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- 579. Le comité a examiné ce cas lors de sa réunion de février 1993 (voir 286e rapport du comité, paragr. 612 à 646, approuvé par le Conseil d'administration à sa 255e session (mars 1993)), au cours de laquelle il a formulé des conclusions intérimaires.
- 580. Par la suite, la Confédération mondiale du travail (CMT) a communiqué des informations complémentaires dans une lettre du 5 avril 1993. Dans des communications datées des 15 juillet et 6 octobre 1993, le gouvernement a fait parvenir de nouvelles observations.
- 581. Le Maroc n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
- 582. A sa session de février 1993, le comité a examiné des allégations portant sur l'arrestation et la condamnation de deux dirigeants syndicaux, des mesures d'intimidation et de répression des autorités à l'encontre des organisations syndicales lors des préparations des célébrations du 1er mai et une série de mesures antisyndicales du gouvernement et des autorités qui visent les travailleurs, les dirigeants syndicaux et leurs syndicats.
- 583. Lors de cette session, le comité a formulé les recommandations suivantes (voir 286e rapport du comité, paragr. 646):
- a) Le comité souligne que le droit d'exprimer des opinions par voie de presse est l'un des éléments essentiels des droits syndicaux et il exprime sa profonde préoccupation devant la gravité des condamnations prononcées à l'encontre de M. Noubir El Amaoui, secrétaire général de la CDT, et de M. Driss Laghnimi, secrétaire régional de l'UGTM à Sidi Slimane.
- b) Afin qu'il dispose de tous les éléments d'information nécessaires sur cet aspect du cas, le comité demande au gouvernement de fournir dans les meilleurs délais des informations détaillées sur les chefs d'inculpation retenus contre MM. El Amaoui et Laghnimi et de communiquer le texte des jugements prononcés avec leurs attendus. Le comité demande également au gouvernement de lui communiquer les textes des arrêts rendus par la cour d'appel.
- c) En ce qui concerne les irrégularités qui se seraient produites lors de l'arrestation et lors du procès de MM. Al Amaoui et Laghnimi, le comité demande au gouvernement d'indiquer sur la base de quelles dispositions l'arrestation de M. El Amaoui a été ordonnée, et de fournir ses observations sur les allégations formulées par les plaignants à cet égard ainsi que sur les circonstances de l'arrestation de M. Driss Laghnimi.
- d) Constatant que le gouvernement n'a pas répondu aux allégations relatives à des mesures d'intimidation à l'encontre des organisateurs des manifestations prévues pour le 1er mai 1992, le comité demande instamment au gouvernement de fournir sans tarder les observations demandées à cet égard.
- e) Pour ce qui est des allégations concernant l'encerclement et l'interdiction de l'accès aux locaux de la CDT le 21 avril 1992, le refus des autorités de remettre aux syndicalistes les récépissés de dépôt des dossiers de constitution et de renouvellement des bureaux syndicaux, le refus des directions des offices et des entreprises de l'Etat d'exécuter des jugements en faveur de travailleurs, la non-réintégration de fonctionnaires et l'intervention violente de la police ayant provoqué un mort lors d'une manifestation des travailleurs de l'entreprise Bahia-Baladi de Rabat, le comité demande au gouvernement de communiquer ses observations sur ces allégations dans les meilleurs délais.
B. Informations complémentaires d'une organisation plaignante
B. Informations complémentaires d'une organisation plaignante
- 584. Dans une communication datée du 5 avril 1993, la Confédération mondiale du travail (CMT) indique que dans l'interview accordée par M. El Amaoui au journal "El País" (11 mars 1992), il n'y a eu aucun propos qui dépassait "les limites convenables de la polémique".
- 585. La CMT estime qu'il relève du rôle des organisations syndicales et de leurs dirigeants de critiquer la gestion de la politique économique et sociale du gouvernement, surtout quand cette gestion se fait au détriment de la majorité de la population. D'après cette organisation, outre que cette notion est absolument subjective et ne saurait donc avoir aucune portée de droit, M. El Amaoui dans son interview a mis en cause un collectif, le gouvernement, et non pas telle ou telle personne en particulier.
- 586. La CMT cite également la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations qui a indiqué que "le gouvernement a paralysé la plupart des procédures de négociation collective. (La Confédération démocratique du travail (CDT) et l'Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM)) citent le Conseil supérieur consultatif de la médecine qui sera supprimé en vertu de l'article 364 du projet de Code du travail, le Comité central des prix et salaires qui ne s'est plus réuni depuis 1961, le Conseil supérieur des conventions collectives qui n'est plus prévu par le projet de Code du travail, ainsi que les comités de conciliation et d'arbitrage chargés de réglementer des différends collectifs, et enfin le Conseil supérieur de la fonction publique qui ne s'est plus réuni depuis 1961." (Voir rapport de la commission d'experts de 1992, rapport III (partie 4A), p. 281.)
C. Réponse complémentaire du gouvernement
C. Réponse complémentaire du gouvernement
- 587. Dans une communication datée du 15 juillet 1993, le gouvernement indique que MM. Noubir Amaoui et Driss Laghnimi ont bénéficié, à l'occasion de la fête nationale du 9 juillet 1993, d'une mesure de grâce en vertu de laquelle ils ont été libérés avant l'expiration de leurs peines respectives d'emprisonnement.
- 588. Dans une lettre du 6 septembre 1993, le gouvernement déclare que la liberté d'opinion et d'expression fait partie des droits fondamentaux reconnus par la législation et dans la pratique à tous les citoyens quelle que soit leur appartenance politique ou syndicale. Sur le plan pratique, ce droit est exercé dans les limites des droits des autres. Sont considérés comme portant atteinte à ces droits tout propos contraire à la dignité et tout propos méprisant ou injurieux ne comportant aucune accusation déterminée. La loi en vigueur énumère les sanctions appliquées en cas d'infraction aux règles qui régissent la liberté d'expression.
- 589. D'après le gouvernement, les actes imputés à M. Noubir El Amaoui sont l'injure et la diffamation visées aux articles 46 et 48 de la loi sur la presse, et la poursuite de cette personne a eu lieu conformément aux dispositions de l'article 71 de ladite loi qui accorde au gouvernement le droit de réclamer l'introduction d'un procès lorsqu'il fait l'objet d'injures et de diffamation. Le procès de M. Noubir El Amaoui a été introduit sur la base d'une réclamation présentée par le Premier ministre après discussion au sein d'un conseil ministériel, la loi accordant au Premier ministre le droit de représenter le gouvernement devant la justice.
- 590. La police judiciaire a effectué une enquête au sujet des actes qui étaient imputés à M. Noubir El Amaoui, dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par le ministère public à Rabat, compétent sur le plan territorial de la poursuite du procès. Le ministère public concerné, après examen du dossier, a conclu que les propos exprimés par l'intéressé au journal espagnol comportaient tous les éléments constitutifs des infractions d'injure et de diffamation prévues aux articles 46 et 48 de la loi sur la presse. De plus, toujours selon le gouvernement, lors de son interrogatoire devant la police judiciaire, l'intéressé a reconnu sa responsabilité ainsi que les accusations portées contre lui.
- 591. Le gouvernement indique que, vu que les infractions de presse n'étaient pas alors soumises à la procédure du flagrant délit, M. El Amaoui est resté en état de liberté. Une convocation lui a été adressée remplissant toutes les conditions exigées à l'article 72 de la loi sur la presse telles que le chef d'accusation, la description juridique et les dispositions législatives devant être appliquées.
- 592. Devant le tribunal, M. Noubir El Amaoui a pu bénéficier des garanties suffisantes pour préparer sa défense avec l'aide d'un nombre important d'avocats. Les plaidoiries de défense ont occupé presque toutes les audiences au cours desquelles les avocats ont pu aborder en toute liberté les questions de leur choix. L'intéressé lui-même a pris la parole à la fin de l'audience et s'est lancé dans une longue plaidoirie dans laquelle il a exposé en toute liberté des critiques politiques et des idées personnelles.
- 593. Le déroulement du procès a respecté toutes les conditions de publicité exigées par la loi. Les avocats et le public ont été autorisés à y assister en toute liberté, à l'exception de quelques dispositions de sécurité destinées à assurer l'ordre après qu'un groupe eut encerclé le lieu où se tenait l'audience, répétant des slogans portant atteinte à la dignité du tribunal et de la justice, fracturant les portes et interdisant aux fonctionnaires de pénétrer dans la salle du tribunal, à tel point que les agissements de ce groupe ont commencé à menacer la sécurité de l'intéressé lui-même.
- 594. Lorsque le tribunal a réuni les preuves de la culpabilité de M. Noubir El Amaoui pour les chefs d'accusation retenus contre lui, il a ordonné son arrestation et son incarcération conformément à l'article 400 du Code de procédure pénale. Il a rendu à son encontre, le 17 avril 1992, un jugement le condamnant à deux ans de prison ferme et à une amende de 1.000 dirhams, décision confirmée par le tribunal d'appel de Rabat.
- 595. Le gouvernement déclare également qu'en réponse au recours en grâce présenté conformément à la loi en vigueur M. Noubir El Amaoui a été libéré conformément à la grâce royale accordée dans cette affaire.
- 596. Quant à M. Driss Laghnimi, le gouvernement indique que les faits de l'affaire remontent au 5 mai 1992 lorsque des travailleurs affiliés à l'Union générale des travailleurs du Maroc et à l'Union des syndicats populaires ont tenté de régler le différend qui les opposait à propos de l'engagement de plusieurs travailleurs par une société. La proposition visant à engager le même nombre de travailleurs de chacun des deux syndicats a obtenu l'approbation des travailleurs affiliés à l'Union des syndicats populaires qui ont alors exprimé des propos glorifiant les lieux saints nationaux, ce qui a déplu à M. Laghnimi; celui-ci a alors proféré des propos portant atteinte à ces lieux.
- 597. Après qu'il eut été entendu et que les témoins eurent déposé, M. Laghnimi a été présenté devant le ministère public du tribunal de première instance de Sidi Slimane qui a décidé de le poursuivre pour atteinte aux lieux saints conformément à l'article 179 du Code pénal et de le déférer devant le tribunal en état d'arrestation en vertu du dossier d'infraction et de flagrant délit no 153/92.
- 598. Selon le gouvernement, au cours du procès, les plaidoiries de la défense ont été entendues et l'audience a été dirigée par le président de manière conforme à la loi. Le tribunal a rejeté une demande de la défense tendant à retarder le prononcé du jugement et a rendu, le 18 mai 1992, un jugement le condamnant pour les motifs d'accusation qui lui avaient été imputés. Le jugement a été confirmé par la cour d'appel de Kénitra le 20 juillet 1992.
- 599. Le gouvernement note, à propos de ces deux affaires, que le Comité de la liberté syndicale a eu l'occasion, dans des affaires antérieures, de déclarer qu'il convient de s'abstenir des propos diffamatoires lors de l'expression de positions syndicales ou politiques, et il déclare ne pas voir pourquoi les affaires en question devraient être exclues de cette règle.
- 600. En ce qui concerne les allégations sur les récépissés de dépôt de dossiers de constitution et de renouvellement des bureaux syndicaux, le gouvernement déclare que les allégations contenues dans la plainte au sujet du secteur de l'enseignement dans les régions de Tan Tan et Polman sont dénuées de tout fondement. Pour ce qui est du bureau local du Syndicat national de l'enseignement dans la ville de Tan Tan, son dossier de constitution a été déposé auprès de l'autorité locale par son secrétaire général qui a reçu en contrepartie un récépissé le 12 avril 1992, contrairement à ce qui est indiqué dans la plainte susmentionnée. Selon le gouvernement, les allégations concernant la région de Polman sont fausses, car la tentative de créer une section du Syndicat national de l'enseignement dans la ville de Maysour ne répondait pas aux conditions légales, comme le montrent les détails suivants:
- - les personnes qui ont organisé la réunion visant à constituer un bureau syndical local n'exercent pas toutes la même profession comme l'exigent les dispositions légales en vigueur, une partie d'entre elles appartenant au secteur de l'enseignement, alors que l'autre partie appartient au secteur des travaux publics;
- - la réunion organisée à cette fin, le 12 mai 1991, n'avait pas été déclarée à l'autorité compétente conformément aux lois en vigueur;
- - le lieu où s'est déroulée la réunion se trouve être le siège du bureau local du parti de l'Union socialiste des forces populaires.
- 601. S'agissant de l'initiative de création d'une section syndicale dans la ville de Polman, elle n'a pas elle aussi respecté les conditions légales pour les raisons suivantes:
- - la salle qui a été louée pour servir de siège au syndicat est située à l'intérieur d'une résidence particulière devant laquelle s'étaient rassemblées, le 10 novembre 1991, plusieurs personnes convoquées en vue de la création d'une section syndicale;
- - le groupe à l'origine de l'initiative comprenait des personnes appartenant au secteur de l'enseignement, des travaux publics, de l'eau et des forêts, sans compter un paysan qui n'avait rien à voir avec l'administration;
- - les personnes concernées n'avaient pas déclaré la réunion en question aux services compétents.
- 602. Pour ce qui est des manifestations du 1er mai 1992, le gouvernement se réfère aux informations qu'il avait déjà transmises antérieurement.
- 603. Enfin, quant aux informations relatives aux observations formulées par le Comité de la liberté syndicale au sujet des allégations sur le recours à des mesures de menace contre les organisateurs de ces manifestations, le gouvernement indique qu'il les transmettra dès qu'elles lui parviendront de la part des services compétents auxquels il a écrit à ce propos.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité
- 604. Le comité prend tout d'abord note de ce que MM. Noubir El Amaoui et Driss Laghnimi ont bénéficié, à l'occasion de la fête nationale du 9 juillet 1993, d'une mesure de grâce en vertu de laquelle ils ont été libérés avant l'expiration de leurs peines respectives d'emprisonnement.
- 605. En ce qui concerne les chefs d'inculpation retenus contre ces personnes, le comité note que M. El Amaoui a été condamné pour injure et diffamation visées aux articles 46 et 48 de la loi sur la presse après avoir tenu, d'après les indications du gouvernement, des propos injurieux et diffamatoires à l'encontre du gouvernement dans un journal espagnol. Quant à M. Laghnimi, le comité note qu'il a été condamné pour atteinte aux lieux saints conformément à l'article 179 du Code pénal, étant donné que, toujours d'après le gouvernement, il aurait proféré des propos portant atteinte à ces lieux lors d'un différend opposant des travailleurs affiliés à l'Union générale des travailleurs du Maroc et à l'Union des syndicats populaires à propos de l'engagement de plusieurs travailleurs par une société.
- 606. Nonobstant la mesure de grâce dont ces deux personnes ont fait l'objet, le comité déplore à nouveau la sévérité des condamnations prononcées à leur égard. Le comité rappelle une fois de plus le principe fondamental selon lequel le droit d'exprimer des opinions par la voie de la presse est l'un des éléments essentiels des droits syndicaux. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985. paragr. 172.) S'il est vrai que dans l'expression de leurs opinions les organisations syndicales et leurs dirigeants ne devraient pas dépasser les limites convenables de la polémique et devraient s'abstenir d'excès de langage, comme le comité l'a déjà déclaré antérieurement (voir 254e rapport, cas no 1400, paragr. 198), le comité estime que la liberté d'expression dont devraient jouir les organisations syndicales et leurs dirigeants devrait également être garantie lorsque ceux-ci veulent exercer une critique à l'égard de la politique économique et sociale du gouvernement. Le comité demande au gouvernement de fournir des indications sur la nature diffamatoire des propos tenus par le secrétaire général de la CDT, M. El Amaoui.
- 607. Le comité est d'avis que la frontière entre des propos purement politiques et des propos proprement syndicaux peut être difficile à tracer avec netteté; les deux notions s'interpénètrent et il est inévitable, et parfois normal, que des propos tenus par le mouvement syndical comportent des prises de position sur des questions ayant des aspects politiques comme sur des questions strictement économiques et sociales. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 359.) Le comité attire l'attention du gouvernement sur la Résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1970, qui définit comme des droits essentiels à l'exercice normal des droits syndicaux, entre autres, la liberté d'opinion et d'expression, et en particulier le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit. Le comité demande par conséquent instamment au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le respect de ce principe.
- 608. Pour ce qui est des irrégularités qui, d'après les allégations, se sont produites lors de l'arrestation et lors du procès de MM. El Amaoui et Laghnimi, le comité observe que le gouvernement déclare que les inculpations et les procès se sont déroulés dans le respect des garanties de la défense et de la publicité. Devant la contradiction qui existe entre les déclarations des organisations plaignantes et les informations fournies par le gouvernement, le comité ne peut que rappeler le principe selon lequel la politique de tout gouvernement doit veiller à assurer le respect des droits de l'homme et spécialement le droit qu'a toute personne détenue ou inculpée de bénéficier des garanties d'une procédure judiciaire régulière engagée le plus rapidement possible. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 108.)
- 609. S'agissant du refus des autorités de remettre aux syndicalistes les récépissés de dépôt des dossiers de constitution et de renouvellement des bureaux syndicaux, le comité note les déclarations du gouvernement d'après lesquelles les allégations au sujet du secteur de l'enseignement dans les régions de Tan Tan et Polman sont dénuées de tout fondement. Selon le gouvernement, un récépissé de la constitution du bureau local du Syndicat national de l'enseignement dans la ville de Tan Tan a bien été transmis au secrétaire général de ce syndicat; en revanche, lors de la constitution des sections du même syndicat dans les villes de Maysour et Polman, les conditions préalables imposées par la loi n'ont pas été remplies: les fondateurs n'appartenaient pas tous à la même profession, les réunions constitutives n'ont pas été déclarées à l'autorité compétente et les lieux où se sont déroulées ces réunions n'étaient pas des lieux indépendants (les lieux en question appartiennent à un parti politique et à une personne privée).
- 610. Dans ces conditions, le comité rappelle au gouvernement que, si tant est que les fondateurs d'un syndicat doivent observer des prescriptions de publicité et les autres dispositions analogues qui peuvent être en vigueur en vertu d'une législation déterminée, ces prescriptions ne doivent pas équivaloir en pratique à une autorisation préalable, ni s'opposer à tel point à la création d'une organisation qu'elles puissent constituer en fait une interdiction pure et simple. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 263.) Le comité prie donc le gouvernement de veiller à ce que les travailleurs puissent librement, sans autorisation préalable, constituer les organisations de leur choix, conformément aux principes de la liberté syndicale, et, en particulier, à ce que les formalités prescrites par la loi pour créer un syndicat ne soient pas appliquées de manière à retarder ou à empêcher la formation des organisations professionnelles.
- 611. Le comité note, pour ce qui est des allégations relatives à des mesures d'intimidation à l'encontre des organisateurs des manifestations prévues pour le 1er mai 1992, que le gouvernement transmettra des informations à cet égard dès que celles-ci lui parviendront de la part des services compétents. Le comité prie le gouvernement de lui transmettre ces informations dans les meilleurs délais.
- 612. En ce qui concerne les autres allégations restées en instance dans le présent cas, notamment celles concernant l'encerclement et l'interdiction de l'accès aux locaux de la CDT le 21 avril 1992, le refus des directions des offices et des entreprises de l'Etat d'exécuter des jugements en faveur de travailleurs, la non-réintégration de fonctionnaires et l'intervention violente de la police ayant provoqué un mort lors d'une manifestation des travailleurs de l'entreprise Bahia-Baladi de Rabat, le comité observe avec regret que le gouvernement n'a pas communiqué sa réponse. Le comité demande donc instamment au gouvernement de fournir sans tarder les observations sollicitées à ce propos.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 613. Vu les conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prend note de ce que M. Noubir El Amaoui, secrétaire général de la CDT, et M. Driss Laghnimi, secrétaire régional de l'UGTM à Sidi Slimane, ont bénéficié, à l'occasion de la fête nationale du 9 juillet 1993, d'une mesure de grâce en vertu de laquelle ils ont été libérés avant l'expiration de leur peine respective d'emprisonnement. Toutefois, déplorant la sévérité des condamnations dont MM. Noubir El Amaoui et Driss Laghnimi ont fait l'objet, le comité attire l'attention du gouvernement sur la résolution adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1970 concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, qui définit comme des droits essentiels à l'exercice normal des droits syndicaux, entre autres, la liberté d'opinion et d'expression, et en particulier le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit. Le comité demande instamment au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le respect de ce principe. Le comité demande également au gouvernement de fournir des indications sur la nature diffamatoire des propos tenus par le secrétaire général de la CDT.
- b) Le comité demande au gouvernement d'assurer le respect du principe selon lequel la politique de tout gouvernement doit veiller à assurer le respect des droits de l'homme et spécialement le droit qu'a toute personne détenue ou inculpée de bénéficier des garanties d'une procédure judiciaire régulière engagée le plus rapidement possible.
- c) Le comité prie le gouvernement de veiller à ce que les travailleurs puissent librement, sans autorisation préalable, constituer les organisations de leur choix, conformément aux principes de la liberté syndicale, et, en particulier, à ce que les formalités prescrites par la loi pour créer un syndicat ne soient pas appliquées de manière à retarder ou à empêcher la formation des organisations professionnelles.
- d) Le comité prie le gouvernement de lui transmettre dans les meilleurs délais ses observations sur les allégations relatives à des mesures d'intimidation à l'encontre des organisateurs des manifestations prévues pour le 1er mai 1992.
- e) Constatant avec regret que le gouvernement n'a toujours pas répondu aux allégations concernant l'encerclement et l'interdiction de l'accès aux locaux de la CDT le 21 avril 1992, le refus des directions des offices et des entreprises de l'Etat d'exécuter des jugements en faveur de travailleurs, la non-réintégration de fonctionnaires et l'intervention violente de la police ayant provoqué un mort lors d'une manifestation des travailleurs de l'entreprise Bahia-Baladi de Rabat, le comité demande instamment au gouvernement de fournir sans tarder les observations sollicitées.