté pour bonne conduite. Il s'agit de MM. He Zhaohui, Li Jian et Zhang Xudong.
- 385. Dans sa communication du 31 janvier 1994, le gouvernement indique que la décision de l'autorité compétente nationale de déclarer le passeport de M. Han Dongfang comme nul et non avenu et de lui interdire d'entrer dans le pays est entièrement légitime et constitue une action de principe pour sauvegarder la sécurité et les intérêts de l'Etat chinois. Il explique qu'avant son départ pour les Etats-Unis M. Han Dongfang s'était engagé à ne pas se livrer à l'étranger à des activités à l'encontre du gouvernement chinois. Cependant, toujours selon le gouvernement, une fois aux Etat-Unis, il s'est mis à collaborer avec des organisations antichinoises par lesquelles il aurait été financé. Ainsi, au titre de dirigeant d'une organisation illégale - "le Syndicat libre de Chine" -, il aurait publié des propos antigouvernementaux, mené des activités visant à nuire aux intérêts de l'Etat et cherché à ruiner le prestige international de la Chine. Le gouvernement cite à titre d'exemple quelques propos antigouvernementaux tenus par M. Han Dongfang dans des interviews, lors de séminaires et lors de la 80e session de la Conférence internationale du Travail. Le gouvernement déclare également que M. Han Dongfang, ayant appris un faux bruit selon lequel un arrêt de travail aurait eu lieu dans une usine chinoise, a contacté des membres du Syndicat libre de Chine, leur a fourni des ressources et les a incités à soulever la masse populaire contre le gouvernement et à créer des troubles.
- 386. D'après le gouvernement, M. Han Dongfang, par ces activités menées à l'étranger, a violé les dispositions de la Constitution, de la loi sur la sécurité de l'Etat et de la loi sur l'administration de la sortie des ressortissants chinois du territoire. Le gouvernement indique aussi que pendant l'application de la décision susmentionnée les contacts qui ont eu lieu entre la justice chinoise et M. Han Dongfang ont été d'une nature normale et qu'il n'y a pas eu d'atteinte volontaire au corps de l'intéressé. Il ajoute que, à condition de remplir les conditions fixées le 26 août 1993 par le porte-parole du ministère de la Sécurité publique, à savoir i) reconnaître ses activités nuisibles aux intérêts et au prestige du pays menées à l'étranger, et ii) s'engager à ne plus mener de telles activités à l'encontre du gouvernement et des lois chinois, et à condition qu'il se montre identique en parole et en action au bout d'une période de vérification, M. Han Dongfang pourrait encore être autorisé à rentrer dans son pays.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité
- 387. Le comité doit tout d'abord regretter que le gouvernement n'ait pas fourni de renseignements sur les mesures prises pour modifier les nombreuses dispositions de la loi sur les syndicats d'avril 1992 que le comité estime comme contraires aux principes de l'OIT relatifs à la liberté syndicale. (Voir 286e rapport, paragr. 709 à 718.)
- 388. Le comité note également, au sujet des allégations relatives à la demande du Parti communiste de mener une enquête approfondie pour traquer le Syndicat libre de Chine, que, dans sa réponse du 6 octobre 1993, le gouvernement déclare, contrairement à ce qu'avait indiqué l'organisation plaignante, qu'une organisation syndicale dénommée "Syndicat libre de Chine" n'a jamais été constituée et qu'il n'y a jamais eu non plus de directive ordonnant une enquête à son sujet. Toutefois, dans sa communication datée du 31 janvier 1994, le gouvernement semble admettre que ladite organisation existe, étant donné qu'il déclare qu'il s'agit d'une organisation illégale. Le comité prend note de la contradiction qui existe entre ces deux déclarations.
- 389. Dans ces conditions, le comité se voit obligé d'attirer à nouveau l'attention du gouvernement sur les principes de la liberté syndicale selon lesquels les travailleurs sans distinction d'aucune sorte ont le droit de constituer sans autorisation préalable les organisations de leur choix, et les syndicats doivent pouvoir élaborer leurs statuts, organiser leurs activités et formuler leurs programmes d'action en toute liberté. Le comité demande par conséquent instamment au gouvernement de prendre dans les meilleurs délais les mesures nécessaires, d'une part, pour modifier la loi d'avril 1992 sur les syndicats, afin que celle-ci reconnaisse pleinement ces droits et, d'autre part, pour garantir le respect de ces droits dans la pratique. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout progrès intervenu à cet égard.
- 390. Le comité observe toutefois que le gouvernement a fourni des informations détaillées sur la législation et la pratique en matière de règlement des conflits du travail. Tout en prenant note de ces renseignements, le comité relève qu'ils portent essentiellement sur les conflits individuels de travail et la manière dont ces conflits sont réglés aux différents niveaux. Pour ce qui est plus spécifiquement du règlement des conflits collectifs du travail, le comité note que le Règlement provisoire de 1987 a été abrogé et remplacé, en date du 1er août 1993, par le Règlement sur le traitement des conflits du travail dans les entreprises de la République populaire de Chine qui: i) s'applique désormais à toutes les entreprises; ii) étend l'arbitrage aux conflits portant sur la mise en oeuvre des règlements de l'Etat relatifs aux salaires, à l'assurance, au bien-être, à la formation et à la protection du travail; et iii) contient des règles précises relatives aux arbitres et au système d'arbitrage par les tribunaux afin d'améliorer le sens de la responsabilité et l'efficacité du personnel sur le terrain.
- 391. Le comité note que le Règlement de 1993 ne contient plus de dispositions analogues à celles de l'article 28 de l'ancien Règlement en vertu desquelles une personne impliquée dans un conflit du travail, et qui cause des désordres pour le déroulement normal du travail ou de la production, sera punie selon les dispositions du Règlement pénal de la sécurité publique de la République populaire de Chine. Toutefois, le nouveau Règlement a notamment pour objet de maintenir une production normale et des activités ordonnées. Il punit toujours l'ingérence dans la procédure de médiation et d'arbitrage d'une personne impliquée dans un conflit de travail ainsi que l'obstruction des devoirs publics des arbitres (art. 37, paragr. 1). Compte tenu de ces éléments, il semble bien que ces nouvelles dispositions continuent à exclure le recours à la grève comme moyen de défense des intérêts professionnels. Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les travailleurs et leurs organisations puissent exercer le droit de grève lorsqu'ils l'estiment nécessaire pour appuyer leurs revendications.
- 392. Pour ce qui est des autres allégations restées en instance lors de l'examen de ce cas en février 1993, le comité note que le gouvernement indique, au sujet de M. Han Dongfang, dirigeant de la Fédération autonome des travailleurs de Beijing, que celui-ci s'est comporté de telle façon lors d'une des audiences du conflit sur un logement dans lequel il était impliqué, notamment en insultant et blessant les fonctionnaires et, selon le gouvernement, en se cognant volontairement la tête contre une table et en se blessant le visage avec une chaise dans le but d'intimider le tribunal, ce qui aurait conduit le tribunal du peuple à prendre des mesures protectrices. Le comité note que le gouvernement ajoute que l'allégation selon laquelle "des fonctionnaires de justice l'ont battu avec un bâton électrique et assommé" est totalement infondée.
- 393. Au sujet de l'allégation d'après laquelle M. Han Dongfang aurait été expulsé par la force de son pays, le comité note la réponse du gouvernement d'après laquelle la décision des autorités de lui interdire d'entrer dans le pays est entièrement légitime et constitue une action de principe pour sauvegarder la sécurité et les intérêts de l'Etat Chinois étant donné que, contrairement à ce qu'il aurait promis avant son départ pour les Etats-Unis, M. Han Dongfang se serait livré à l'étranger à des activités à l'encontre du gouvernement chinois et incité des membres du Syndicat libre de Chine - organisation illégale, d'après le gouvernement - à soulever la masse populaire contre le gouvernement et à créer des troubles.
- 394. Le comité relève que le gouvernement justifie également ladite décision par la violation par M. Han Dongfang des dispositions de la Constitution, de la loi sur la sécurité de l'Etat et de la loi sur l'administration de la sortie des ressortissants chinois du territoire, et indique que M. Han Dongfang pourrait encore être autorisé à rentrer dans son pays à condition de reconnaître ses activités nuisibles aux intérêts et au prestige du pays menées à l'étranger et de s'engager à ne plus mener de telles activités à l'encontre du gouvernement et des lois chinois.
- 395. Tout en prenant note de ces informations, le comité déplore les mesures dont M. Han Dongfang a fait l'objet. Il rappelle au gouvernement qu'une mesure d'exil de syndicalistes, qui est en contradiction avec les droits de l'homme, présente une gravité particulière en privant les intéressés de la possibilité de travailler dans leur pays. Elle constitue en outre une atteinte à la liberté syndicale, car elle affaiblit les organisations syndicales en les privant de leurs dirigeants. Le comité rappelle également, en ce qui concerne l'exil, l'assignation à résidence ou la relégation de syndicalistes, que, tout en reconnaissant qu'une telle procédure peut être motivée par la situation de crise que connaît un pays, il a attiré l'attention sur l'intérêt qu'il y aurait à entourer cette procédure de toutes les sauvegardes nécessaires en vue de garantir qu'elle ne puisse pas être utilisée dans le but de porter atteinte au libre exercice des droits syndicaux. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, 1985, troisième édition, paragr. 133 et 134.)
- 396. En ce qui concerne les activités menées par M. Han Dongfang à l'étranger qui, d'après le gouvernement, ont justifié son expulsion du pays, le comité insiste sur l'importance qu'il attache à ce qu'a signalé la Conférence internationale du Travail, à savoir que le droit de réunion, la liberté d'opinion et d'expression et, en particulier, le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit, constituaient des libertés civiles qui sont essentielles à l'exercice normal des droits syndicaux (Résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, adoptée à la 54e session (1970)). (Voir Recueil, op. cit., paragr. 74.) De l'avis également du comité, le fait de permettre à un syndicaliste de rentrer dans son pays sous condition qu'il n'exerce plus les droits mentionnés ci-dessus n'est pas compatible avec les principes de la liberté syndicale.
- 397. Compte tenu de ces principes, le comité demande instamment au gouvernement d'annuler la mesure d'expulsion prise à l'encontre de M. Han Dongfang afin qu'il puisse rentrer dans son pays et y exercer ses activités syndicales en toute liberté s'il le souhaite. Il le prie de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
- 398. Pour ce qui est de la condamnation pour subversion de MM. Tang Yangjuan, Liu Wei et Leng Wambao, le comité note que le gouvernement déclare que ces personnes n'ont pas été condamnées à "un régime d'éducation par le travail", mais à des peines prononcées par le tribunal du peuple de la circonscription de Changchun, notamment pour avoir conspiré en vue de créer une organisation illégale pour renverser le gouvernement et incité des travailleurs innocents à se mettre en grève, à faire obstacle à la production et à attaquer les immeubles du gouvernement de la ville.
- 399. Le comité est d'avis que les observations fournies par le gouvernement n'établissent pas de manière suffisamment précise et circonstanciée que les lourdes condamnations prononcées à l'encontre de MM. Tang Yangjuan, Liu Wei et Leng Wambao n'étaient pas motivées par des activités d'ordre syndical, mais seulement par des actes dépassant le cadre syndical et qui étaient soit préjudiciables à l'ordre public, soit de nature politique. Le comité rappelle par ailleurs qu'il a déjà examiné antérieurement dans des cas relatifs à la Chine des allégations portant sur la condamnation de syndicalistes à de sévères peines de prison, très souvent pour des motifs de perturbation de l'ordre public. Le comité avait estimé que ces chefs d'inculpation, vu leur caractère général, pouvaient permettre de réprimer des activités de nature syndicale. (Voir 279e rapport, cas no 1500, paragr. 635, et 286e rapport, cas no 1652, paragr. 725.)
- 400. Le comité note que le gouvernement fait état dans sa réponse de la remise en liberté pour bonne conduite de MM. He Zhaohui, Li Jian et Zhang Xudong. Le comité se félicite de ces libérations, mais regrette que le gouvernement ne communique pas d'informations relatives à l'évolution de la situation des nombreuses autres personnes qui ont été emprisonnées, et dans certains cas condamnées, mentionnées par l'organisation plaignante. Dans ces conditions, rappelant au gouvernement le danger que représentent pour le libre exercice des droits syndicaux des mesures de détention et de condamnation prises à l'encontre de représentants de travailleurs dans le cadre d'activités liées à la défense des intérêts de leur mandants, le comité demande une fois de plus au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que l'ensemble des affaires mentionnées par l'organisation plaignante (voir annexe) soient réexaminées afin qu'un terme soit mis à ces détentions. Il prie le gouvernement de le tenir informé des développements qui interviendraient à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 401. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Rappelant que les travailleurs sans distinction d'aucune sorte doivent avoir le droit de constituer sans autorisation préalable les organisations de leur choix et que les syndicats doivent pouvoir élaborer leurs statuts, organiser leurs activités et formuler leurs programmes d'action en toute liberté, le comité demande instamment au gouvernement de prendre dans les meilleurs délais les mesures nécessaires, d'une part, pour modifier la loi d'avril 1992 sur les syndicats afin que celle-ci reconnaisse pleinement ces droits et, d'autre part, pour garantir le respect de ces droits dans la pratique. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout progrès intervenu à cet égard.
- b) Observant que les dispositions du nouveau Règlement sur le traitement des conflits du travail dans les entreprises de la République populaire de Chine de 1993 semblent continuer à exclure le recours à la grève comme moyen de défense des intérêts professionnels, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les travailleurs et leurs organisations puissent exercer le droit de grève, lorsqu'ils l'estiment nécessaire, pour appuyer leurs revendications.
- c) Le comité déplore la mesure d'expulsion dont M. Han Dongfang a fait l'objet. Rappelant au gouvernement qu'une mesure d'exil de syndicalistes, qui est en contradiction avec les droits de l'homme, présente une gravité particulière en privant les intéressés de la possibilité de travailler dans leur pays et constitue une atteinte à la liberté syndicale, car elle affaiblit les organisations syndicales en les privant de leurs dirigeants, le comité demande instamment au gouvernement d'annuler la décision d'expulsion prise à l'encontre de M. Han Dongfang afin qu'il puisse rentrer dans son pays et y exercer ses activités syndicales en toute liberté s'il le souhaite, et de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
- d) Tout en se félicitant de la remise en liberté pour bonne conduite de MM. He Zhaohui, Li Jian et Zhang Xudong, le comité rappelle au gouvernement le danger que représentent pour le libre exercice des droits syndicaux des mesures de détention et de condamnation prises à l'encontre de représentants de travailleurs dans le cadre d'activités liées à la défense des intérêts de leurs mandants. Il lui demande une fois de plus de prendre les mesures nécessaires pour que l'ensemble des affaires mentionnées par l'organisation plaignante (voir annexe) soient réexaminées afin qu'un terme soit mis à ces détentions. Il prie le gouvernement de le tenir informé des développements qui interviendraient à cet égard.
ANNEXE
ANNEXE- Dirigeants et militants
- des Fédérations autonomes de travailleurs (FAT) encore
- détenus
- ------------------------------------------------------------------
- Nom Allégations du plaignant Réponse du
- gouvernement
- ------------------------------------------------------------------
- FAT de Changsha
- Hu Nianyou
- Condamné à la prison Condamné à 10 ans de
- prison
- à perpétuité pour fait de pillage
- Liu Wei Condamné à 2 ans de Condamné à 5 ans de
- prison
- rééducation par le pour crime de subversion
- travail, maintenant contre le gouvernement
- libéré
- Liu Xingqi Détenu pendant 6 mois, Condamné à 5 ans de
- prison
- maintenant libéré pour crime de vol
- Yao Guisheng
- Condamné à 15 ans de Condamné à 15 ans de
- prison
- prison pour fait de pillage
- Zhang Jingsheng
- Condamné à 13 ans de Condamné à 13 ans de
- prison
- prison pour crime de subversion
- contre le gouvernement
- Zhang Xiong Condamné à 5 ans de Condamné à 5 ans
- de prison
- prison pour fait de pillage
- Zhou Min Condamné à 6 ans de Condamné à 6 ans de
- prison
- prison pour crime de subversion
- contre le gouvernement
- FAT de Shaoyang
- Li Wangyang Condamné à 13 ans de Condamné à 13 ans
- de prison
- prison pour crime de subversion
- contre le gouvernement
- ------------------------------------------------------------------