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- 392. Le comité a examiné ce cas à trois reprises (voir 281e, 284e et 286e rapports du comité, paragr. 463 à 479, 962 à 971, et 412 à 425, approuvés par le Conseil d'administration à ses 252e, 254e et 255e sessions (mars et novembre 1992, et mars 1993)), lors desquelles il a formulé des conclusions intérimaires.
- 393. Le gouvernement a fait parvenir de nouvelles observations dans des communications datées des 27 février et 14 avril 1993. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
- 394. Les allégations restées en suspens lors de la session du comité de février 1993 portent sur les faits exposés ci-après qui se sont produits au cours d'une grève de plusieurs mois en 1991: arrestation par l'armée, le 17 mai 1991, de sept enseignants dans la province d'Ayacucho, et découverte par la suite dans une fosse commune des cadavres de cinq d'entre eux; disparition des enseignants Marcelino Navarro Pezo, Leopoldo Navarro Díaz et Luis Torres Camilo dans la province d'Ucayali-Pucallpa, et des enseignants Betty Panaifo, Nicolás Lavajo y Moisés Teneiro (qui auraient été précipités d'un hélicoptère en vol, selon les plaignants); assassinat le 13 mai 1991 de Porfirio Suni (enseignant) et, le 24 mai 1991, de Pablo Mamani Marchena et Germán Maceda (enseignants) dans la province de Pucará, Puno, ainsi que de l'enseignant Abdón Félix Pariona (disparus dans la province de Huancavelica selon les plaignants); arrestation du dirigeant syndical José Ramos Bosmediano (secrétaire général du SUTEP), de Soledad Lozano Costa (sous-secrétaire générale du SUTEP) et d'Auris Melgar (chargé des relations internationales du SUTEP), lesquels, selon les plaignants, auraient été brutalisés et arrêtés lors d'une intervention violente de la police contre les dirigeants syndicaux du SUTEP le 30 mai 1991.
- 395. Le gouvernement n'ayant pas fourni d'observations suffisamment détaillées sur les allégations, le comité a formulé lors de son dernier examen du cas les recommandations suivantes (voir 286e rapport du comité, paragr. 425):
- - "Extrêmement préoccupé par la gravité de ce cas, le comité déplore profondément que le gouvernement n'ait pas répondu aux allégations relatives à l'arrestation par l'armée de sept enseignants le 17 mai 1991 dans la province d'Ayacucho, les cadavres de cinq d'entre eux ayant été découverts par la suite dans une fosse commune, à la disparition des enseignants Marcelino Navarro Pezo et Luis Torres Camilo dans la province de Ucayali-Pucallpa, à l'assassinat des enseignants Porfirio Suni (le 13 mai 1991), Pablo Mamani Marchena et Germán Maceda (le 24 mai 1991) dans la province de Pucará, Puno. Le comité demande instamment à nouveau au gouvernement d'ouvrir une enquête judiciaire sur ces assassinats et ces disparitions afin de déterminer les responsabilités et de sanctionner les coupables.
- - Le comité insiste auprès du gouvernement pour qu'il effectue des recherches afin de retrouver les enseignants disparus (Betty Panaifo, Nicolás Lavajo, Moisés Teneiro et Leopoldo Navarro Diaz), et qu'il le tienne informé à cet égard, ainsi que sur les suites données à la plainte déposée concernant l'assassinat de Abdón Félix Pariona.
- - Le comité demande au gouvernement qu'il lui indique si le dirigeant syndical José Ramos Bosmediano (secrétaire général du SUTEP) a été poursuivi pour le délit dont il est accusé (atteinte à l'ordre public) et s'il se trouve en liberté ou s'il est encore détenu, et qu'il lui indique aussi si Soledad Lozano Costa (sous-secrétaire générale du SUTEP) et Auris Melgar (chargé des relations internationales) se trouvent en prison ou en liberté."
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 396. Dans sa communication du 27 février 1993, le gouvernement explique que les actes de violence perpétrés par des groupes extrémistes pendant les douze années qui viennent de s'écouler ont provoqué la mort de 25.000 personnes et ont coûté au pays près de 25 milliards de dollars. Le gouvernement s'efforce de pacifier le pays, en collaboration avec la population civile et les forces de l'ordre par une action conjointe.
- 397. Le gouvernement signale que presque tous les dirigeants syndicaux du SUTEP qui auraient été victimes d'atteintes à leur intégrité physique sont des éléments subversifs liés au mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (MRTA) et au Sentier lumineux (Sendero Luminoso), ce qui constitue, selon la législation nationale, un délit de trahison envers la patrie passible d'une peine maximale de prison à perpétuité en vertu des décrets lois nos 25475 et 25659. Autant dire que le SUTEP n'est pas en position morale de porter contre le gouvernement des accusations de violation des droits syndicaux étant donné que son principal dirigeant ainsi que certains autres de ses membres sont des éléments subversifs en relation avec les trafiquants de drogue qui violent les droits de l'homme de l'ensemble des citoyens.
- 398. Plus précisément, le gouvernement communique les informations suivantes: Marcelino Ramírez Pezo a été arrêté par la marine de guerre du pays et mis à la disposition de la police technique de la province d'Ucayali le 23 mai 1991, en raison de ses liens présumés avec des éléments subversifs; l'enseignant Leopoldo Navarro Díaz n'a pas été arrêté par la marine de guerre, raison pour laquelle le parquet a classé provisoirement l'affaire; le professeur Abdón Félix Pariona García est décédé par suite d'un acte subversif; l'enseignant Moisés Teneiro Banda Bazán, interrogé le 2 janvier 1991 lors d'une émission politique à la télévision, a montré qu'il était en bonne condition physique et mentale, apportant ainsi un démenti à la thèse colportée selon laquelle il aurait été précipité du haut d'un hélicoptère; Nicolás Lavajo López (enseignant) est membre du mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (MRTA) et a probablement participé à l'attaque subversive de la ville de Rioja située dans la région de San Martín; les enseignants Betty Panaifo, Pablo Mamani et Germán Maceda n'ont été ni arrêtés ni détenus; enfin, Porfirio Suni Quispe (enseignant), prétendument assassiné, a toujours prêté son concours aux terroristes du Sentier lumineux, il a participé à l'organisation d'assemblées de paysans, et sa dernière action remonte au 11 mai 1991 dans la ville de Juliaca, Puno, où il a pris part à une réunion des communautés paysannes.
- 399. En ce qui concerne les dirigeants du SUTEP (arrêtés le 30 mai 1991 d'après les organisations plaignantes), le gouvernement, dans sa communication du 14 avril 1993, indique que M. Nicolás Olmedo Auris Melgar a été remis en liberté en date du 16 avril 1992 et que le professeur Mme Soledad Lozano Costa n'a pas été arrêtée.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 400. Le comité déplore la situation difficile que connaît le Pérou où la violence qui sévit depuis plusieurs années a déjà entraîné de lourdes pertes en vies humaines et en ressources économiques, et il prend note des efforts que le gouvernement déploie actuellement pour pacifier le pays. Il note que le gouvernement a déclaré de façon générale que le premier dirigeant du SUTEP et d'autres adhérents sont des éléments subversifs liés au mouvement révolutionnaire Tupac Amaru, au Sentier lumineux et aux trafiquants de drogue qui violent les droits de l'homme de l'ensemble des citoyens.
- 401. Le comité tient à souligner que, conformément à son mandat, il lui appartient dans le présent cas de se prononcer sur les allégations d'assassinat, de disparition, d'arrestation et d'atteintes à l'intégrité physique de dirigeants et de syndicalistes du SUTEP et, le cas échéant, d'apprécier la mesure dans laquelle ils auraient de leur côté outrepassé dans leur comportement le libre exercice de leurs droits syndicaux ou se seraient rendus coupables de délits ou d'actes terroristes. En conséquence, le comité rappelle au gouvernement que, pour pouvoir procéder à un examen objectif du cas, des réponses détaillées et précises quant au fond des faits allégués lui sont nécessaires.
- 402. A cet égard, le comité déplore que, malgré l'extrême gravité des allégations d'assassinat, de disparition et d'arrestation d'enseignants syndicalistes, qui remontent à 1991, le gouvernement n'a pas fourni d'informations détaillées et précises sur la plupart des allégations ou n'a communiqué que des renseignements incomplets et imprécis.
- 403. C'est pourquoi le comité déplore une fois de plus que le gouvernement n'ait pas répondu aux allégations concernant l'arrestation par l'armée, le 17 mai 1991, de sept enseignants dans la province d'Ayacucho, et la découverte par la suite dans une fosse commune des cadavres de cinq d'entre eux; la disparition de l'enseignant Luis Torres Camilo dans la province d'Ucayali-Pucallpa; l'assassinat, le 13 mai 1991, de Porfirio Suni (enseignant) dont le gouvernement n'a fait que relater les dernières activités jusqu'au 11 mai 1991; enfin, l'assassinat, le 24 mai 1991, dans la province de Pucará, Puno, des enseignants Pablo Mamani et Germán Maceda, à propos desquels le gouvernement s'est contenté d'indiquer qu'ils n'avaient pas été arrêtés. Dans ces conditions, le comité demande instamment une fois de plus au gouvernement d'ouvrir une enquête judiciaire sur les assassinats et disparitions allégués afin d'établir les responsabilités, de sanctionner les coupables et de retrouver les disparus. Il est nécessaire que le gouvernement communique des informations détaillées et précises sur les allégations formulées par l'organisation plaignante et, au cas où les personnes susmentionnées sont ou ont été impliquées dans des actes subversifs, que des sentences judiciaires confirmant ce fait soient présentées.
- 404. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle Betty Panaifo, Nicolás Lavajo et Moisés Teneiro (enseignants) auraient été précipités d'un hélicoptère en vol, le comité prend acte du démenti apporté par le gouvernement selon lequel Moisés Teneiro Banda Bazán n'aurait pas été précipité d'un hélicoptère et aurait été interrogé le 2 juin 1991 dans le cadre d'une émission politique télévisée lors de laquelle il serait apparu en bonne condition physique et mentale. Le comité note également que, d'après le gouvernement, l'enseignante Betty Panaifo n'a pas été arrêtée et qu'un autre enseignant Nicolás Lavajo López a probablement pris part à l'attaque subversive de la ville de Rioja. Le comité voudrait recevoir des informations quant à la question de savoir si la mort de ce dernier est survenue dans ce contexte. Pour ce qui est des autres syndicalistes disparus (Marcelino Navarro Pezo, Leopoldo Navarro Díaz et Abdón Pariona García), le comité note que le gouvernement confirme le décès du professeur Abdón Félix Pariona García par suite d'une action subversive, que l'enseignant Marcelino Ramírez Pezo (dénommé Navarro Pezo par les plaignants) a été mis à la disposition de la police technique d'Ucayali, le 23 mai 1991, en raison de ses attaches présumées avec des éléments subversifs, que Leopoldo Navarro Díaz (enseignant) n'a pas été arrêté par la marine de guerre et que l'affaire le concernant a été provisoirement classée par le parquet.
- 405. Dans ces conditions, le comité insiste à nouveau fermement auprès du gouvernement pour qu'il ouvre une enquête judiciaire afin de retrouver l'enseignant Leopoldo Navarro Díaz qui aurait disparu selon les allégations. Il demande au gouvernement de le tenir informé à ce sujet, et de lui indiquer par ailleurs si l'enseignant Marcelino Ramírez Pezo (mis à la disposition de la police technique en mai 1991 en raison de ses relations avec des éléments subversifs) a été remis en liberté ou s'il a été inculpé, en précisant, si tel est le cas, les faits qui lui sont reprochés.
- 406. En ce qui concerne l'allégation relative à l'arrestation par la police de dirigeants du SUTEP - José Ramos Bosmediano (secrétaire général), Soledad Lozano Costa (sous-secrétaire générale) et Auris Melgar (chargé des relations internationales) -, le 30 mai 1991, le comité prend note de ce que le professeur Soledad Lozano Costa n'a pas été arrêtée et le professeur Nicolás Olmedo Auris Melgar a été remis en liberté en date du 16 avril 1992. Le comité demande instamment au gouvernement de lui faire savoir si le dirigeant syndical José Ramos Bosmediano a été inculpé pour le délit dont il était accusé (atteinte à l'ordre public).
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 407. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité déplore la situation difficile que connaît le pays où règne un climat de violence et se dit profondément inquiet de voir que, malgré l'extrême gravité des allégations d'assassinat, de disparition et d'arrestation d'enseignants syndicalistes qui remontent à 1991, le gouvernement n'a pas fourni d'informations détaillées et précises sur la plupart des faits allégués, ou l'a fait de manière incomplète et imprécise.
- b) Le comité déplore à nouveau très vivement que le gouvernement n'ait pas répondu aux allégations concernant l'arrestation par l'armée de sept enseignants le 17 mai 1991, dans la province d'Ayacucho, étant donné que les cadavres de cinq d'entre eux ont été par la suite découverts dans une fosse commune, ainsi que la disparition de l'enseignant Luis Torres Camilo dans la province d'Ucayali-Pucallpa, et qu'il n'ait fourni que des informations incomplètes et imprécises sur l'assassinat des enseignants Porfirio Suni (le 13 mai 1991), Pablo Mamani Marchena et Germán Maceda (le 24 mai 1991), dans la province de Pucará, Puno. Le comité demande instamment une fois de plus au gouvernement d'ouvrir une enquête judiciaire sur ces assassinats et disparitions, afin d'établir les responsabilités, de sanctionner les coupables et de retrouver les disparus. Il lui demande également de fournir des précisions supplémentaires quant à la mort de l'enseignant Nicolás Lavajo López.
- c) Le comité demande à nouveau instamment au gouvernement d'ouvrir une enquête judiciaire afin de retrouver l'enseignant Leopoldo Navarro Díaz qui aurait disparu et de le tenir informé à ce sujet, et de lui faire savoir si l'enseignant Marcelino Ramírez Pezo (mis à la disposition de la police technique en mai 1991 en raison de ses liens présumés avec des éléments subversifs) a été remis en liberté ou inculpé, en lui précisant, si tel est le cas, les faits qui lui sont reprochés.
- d) Le comité insiste une fois de plus auprès du gouvernement pour qu'il lui indique si le dirigeant syndical José Ramos Bosmediano a été inculpé pour le délit dont il était accusé (atteinte à l'ordre public).
- e) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que l'exercice des droits syndicaux puisse se dérouler dans des conditions normales et signale une fois de plus au gouvernement qu'un climat de violence qui donne lieu à l'assassinat ou à la disparition de dirigeants syndicaux et de syndicalistes entrave gravement l'exercice des droits syndicaux et que de tels actes exigent des mesures rapides et efficaces des autorités pour remédier à cette situation.