Display in: English - Spanish
- 194. Dans une communication datée du 6 février 1992, la Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE) a présenté une plainte pour violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Canada (Nouvelle-Ecosse), au nom du Syndicat des enseignants de Nouvelle-Ecosse (NSTU).
- 195. Dans une communication du 10 novembre 1992, le gouvernement fédéral a transmis les observations et les informations fournies par le gouvernement de Nouvelle-Ecosse.
- 196. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Il n'a ratifié ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, ni la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 197. Dans sa communication du 6 février 1992, les plaignants font valoir que le gouvernement de Nouvelle-Ecosse a enfreint les conventions nos 87 et 98 en adoptant le projet de loi no 160 concernant la limitation des salaires dans le secteur public (ci-après appelée "la loi"), qui restreint gravement le droit des enseignants du secteur public de négocier librement leurs rémunérations et conditions de travail (le présent document doit être examiné conjointement avec le cas no 1606 (284e rapport, paragr. 506-548), qui porte sur une autre plainte déposée contre le gouvernement de Nouvelle-Ecosse par une organisation différente et qui soulève des questions identiques quant au fond).
- 198. Le NSTU représente quelque 11.000 enseignants du secteur public répartis dans les 22 districts scolaires de la province. Une convention collective (appelée ci-après "la convention provinciale") a été conclue entre le gouvernement et le NSTU pour la période allant du 1er août 1989 au 31 juillet 1992 ou à une date antérieure si était conclue une nouvelle convention en vertu de la loi sur la négociation collective dans l'enseignement. La loi portant limitation des rémunérations porte atteinte non seulement à la convention provinciale, mais aussi aux conventions locales conclues par les différents conseils scolaires, comme en a décidé la Commission sur la limitation des salaires dans le secteur public (ci-après appelée "la commission") créée par la loi.
- 199. Les dispositions de la loi qui intéressent directement les plaignants figurent aux articles 6, 7 et 8 (voir l'annexe du cas no 1606). L'article 6 dispose que les plans de rémunération arrêtés avant le 14 mai 1991 ne pourront être modifiés que conformément aux dispositions de la loi. L'article 7 vise à prolonger l'application des régimes de rémunération arrêtés pour une période de deux ans à compter de leur date d'expiration effective ou prévue, et à différer toute augmentation de rémunération prévue après le 14 mai 1991, et ce pour une période de deux ans à compter de la date à laquelle cette augmentation devait être versée; par exemple, si une convention collective devait venir à expiration le 31 décembre 1991, cette échéance est désormais reportée au 31 décembre 1993. Aucune modification ne peut être apportée aux barèmes des rémunérations durant la période de blocage de deux ans. Toutes les augmentations des taux ou des rémunérations prévues à la suite de négociations sont différées; par exemple, si une convention collective prévoyait une augmentation en pourcentage du barème des rémunérations au 1er septembre 1991, cette augmentation est reportée au 1er septembre 1993. L'article 8 vise les conventions collectives dont la forme définitive n'a pas été arrêtée et qui sont venues à expiration avant le 14 mai 1991; il a pour effet de proroger d'un an les barèmes de rémunération arrivés à échéance. En outre, la loi impose une augmentation arbitraire de 5 pour cent des rémunérations à compter de la date d'expiration effective de la convention collective lorsque cette date tombe avant le 14 mai 1991 et qu'une nouvelle convention collective n'a pas encore été conclue. Toutefois, si la convention collective expirait avant le 14 mai 1990, les taux de rémunération peuvent être augmentés rétroactivement de 5 pour cent pour l'année supplémentaire; par exemple, si une convention collective venait à expiration le 31 décembre 1989, le plan de rémunération parvenu lui aussi à expiration faisait l'objet d'une augmentation respective de 5 pour cent pour 1990 et 1991, la période de blocage de deux ans ne commençant que le 1er janvier 1992.
- 200. La loi a des effets discriminatoires en ce sens qu'elle ne s'applique qu'aux conventions collectives du secteur public. Par ailleurs, les recettes, revenus et bénéfices des entreprises ne font l'objet d'aucune restriction comparable, pas plus que les prix. Il est d'ailleurs révélateur que les autres dépenses gouvernementales ne soient pas visées par la loi.
- 201. De plus, la date limite choisie - le 14 mai 1991 - serait plus préjudiciable à certains agents publics qu'à d'autres. Par exemple, si le gouvernement avait choisi le ler août 1991 ou une date postérieure, la troisième année de validité de la convention provinciale conclue par l'organisation plaignante et les augmentations salariales correspondantes n'auraient pas été différées. La période de blocage n'aurait commencé qu'après la date effective d'expiration de cette convention. Plutôt que de choisir une date ayant pour effet de bloquer les rémunérations et de suspendre le droit de négociation collective d'une plus grande proportion d'agents publics de la province, le gouvernement a apparemment rédigé la loi de manière à pénaliser l'organisation plaignante au maximum et immédiatement. D'autres grands syndicats de la fonction publique ont conservé leur droit aux augmentations prévues par les conventions collectives respectives, car ces augmentations devaient prendre effet avant le 14 mai 1991. Le choix de cette date, associé à la définition de la "date d'expiration" (article 2 e)), fait que l'organisation plaignante est la principale cible de la loi. Elle n'a pas été consultée sur les conséquences qui découlaient du choix de cette date comme point de départ des effets rétroactifs de la loi.
- 202. Alors que l'article 22(3) de la loi permet à la commission, dans un cadre précis, d'imposer certaines conditions d'emploi (autres que les taux de rémunération) aux parties à une convention collective, cette faculté ne peut être exercée que sur demande adressée à la commission par un employeur ou à la fois par l'employeur et l'agent de négociation. Si l'employeur refuse de faire cette demande ou de s'y associer, la commission n'a donc pas compétence. Cette règle entrave sérieusement la capacité des salariés de demander l'autorisation de la commission dans les cas où elle se justifie.
- 203. L'article 22(2) s'applique dans les cas où une convention collective prévoit une augmentation des rémunérations au cours d'une période d'un an incluant le 14 mai 1991, ou dans ceux où il existe un lien chronologique entre deux conventions collectives conclues avec le même employeur. La commission peut soit autoriser une augmentation arbitraire des rémunérations, soit modifier la date d'expiration. Cet article prévoit que ce type d'augmentation peut être rétroactif, sous réserve toutefois que le total des augmentations ne dépasse pas 5 pour cent pour l'année précédant immédiatement la date d'expiration de la convention collective. La superposition de cet organe désigné par le gouvernement pour prendre des décisions arbitraires sur des questions aussi essentielles que les rémunérations et la durée des conventions collectives est totalement inacceptable dans une société démocratique qui compte la liberté syndicale au nombre des libertés garanties par la Constitution.
- 204. Le caractère arbitraire des pouvoirs quasi judiciaires de la commission est encore renforcé par les dispositions de l'article 22(1), selon lesquelles la décision ou l'ordonnance prise par cet organisme est concluante et définitive et ne peut être remise en cause ni soumise à révision. Ainsi, malgré la gravité des décisions de la commission, il n'existe pas de droit d'appel automatique, ce qui est contraire au principe d'équité en droit administratif. Le même article dispose également que la commission peut, si elle le juge souhaitable, reconsidérer toute décision ou ordonnance rendue par elle et la modifier ou la rapporter. Cette disposition confère un pouvoir discrétionnaire excessif à la commission; ses membres étant nommés par le gouvernement, lequel finance les conseils scolaires, qui sont eux-mêmes les employeurs, il y a là un parti pris manifeste.
- 205. L'organisation plaignante a négocié et conclu la convention provinciale avec le gouvernement, consentant des concessions au nom de ses membres et obtenant des avantages en leur faveur. Le gouvernement ne saurait prendre maintenant des mesures législatives qui auraient pour effet de remettre en cause les avantages négociés par le syndicat, tout en maintenant les concessions que celui-ci a acceptées. L'organisation plaignante a négocié et conclu de bonne foi cette convention provinciale. Elle était convaincue d'avoir signé un accord contraignant pour les parties en vertu de la loi et d'avoir donc acquis certains droits au bénéfice de ses membres. Par les mesures législatives qu'il a prises, le gouvernement s'est libéré unilatéralement de ses obligations contractuelles, traitant injustement les enseignants représentés par l'organisation plaignante et les privant de leur droit de s'associer librement.
- 206. L'organisation plaignante fait remarquer que la loi prévoit de lourdes sanctions et conclut qu'elle contrevient manifestement aux principes de la liberté syndicale énoncés dans la convention no 87 et les autres instruments pertinents, tels qu'ils sont appliqués par les organes de contrôle de l'OIT. Elle se réfère à des cas antérieurement examinés par le comité (cas nos 1173, 1329 et 1350) qui concernaient la Fédération des enseignants de Colombie britannique dans lequel le comité avait conclu que la législation instituait une ingérence dans la négociation collective.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 207. Dans sa communication du 4 novembre 1992, le gouvernement renvoie aux remarques générales faites au sujet de la loi dans sa réponse au cas no 1606 et centre son argumentation sur les points propres aux enseignants, tels qu'exposés dans la plainte. Il soutient essentiellement que les restrictions à la négociation collective imposées par la loi sont conformes aux principes de l'OIT et que cette loi n'est pas discriminatoire à l'encontre des enseignants.
- 208. En vertu d'une convention collective de trois ans (ci-après appelée "la convention provinciale") conclue le 23 février 1990 entre les parties et portant sur les rémunérations, les questions connexes et les conditions d'emploi, les enseignants devaient percevoir trois augmentations de traitement: 5 pour cent rétroactivement au 1er août 1989, 5 pour cent au 1er août 1990 et 6,03 pour cent au 1er août 1991. Outre la convention provinciale, il existe 21 conventions locales qui traitent des autres conditions d'emploi comme les congés de maladie, les congés spéciaux, l'effectif des classes, etc. La convention provinciale a été négociée de bonne foi et la loi a été adoptée le 16 mai 1991, assez longtemps après la date d'entrée en vigueur de la convention provinciale (ler août 1989).
- 209. Les dispositions de la loi qui s'appliquent spécifiquement aux enseignants sont les articles 6 et 7 (l'article 9 ne leur est pas applicable, du fait qu'ils ne se trouvent pas dans une situation de "première convention collective", non plus que l'article 8, contrairement à l'assertion de l'organisation plaignante, car le plan de rémunération des enseignants ne venait pas à expiration avant le 14 mai 1991). L'article 6 dispose que les plans de rémunération arrêtés avant le 14 mai 1991 ne pourront être modifiés que conformément aux dispositions de la loi. Aux termes de l'article 2 c) de la loi, l'expression "plan de rémunération" désigne une convention collective. Tant la convention provinciale que les conventions locales sont régies par la loi et ne peuvent être modifiées que conformément aux dispositions de son article 7.
- 210. Les deux premières augmentations de salaire prévues par la convention provinciale - de 5 pour cent chacune et applicables respectivement le 1er août 1989 et le 1er août 1990 - ne sont pas visées par la loi et ont été perçues par les enseignants. L'article 7(1) de la loi a pour seul effet de différer l'application de la dernière augmentation de salaire prévue par la convention provinciale en faveur des enseignants; l'augmentation finale, prévue pour le 1er août 1991, est reportée au 1er août 1993. En vertu de l'article 7(2) de la loi, à la fin de la période de deux ans visée au paragraphe 1 (soit le 31 juillet 1993), le plan de rémunération est maintenu pendant une nouvelle période de même durée que celle qui lui restait à courir lorsque la période de deux ans a commencé. Cette période est d'un an. Ainsi, le report de l'augmentation salariale des enseignants prend fin le 31 juillet 1993, date à laquelle ils percevront l'augmentation de 6,03 pour cent prévue pour le 1er août 1991, et la convention provinciale restera en vigueur pour une année supplémentaire, soit jusqu'au 31 juillet 1994.
- 211. Le gouvernement fait remarquer qu'il n'y a pas de réduction, par voie législative, des rémunérations négociées au profit des enseignants, mais simplement un report de l'augmentation prévue pour 1991. D'ailleurs, les enseignants percevront à la fin de la période de deux ans une augmentation bien supérieure au taux d'inflation prévu par le Conference Board du Canada (soit respectivement 1,1 et 2,4 pour cent pour 1992 et 1993). Compte tenu de tous ces éléments, le gouvernement reconnaît que la loi intervient effectivement dans la négociation collective, mais seulement à titre exceptionnel et temporaire, et uniquement dans la mesure nécessaire à la lutte immédiate contre la crise économique.
- 212. Par ailleurs, le niveau de vie des enseignants est garanti par la loi. Ils ont bien perçu les deux augmentations de rémunération de 5 pour cent prévues respectivement pour le 1er août 1989 et le 1er août 1990. La dernière augmentation est seulement différée, et son montant est nettement supérieur à ceux qu'il est prévu de négocier avec d'autres catégories professionnelles à cette date.
- 213. Durant la période de report de deux ans, l'article 10(1) b) de la loi autorise les agents publics visés par sa partie I, dont les enseignants, à percevoir des augmentations de rémunération pour les motifs suivants: i) travail méritoire ou satisfaisant; ii) acquisition d'une certaine expérience professionnelle; iii) réussite dans un cours d'enseignement professionnel ou technique; iv) ancienneté. Le sous-alinéa iii) s'applique particulièrement aux enseignants. Le barème des rémunérations fixé par la convention collective prévoit en leur faveur des augmentations fondées sur l'amélioration des qualifications professionnelles. En vertu de ce sous-alinéa, les enseignants ont droit à ces augmentations pour la totalité de la période de report. Rares sont les conventions collectives et les plans de rémunération applicables à d'autres agents publics visés par la loi qui contiennent des dispositions particulières sur les augmentations salariales justifiées par l'amélioration des qualifications professionnelles. C'est pourquoi les enseignants sont pratiquement les seuls à avoir droit à une augmentation pour la totalité de la période de report en vertu de l'article 10(1) b) iii). Chaque année, un nombre élevé d'enseignants remplissent les conditions donnant droit à cette augmentation.
- 214. Le sous-alinéa iv) s'applique aussi aux enseignants. La convention provinciale comprend un barème qui prévoit des augmentations annuelles allant de quelque 3 pour cent à 6 pour cent par année d'ancienneté jusqu'à huit années au moins, et, pour nombre d'enseignants, jusqu'à un maximum de onze années. La plupart des conventions collectives et plans de rémunération (applicables aux agents publics) qui comportent ce type de dispositions se limitent à cinq échelons annuels. Ainsi, parmi les agents auxquels s'appliquent ces conventions, seuls ceux qui ont moins de cinq ans d'ancienneté dans un poste ont droit à une augmentation au cours de la période de report de deux ans fixée par l'article 10(1) b) iv). A l'opposé, tous les enseignants ayant moins de huit ans d'ancienneté et nombre de ceux qui en ont moins de onze continuent à percevoir une augmentation annuelle allant de 3 à 6 pour cent durant la période de report de deux ans, augmentation qui s'ajoute aux augmentations auxquelles ils auraient éventuellement droit en vertu de l'article 10(1) b) iii). Pour résumer, grâce aux dispositions de l'article 10, le niveau de vie des enseignants est mieux garanti par la loi en question que celui de nombreuses autres catégories d'agents publics.
- 215. Les cas cités par l'organisation plaignante (nos 1173, 1329 et 1350) n'ont pas de rapport direct avec le présent cas. Ils portent sur l'ancienne législation de la Colombie-Britannique qui visait à proroger l'application du programme de stabilisation des rémunérations, cette loi imposant l'approbation préalable des conventions collectives avant leur mise en application, et modifiant dans un sens négatif des conventions collectives librement conclues en réduisant le montant de la rémunération des enseignants négocié antérieurement. Il n'en va nullement de même dans le cas présent.
- 216. En réponse aux allégations des plaignants selon lesquelles la loi est discriminatoire à l'encontre des agents publics, le gouvernement rétorque qu'elle s'applique à la fois aux éléments syndicalisés et non syndicalisés du secteur public, à certains organes parapublics qui sont financés par l'Etat, aux magistrats et aux hommes politiques, ainsi qu'aux tarifs des soins de santé assurés et payés par le gouvernement. Ce dernier a également pris tout un train de mesures pour lutter contre la crise économique: regroupement et réorganisation de différents départements ministériels; réduction des effectifs de l'exécutif; restructuration de conseils et commissions; coupures dans les dépenses de fonctionnement publiques; privatisation de la Nova Scotia Power Corporation; mise en place du Programme d'incitation à la retraite volontaire, etc.
- 217. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle le choix du 14 mai 1991 comme date limite a eu pour effet de défavoriser l'organisation plaignante, le gouvernement répond que la gravité de la crise économique exigeait des mesures immédiates. Plutôt que de licencier quelque 900 agents, il a préféré différer les augmentations salariales. Il fallait choisir une date. Ce choix a été compliqué par le fait que nombre de plans de rémunération du secteur public, comme celui des enseignants, portent sur plusieurs années et qu'un certain nombre d'années restait à courir avant leur date d'expiration normale. La loi vise non seulement la convention relative aux enseignants, mais aussi toutes les autres conventions pluriannuelles conclues avant le 14 mai 1991 et qui viennent normalement à expiration plus d'un an après cette date. Un total de 72 conventions collectives (dont ne fait pas partie celle des enseignants) concernant 11 agents de négociation différents et 46 plans de rémunération des agents non syndiqués comportaient des augmentations négociées (ou, dans le cas des conventions conclues avec les secteurs non syndiqués, des augmentations fixées par l'employeur) qui ont été reportées en vertu des articles 7 et 2 e). Il en ressort clairement que la situation des enseignants est loin d'être unique et que ceux-ci ne sont nullement la cible principale de la loi, contrairement à ce que prétend l'organisation plaignante. La date du 14 mai 1991 n'a pas été choisie pour opérer une discrimination à son encontre et n'établit aucune discrimination de ce type. Les enseignants n'ont pas été spécialement visés. En fait, une seule des augmentations qu'ils devaient percevoir, la troisième et dernière, a été reportée par la loi. Dans d'autres cas, le nombre des augmentations différées par cette loi a été supérieur.
- 218. En ce qui concerne les effets prétendument arbitraires de la loi, le gouvernement affirme que, étant donné les pouvoirs discrétionnaires conférés à la commission, celle-ci est essentiellement un organe administratif de réglementation et de contrôle qui supervise la mise en oeuvre des dispositions de la loi et aide les parties à comprendre la manière dont elles s'appliquent à elles. En pratique, la commission a accepté toutes les demandes de réexamen des décisions antérieures qui lui ont été faites, et elle a permis chaque fois aux parties de présenter leurs arguments. Sur les treize demandes qui lui ont ainsi été soumises, la commission a inversé sa décision précédente dans cinq cas et l'a maintenue dans huit. Il apparaît donc ainsi en pratique que son pouvoir discrétionnaire n'a pas nui à son objectivité.
- 219. Il est également allégué par l'organisation plaignante qu'il n'existe pas de droit automatique d'appel auprès de la commission, alors qu'un tel droit serait un "principe fondamental d'équité en droit administratif". Le gouvernement répond qu'aucun principe du droit administratif n'exige un droit d'appel automatique. Selon l'usage consacré en droit administratif, les décisions de la commission, comme celle dont il est question ici, ne sont susceptibles d'appel qu'au moyen d'un bref de prérogative, en cas d'erreur de droit ou de compétence juridictionnelle.
- 220. Le gouvernement conclut que la loi est conforme aux principes et conventions de l'OIT sur la liberté syndicale; elle ne présente pas de caractère arbitraire et n'est pas discriminatoire à l'encontre des enseignants ayant formulé la plainte. C'est une mesure temporaire qui s'inscrit dans la politique générale du gouvernement de lutte contre la crise économique actuelle, qui a des conséquences désastreuses pour tous les secteurs de la province. Le report par la loi de l'augmentation due aux enseignants prendra fin prochainement, le 31 juillet 1993.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 221. Le comité note que le présent cas concerne certaines restrictions imposées à la négociation collective pour les agents publics de Nouvelle-Ecosse (Canada) à la suite de l'adoption par le gouvernement provincial, et pour une durée de deux ans, d'une loi sur la limitation des rémunérations. Le gouvernement déclare que ces mesures étaient rendues nécessaires par la situation économique difficile de la province, qu'elles ont été réduites au minimum et n'ont qu'une durée limitée.
- 222. Le comité rappelle les observations qu'il a faites dans le cas no 1616 (Canada, 284e rapport, paragr. 631 et suiv.) au sujet du contexte général dans lequel la présente plainte avait été présentée, ainsi que ses vues sur les arguments économiques en tant que justification des restrictions à la négociation collective.
- 223. Le comité renvoie également à ses conclusions dans le cas no 1606 (Canada - Nouvelle-Ecosse, 284e rapport, paragr. 506-548), où il a rappelé que si, pour des raisons impérieuses relevant de l'intérêt économique national et au nom d'une politique de stabilisation, un gouvernement considère que le taux des salaires ne peut pas être fixé librement par voie de négociations collectives, une telle restriction devrait être appliquée comme une mesure d'exception, limitée à l'indispensable, elle ne devrait pas excéder une période raisonnable et devrait être accompagnée de garanties appropriées en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs. (Recueil de décisions et de principes, paragr. 641.) La commission d'experts a adopté la même approche à cet égard. (Etude d'ensemble de 1983, Liberté syndicale et négociation collective, paragr. 315.)
- 224. En ce qui concerne la situation particulière des enseignants, le comité note qu'ils ont effectivement perçu deux augmentations salariales de 5 pour cent et que la troisième augmentation (6,3 pour cent), initialement prévue pour le 1er août 1991, prendra effet le 1er août 1993, sauf si leur agent négociateur décide de renégocier la convention provinciale.
- 225. Le comité note également que la loi comporte des dispositions, en particulier les sous-alinéas 10(1) b) iii) et iv), qui ont pour effet d'assurer une protection particulière aux enseignants. Le comité ne peut donc conclure au bien-fondé des allégations d'arbitraire et de discrimination.
- 226. Comme il l'avait conclu dans le cas no 1606 au sujet des agents publics en général, le comité regrette que le gouvernement n'ait pas privilégié la négociation collective comme moyen de régler les conditions de travail de ses enseignants, mais qu'il ait cru devoir adopter la loi de 1991 sur la limitation des salaires dans le secteur public. Il veut croire que les restrictions apportées à la négociation collective seront limitées à une période de deux ans et qu'aucune restriction ne sera plus apportée par la suite à la liberté des négociations collectives.
- 227. Le comité souligne également que, lorsqu'un gouvernement cherche à modifier des structures de négociation dans lesquelles il agit effectivement ou indirectement en tant qu'employeur, il importe particulièrement qu'il procède aux consultations voulues, de façon que tous les objectifs considérés comme allant dans le sens de l'intérêt national général puissent être débattus par l'ensemble des parties intéressées, conformément aux principes fixés par la recommandation (no 113) sur la consultation aux échelons industriel et national, 1960.
- 228. De l'avis du comité, le fait que la loi cessera de produire ses effets en mai 1993 devrait rendre possible un retour à une situation normale dans laquelle les négociations collectives pourront se dérouler librement avec une possibilité de recours, le cas échéant, à un arbitrage indépendant. Les effets négatifs qu'a eus la loi sur la limitation des salaires pourraient être atténués dans une certaine mesure si le gouvernement examinait, en consultation avec les syndicats, les moyens de faire en sorte que le système de négociation collective jouisse de la plus entière confiance des parties. Le comité invite le gouvernement à prendre des mesures en ce sens.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 229. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas privilégié la négociation collective pour fixer les conditions de travail des enseignants, de préférence à la loi de 1991 sur la limitation des salaires dans le secteur public, qu'il a cru devoir adopter.
- b) Le comité veut croire que les restrictions apportées à la négociation collective seront limitées à une période de deux ans et qu'aucune restriction ne sera plus apportée par la suite à la liberté des négociations collectives.
- c) Le comité souligne l'importance de consultations suffisantes avant l'introduction d'une loi par laquelle le gouvernement cherche à modifier des structures de négociation dans lesquelles il agit effectivement ou indirectement en tant qu'employeur.
- d) Le comité invite le gouvernement à prendre, en consultation avec les syndicats intéressés, des mesures tendant à rétablir un système de négociation collective et d'arbitrage jouissant de la plus entière confiance des parties.
- e) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution des relations professionnelles dans la province de Nouvelle-Ecosse, et en particulier de lui indiquer si et à quelle date la loi de 1991 sur la limitation des salaires dans le secteur public a cessé d'exercer ses effets en ce qui concerne les enseignants de la province.
ANNEXE A
ANNEXE A- LOI SUR LA LIMITATION DES SALAIRES DANS LE
- SECTEUR PUBLIC
- ...
- 2. Dans la présente loi,
- a) le terme "commission" désigne la commission créée
- conformément aux
- règlements d'application de la loi;
- b) l'expression "convention collective" désigne:
- i) une convention collective telle qu'elle est définie dans la loi
- sur la
- négociation collective dans la fonction publique;
- ...
- c) l'expression "plan de rémunération" désigne une convention
- collective ou,
- en l'absence d'une telle convention, les conditions d'emploi
- des travailleurs;
- d) l'expression "taux de rémunération" désigne les taux de
- salaire simples ou
- éventails de taux de salaire, y compris les ajustements au titre
- du coût de la
- vie ou, en l'absence de tels taux ou éventails de taux, tous
- montants
- déterminés ou vérifiables des salaires;
- e) l'expression "date d'expiration" désigne:
- i) le jour où, le 14 mai 1991 ou après cette date, un plan de
- rémunération
- vient à expiration, abstraction faite de la présente loi; ou
- ii) le jour précédant immédiatement celui de la première
- augmentation des taux
- de rémunération prévue dans le plan pour le 14 mai 1991 ou
- une date
- ultérieure;
- la première de ces dates étant retenue;
- ...
- PARTIE I
- AGENTS DU SECTEUR PUBLIC
- 5. La présente partie s'applique
- ...
- i) au personnel d'un conseil scolaire; ...
- k) au personnel des universités;
- ...
- 6. Les plans de rémunération arrêtés avant le 14 mai 1991 ne
- pourront être
- modifiés que conformément aux dispositions de la présente loi.
- 7. (1) Lorsqu'un plan de rémunération a été arrêté avant le 14
- mai 1991,
- quelles que soient les dispositions qu'il contient, il demeure à
- cet égard en
- vigueur pour le travailleur ou le groupe de travailleurs - selon le
- cas -
- auquel(s) il s'applique pendant une période de deux ans à
- compter de sa date
- d'expiration, les modifications des conditions d'emploi qui y
- sont prévues
- prenant effet le 14 mai 1991 ou après cette date, sous
- réserve:
- a) que les taux de rémunération ne soient pas majorés; et
- b) que le plan lui-même ne soit pas modifié
- le 14 mai 1991 ou après cette date.
- (2) A la fin de la période de deux ans visée au paragraphe (1),
- a) le plan de rémunération est maintenu pendant une nouvelle
- période de même
- durée que celle qui lui restait à courir lorsque la période de
- deux ans a
- commencé; et
- b) toute modification des taux de rémunération dont le plan
- prévoyait
- l'application le 14 mai 1991 ou après cette date prend effet
- deux ans après la
- date indiquée dans le plan.
- (3) Nonobstant les dispositions du paragraphe (2) ou toute
- disposition du plan
- de rémunération,
- a) une convention collective peut, si l'agent de négociation
- des travailleurs
- auxquels elle s'applique en décide ainsi, être renégociée; et
- b) un plan de rémunération qui n'est pas une convention
- collective peut être
- modifié,
- après la période de deux ans évoquée au paragraphe (1), pour
- toute période
- restant à courir avant que le plan ne vienne à expiration.
- ...
- 10. (1) Au cours de toute période durant laquelle un plan de
- rémunération est
- maintenu en vertu des articles 7 ou 8, une augmentation du
- taux de
- rémunération peut être versée à un travailleur ou reçue par lui:
- ...
- b) pour l'une des raisons suivantes:
- i) travail méritoire ou satisfaisant;
- ii) acquisition d'une certaine expérience professionnelle;
- iii) participation couronnée de succès à un cours
- d'enseignement professionnel
- ou technique;
- iv) ancienneté,
- si ces dispositions figuraient expressément dans le plan de
- rémunération qui
- s'appliquait au travailleur immédiatement avant le 14 mai 1991.
- 11. Un plan de rémunération auquel la présente loi s'applique,
- quel que soit
- le moment où il a été accepté ou établi, est sans effet dans la
- mesure où il
- prévoit des taux de rémunération supérieurs à ceux autorisés
- par la présente
- loi. ...
- PARTIE V
- EQUITE SALARIALE
- 20. La présente partie s'applique aux augmentations des taux
- de rémunération
- auxquelles il est procédé en application de la loi sur l'équité
- salariale.
- 21. Nonobstant les dispositions de la loi sur l'équité salariale,
- les
- ajustements au titre de l'équité salariale auxquels un travailleur
- a droit au
- 1er septembre 1991 conformément à cette loi ne seront
- effectués qu'en avril
- 1992, avec toutefois effet rétroactif au 1er septembre 1991, et
- aucune
- disposition de la présente loi, excepté le présent article,
- n'affecte la loi
- sur l'équité salariale.
- PARTIE VI
- GENERALITES
- 22. (1) Lorsque, dans le cadre de la présente loi, la question se
- pose de
- savoir:
- a) si un plan de rémunération est régi par la présente loi;
- b) si un plan de rémunération est conforme à la présente loi;
- c) quelle est la date d'expiration d'un plan de rémunération; ...
- la commission statue en la matière, et la décision ou
- l'ordonnance rendue par
- elle est concluante et définitive et ne peut être remise en
- cause ni soumise à
- révision, mais la commission peut, si elle le juge souhaitable,
- reconsidérer
- toute décision ou ordonnance rendue par elle en application
- de la présente loi
- et la modifier ou la rapporter.