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- 530. Dans des communications du 28 janvier 1991 et du 25 février 1991, l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation et des branches connexes (UITA) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale et des droits syndicaux contre le gouvernement de la Roumanie. Le gouvernement a fourni ses commentaires et observations à propos de cette affaire dans une communication datée du 12 mars 1991.
- 531. La Roumanie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégation de l'organisation plaignante
A. Allégation de l'organisation plaignante
- 532. L'organisation plaignante allègue que des mesures de discrimination antisyndicale ont été prises par les dirigeants de l'hôtel Intercontinental de Bucarest à l'encontre de dirigeants et de militants du Syndicat libre et indépendant créé au début de 1990 à l'hôtel Intercontinental, entreprise d'Etat gérée par l'Etat.
- 533. L'organisation plaignante indique en effet que le 27 novembre 1990 s'est tenue une assemblée générale extraordinaire du Syndicat libre et indépendant de l'hôtel Intercontinental. Au cours de cette réunion, l'affiliation du syndicat à la Confédération des syndicats indépendants (FRATIA) a été votée à la majorité des participants.
- 534. Aussitôt après, poursuit l'organisation plaignante, un syndicat parallèle était créé sous la pression de la direction de l'hôtel qui avait manifesté son souhait que le syndicat de l'hôtel Intercontinental s'affilie à la Fédération des syndicats du tourisme, elle-même affiliée à la Confédération nationale des syndicats libres de Roumanie (CNSLR). L'organisation plaignante précise en outre que le président de ce syndicat rival, M. Aurel, est un ancien dirigeant des syndicats officiels et membre du Parti communiste, et qu'il occupe à l'Intercontinental les fonctions de coordinateur du service alimentation et de gérant des trois restaurants.
- 535. L'organisation plaignante indique qu'à la suite de ces événements trois responsables de la direction de l'hôtel Intercontinental (M. Stancu, directeur général de l'hôtel, son assistant M. Negrea, et M. Aurel) usant de leur autorité ont exercé diverses formes de pression (menaces, réductions de salaires, rétrogadations, transferts) à l'encontre de dirigeants et de militants du Syndicat libre et indépendant ainsi qu'à l'encontre de simples employés pour les forcer à quitter, ou ne pas adhérer au Syndicat libre et indépendant.
- 536. L'organisation plaignante, soulignant le courage des employés qui ont autorisé la divulgation de leur nom alors que d'autres, victimes eux aussi de discrimination antisyndicale, ont préféré garder l'anonymat, cite le cas des personnes suivantes:
- a) M. Spiridon aurait été publiquement menacé par M. Stancu pour ses activités syndicales;
- b) en juin 1990, M. Mihaescu, serveur depuis vingt ans à l'Intercontinental, après un entretien avec M. Stancu sur les raisons pour lesquelles il avait été vu en discussion avec des manifestants de la place de l'Université, a été muté au service des chambres. En décembre 1990, il a été informé qu'il serait envoyé à l'hôtel Continental sauf si, comme lui aurait signifié M. Aurel, il adhérait au syndicat parallèle;
- c) le 2 août 1990, M. Porumb, serveur depuis vingt ans, a été transféré de l'hôtel Continental à l'hôtel Intercontinental pour avoir cherché, en tant que délégué syndical du Syndicat libre et indépendant, à améliorer les conditions de travail des employés. Lorsque les deux hôtels ont été officiellement séparés, le 2 décembre 1990, il a été de nouveau transféré à l'hôtel Continental par M. Stancu. M. Negrea lui aurait indiqué que, s'il adhérait au syndicat que la direction mettait en place et s'il dénonçait l'article paru dans le journal Romania Libera faisant mention du harcèlement dont il était victime, il n'aurait plus de problème;
- d) à partir de décembre 1990, Mme Nedelciu et Mme Andrei auraient été rétrogradées par M. Aurel du poste de "chef de salle" à celui de "chef de rang" pour avoir, en tant que déléguée et militante du Syndicat libre et indépendant, cherché à réduire la durée journalière de travail de onze heures à huit heures. Le poste de chef de salle aurait été accordé à un employé membre du syndicat parallèle. Par ailleurs, leur salaire aurait été réduit dès novembre 1990 et, de surcroît, Mme Nedelciu aurait été transférée à la brasserie Corso considérée comme un lieu de travail moins intéressant. Le directeur général, M. Stancu, a refusé d'intervenir dans le cas de Mme Nedelciu car, lui aurait-il dit, elle avait fait ses choix politiques et syndicaux et n'avait pas en outre accordé son soutien aux "mineurs" qui avaient fait régner la terreur à Bucarest;
- e) le 16 janvier 1991, Mme Popescu, élue en mars 1990 secrétaire du Syndicat libre et indépendant, aurait été transférée après vingt ans de service comme chef dactylographe à l'hôtel Continental. Lorsqu'elle a demandé les raisons de ce transfert, M. Stancu lui aurait répondu que, si elle dénonçait un article paru dans le journal Romania Libera qui rapportait certaines pratiques discriminatoires de la direction, ils pourraient à nouveau être amis;
- f) le 16 janvier 1991, M. Carianopol, après vingt ans de service au Département du contrôle financier interne, a été transféré à l'hôtel Continental pour avoir soutenu les critiques formulées par le Syndicat libre et indépendant concernant les abus de la direction;
- g) le 16 janvier 1991, M. Radulescu, ingénieur, a été transféré à l'hôtel Continental pour avoir refusé de quitter le Syndicat libre et indépendant et d'adhérer au syndicat parallèle contrôlé par la direction.
- 537. C'est dans un tel climat, poursuit l'organisation plaignante, que le 17 janvier 1991 s'est tenue la première réunion du syndicat parallèle au cours de laquelle MM. Stancu, Negrea et Aurel auraient adressé aux employés un message clair leur signifiant qu'une adhésion au Syndicat libre et indépendant équivaudrait à une mise à l'écart, alors qu'une adhésion au syndicat parallèle serait récompensée. Suite à ces menaces et sanctions, beaucoup d'employés se sont sentis contraints d'adhérer au syndicat parallèle contrôlé par la direction et auraient même dû payer la direction pour obtenir les emplois qu'ils souhaitaient.
- 538. Ces agissements, soutient l'organisation plaignante, démontrent à l'évidence qu'une vaste campagne d'intimidation a été orchestrée par la direction de l'Intercontinental, afin de garantir au syndicat parallèle qu'elle soutient une majorité d'adhérents en prévision de l'adoption du nouveau Code du travail privant ainsi les employés, les militants et les dirigeants du Syndicat libre et indépendant des droits syndicaux garantis par les conventions internationales nos 87 et 98.
- 539. Enfin, l'organisation plaignante souligne que, l'Intercontinental étant une entreprise d'Etat, ses dirigeants sont des fonctionnaires directement responsables auprès des autorités publiques. Le Premier ministre, les ministres du Travail et de la Prévoyance sociale, du Commerce et du Tourisme ont été informés par télex sur la situation à l'hôtel Intercontinental et, alors que la législation nationale n'autorise aucun licenciement si les travailleurs ont une raison légitime de s'y opposer - l'exercice des droits syndicaux étant à l'évidence une raison légitime -, aucune mesure n'a été prise par les autorités responsables pour faire cesser ces violations.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 540. Dans une communication datée du 12 mars 1991, le gouvernement indique que le 27 novembre 1990 une partie des employés de l'Intercontinental, qui ont refusé l'affiliation à la Confédération des syndicats indépendants (FRATIA), se sont constitués en syndicat et ont décidé de s'affilier à la Confédération nationale des syndicats libres de Roumanie (CNSLR).
- 541. Le gouvernement poursuit en indiquant que, pour des raisons économiques, la société Intercontinental a été divisée en deux sociétés. Une partie du personnel, y compris des employés membres du Syndicat libre et indépendant, ont été transférés à l'hôtel Continental parmi lesquels figurait Mme Popescu.
- 542. Le gouvernement ajoute que le conseil d'administration de l'Intercontinental a reçu avec satisfaction la constitution du Syndicat libre et indépendant comme représentant des intérêts justifiés économiques et sociaux des employés. Le conseil d'administration a d'ailleurs coopéré avec le syndicat indépendant pour trouver une solution aux demandes formulées par ledit syndicat. Le gouvernement précise que les tensions enregistrées entre les deux partenaires doivent trouver une explication dans l'impossibilité de résoudre des revendications qui n'avaient pas de base légale.
- 543. Le gouvernement indique, par ailleurs, que la plainte de l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation et des branches connexes (UITA) a été déposée, selon les personnes impliquées, sans recourir préalablement à la médiation du ministère du Travail et de la Protection sociale qui, jusqu'à la négociation et la conclusion d'un contrat collectif, est en mesure d'exercer cet office.
- 544. Le gouvernement termine en précisant que la médiation du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale a eu pour résultats:
- - la réintégration de Mme Popescu à l'hôtel Intercontinental dans le poste qu'elle occupait avant le litige, et que son cas est aujourd'hui considéré comme clos. Le gouvernement joint une communication de la Confédération des syndicats indépendants (FRATIA) confirmant ce fait;
- - l'engagement solennel du conseil d'administration de l'Intercontinental de respecter la protection des dirigeants syndicaux, indépendamment de leur option quant à l'affiliation à une organisation syndicale supérieure. Le gouvernement indique à cet égard que le Parlement doit adopter dans un proche avenir la loi sur les syndicats qui garantit une entière protection des dirigeants syndicaux.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 545. La plainte concerne des allégations d'actes de discrimination antisyndicale à l'encontre de dirigeants et de militants du Syndicat libre et indépendant de l'hôtel Intercontinental pour empêcher les employés d'adhérer à ce syndicat et les inciter à s'affilier au syndicat qui aurait les faveurs de la direction.
- 546. Au vu des informations communiquées, le comité note qu'en effet il existe deux syndicats à l'hôtel Intercontinental; le Syndicat libre et indépendant de l'hôtel Intercontinental créé au début de l'année 1990, et un syndicat parallèle qui s'est constitué le 27 novembre 1990 pour s'opposer à l'affiliation du Syndicat libre et indépendant à la Confédération des syndicats indépendants (FRATIA).
- 547. Selon l'organisation plaignante, ce syndicat parallèle aurait été créé sous la pression de la direction; son président serait un ancien membre des syndicats officiels et occuperait des fonctions dirigeantes au sein de la direction de l'hôtel; il aurait usé de son pouvoir d'autorité pour inciter les employés à adhérer à son syndicat. Le comité constate que le gouvernement ne fournit aucune information sur cet aspect du litige, notamment sur les circonstances et les procédures qui ont présidé à la formation du syndicat parallèle.
- 548. A cet égard, le comité doit souligner qu'aux termes de l'article 2 de la convention no 98 ratifiée par la Roumanie les organisations de travailleurs et d'employeurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes d'ingérence des unes à l'égard des autres. Cet article précise que "sont notamment assimilées à des actes d'ingérence ... des mesures tendant à provoquer la création d'organisations de travailleurs dominées par un employeur ... dans le dessein de placer ces organisations sous le contrôle d'un employeur".
- 549. Pour ce qui concerne les allégations de mesures discriminatoires antisyndicales (menaces, réductions de salaires, rétrogradations, transferts) à l'encontre de dirigeants et militants du Syndicat libre et indépendant, le comité note avec intérêt que, suite à la médiation du gouvernement, Mme Popescu a été réintégrée à l'hôtel Intercontinental dans son poste précédent, et qu'en ce qui la concerne l'affaire est aujourd'hui close. Cette mesure positive est confirmée par la Confédération des syndicats indépendants (FRATIA).
- 550. Le comité note cependant que le gouvernement n'a fourni aucune information concernant le cas des autres employés qui, selon l'organisation plaignante, auraient été victimes eux aussi de transferts et autres mesures de discrimination antisyndicale. Il s'agit de Mmes Andrei et Nedelciu et de MM. Carianopol, Mihaescu, Porumb et Radulescu. Le comité note toutefois la déclaration du gouvernement selon laquelle le conseil d'administration de l'Intercontinental s'est engagé solennellement à respecter la protection des dirigeants syndicaux, indépendamment de leur option quant à l'affiliation à une organisation syndicale supérieure, et que le Parlement roumain doit adopter, dans un proche avenir, la loi sur les syndicats qui garantira une totale protection des dirigeants syndicaux.
- 551. Le comité rappelle l'importance d'assurer à tous les travailleurs couverts par la convention no 98, et pas uniquement aux dirigeants syndicaux, une protection adéquate contre les actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi. L'article 1 de la convention no 98 précise, à cet égard, que la protection doit notamment s'appliquer aux actes ayant pour but: a) de subordonner l'emploi d'un travailleur à la condition qu'il ne s'affilie pas à un syndicat ou cesse de faire partie d'un syndicat; b) de congédier un travailleur ou lui porter préjudice par tout autre moyen, en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales en dehors des heures de travail, ou avec le consentement de l'employeur durant les heures de travail. Le comité exprime l'espoir que la législation syndicale à venir sera conforme à ces principes et qu'elle sera pleinement appliquée en pratique.
- 552. Le comité note par ailleurs, d'après les informations fournies par l'organisation plaignante, qu'une autre des raisons qui aurait conduit la direction de l'Intercontinental à prendre des mesures discriminatoires serait l'action des dirigeants du Syndicat libre et indépendant entreprise en vue de modifier les conditions d'emploi des employés concernés. Le gouvernement signale à cet égard que le conseil d'administration de l'Intercontinental a coopéré avec le syndicat indépendant pour trouver une solution au conflit, mais qu'en l'absence de bases légales il est impossible de répondre aux revendications du syndicat.
- 553. Le comité attire l'attention du gouvernement sur le fait que l'objectif essentiel des organisations syndicales est de défendre les intérêts économiques et professionnels de leurs membres. Afin que ces objectifs puissent être atteints et que des relations professionnelles harmonieuses puissent s'instaurer, il conviendrait que des mesures soient prises afin d'encourager et de promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de convention collective entre partenaires sociaux, et que ceux-ci y participent de bonne foi.
- 554. Tout en notant que le gouvernement s'est engagé dans une procédure de médiation entre les deux parties, le comité veut croire que les négociations entre le conseil d'administration de l'Intercontinental et le syndicat indépendant pourront reprendre afin de régler par ce moyen les conditions d'emploi et de salaire des employés concernés.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 555. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le conseil d'administration à approuver les conclusions suivantes:
- a) Le comité note avec intérêt que, suite à la médiation du gouvernement, Mme Popescu a été réintégrée dans son ancien poste à l'hôtel Intercontinental et que son cas est aujourd'hui réglé.
- b) Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas fourni d'informations concernant les autres cas de transferts pour activités syndicales, allégués par l'organisation plaignante, concernant Mmes Andrei et Nedelciu et MM. Carianopol, Mihaescu, Porumb et Radulescu; le comité demande au gouvernement de fournir des informations à cet égard.
- c) Le comité demande au gouvernement de garantir à tous les travailleurs couverts par la convention no 98, et non uniquement aux dirigeants syndicaux, une protection adéquate contre les actes de discrimination antisyndicale, tant à l'embauche qu'en cours d'emploi, assortie de sanctions suffisamment efficaces et dissuasives. A cet égard, le comité note que la loi sur les syndicats doit être adoptée dans un proche avenir et qu'elle contient, selon le gouvernement, des dispositions à cet égard. Le comité exprime l'espoir que cette législation sera conforme aux principes de la liberté syndicale et qu'elle sera pleinement appliquée en pratique. Le comité attire également l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur cet aspect de ce cas.
- d) Le comité attire l'attention du gouvernement sur la nécessité d'assurer une protection adéquate contre les actes d'ingérence d'employeurs dans les organisations de travailleurs. Il demande au gouvernement d'indiquer les mesures prises à l'hôtel Intercontinental pour assurer le respect de ces droits.
- e) Le comité demande au gouvernement de fournir des informations concernant le déroulement des négociations entre la direction de l'Intercontinental et le Syndicat libre et indépendant affilié à la Confédération des syndicats indépendants (FRATIA).