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- 552. Par une communication télégraphique du 25 mai 1981, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux en République centrafricaine relative à la dissolution, par voie administrative, de l'Union générale des travailleurs du Centrafrique (UGTC), organisation syndicale qui lui est affiliée. Parallèlement, l'UGTC a elle-même fourni des informations complémentaires à l'appui de la plainte de la CISL dans des communications des 16, 22 et 24 mai 1981, ainsi que d'autres allégations dans une communication du 14 juillet 1981. Le gouvernement, pour sa part, a fait tenir ses observations dans une lettre du 29 juillet 1981.
- 553. La République centrafricaine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 554. La plainte de la CISL porte sur la dissolution, par un décret présidentiel du 16 mai 1981, de l'UGTC, organisation syndicale regroupant, selon la CISL, 15.000 membres et qui, de ce fait, est de loin l'organisation la plus représentative au plan national.
- 555. L'UGTC allègue dans ses premières communications, outre sa propre dissolution par voie administrative, l'occupation de ses locaux par la force armée, le gel de ses avoirs bancaires, la reconnaissance, 48 heures avant sa dissolution, d'une nouvelle centrale syndicale qu'elle qualifie de progouvernementale, la Confédération nationale des travailleurs centrafricains (CNTC), la censure de ses émissions radiophoniques, la dépose de banderoles et autres pancartes placées par elle à l'occasion du 1er mai, ainsi que des menaces d'arrestation et de déportation pesant sur les responsables syndicaux.
- 556. Il ressort des premières informations communiquées par l'UGTC que, le 15 mai 1981, après avoir déposé un préavis, l'UGTC a déclenché une grève générale dans tout le secteur privé à la suite de tentatives vaines de négociation collective avec le gouvernement et le patronat. Selon les plaignants, le gouvernement a rejeté le cahier de doléances élaboré par les travailleurs à l'occasion du 1er mai. Ce cahier énumérait les revendications globales des travailleurs, à savoir, notamment, la demande de l'application du système de check-off dans les services publics, la semaine de travail de cinq jours au lieu de six avec maintien des 40 heures de travail par semaine, la mise en application de l'augmentation des salaires prévue par le gouvernement en mars 1981, le versement des cotisations de l'Etat à l'Office centrafricain de sécurité sociale pour le compte de certains agents démissionnaires ne bénéficiant pas de l'allocation familiale depuis 1975, la suppression du bureau postal militaire français au sein de l'Office des postes et télécommunications, la ratification des conventions de l'OIT nos 135 et 140 et le strict respect de la Constitution adoptée le 1er février 1981 par le peuple centrafricain. L'UGTC explique en outre qu'elle a fait valoir auprès du gouvernement son rejet du programme de redressement économique proposé par le Fonds monétaire international ainsi que de la décision gouvernementale de demander à l'Office centrafricain de sécurité sociale de payer la contribution du gouvernement centrafricain à l'OIT.
- 557. Le 16 mai 1981, poursuit l'UGTC, le lendemain du jour où la grève avait été déclenchée, le Président de la République dissous l'organisation par décret, au motif de sa prétendue intransigeance dans les négociations avec le patronat et le gouvernement, de sa prétendue intelligence avec l'étranger et de son illégalité. Le secrétaire général de l'UGTC, dans sa communication du 22 mai, admet toutefois que l'article 1er des statuts de son organisation est devenu caduc depuis l'adoption de la Constitution centrafricaine restaurant le pluralisme syndical. Il estime, cependant, que l'article en question n'aurait dû être l'objet que d'un amendement sur recommandation du ministre de l'Intérieur et non conduire à la dissolution de son organisation.
- 558. Plus récemment, dans une communication du 14 juillet 1981, l'UGTC allègue en outre le licenciement ou la suspension d'un certain nombre de syndicalistes et elle annexe à cette communication un arrêté ministériel du 23 mai 1981 suspendant de leurs fonctions quatre hauts fonctionnaires, MM. Possiti, Gallo, Mamadou Sabo et Sakouma, pour abandon de poste, une note de service du directeur de l'Enseignement relevant de ses fonctions M. Solamosso, directeur d'école. Elle joint également la note ministérielle ordonnant au directeur général de la Banque nationale centrafricaine de dépôt de bloquer le compte de l'UGTC.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 559. Dans sa réponse du 29 juillet 1981, réponse antérieure au changement de régime, le gouvernement communique les observations du ministre de la Fonction publique, du Travail et Prévoyance sociale sur cette affaire.
- 560. Le gouvernement, procédant à un rappel historique, explique qu'en 1964 le Congrès du Mouvement pour l'évolution sociale de l'Afrique noire (MESAN) avait décidé, pour des raisons politiques et constitutionnelles, la fusion des syndicats ouvriers, à savoir de la Confédération générale des travailleurs, de la Confédération africaine des syndicats libres, de la Confédération africaine des travailleurs et de la Confédération africaine des travailleurs croyants, créant ainsi l'Union générale des travailleurs de Centrafrique. Le gouvernement déclare que cette fusion viole les principes de la convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, ratifiée par la République centrafricaine dès 1960 ainsi que du Code du travail de 1961 dont l'article 6 dispose que tout travailleur ou employeur peut adhérer librement à un syndicat de son choix dans le cadre de sa profession. L'article 1er du statut de l'UGTC, ajoute le gouvernement, stipule en effet la constitution d'une centrale syndicale nationale unique dont la doctrine et l'orientation sont définies dans le préambule de la déclaration de principe de ces statuts, contrairement à l'article 4 de la Constitution centrafricaine de 1981 qui consacre à nouveau le multipartisme et le droit de constituer librement des groupements ou associations.
- 561. Le gouvernement poursuit en expliquant que la grève générale déclenchée par l'UGTC le 15 mai 1981 dans le secteur privé n'avait aucun rapport avec les conditions de travail des travailleurs salariés, le prétexte saisi, selon lui, par l'UGTC pour décider de la grève, aurait été une affaire judiciaire de droit commun opposant deux Centrafricains.
- 562. Il explique qu'en octobre 1980 les délégués du personnel d'une société de Bangui, la Société COLALU, avaient saisi le Directeur du travail et des lois sociales d'une requête dénonçant le comportement du chef du personnel de ladite société, M. Bagaragonda, lui reprochant d'être partial dans l'instruction des dossiers de demandes d'achat de tôles et d'articles ménagers, formulées par le personnel, et d'être sévère à l'encontre des employés de l'entreprise. Ce personne], menaçant de se mettre en grève si le chef de personnel ne changeait pas d'attitude, le Directeur du travail aurait aussitôt convoqué les intéressés en vue d'une conciliation. Le procès-verbal de conciliation cantonnait le chef du personnel dans des attributions d'administration et de gestion et lui retirait l'instruction des demandes de prêt. Néanmoins, en janvier 1981, les délégués du personnel, appuyés par l'UGTC, s'étant plaints au directeur du travail de ce que le chef du personnel continuait à instruire les demandes de prêt, auraient demandé son licenciement en menaçant à nouveau de se mettre en grève le directeur de la société, explique le gouvernement, refusant d'accéder à la demande des travailleurs, ceux-ci se seraient effectivement mis en grève d'une semaine malgré la tentative de conciliation des autorités administratives.
- 563. Par la suite, en mai 1981, déclare le gouvernement, un ouvrier de la société, M. Gohol, ayant accusé le chef du personnel de vol de cric appartenant à la société, le directeur de ladite société aurait affirmé à la police qu'il avait lui-même cédé cet objet au chef du personnel. Ce dernier aurait en conséquence été relaxé et aurait porté plainte contre l'ouvrier pour dénonciation calomnieuse et menace de mort, ce sur quoi le procureur aurait ordonné l'arrestation de l'ouvrier. Le personnel de la société, sur recommandation de l'UGTC, se serait alors à nouveau mis en grève le 7 mai 1981. Cependant, le Procureur de la République aurait autorisé la mise en liberté provisoire de l'ouvrier le 12 mai 1981. Profitant de cette affaire de droit commun, l'UGTC aurait, selon le gouvernement, le 13 mai 1981, saisi le ministre du Travail d'une motion de grève générale du secteur privé pour le 15 mai, demandant la tenue sans préavis du conseil d'arbitrage, la libération définitive de l'ouvrier victime du chef du personnel, et le départ inconditionnel du chef du personnel de la Société COLALU.
- 564. Le ministre du Travail, ayant convoqué le secrétaire général de l'UGTC, le 14 mai, celui-ci ne se serait pas présenté. Le gouvernement indique avoir dans un communiqué de presse du même jour déclaré désapprouver la grève qui, selon lui, n'avait aucun motif professionnel et invité les travailleurs du secteur privé à aller librement au travail. Le 15 mai, toujours selon le gouvernement, la grève aurait été peu suivie par les salariés en raison de son caractère politique. Il ajoute que les dirigeants de l'UGTC, arguant en effet de leurs statuts, auraient utilisé la violence et des menaces de mort à l'égard des travailleurs se rendant à leur travail et des chefs d'entreprise ayant ouvert leurs ateliers. Il termine en remarquant que la légitimité constitutionnelle aurait été bafouée au nom du monopole syndical et que l'UGTC avait été dissoute afin de permettre aux travailleurs centrafricains de créer librement les associations professionnelles de leur choix. Il affirme également que le nombre de 15.000 adhérents à l'UGTC mentionné par la CISL serait fantaisiste, l'adhésion supposant un acte volontaire, une carte d'adhérent et le paiement de cotisations. Or, selon le gouvernement, l'UGTC aurait entretenu la confusion, déclarant que tout travailleur salarié ou paysan était membre de l'unique Centrale syndicale au nom du monopole syndical.
- 565. En annexe à sa réponse, le gouvernement fournit la motion du 13 mai 1981 de l'UGTC adressée au ministre du Travail et demandant la libération de l'ouvrier, le départ inconditionnel du chef du personnel et la tenue d'un conseil d'arbitrage pour statuer sur ladite affaire. Il fournit également la plainte de la fédération patronale adressée le 15 mai au procureur et alléguant des menaces proférées par des membres de l'UGTC à l'encontre des travailleurs se rendant à leur travail et des menaces aux entrepreneurs qui auraient autorisé l'accès de leurs locaux aux travailleurs.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 566. Le comité constate avec préoccupation que la plainte contient des allégations graves faisant état de la dissolution par voie administrative de l'UGTC, de l'occupation par la force armée de ses locaux, de la censure de ses opinions, du gel de ses biens et du licenciement par la suite d'un certain nombre de travailleurs. Le comité prend note des explications fournies par le gouvernement au sujet des motifs qui l'ont conduit à de telles mesures.
- Allégation relative à la dissolution par voie administrative de l'UGTC
- 567. Au sujet de la dissolution administrative de l'UGTC, le comité ne peut que souligner la très grande importance qu'il attache au respect de l'article 4 de la convention no 87, ratifiée par la République centrafricaine, qui exige que les organisations syndicales ne soient pas suspendues, et encore moins dissoutes par voie administrative. Le comité tient à insister particulièrement sur ce point, d'autant plus que, dans le présent cas, même si le gouvernement conteste le chiffre de 15.000 adhérents affiliés à l'UGTC, la mesure en question affecte une confédération syndicale ayant une très large représentativité et qu'elle a, par là même, des conséquences graves pour la défense des intérêts professionnels d'un nombre important de travailleurs du pays.
- 568. Dans cette affaire, le comité constate que le décret présidentiel de dissolution se réfère expressément à la nouvelle Constitution centrafricaine, à la convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et au Code du travail centrafricain de 1961 consacrant le pluralisme syndical or, selon le gouvernement, l'article 1er des statuts de l'UGTC prescrit indûment, en faveur de l'organisation dissoute, un monopole syndical. A cet égard, le comité estime que le gouvernement, s'il souhaitait obtenir sur ce point une modification des statuts, aurait dû, soit inviter les dirigeants syndicaux concernés à supprimer ou à rectifier d'eux-mêmes les dispositions statutaires qui, de l'aveu même de l'UGTC, étaient devenues caduques, soit, éventuellement, demander l'intervention du tribunal civil à cette fin. En aucun cas cependant, il n'aurait dû prononcer la dissolution administrative de l'organisation. En conséquence, le comité, rappelant que seuls des faits graves et dûment prouvés pourraient conduire à la dissolution, par voie judiciaire, des organisations syndicales, invite le gouvernement à donner un caractère prioritaire à la levée de la mesure de dissolution par voie administrative de l'UGTC et prie le gouvernement de le tenir informé de toute disposition prise à cet égard.
- Allégation relative à l'occupation des locaux, au gel des biens et à la censure imposée à l'UGTC
- 569. Le gouvernement ne formule pas d'observation sur ces points. Le comité ne disposant pas d'informations suffisantes sur ces aspects du cas n'est pas en mesure de se prononcer en toute connaissance de cause. Néanmoins, sur un plan général, le comité souhaite d'ores et déjà rappeler à l'intention du gouvernement gué l'occupation des locaux syndicaux risque de constituer une grave ingérence des autorités dans les affaires des syndicats. Il souhaite également attirer l'attention du gouvernement sur le contenu de la résolution de la Conférence internationale du Travail sur les droits syndicaux et leurs relations avec les liberté civiles de 1970 qui a mis un accent particulier sur la liberté d'opinion et d'expression, le droit de recevoir et de répandre les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit, et sur le droit à la protection des biens syndicaux comme constituant des libertés essentielles à l'exercice normal des droits syndicaux.
- Allégation relative au licenciement de certains travailleurs
- 570. Le gouvernement ne formule aucune observation sur cet aspect du cas. Le comité ne peut donc non plus se prononcer sur cette question en toute connaissance de cause. Néanmoins, le comité a toujours estimé que le licenciement de syndicalistes à la suite d'un conflit du travail comporte des risques d'abus et de sérieux dangers pour la liberté syndicale. En conséquence, et dans la mesure où les syndicalistes mentionnés par les plaignants ont été licenciés ou suspendus de leurs fonctions pour des activités syndicales, le comité estime qu'il serait souhaitable, pour restaurer un climat propice au développement harmonieux des relations professionnelles, que des mesures soient prises en vue de réexaminer leur situation.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 571. Le comité, pour ce qui est du cas dans son ensemble, recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, notamment, les conclusions suivantes:
- Le comité constate avec préoccupation que l'Union générale des travailleurs centrafricains (UGTC) a été dissoute par voie administrative. Il ne peut que souligner la très grande importance qu'il attache au respect de l'article 4 de la convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, ratifiée par la République centrafricaine, selon lequel les organisations de travailleurs ou d'employeurs ne devraient pas pouvoir être dissoutes par voie administrative. En outre, la dissolution, par voie judiciaire, des organisations syndicales ne devrait pouvoir intervenir qu'en cas de faits graves et dûment prouvés.
- En conséquence, le comité exprime le ferme espoir que le gouvernement donnera un caractère prioritaire à la levée des mesures de dissolution administrative de l'UGTC. Il prie le gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation à cet égard.
- A propos des allégations relatives à l'occupation des locaux, au gel des biens et à la censure imposée à l'UGTC, le comité signale au gouvernement que la Conférence internationale du Travail, dans une résolution de 1970 sur les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, a mis un accent particulier sur les obligations qui incombent aux gouvernements de respecter la liberté d'opinion et d'expression, sur le droit des organisations syndicales de recevoir et de répandre des informations et des idées par quelque moyen que ce soit et sur le droit à la protection des biens syndicaux comme étant des éléments essentiels des droits syndicaux. Il prie le gouvernement de communiquer ses observations sur cet aspect du cas.
- A propos des allégations de licenciements ou de suspension de travailleurs mentionnés par les plaignants, le comité estime qu'au cas où il s'avérerait que les licenciements ont eu pour origine des activités syndicales, il serait souhaitable, pour restaurer un climat propice au développement harmonieux de relations professionnelles, que des mesures soient prises pour réexaminer la situation des travailleurs sanctionnés. Il prie le gouvernement de communiquer ses observations sur cet aspect du cas et de le tenir informé de toutes mesures qui seraient prises à cet égard.