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- 564. L'Union nationale des syndicats indépendants (UNSI) a porté plainte en violation des droits syndicaux en Belgique dans une communication du 18 juin 1983. L'organisation plaignante a envoyé des informations complémentaires dans une communication du 13 décembre 1983. Elle avait, de plus, envoyé une communication télégraphique au Président du Conseil d'administration du BIT lors de la 70e session de la Conférence internationale du Travail le 19 juin 1984. Enfin, elle a envoyé de nouvelles allégations dans une communication du 8 novembre 1984.
- 565. Le gouvernement avait communiqué des informations très détaillées par des lettres les 2 et 11 mai 1984. Par la suite, dans des communications d'octobre 1984 et d'avril 1985, il avait demandé au comité le report de cette affaire pour le motif que les décisions concernant le renouvellement des mandats du Conseil national du travail devaient être prises plus tard.
- 566. A sa réunion de novembre 1984, le Comité de la liberté syndicale avait décidé d'ajourner l'examen de cette affaire, comme indiqué au paragraphe 6 du 236e rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa 228e session (Genève, 12-16 novembre 1984). Aucune réponse n'ayant été fournie par le gouvernement, le comité avait à nouveau ajourné l'examen de l'affaire en février puis en mai 1985. (Voir 238e rapport, paragr. 5, et 239e rapport, paragr. 10.) Toutefois, compte tenu du temps écoulé depuis le dépôt de la plainte, le comité avait signalé au gouvernement au mois de mai 1985 qu'il serait tenu d'examiner l'affaire quant au fond à sa session de novembre 1985 même en l'absence d'une réponse détaillée de sa part. Depuis lors, le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 24 septembre 1985.
- 567. La Belgique a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 568. L'Union nationale des syndicats indépendants (UNSI), dans sa communication du 18 juin 1983, avait allégué que le gouvernement de la Belgique accordait aux syndicats politiquement orientés des pouvoirs de monopole et s'efforçait de paralyser les organisations syndicales indépendantes. Celles-ci s'étaient donc décidées à s'unir dans l'Union nationale des syndicats indépendants fondée en octobre 1982. Cette union regroupait neuf syndicats: 1) le Cartel des syndicats indépendants; 2) le Syndicat uni du personnel des finances; 3) l'Union générale belge des représentants de commerce; 4) l'Association générale des syndicats flamands; 5) l'Union générale des enseignants; 6) la Confédération nationale des cadres; 7) le Syndicat général indépendant; 8) l'Union nationale de la police belge; 9) le Syndicat indépendant des cheminots.
- 569. L'UNSI portait plainte en violation des conventions nos 87 et 98 contre le gouvernement de la Belgique, tant pour le secteur public que pour le secteur privé.
- 570. En ce qui concernait le secteur privé, l'organisation plaignante estimait, d'une part, que le gouvernement refusait de permettre à ses représentants de siéger au Conseil national du travail et, d'autre part, que les primes syndicales versées dans ce secteur constituaient un moyen de pression pour inciter les travailleurs à faire partie des syndicats proches du gouvernement, étant donné que, dans de nombreux cas, elles dépassent les 50 pour cent de la cotisation syndicale.
- 571. L'organisation plaignante avait expliqué que la vie syndicale dans le secteur privé était entièrement dominée par le Conseil national du travail, puisque ceux qui siégeaient en son sein obtenaient le statut d'organisation la plus représentative. Ils pouvaient alors participer aux élections syndicales et à la concertation paritaire et ils pouvaient aussi verser des allocations de chômage et obtenir des subventions et le droit aux primes syndicales pour leurs membres affiliés. L'accès à ce conseil qui est régi par la loi du 29 mai 1952 impliquait de ne satisfaire qu'à deux critères, à savoir être structuré au niveau national et être interprofessionnel, et l'organisation plaignante estimait être en droit à ces deux titres d'y siéger.
- 572. L'UNSI avait indiqué que, compte tenu de ce que la loi prévoyait un maximum de 24 sièges au Conseil national du travail et que 22 sièges seulement avaient été attribués en date du 25 novembre 1980 (comme il ressortait de l'arrêté royal du 10 novembre 1980), elle avait introduit une demande auprès du ministre de l'Emploi et du Travail en se basant sur le fait qu'il était possible d'octroyer par arrêté royal les deux sièges restants. Cette demande avait été refusée pour le motif que les mandats en cours devaient être renouvelés en décembre 1984.
- 573. En outre, d'après l'UNSI, les autorités belges ne se conformaient pas au principe consacré par le Comité de la liberté syndicale selon lequel, en favorisant ou en défavorisant une organisation par rapport aux autres, un gouvernement pouvait influencer directement ou indirectement le choix des travailleurs en ce qui concernait l'organisation à laquelle ils entendaient appartenir, tant il était vrai que ces derniers risquaient d'être enclins à adhérer au syndicat le plus apte à les servir, alors que, pour des raisons d'ordre professionnel, confessionnel, politique ou autre, leurs préférences les eussent portés à s'affilier à une autre organisation. Or la liberté de choix des intéressés en la matière constituait un droit expressément consacré par la convention no 87.
- 574. D'après l'organisation plaignante, le système des primes syndicales dans le secteur privé aurait été réellement un moyen de pression car, dans de nombreux cas, ces primes auraient dépassé 50 pour cent de la cotisation syndicale; en conséquence, ce système aurait été en contradiction avec les recommandations du comité dans le cas no 981, où le comité avait attiré l'attention du gouvernement sur l'importance qui s'attachait à ce que tout avantage octroyé par la loi aux travailleurs qui adhéraient à un syndicat déterminé ne dépassait pas un niveau symbolique afin d'assurer qu'en aucun cas un avantage puisse être de nature à influencer indûment le choix des travailleurs, en ce qui concernait l'organisation à laquelle ils entendaient appartenir.
- 575. Pour le secteur public, l'organisation plaignante avait rappelé qu'en application de la loi du 19 décembre 1974, organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités, ce secteur était également subordonné à la représentation au sein du Conseil national du travail. Selon l'organisation plaignante, cette loi contre laquelle des plaintes avaient déjà été formulées (cas nos 655 et 981) n'était toujours pas appliquée à cause de la résistance des syndicats politiques à accepter le système du comptage. Le Cartel des syndicats indépendants lui-même avait d'ailleurs également contesté le système de comptage.
- 576. Or un projet de loi no 371 qui visait à modifier la loi du 19 décembre 1974, organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités, avait été introduit. Il privait les organisations syndicales qui n'appartenaient pas au Conseil national du travail de toute possibilité de participer aux trois comités généraux de négociation alors qu'antérieurement une telle impossibilité n'existait que pour le comité le plus élevé, c'est-à-dire le comité commun à l'ensemble des services publics.
- 577. L'UNSI avait considéré que ce projet démontrait ainsi la volonté du gouvernement belge de paralyser le fonctionnement d'un syndicat indépendant, contrairement à un avis antérieur du Comité de la liberté syndicale émis dans le cas no 655 (voir 143e rapport, paragr. 42), où le comité avait estimé que le système mis en place par la loi du 19 décembre 1974 risquait d'avoir comme conséquence que les organisations suffisamment représentatives et même l'organisation la plus représentative du secteur public pourraient être écartées des comités généraux de négociation, pour ne pas remplir la condition d'être affiliées à une organisation syndicale représentée au Conseil national du travail qui, pourtant, n'était pas compétent pour les questions du secteur public.
- 578. L'organisation plaignante avait critiqué également le fait que, selon des statistiques officielles relatives à la prime syndicale dans le secteur public, les trois syndicats considérés comme les plus représentatifs n'auraient représenté environ que 30 pour cent du personnel de ce secteur. D'ailleurs, selon elle, la loi du 19 décembre 1974 ne serait pas appliquée, étant donné que les trois syndicats politiques reconnus n'accepteraient pas que le nombre de leurs adhérents soit comptabilisé. En conséquence, la loi du 1er septembre 1980 concernant le paiement d'une prime syndicale par les services publics ne serait pas appliquée non plus, de telle sorte que les paiements y relatifs seraient encore effectués en vertu de dispositions transitoires.
- 579. Par ailleurs, selon l'organisation plaignante, le projet de loi no 371 plus encore que la loi de 1974 priverait les organisations non membres du Conseil national du travail de leur moyen d'action. Les organisations se verraient refuser l'accès à tous les organes où des décisions importantes sont prises. En outre, les articles 16 et 17 de la loi du 19 décembre 1974 établiraient un régime discriminatoire au désavantage des organisations syndicales non affiliées à une organisation syndicale représentée au Conseil national du travail en ce qui concerne l'exercice des droits les plus élémentaires en matière de liberté d'association; ainsi, elles ne pourraient ni tenir de réunions, ni percevoir des cotisations syndicales dans les locaux de service, pendant les heures de service, ni contrôler des examens.
- 580. En conclusion, l'organisation plaignante avait affirmé qu'aucun critère objectif et bien défini n'était appliqué pour la reconnaissance d'un syndicat indépendant; que cette reconnaissance dépendait uniquement du bon vouloir politique du gouvernement, c'est-à-dire du ministre de l'Emploi et du Travail; et que le gouvernement belge ne désirait accepter que des syndicats politiquement orientés. Elle avait regretté que l'union de tous les syndicats indépendants, tant du secteur public que du secteur privé dans une centrale, l'Union nationale des syndicats indépendants, n'ait pas eu l'influence escomptée sur l'évolution de la situation syndicale, alors que les organisations syndicales indépendantes s'étaient efforcées de se conformer au souhait du gouvernement qui ne voulait négocier qu'avec des organisations syndicales interprofessionnelles.
- 581. Dans une communication ultérieure du 13 décembre 1983, l'organisation plaignante avait ajouté que le ministre des Postes et Télécommunications aurait le 28 octobre 1983 décidé de priver la Fédération postale (POSTBOND), organisation syndicale qui représentait des travailleurs de ce secteur au sein du conseil d'administration du service social de la Régie des postes, de son droit de représentation à partir du 1er janvier 1984, en faveur d'un syndicat libéral qui ne serait pas représentatif.
- 582. De plus, dans une communication du 8 novembre 1984, l'UNSI avait indiqué que des mesures d'exécution de la loi du 19 décembre 1974 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents de ces autorités avaient été adoptées dans l'arrêté royal du 28 septembre 1984 publié dans le Moniteur belge no 205 du 20 octobre 1984.
- 583. Selon l'UNSI, à l'étude de ce texte il apparaîtrait clairement:
- 1) en ce qui concernait les trois comités supérieurs, que seuls les syndicats occupant au moins un siège au Conseil national du travail pouvaient y accéder. Les autres organistions ne pouvaient obtenir qu'un siège dans les comités de secteurs ou spéciaux. Ces comités n'avaient qu'une importance très limitée étant donné que les grandes décisions concernant le personnel étaient négociées dans les trois comités supérieurs;
- 2) en ce qui concernait le comptage des membres, que celui-ci ne semblait pas obligatoire étant donné qu'il devait être requis par le président du comité - généralement le ministre.
- 584. En outre, l'UNSI avait fait remarquer que son secteur, représentant les cheminots, était dans l'impossibilité de défendre efficacement ses membres étant donné que la réglementation syndicale de la Société nationale des chemins de fer belges n'accordait ce droit qu'aux seules organisations représentées au Conseil national du travail et que le ministre de l'Emploi et du Travail n'était pas disposé à lui accorder un siège du Conseil national du travail.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 585. Dans sa communication du 2 mai 1984, le gouvernement confirmait, à propos de son refus de permettre aux représentants de l'organisation plaignante de siéger au Conseil national du travail, qu'au cours du premier trimestre de l'année 1983 l'UNSI avait introduit auprès du ministre de l'Emploi et du Travail une demande pour être représentée au Conseil national du travail. Le 5 mai 1983, l'administration générale du service des relations collectives de travail du ministère de l'Emploi et du Travail avait fait savoir au Secrétaire général de l'UNSI que sa demande de représentation au Conseil national du travail était prématurée, étant donné que la composition du Conseil national du travail ne pouvait être modifiée avant le 12 décembre 1984, date du renouvellement des membres du conseil. De plus, par lettre du 26 septembre 1983 adressée au Vice-président de l'UNSI, le ministre de l'Emploi et du Travail avait confirmé que la demande de représentation de cette organisation syndicale au Conseil national du travail serait examinée lors du renouvellement des mandats du conseil, pour lequel la procédure devait être entamée en juin 1984.
- 586. Le gouvernement expliquait que l'article 2, paragraphe 2, de la loi du 29 mai 1952 organique du Conseil national du travail était libellé comme suit:
- Les membres effectifs sont nommés par le Roi. Ils comprennent des représentants en nombre égal des organisations les plus représentatives des employeurs et des organisations les plus représentatives des travailleurs ...
- Les membres représentant les organisations les plus représentatives des travailleurs sont choisis parmi les candidats présentés sur une liste double par les organisations interprofessionnelles fédérées sur le plan national. Il indiquait aussi que l'article 5 de cette même loi du 29 mai 1952 disposait que la nomination des membres du Conseil national du travail était valable pour une période de quatre ans et que les membres siégeant alors au Conseil national du travail avaient été nommés par arrêté royal du 10 novembre 1980, avec effet au 12 décembre 1980. Le renouvellement des mandats de membres du Conseil national du travail devait avoir lieu le 12 décembre 1984.
- 587. Il confirmait que seulement 22 mandats avaient été attribués sur les 24 prévus par la réglementation en la matière; cependant, l'octroi des deux mandats disponibles ne pouvait se faire que dans le respect de la parité entre les délégués des organisations d'employeurs et les délégués des organisations de travailleurs ainsi que l'exigeait l'article 2, paragraphe 2, de la loi du 29 mai 1952 précité. Selon le gouvernement, avant de permettre à une organisation de travailleurs d'être représentée au Conseil national du travail, il était indispensable, non seulement de mener une enquête sur la représentativité de cette organisation mais aussi, compte tenu du principe de la parité au sein du Conseil national du travail et du nécessaire équilibre à atteindre entre les différentes représentations, de mener une nouvelle étude concernant la représentativité de toutes les organisations d'employeurs et de travailleurs. Aussi le ministre de l'Emploi et du Travail avait estimé, à juste titre, que l'ampleur d'une telle étude justifiait qu'elle soit faite dans le cadre de la procédure de renouvellement normal du mandat des membres du conseil. Il avait donc communiqué à l'UNSI son intention d'examiner la demande de cette organisation dès juin 1984.
- 588. Quant au système des primes syndicales, le gouvernement déclarait que le principe et les conditions de l'octroi d'une prime syndicale ou de tout autre avantage aux travailleurs syndiqués relevaient, dans le secteur privé, de la concertation et de la négociation collectives. Il n'existait ni loi, ni règlement déterminant les principes de cette matière. Une ou plusieurs organisations syndicales pouvaient conclure avec les représentants des employeurs ou avec un employeur déterminé une convention collective de travail, dont une des clauses pouvait prévoir l'octroi d'une prime syndicale aux seuls travailleurs membres des organisations qui avaient conclu la convention. Cette clause qui consacrait une obligation imposée à l'employeur était la contrepartie de l'obligation pour les organisations syndicales signataires de sauvegarder la paix sociale au niveau du secteur d'activité ou de l'entreprise. L'intervention de l'autorité publique était, en cette matière, extrêmement réduite. Elle se limitait à accepter le dépôt d'une convention collective de travail au greffe du service des relations collectives de travail du ministère de l'Emploi et du Travail, et à accepter de rendre obligatoire par voie d'arrêté royal le texte d'une convention collective de travail conclue au sein d'un organe paritaire.
- 589. Le gouvernement contestait l'argument de l'organisation plaignante, notamment lorsqu'elle invoquait les recommandations du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 981. D'après le gouvernement, la loi belge n'accordait aucun avantage particulier aux travailleurs d'un syndicat déterminé. Les arrêtés royaux rendant obligatoires les conventions collectives de travail étaient soumis au contrôle de la légalité exercé par les cours et tribunaux de l'ordre judiciaire et à la censure d'annulation éventuelle du Conseil d'Etat. En outre les conventions collectives de travail non rendues obligatoires pouvaient également être contestées devant les cours et tribunaux de l'ordre judiciaire.
- 590. Le gouvernement expliquait que la jurisprudence belge s'était prononcée, à plusieurs reprises, en faveur de la légalité du système des avantages réservés aux travailleurs syndiqués ou aux membres de certains syndicats, et que les juridictions judiciaires et administratives avaient précisé les conditions dans lesquelles la légalité de tels avantages pouvait être admise. Ces conditions pouvaient être résumées comme suit: les avantages octroyés devaient être proportionnels aux charges supportées par les travailleurs syndiqués. Le montant des avantages ne pouvait en aucun cas dépasser celui des charges supportées par le travailleur en tant que membre du syndicat (c'est-à-dire les cotisations annuelles payées par les membres à leur organisation). L'octroi d'avantages aux seuls travailleurs syndiqués ne pouvait pas porter atteinte aux droits acquis par tous les travailleurs. Il était interdit à l'employeur de réserver aux seuls syndiqués ce qui auparavant appartenait à l'ensemble des travailleurs. Les avantages devaient être la contrepartie de la participation des travailleurs membres des organisations signataires de la convention au développement de la vie socio-économique de l'entreprise ou du secteur, et ils avaient, en général, pour contrepartie l'engagement exprès ou tacite du syndicat de s'associer pour une période déterminée à une politique d'accroissement de la productivité ou à une politique de paix sociale.
- 591. Pour le gouvernement, le système des primes syndicales octroyées dans le respect des conditions qui avaient été précisées par la jurisprudence n'était donc pas contraire à l'article 20 de la Constitution belge qui proclamait la liberté d'association, ni aux dispositions de la loi du 24 mai 1921 qui garantissait cette liberté d'association puisqu'elle protégeait le droit de chacun de faire partie ou de ne pas faire partie d'une association déterminée.
- 592. Le gouvernement avait rappelé que le Comité de la liberté syndicale avait toujours admis que le principe du libre choix ne s'opposait pas à ce qu'une distinction soit faite entre le syndicat le plus représentatif et les autres syndicats, ni à ce que des droits spéciaux soient reconnus au syndicat majoritaire, à condition que cette distinction soit établie à partir de critères objectifs. D'après le gouvernement, les organisations syndicales qui siégeaient au sein d'une commission paritaire étaient les organisations de travailleurs qui, sur la base des critères objectifs déterminés par la loi belge, avaient été reconnues comme les plus représentatives du secteur d'activité concerné. Il s'en suivait que le critère de la représentativité permettait au système des primes syndicales de remplir l'une des conditions dont la jurisprudence belge avait fait dépendre la légalité de ce système, à savoir que la prime syndicale était la contrepartie de l'obligation de veiller à l'accroissement de la productivité ou au maintien de la paix sociale, étant donné que seules les organisations représentatives des travailleurs étaient capables de réaliser les objectifs de productivité et de paix sociale au niveau du secteur d'activité.
- 593. En ce qui concernait le secteur public, à propos de l'allégation selon laquelle le projet de loi no 371 était de nature à priver les organisations syndicales qui n'appartenaient pas au Conseil national du travail de toute possibilité de participer aux trois comités généraux de négociation alors qu'auparavant ces organisations n'étaient exclues que du comité le plus élevé, c'est-à-dire du comité commun à l'ensemble des services publics, le gouvernement précisait que le projet no 371 était devenu loi du 19 juillet 1983. Il expliquait que ce texte visait à adapter la loi du 19 décembre 1974 aux nouvelles structures de l'Etat telles qu'elles résultaient de la révision constitutionnelle de 1980, et aménageait des dispositions à propos desquelles certaines difficultés d'application étaient apparues.
- 594. Ainsi, l'article 7 de la loi du 19 décembre 1974 qui définissait les conditions de représentativité des organisations syndicales siégeant dans les comités généraux de négociation avait été modifié. L'ancien article 7 disposait:
- Article 7
- Paragr. 1er. Est considérée comme représentative pour siéger dans le comité commun à l'ensemble des services publics, visé à l'article 3, paragr. 1er, 3, toute organisation syndicale qui:
- 1 exerce son activité sur le plan national;
- 2 défend les intérêts de toutes les catégories du personnel des services publics;
- 3 est affiliée à une organisation syndicale représentée au Conseil national du travail.
- Paragr. 2. Est considérée comme représentative pour siéger dans le comité des services publics nationaux visé à l'article 3, paragr. 1er, 1, toute organisation syndicale qui, à la fois:
- 1 répond aux conditions fixées au paragr. 1er;
- 2 compte un nombre d'affiliés cotisants représentant au moins 10 pour cent de l'effectif occupé dans l'ensemble des services publics visés à l'article 1er, paragr. 1er, 18 et 28, aux membres du personnel desquels la présente loi a été rendue applicable.
- Paragr. 3. Est considérée comme représentative pour siéger dans le comité des services publics provinciaux et locaux visé à l'article 3, paragr. 1er, 2, toute organisation syndicale qui, à la fois:
- 1 répond aux conditions fixées au paragr. 1er;
- 2 compte un nombre d'affiliés cotisants représentant au moins 10 pour cent de l'effectif occupé dans l'ensemble des services publics visés a l'article 1er, paragr. 1er, 3, 4 et 5, aux membres du personnel desquels la présente loi a été rendue applicable.
- Le nouvel article 7 disposait désormais:
- Article 7
- Est considérée comme représentative pour siéger dans le comité commun à l'ensemble des services publics, dans le comité des services publics nationaux, communautaires et régionaux, ainsi que dans le comité des services publics provinciaux et locaux, toute organisation syndicale qui:
- 1 exerce son activité sur le plan national;
- 2 défend les intérêts de toutes les catégories du personnel des public services;
- 3 est affiliée à une organisation syndicale représentée au Conseil national du travail.
- En conséquence, expliquait le gouvernement, les conditions de représentativité étaient uniformisées, puisque la condition portant sur un nombre minimal d'affiliés cotisants n'était plus requise pour que l'organisation soit considérée comme représentative pour siéger dans le comité des services publics nationaux, communautaires et régionaux (anciennement "comité des services publics nationaux"), et dans le comité des services publics provinciaux et locaux, de sorte que les conditions d'accès à ces comités étaient désormais plus aisées à réunir.
- 595. Le gouvernement estimait que l'affirmation de l'organisation plaignante selon laquelle les organisations qui n'appartenaient pas au Conseil national du travail n'avaient plus aucune possibilité de siéger dans les trois comités généraux de négociation, alors qu'auparavant il n'en était ainsi que pour le comité commun à l'ensemble des services publics, devait être considérée comme dépourvue de fondement, d'une part, parce que l'uniformisation des conditions avait abouti à rendre plus aisé l'accès aux deux autres comités, d'autre part, parce que ces conditions (exercer son activité sur le plan national, défendre les intérêts de toutes les catégories du personnel des services publics, être affilié à une organisation syndicale représentée au Conseil national du travail) étaient déjà exigées dans le texte original de la loi du 19 décembre 1974, pour l'accès, tant au comité commun à l'ensemble des services publics (art. 7, paragr. 1er, ancien) qu'au comité des services publics nationaux (art. 7, paragr. 2, 1, ancien) et qu'au comité des services publics provinciaux et locaux (art. 7, paragr. 3, 1, ancien).
- 596. Le gouvernement précisait que, dès lors qu'aucune condition d'accès aux comités généraux n'avait été ajoutée par la nouvelle loi, le grief formulé par l'organisation plaignante devait s'interpréter comme visant les trois conditions rappelées plus haut (qui existaient avant l'entrée en vigueur de la loi du 19 juillet 1983 et qui avaient été maintenues en vigueur par celle-ci), en particulier celle relative à l'affiliation à une organisation syndicale représentée au Conseil national du travail. Le gouvernement indiquait que cette condition avait déjà été soumise à l'examen du Comité de la liberté syndicale, dans le cas no 655 et qu'à l'époque le comité avait relevé que le gouvernement avait fait observer "... que la nécessité d'être affilié à une organisation syndicale représentée au Conseil national du travail pour pouvoir siéger dans les comités généraux de négociation vise à éviter d'accorder une priorité à des organisations du personnel des services publics qui peuvent avoir tendance à ne se préoccuper que de leurs intérêts propres, sans tenir compte de ceux de l'ensemble des travailleurs salariés et de la solidarité à respecter vis-à-vis de ces derniers" et "... que la multiplicité des syndicats belges du secteur public rendait un choix nécessaire dans les domaines de la négociation et de la consultation". Selon le gouvernement, le comité avait recommandé que ce choix reste fondé sur une appréciation de la représentativité déterminée objectivement, ce qui, avait-il affirmé, restait le cas et il réfutait l'allégation selon laquelle le texte critiqué par l'organisation plaignante aurait démontré la volonté du gouvernement de paralyser le fonctionnement d'un syndicat indépendant, négligeant ainsi un avis antérieur du BIT.
- 597. Selon le gouvernement sur ce point, il avait été établi que la loi nouvelle avait un caractère essentiellement technique, et que l'adaptation par celle-ci de l'article 7 de la loi du 19 décembre 1974, relatif aux conditions de représentativité exigées pour siéger dans les comités généraux de négociation, avait eu pour effet de réduire les exigences formulées par la loi, par le biais de leur uniformisation. Le gouvernement estimait que l'allégation était dépourvue de fondement: 1) D'une part, parce que la possibilité était offerte aux syndicats indépendants de siéger dans les différents comités de négociation et de concertation visés aux articles 3, 4 et 10 de la loi du 19 décembre 1974, en réunissant les conditions de représentativité visées aux articles 7 et 8 de la loi. S'il était exact que l'organisation plaignante n'était pas actuellement affiliée à une organisation syndicale représentée au Conseil national du travail et ne pouvait, dès lors, être considérée comme représentative pour siéger dans les comités généraux de négociation (art. 7 de la loi du 19 décembre 1974), il n'en demeurait pas moins qu'elle aurait, dès la prochaine mise en vigueur de ladite loi, la possibilité d'établir qu'elle comptait le plus grand nombre d'affiliés cotisants parmi les organisations syndicales autres que celles affiliées à une organisation syndicale représentée au Conseil national du travail. Ce nombre, qui représente au moins 10 pour cent de l'effectif des services relevant d'un comité de secteur ou d'un comité particulier visé à l'article 4 de la loi, lui permettra ainsi de siéger au sein de ces comités (art. 8 de la loi). 2) D'autre part, parce que le Comité de la liberté syndicale avait admis dans le cas no 655 (voir 158e rapport, paragr. 57) que le fait qu'une organisation syndicale ne soit pas admise à siéger dans des instances paritaires (en l'espèce, les commissions paritaires) n'impliquait pas nécessairement qu'il y ait atteinte aux droits syndicaux de cette organisation pour autant que deux conditions étaient remplies. La première était la détermination objective du caractère représentatif ou non représentatif de l'organisation intéressée, pour siéger dans une telle instance. Cette question avait déjà été soumise à l'examen du Comité de la liberté syndicale. Le gouvernement avait fait observer à l'époque, dans le cadre du cas no 655 (voir 158e rapport, paragr. 66), que des critères objectifs et préfixés étaient applicables aux syndicats en vertu des articles 7 et 8 de la loi. La seconde était la garantie accordée aux organisations syndicales jugées non représentatives de pouvoir assurer la promotion et la défense des intérêts de leurs membres, au sens de l'article 10 de la convention no 87, par le biais des activités qu'elles pouvaient déployer par ailleurs et des autres droits dont elles jouissaient. Cette garantie, indépendante de toute condition de représentativité, résultait du régime d'agréation organisé par l'article 15 de la loi du 19 décembre 1974. Cette agréation était acquise à l'organisation intéressée dès lors qu'elle faisait parvenir une copie de ses statuts et de la liste de ses dirigeants à l'autorité, laquelle était investie, à cet égard, d'une compétence liée. L'agréation conférait à l'organisation intéressée les prérogatives visées à l'article 16 de la loi du 19 décembre 1974 (intervention auprès des autorités dans l'intérêt des agents, assistance individuelle d'un agent appelé à justifier ses actes, affichage d'avis dans les locaux des services et possibilité d'être documentée en matière de gestion du personnel).
- 598. Le gouvernement réfutait également l'allégation selon laquelle les articles 16 et 17 de la loi du 19 décembre 1974 auraient établi un régime discriminatoire à l'encontre des organisations syndicales non représentées au Conseil national du travail, en ce qui concerne l'exercice des droits les plus élémentaires en matière de liberté syndicale, à savoir l'impossibilité pour l'organisation plaignante de tenir des réunions dans les locaux de service et d'y percevoir des cotisations syndicales ainsi que de contrôler les examens.
- 599. Le gouvernement indiquait que les articles 16 et 17 avaient la teneur suivante:
- Article 16
- Les organisations syndicales agréées peuvent, aux conditions fixées par le Roi:
- 1 intervenir auprès des autorités dans l'intérêt collectif du personnel qu'elles représentent ou dans l'intérêt particulier d'un agent;
- 2 assister à sa demande un agent appelé à justifier ses actes devant l'autorité administrative;
- 3 afficher des avis dans les locaux des services;
- 4 recevoir la documentation de caractère général concernant la gestion du personnel qu'elles représentent.
- Article 17
- Aux conditions fixées par le Roi et sans préjudice des autres prérogatives que la présente loi leur confère, les organisations syndicales représentatives peuvent:
- 1 exercer les prérogatives des organisations syndicales agréées;
- 2 percevoir les cotisations syndicales dans les locaux pendant les heures de service;
- 3 assister aux concours et examens organisés pour les agents sans préjudice des prérogatives des jurys;
- 4 organiser des réunions dans les locaux.
- 600. Le gouvernement expliquait que les articles 16 et 17 de la loi réservaient aux organisations syndicales des prérogatives qui étaient différentes selon qu'elles étaient agréées ou considérées comme représentatives, mais qu'il convenait de relever que cela ne suffisait pas pour créer un régime discriminatoire à l'égard des premières, dès lors que le Comité de la liberté syndicale avait admis (cas no 655, paragr. 57) que certains avantages, notamment en matière de représentation, pouvaient, sous certaines conditions, être accordés aux syndicats en raison de leur degré de représentativité. Ainsi, selon le gouvernement, la non-reconnaissance de certaines prérogatives aux organisations syndicales qui n'étaient pas considérées comme représentatives au sens de la loi du 19 décembre 1974 devait être considérée comme justifiée.
- 601. Le gouvernement contestait l'allégation selon laquelle, d'après des statistiques officielles sur les primes syndicales versées dans le secteur public, les trois syndicats considérés comme les plus représentatifs ne représenteraient qu'environ 30 pour cent du personnel de ce secteur. Il avait indiqué que le Premier ministre lui-même avait déclaré que 620.391 primes avaient été payées pendant les années de référence 1977 et 1978. Or il avait été établi que le nombre total des membres du personnel auxquels la loi relative à la prime syndicale était applicable était égal, pour les années de référence 1977 et 1978 cumulées, à 1.336.610. D'après le gouvernement, le pourcentage des membres du personnel à qui une prime syndicale avait été payée était de 46,42 pour cent. Cependant, ce pourcentage, qui ne correspondait pas à celui indiqué par l'organisation plaignante, ne devait pas pour autant être considéré comme représentatif du taux de syndicalisation dans les trois organisations syndicales considérées comme les plus représentatives: d'une part, parce que les données chiffrées afférentes aux périodes de référence postérieures n'étaient pas encore disponibles, mais qu'elles pourraient faire apparaître un pourcentage supérieur au pourcentage précité, eu égard à une modification de la réglementation relative à la prime syndicale ayant pour effet d'accroître le nombre de bénéficiaires (art. 4, paragr. 3, de l'arrêté royal du 30 septembre 1980, introduit par l'arrêté royal du 18 avril 1982); d'autre part, parce que de nombreux agents qui remplissaient les conditions légales et réglementaires pour l'obtention de ladite prime avaient préféré renoncer au bénéfice de celle-ci en s'abstenant de remplir le formulaire de demande auprès des organismes de paiement créés par les organisations syndicales intéressées. Selon le gouvernement, le pourcentage auquel l'organisation plaignante avait fait référence était donc erroné puisqu'il ne correspondait pas à celui qui, en matière de prime syndicale, avait été communiqué par le Premier ministre.
- 602. En ce qui concernait l'allégation selon laquelle les trois syndicats politiques reconnus refusaient d'être comptabilisés, le gouvernement précisait que la prochaine entrée en vigueur de l'arrêté royal d'exécution de la loi du 19 décembre 1974 devait avoir pour résultat de permettre la disparition du régime transitoire et la mise en place d'un régime organique en matière de prime syndicale.
- 603. Dans une communication ultérieure du 11 mai 1984, le gouvernement indiquait, en ce qui concernait la partie de la plainte relative à la représentation de la Fédération postale au sein du conseil d'administration du service social de la Régie des postes, que trois recours de cette fédération étaient en instance auprès du Conseil d'Etat de Belgique: une demande d'annulation de l'article 13 de l'arrêté royal no 182 du 30 décembre 1982, relatif aux mesures d'assainissement applicables à la régie des postes qui institue un collège de surveillance auprès de cette régie; une demande d'annulation de l'arrêté ministériel du 30 septembre 1983, instituant un comité de contact au siège de chaque région postale et auprès de l'administration générale et centrale de la régie des postes, et une demande d'annulation de l'arrêté ministériel du 28 octobre 1983, portant agréation de l'association objet de la plainte de l'Union nationale des syndicats indépendants, cette association poursuivant un but d'assistance sociale au personnel de la Régie des postes. Le gouvernement estimait qu'il devait attendre les résultats des recours internes avant de prendre position sur un recours international.
- 604. Dans sa communication du 12 octobre 1984, le gouvernement avait demandé le report de l'affaire pour le motif que les décisions concernant le renouvellement des mandats du Conseil national du travail devaient être prises à la fin de l'année. Il avait renouvelé sa demande de report à plusieurs reprises, et pour la dernière fois en mai 1985.
- 605. Depuis lors, le gouvernement a envoyé une réponse le 24 septembre 1985. Il indique que les mandats au sein du Conseil national du travail auraient dû être renouvelés en décembre 1984 mais que, quelques difficultés ayant surgi au sujet de leur répartition au sein du groupe des employeurs, ce n'est qu'au mois d'août 1985 qu'il a pu arrêter sa position. Par l'arrêté royal du 18 juillet 1985, il a porté de 22 à 24 le nombre des membres du Conseil national du travail, comme le permet la loi du 19 mai 1952, et, par l'arrêté royal du 26 juillet 1985, il a désigné huit représentants de la Fédération des entreprises de Belgique, trois représentants du Conseil supérieur des classes moyennes et un représentant d'une organisation professionnelle d'agriculteurs, au titre de délégués des associations d'employeurs, ainsi que six représentants de la Fédération générale du travail de Belgique, cinq représentants de la Confédération des syndicats chrétiens et un représentant de la Centrale générale des syndicats libéraux de Belgique au titre de délégués des associations des travailleurs.
- 606. Le gouvernement annonce qu'aucun siège n'a été attribué à l'Union des syndicats indépendants de Belgique (UNSI) étant donné que, selon lui, cette organisation ne peut actuellement être considérée comme une des organisations de travailleurs les plus représentatives puisque, d'après l'examen des documents introduits par l'organisation plaignante, les associations qui en font partie comptent en tout moins de 100.000 membres, dont une part très importante appartient au secteur public. De plus, il n'est pas démontré que le nombre des membres appartenant au secteur privé puisse justifier la reconnaissance de l'UNSI comme organisation de travailleurs parmi les plus représentatives pour le secteur privé: Certaines ventilations relatives au nombre d'affiliés ne font apparaître que 28.430 membres dans le secteur privé, et l'UNSI ne fournit aucun renseignement sur les 23.485 affiliés dont elle crédite en plus une de ses composantes, le Cartel des syndicats indépendants de Belgique. La demande d'explication complémentaire est restée sans réponse.
- 607. Le gouvernement rappelle que le législateur de 1952 n'a volontairement pas précisé de critère numérique de représentativité des organisations de travailleurs afin de ne pas limiter le pouvoir d'appréciation du Roi, Chef de l'exécutif, et il estime en conséquence qu'il n'est pas fondé de se référer à l'article 3 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives et les commissions qui exige notamment que les organisations de travailleurs comptent environ 50.000 affiliés. Ce critère n'est, selon le gouvernement, qu'un minimum absolu puisque le Conseil national du travail a forcément une sphère d'action plus vaste qu'une seule branche d'activité. Il rappelle que l'importance du nombre des affiliés n'est pas le seul critère qui doit guider le choix du gouvernement et que, d'après les travaux parlementaires de 1952, le législateur exige la stabilité d'une organisation pour être reconnue comme représentative, afin qu'elle soit en mesure de faire respecter les conventions qu'elle signe. Pour le gouvernement, l'Union nationale des syndicats indépendants n'ayant été créée que le 9 novembre 1982 n'a pas encore pu fournir la preuve de pareille stabilité.
- 608. Au sujet des conséquences de la non-participation au Conseil national du travail, le gouvernement explique que la conclusion d'une convention collective de travail, conformément à la loi du 5 décembre 1968, est réservée aux organisations représentatives. Ces conventions bénéficient de l'effet impératif et direct aux tiers. Cela ne signifie nullement que les autres organisations ne peuvent conclure de convention collective mais elles resteront limitées aux seules parties signataires, conformément au droit commun.
- 609. De même, ajoute le gouvernement, les avantages prévus par les conventions collectives au bénéfice des seuls travailleurs syndiqués ne peuvent être considérés comme contraires à la liberté syndicale, car elles restent à un niveau largement inférieur à ce que coûte l'affiliation à un syndicat, eu égard aux règles jurisprudentielles dégagées notamment par le Conseil d'Etat.
- 610. Le gouvernement veille d'ailleurs constamment à ce que les avantages restent liés à l'importance de la représentativité, comme le prouve la réforme que la loi du 22 janvier 1985 a apportée à propos des organisations pouvant présenter des candidats au sein du Collège électoral des cadres du conseil d'entreprise. La loi a prévu pour eux qu'outre les organisations professionnelles de cadres représentées au Conseil national du travail, les organisations spécifiques de cadres regroupant au moins 10.000 cadres et les listes individuelles de cadres soutenues par 10 pour cent d'électeurs seront admises à présenter des candidats. Cette décision illustre le souci du gouvernement de fonder les critères de représentativité en tenant compte des réalités concrètes, à l'exclusion de tout comportement discriminatoire.
- 611. En ce qui concerne les relations sociales dans le secteur public, le gouvernement annonce que la loi du 19 décembre 1974 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités a récemment été mise en vigueur par l'arrêté royal du 28 septembre 1984 en vertu duquel le régime des relations sociales dans le secteur public a subi certaines transformations.
- 612. Le gouvernement admet que l'UNSI n'est pas actuellement affiliée à une organisation syndicale représentée au Conseil national du travail et ne peut, dès lors, actuellement être considérée comme représentative pour siéger dans les comités généraux de négociation (art. 7 de la loi du 19 décembre 1974). Il ajoute qu'elle a toutefois la possibilité, en vertu de l'article 8, paragr. 1er, 2, et paragr. 2, 2, de la loi de 1974 et des articles 53 à 65 de l'arrêté royal du 28 septembre 1984 portant exécution de cette loi, d'être considérée comme représentative pour siéger dans les comités de secteurs et dans les comités particuliers.
- 613. Le gouvernement précise que l'UNSI a, à cet effet et en vertu de l'article 53 de l'arrêté royal du 28 septembre 1984, introduit sa candidature par lettres des 26 et 27 décembre 1984 adressées aux autorités compétentes, lesquelles ont immédiatement entrepris de vérifier si l'organisation candidate satisfaisait aux conditions prévues par la loi. Cet examen, mené conjointement avec celui demandé par d'autres organisations également candidates, est actuellement en cours.
- 614. Au sujet du régime d'agréation contenu dans les articles 15 et 16 de la loi du 19 décembre 1974 mise en vigueur par l'arrêté royal du 28 septembre 1984, la plaignante, comme les autres organisations syndicales, a, dès le 1er décembre 1984, demandé et obtenu son agréation. Elle exerce les prérogatives qui lui sont conférées par l'article 16 de la loi de 1974, et des cartes de légitimation ont été délivrées aux dirigeants syndicaux de l'UNSI.
- 615. Pour ce qui concerne la prime syndicale, explique le gouvernement, la loi du 19 décembre 1974 ayant récemment été mise en vigueur par l'arrêté royal du 28 septembre 1984, la non-exécution de la loi du 19 décembre 1974 à laquelle l'UNSI faisait allusion ne constituera plus un obstacle à l'application du régime organique de la loi sur la prime syndicale. Ce régime organique suppose néanmoins que soient au préalable déterminées, par le biais d'un comptage de leurs effectifs, les organisations syndicales considérées comme représentatives pour siéger dans les comités de secteurs et les comités particuliers prévus par cette loi. Les résultats de ce comptage ne peuvent être attendus que dans le courant de l'année 1985. C'est la raison pour laquelle la loi du 22 janvier 1985 a prolongé le régime transitoire de la loi sur la prime syndicale pour les années de référence 1983, 1984 et 1985; cette prolongation ne porte pas atteinte aux droits de l'UNSI. Si sa représentativité est établie en 1985, elle pourra bénéficier du régime des primes syndicales dès 1986.
- 616. Quant à la représentativité de l'UNSI - dans le secteur public, dans les comités de négociation créés par ou en vertu de la loi du 19 décembre 1974 -, l'examen de cette représentativité est en cours: il a été décidé le 13 mai 1985, en ce qui concerne les comités généraux de négociation (art. 7 de la loi de 1974), que, faute d'être affiliée à une organisation syndicale représentée au Conseil national du travail, la plaignante n'est pas considérée comme représentative pour siéger dans les comités généraux de négociation et en ce qui concerne les comités de secteurs (art. 8 de la loi de 1974), que l'UNSI réunit les conditions de représentativité pour présenter sa candidature.
- 617. Un contrôle des critères de représentativité est donc actuellement effectué par une commission indépendante, investie d'un pouvoir autonome de décision et composée de trois magistrats de l'ordre judiciaire. Ce contrôle a pour but de vérifier si l'UNSI comprend un nombre suffisant d'affiliés cotisants pour être considérée comme représentative pour siéger dans les différents comités de secteurs auxquels l'organisation plaignante a demandé accès. Le résultat est attendu avant la fin de l'année 1985; il suppose l'examen et la comparaison de listes de membres du personnel et de listes d'affiliés cotisants des organisations syndicales.
- 618. En conclusion, le gouvernement belge estime avoir fait droit à la demande de l'UNSI en ce qui concerne l'examen des conditions de représentativité et avoir mis tout en oeuvre pour que cet examen se déroule dans les conditions que suppose le respect de la liberté syndicale, en confiant ledit examen à une commission autonome composée de magistrats indépendants et évitant que les critères prévus ne portent atteinte aux droits des organisations syndicales.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 619. La présente plainte formulée par une organisation syndicale structurée aux niveaux interprofessionnel et national et qui se déclare représentative a trait aux difficultés qu'elle rencontre pour siéger au sein du Conseil national du travail. Elle porte aussi sur les entraves au fonctionnement et sur le traitement discriminatoire qui résulterait de sa non-participation au Conseil national du travail.
- 620. Sur la demande du gouvernement, le comité a ajourné cette affaire en novembre 1984, en février et en mai 1985.
- 621. Avant de se prononcer sur les problèmes posés dans ce cas et qui, à certains égards, ont déjà été évoqués en partie dans divers cas analogues présentés devant le Comité de la liberté syndicale, en particulier dans les cas no 281 (examiné dans les 69 et 93e rapports), no 376 (examiné dans le 92e rapport), no 655 (examiné dans les 130e, 143e et 158e rapports), no 918 (examiné dans le 197e rapport) et no 981 (examiné dans le 208e rapport), il convient de les situer dans le cadre des questions dont le comité a eu à s'occuper dans le passé en matière de représentativité syndicale.
- 622. D'une manière générale, le comité a admis que certains avantages pourraient être accordés aux syndicats en raison de leur degré de représentativité, mais il a considéré que l'intervention des pouvoirs publics en matière d'avantages ne devrait pas être de nature à influencer indûment le choix des travailleurs en ce qui concerne l'organisation à laquelle ils entendent appartenir. Le comité a estimé, d'autre part, que le fait qu'une organisation syndicale ne soit pas admise à siéger dans des commissions paritaires n'implique pas nécessairement qu'il y ait atteinte aux droits syndicaux de cette organisation pour autant que deux conditions soient remplies: il faut d'abord que la raison pour laquelle un syndicat est écarté de la participation à une commission paritaire réside dans son manque de représentativité déterminée objectivement; il faut ensuite que, malgré cette non-participation, les autres droits dont il jouit et les activités qu'il peut déployer par ailleurs lui permettent effectivement de "promouvoir et de défendre les intérêts" de ses membres, au sens où l'entend l'article 10 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. (Voir 143e rapport, cas no 655 (Belgique), paragr. 40.)
- 623. En ce qui concerne le système qui résulte de la législation en vigueur en Belgique, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a formulé des commentaires, depuis plusieurs années, sur les dispositions qui font obligation aux organisations professionnelles d'être représentées au Conseil national du travail, où ne siègent que des organisations interprofessionnelles fédérées sur le plan national (loi organique du 29 mai 1952), pour être considérées comme représentatives tant dans le secteur privé (loi du 5 décembre 1968) que dans le secteur public (loi du 19 décembre 1974) aux fins de siéger dans les commissions paritaires du secteur privé ou de participer aux travaux des comités généraux de négociation du secteur public.
- 624. En effet, la commission d'experts de même que le Comité de la liberté syndicale, dans le cas no 655 relatif à la Belgique (voir 143e rapport, paragr. 42), ont estimé que cette législation peut empêcher un syndicat qui serait le plus représentatif dans sa branche de participer à la négociation collective dans son secteur, et ils ont demandé au gouvernement de réexaminer les dispositions des lois de 1968 et de 1974 précitées et de communiquer des informations sur les développements intervenus.
- 625. Dans le cas d'espèce, l'organisation plaignante met en cause le refus du gouvernement de lui accorder l'accès au Conseil national du travail; les entraves qui en résultent sont l'impossibilité de participer aux élections syndicales, à la concertation paritaire du secteur privé, au versement des allocations de chômage et de percevoir des subventions; le traitement discriminatoire qui résulterait du versement aux travailleurs du secteur privé de primes syndicales d'un montant que l'organisation plaignante estime élevé et qui constitueraient un réel moyen de pression pour inciter les travailleurs à faire partie des syndicats proches du gouvernement. L'organisation plaignante se réfère aussi à l'impossibilité de participer aux comités généraux de négociation du secteur public qui résulterait d'une modification de la loi du 19 décembre 1974 introduite par une loi du 19 juillet 1983 alors qu'auparavant, selon elle, les organisations syndicales n'appartenant pas au Conseil national du travail n'étaient exclues que du comité le plus élevé. Elle critique le régime discriminatoire qui résulterait de la non-participation des organisations syndicales du secteur public au Conseil national du travail en vertu des articles 16 et 17 de la loi du 19 décembre 1974 en matière de réunion et de perception des cotisations syndicales dans les locaux de service et de contrôle des examens; le refus allégué des trois syndicats considérés par les pouvoirs publics comme les plus représentatifs d'accepter que le nombre de leurs adhérents soit comptabilisé alors qu'il ne représenterait que 30 pour cent du personnel du secteur public et, enfin, la décision unilatérale du ministre des Postes qui aurait écarté la fédération postale représentative des travailleurs du secteur au profit d'un syndicat libéral qui ne serait pas représentatif.
- 626. A propos du refus allégué du gouvernement d'accorder à l'organisation plaignante l'accès au Conseil national du travail alors que, depuis novembre 1980, deux sièges au sein dudit conseil étaient vacants, le comité a pris note des explications du gouvernement selon lesquelles la demande de l'organisation plaignante a été examinée lors du renouvellement des mandats du conseil, renouvellement qui est intervenu au mois d'août 1985. Le comité regrette ce retard puisque la demande de l'organisation plaignante a été introduite, au dire même du gouvernement, au cours du premier trimestre de l'année 1983.
- 627. Le comité observe, pour ce qui concerne la question des critères de représentativité contenus dans la législation belge, qu'en vertu de la loi du 29 mai 1952 (art. 2, paragr. 2) le Roi a le pouvoir de procéder à la nomination des membres du Conseil national du travail parmi les organisations interprofessionnelles fédérées sur le plan national et les plus représentatives. Le comité relève également que, lors de l'examen du cas no 918 relatif à la Belgique, le gouvernement avait cité parmi les critères de représentativité, outre ceux contenus dans la loi de 1952, l'article 3 de la loi du 5 décembre 1968 qui dispose que:
- ... sont considérées comme organisations représentatives des travailleurs et comme organisations représentatives des employeurs:
- 1. Les organisations interprofessionnelles de travailleurs et d'employeurs constituées sur le plan national et représentées au Conseil central de l'économie et au Conseil national du travail; les organisations de travailleurs doivent, en outre, compter au moins 50.000 membres. (Voir 197e rapport, paragr. 147.)
- 628. Dans le cas en question, le comité avait estimé que le minimum de 50. 0 00 membres exigé pour siéger au Conseil national du travail n'était pas excessif dans la mesure où il s'appliquait à une organisation professionnelle regroupant toutes les catégories de travailleurs et non à une seule d'entre elles. (Voir 197e rapport, cas no 918, paragr. 162.)
- 629. Le comité observe que le critère quantitatif de 50.000 membres adhérents n'a pas été retenu dans le présent cas. Si ce minimum avait été retenu, le comité aurait considéré qu'il n'était pas exagéré.
- 630. Dans le présent cas, le comité note que le gouvernement se contente d'indiquer qu'aucun siège n'a été attribué à l'UNSI parce que les associations qui en font partie comptent en tout moins de 100.000 membres, dont une part très importante appartient au secteur public, et il ajoute que le législateur exige d'une organisation, pour siéger au Conseil national du travail, qu'elle soit en mesure de faire respecter les conventions qu'elle signe, ce qui, au dire du gouvernement, n'est pas le cas de l'UNSI qui n'a été créée que le 9 novembre 1982 et qui n'a pu encore fournir la preuve de sa stabilité.
- 631. Le comité observe également que six sièges ont été attribués à la Fédération générale des travailleurs de Belgique, cinq à la Confédération des syndicats chrétiens et un à la Centrale générale des syndicats libéraux de Belgique.
- 632. Etant donné que le refus de siéger au Conseil national du travail entraîne pour l'UNSI l'impossibilité de siéger dans les comités généraux de négociation du secteur public, pour permettre au comité de se prononcer en pleine connaissance de cause sur ce refus, le comité demande au gouvernement d'indiquer quels sont les éléments objectifs sur lesquels il s'est prononcé pour refuser l'attribution de ce siège.
- 633. Au sujet des entraves au fonctionnement de l'organisation plaignante qui résulteraient de sa non-participation au Conseil national du travail et qui auraient pour résultat qu'elle ne pourrait pas participer aux élections syndicales et à la concertation paritaire, verser des allocations de chômage et obtenir des subventions, le comité note que, dans sa réponse du 24 septembre 1985, le gouvernement indique que si la convention collective de travail définie par la loi du 5 décembre 1968 est réservée aux organisations représentatives, c'est-à-dire représentées au Conseil national du travail, et a valeur impérative et directe à l'égard des tiers, cela n'empêche pas les autres organisations de conclure des conventions collectives mais elles resteront limitées aux seules parties signataires. Le gouvernement ne formule pas de commentaires à propos des élections syndicales, du versement des allocations de chômage et de l'obtention de subventions.
- 634. Sur ce point, le comité rappelle que, s'il a admis que certains avantages, notamment en matière de représentation, peuvent être accordés aux syndicats en raison de leur degré de représentativité, encore faut-il que la raison pour laquelle certains syndicats sont écartés de ces avantages réside dans leur manque de représentativité.
- 635. En ce qui concerne le traitement discriminatoire qui résulterait du versement aux travailleurs du secteur privé de primes syndicales d'un montant que l'organisation plaignante estime élevé et qui constituerait, selon elle, un réel moyen de pression pour inciter les travailleurs à faire partie de certains syndicats puisque, dans de nombreux cas, elles dépasseraient 50 pour cent de la cotisation syndicale, le comité observe que le gouvernement soutient que le principe et les conditions de l'octroi de la prime dans le secteur privé relèvent de la concertation et de la négociation et qu'il s'agit, en conséquence, de clauses de sécurité syndicale. Le gouvernement admet que l'autorité publique intervient mais de manière limitée, selon lui, puisque son intervention se réduit à accepter le dépôt d'une convention collective et à accepter également de rendre obligatoire par voie d'arrêté royal le texte d'une convention collective conclue au sein d'un organe paritaire.
- 636. Le comité prend note également des arguments du gouvernement selon lesquels les arrêtés royaux rendant obligatoires les conventions collectives qui réservent des avantages aux membres de certains syndicats sont soumis à un contrôle de légalité exercé par les tribunaux et que ces avantages doivent être proportionnels aux charges supportées par les travailleurs syndiqués, c'est-à-dire qu'ils ne doivent pas dépasser les cotisations annuelles payées par les membres à leurs organisations. Le comité note aussi que, dans sa réponse du 24 septembre 1985, le gouvernement indique que les avantages prévus par les conventions collectives au bénéfice des seuls travailleurs syndiqués restent à un niveau largement inférieur à ce que coûte l'affiliation à un syndicat, eu égard aux règles jurisprudentielles dégagées par le Conseil d'Etat. Le comité observe cependant que le système de l'extension des clauses de sécurité syndicale contenues dans des conventions collectives a pour résultat de les rendre applicables à des personnes n'ayant pas participé à la négociation ou n'y ayant pas été représentées. La réservation d'avantages revêt alors un caractère différent car elle n'est plus le seul fait des parties à une convention collective.
- 637. En conséquence, le comité ne peut que réitérer ses conclusions antérieures et attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache à ce que tout avantage octroyé par la loi ou par un arrêté d'extension aux travailleurs qui adhèrent à un syndicat déterminé ne dépasse pas un niveau réellement symbolique afin d'assurer qu'en aucun cas un avantage puisse être de nature à influencer indûment le choix des travailleurs en ce qui concerne l'organisation à laquelle ils entendent appartenir. (Voir 92e rapport, cas no 376, paragr. 39, et 208e rapport, cas no 981, paragr. 117.)
- 638. Selon l'organisation plaignante, dans le secteur public, la loi du 19 juillet 1983 modifiant la loi du 19 décembre 1974 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités serait de nature à priver les organisations syndicales n'appartenant pas au Conseil national du travail de toute possibilité de participer aux trois comités généraux de négociation alors qu'auparavant ces organisations n'étaient exclues que du comité le plus élevé. Cette loi négligerait un avis antérieur du Comité de la liberté syndicale, dans le cas no 655, où le comité avait critiqué le système belge qui pouvait avoir pour conséquence que les organisations suffisamment représentatives, et même l'organisation la plus représentative du secteur public, seraient écartées des comités généraux de négociation pour ne pas remplir la condition d'être affiliées à une organisation syndicale représentée au Conseil national du travail qui pourtant ne serait pas compétent pour les questions du secteur public.
- 639. Le comité note les explications du gouvernement selon lesquelles la nouvelle loi ne modifie pas la situation antérieure créée par la loi de 1974 puisqu'elle ne vise qu'à rendre plus facile l'accès aux comités généraux en supprimant la condition du nombre minimal d'affiliés (10 pour cent) pour pouvoir participer auxdits comités généraux. Le comité observe néanmoins que la nouvelle loi maintient l'obligation d'affiliation à une organisation syndicale interprofessionnelle représentée au Conseil national du travail pour pouvoir siéger tant au comité commun à l'ensemble des services publics qu'aux comités des services publics nationaux, provinciaux et locaux (art. 7, paragr. 3, de la loi de 1974, tel que modifié le 19 juillet 1983). D'ailleurs, le gouvernement, dans sa réponse du 24 septembre 1985, indique que l'UNSI ne peut pas siéger dans les comités généraux de négociation et qu'elle ne peut siéger que dans les comités de secteurs et dans les comités particuliers.
- 640. Le comité estime en conséquence que même si dans son argumentation l'organisation plaignante s'est exprimée de manière erronée en indiquant que désormais les organisations non représentées au Conseil national du travail seraient exclues des trois comités généraux de négociation alors qu'auparavant elles n'étaient exclues que du comité le plus élevé, il n'en demeure pas moins que les dispositions de la loi du 19 décembre 1974, amendées par la loi du 19 juillet 1983 et entrées en vigueur en application de l'arrêté du 28 septembre 1984, ne satisfont pas à l'ensemble des critères suggérés par le comité en matière de représentativité des syndicats. En effet, cette législation continue à imposer l'obligation d'être affilié à une organisation interprofessionnelle représentée au Conseil national du travail pour avoir accès au comité commun à l'ensemble des services publics, ainsi qu'au comité des services publics nationaux et aux comités des services publics provinciaux et locaux (art. 7, paragr. 3, de la loi de 1974 dans sa teneur modifiée par la loi de 1983) et pour être associé aux procédures de négociation collective (art. 6 de la loi de 1974). L'amendement introduit par la loi du 19 juillet 1983 supprimant la condition du nombre minimal de 10 pour cent ne modifie pas la situation qui a fait l'objet de commentaires de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations depuis plusieurs années.
- 641. Le comité invite donc le gouvernement à modifier sa législation puisqu'elle peut avoir pour conséquence que des organisations du secteur public, qui ne siègent pas au sein du Conseil national du travail dès lors qu'elles n'ont pas un caractère interprofessionnel ou qu'elles ne sont pas affiliées à une organisation interprofessionnelle fédérée sur le plan national, soient écartées du droit de négocier collectivement les intérêts professionnels de leurs mandants dans les comités généraux de négociation au niveau non seulement national mais même provincial ou local même si elles sont suffisamment représentatives. La loi du 19 juillet 1983 n'accorde en effet, comme le reconnaît lui-même le gouvernement, aucun droit nouveau aux organisations non représentées au sein du Conseil national du travail. Elle ne fait que confirmer les droits dont ces organisations disposent, à savoir le droit de siéger au sein des comités particuliers ou de secteurs dont la compétence se limite aux questions intéressant le personnel des services pour lesquels ils ont été institués à l'exclusion de celles qui sont soumises à la négociation dans l'un des comités généraux des services publics nationaux, provinciaux ou locaux ou dans le comité commun à l'ensemble des services publics (art. 4, paragr. 3, et 8 de la loi de 1974).
- 642. Par ailleurs, le comité note avec intérêt que l'UNSI a obtenu son agréation par une décision du 1er décembre 1984 et qu'elle a été autorisée à demander à siéger dans des comités de négociation particuliers ou de secteurs par une décision du 13 mai 1985. Sur ce dernier point, le comité note également avec intérêt que l'examen de la représentativité des organisations syndicales qui demandent à siéger dans les comités de négociation particuliers ou de secteurs a été confié à une commission indépendante composée de trois magistrats de l'ordre judiciaire. Le comité considère que cette évolution est positive. Il prie le gouvernement de lui indiquer si, effectivement, l'UNSI a été admise à siéger dans les comités particuliers ou de secteurs et, dans l'affirmative, dans lesquels. Il souhaite également savoir quelles sont la portée et l'extension du domaine de la négociation collective dans les comités particuliers et de secteurs.
- 643. Pour ce qui est du régime discriminatoire qui résulterait de la non-participation des organisations syndicales du secteur public au Conseil national du travail, en vertu des articles 16 et 17 de la loi du 19 décembre 1974, en matière de réunion et de perception des cotisations syndicales dans les locaux de service et de contrôle des examens, le comité prend note des explications du gouvernement sur les prérogatives réservées aux organisations syndicales considérées comme représentatives.
- 644. Sur ce point, le comité estime cependant devoir parvenir aux mêmes conclusions que celles auxquelles il a abouti dans l'examen de l'allégation précédente puisque le système mis en place dans la loi de 1974 telle qu'amendée en juillet 1983 risque d'avoir pour conséquence que les organisations suffisamment représentatives et même l'organisation la plus représentative du secteur public pourrait être écartée des droits de réunion et de perception des cotisations syndicales dans les locaux de service non pas parce que cette organisation serait peu représentative mais parce qu'elle ne serait pas représentative au sens de la loi du 19 décembre 1974 telle qu'amendée, à savoir qu'elle ne serait pas représentée au Conseil national du travail.
- 645. En ce qui concerne la contestation par l'organisation plaignante du degré de représentativité des trois syndicats considérés par les pouvoirs publics comme les plus représentatifs et le refus allégué de ces syndicats d'accepter l'évaluation de leurs effectifs, le comité prend note des commentaires du gouvernement sur ces différents points. Il note en particulier qu'il conteste les pourcentages versés au titre de la prime syndicale mais qu'il relève que l'organisation plaignante ne lui impute pas la non-exécution de la loi de 1974, et qu'elle accuse lesdits syndicats de refuser l'évaluation de leurs effectifs.
- 646. Le comité estime qu'il appartient au gouvernement de procéder à une vérification objective de la représentatitivé des organisations professionnelles lorsque des contestations surgissent. Il rappelle que les organisations professionnelles doivent pouvoir faire valoir leur droit par un vote de majorité des travailleurs ou tout autre système de comptage de leurs membres affiliés acceptés par elles et doivent pouvoir demander une nouvelle élection ou un nouveau décompte de leurs membres après un délai déterminé en cas d'échec à démontrer leur caractère représentatif. Or il apparaît, dans l'arrêté royal du 28 septembre 1984 portant exécution de la loi de 1974, qu'un comptage des membres est prévu mais que le contrôle des conditions de représentativité s'effectue à l'initiative des présidents des comités de négociation (art. 53 à 56). Le contrôle des critères de représentativité, par contre, relève d'une commission composée de magistrats (art. 58 à 70).
- 647. Au sujet de la représentation du personnel du secteur des postes et des télécommunications, le comité note que des recours en justice ont été introduits. Le comité veut croire que les principes concernant la vérification de la représentativité des organisations professionnelles seront respectés et il prie le gouvernement de l'informer de l'issue des recours en justice introduits par les intéressés.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 648. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
- a) A propos du refus allégué du gouvernement d'accorder l'accès de l'organisation plaignante au Conseil national du travail, le comité regrette le retard mis par le gouvernement pour instruire cette demande.
- b) Le comité observe que le refus d'attribuer à l'UNSI un siège au Conseil national du travail entraîne pour cette organisation l'impossibilité de siéger dans les comités généraux de négociation du secteur public; il demande au gouvernement, pour lui permettre de se prononcer en toute connaissance de cause sur le refus d'attribuer un siège à l'UNSI au sein du Conseil national du travail, sur quels éléments objectifs il s'est fondé.
- c) En ce qui concerne le traitement discriminatoire qui résulterait du versement aux travailleurs du secteur privé des primes syndicales qui constitueraient un moyen de pression réel pour inciter les travailleurs à faire partie de certains syndicats et qui serait étendu par voie d'arrêté royal, le comité rappelle au gouvernement l'importance qu'il attache à ce que tout avantage octroyé par la loi ou par un arrêté d'extension aux travailleurs qui adhèrent à un syndicat déterminé ne dépasse pas un niveau réellement symbolique afin d'assurer qu'en aucun cas un avantage puisse être de nature à influencer indûment le choix des travailleurs en ce qui concerne l'organisation à laquelle ils entendent appartenir.
- d) Au sujet du régime discriminatoire qui résulterait tant dans le secteur privé que dans le secteur public de la non-participation des organisations syndicales au Conseil national du travail (impossibilité de participer aux élections syndicales, à la concertation paritaire dans le secteur privé, et impossibilité de participer aux comités généraux de négociation, et de tenir des réunions et de percevoir des cotisations syndicales dans les locaux de services, dans le secteur public), le comité, comme la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations l'a déjà fait, in vite le gouvernement à modifier sa législation. En effet, celle-ci dispose que les organisations qui n'ont pas un caractère interprofessionnel ou qui ne sont pas affiliées à une organisation interprofessionnelle fédérée sur le plan national ne siègent pas au Conseil national du travail. Il en résulte que, dans ce cas, de telles organisations sont privées d'un nombre important de droits syndicaux, dont celui de négocier collectivement dans le secteur économique où s'exerce leurs activités, en l'occurrence dans les comités généraux de négociation du secteur public.
- e) En ce qui concerne la contestation par l'organisation plaignante, du degré de représentativité des trois syndicats considérés par les pouvoirs publics comme les plus représentatifs, et le problème qui a surgi concernant la représentativité des organisations professionnelles du personnel des postes et télécommunications, le comité rappelle qu'il appartient au gouvernement de procéder à une vérification objective des organisations professionnelles en cause et que les organisations professionnelles plaignantes doivent pouvoir faire valoir leur droit par un vote de majorité ou tout autre système de comptage accepté par elles. En l'espèce, étant donné que des recours en justice sont en instance, le comité prie le gouvernement de l'informer de l'issue des recours introduits par les intéressés.
- f) Le comité note avec intérêt que l'UNSI a obtenu son agréation par une décision du 1er décembre 1984 et que sa demande d'être autorisée à siéger dans les comités de négociation particuliers ou de secteurs du secteur public est actuellement examinée par une commission indépendante composée de trois magistrats de l'ordre judiciaire.
- g) Le comité prie le gouvernement d'indiquer si, effectivement, l'UNSI a été admise à siéger dans certains de ces comités et, dans l'affirmative, dans lesquels, et d'indiquer également quelles sont la portée et l'extension du domaine de la négociation collective dans les comités particuliers et de secteurs en question.