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- 404. Par une communication du 27 janvier 1981, la Confédération mondiale du travail (CMT) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux en Haïti. Le gouvernement a présenté, pour sa part, ses observations dans une communication du 12 mars 1981. Depuis lors, la CMT a fourni des informations complémentaires à l'appui de ses plaintes le 30 mars 1981. Ces informations ont été transmises au gouvernement qui n'a pas encore communiqué d'observations détaillées sur ces informations complémentaires.
- 405. Haïti a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 406. La CMT déclare que le ministère du Travail a refusé la reconnaissance juridique à la Confédération autonome des travailleurs haïtiens (CATH), constituée conformément aux prescriptions légales, et que plusieurs de ses dirigeants ont été arrêtés ou déportés à l'extérieur après avoir été brutalement maltraités.
- 407. L'organisation plaignante précise que le secrétaire général de la CATH, Yves Richard, a été arrêté, conduit au Palais présidentiel, interrogé, frappé, puis expulsé à Curaçao. Plusieurs journalistes et dirigeants syndicaux et politiques ont subi le même sort, notamment Joseph Lafontant, Sylvio Claude, Harold Isaac, Grégoire Eugène et Jean Dominique; des milliers de travailleurs, ajoute l'organisation plaignante, sont actuellement en prison ou réfugiés dans les ambassades et en République dominicaine.
- 408. Le siège de la CATH a été investi par la police haïtienne, ses équipements et sa documentation ont été dévalisés et ses avoirs bancaires gelés, allègue l'organisation plaignante.
- 409. Enfin, l'organisation plaignante allègue que 48 travailleurs ont été mis à pied sans motif dans la brasserie nationale, six dans "Textile Look" et trois dans "Dress Martin".
- 410. Dans sa lettre du 30 mars 1981, la CMT ajoute que, le 22 décembre 1980, le syndicaliste Siméon Jean Baptiste a été abattu par la force publique alors qu'il assistait à une réunion syndicale. Elle joint aussi une déclaration de M. Yves Richard, secrétaire général de la CATH, où ce dernier décrit son arrestation, le 22 décembre, et les misérables conditions dans les prisons, et demande la libération de 45 membres de la CATH actuellement emprisonnés dont il indique les noms.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 411. Le gouvernement déclare, au sujet de l'allégation concernant le refus de reconnaître la CATH, que le 2 juin 1980 le ministère des Affaires sociales a écrit à cette organisation pour lui signaler certains problèmes de procédure en rapport avec sa demande d'enregistrement, tels que la non-observation de l'article 285 du Code du travail qui exige le dépôt d'une liste complète des syndicats qui lui sont affiliés, et pour lui dire qu'il devait se conformer à cette prescription avant de pouvoir être enregistré. Cette lettre, dont le gouvernement communique une copie, n'a jamais reçu de réponse; le gouvernement maintient donc que ladite organisations n'a jamais été légalement constituée.
- 412. Pour ce qui est de l'allégation relative à l'arrestation de dirigeants politiques et syndicaux, le gouvernement explique que M. Yves Richard a été arrêté pour des activités politiques ou subversives qui n'ont rien à voir avec l'exercice d'activités syndicales. En ce qui concerne MM. Joseph Lafontant, Sylvio Claude, Harold Isaac, Grégoire Eugène et Jean Dominique, le gouvernement déclare que, pour autant qu'il sache, ils n'ont aucun rapport avec le mouvement syndical haïtien; quant aux milliers de travailleurs dont on dit qu'ils sont en prison ou qu'ils ont trouvé refuge dans les ambassades ou des pays voisins, le gouvernement fait aussi observer que rien ne prouve que ce soit la conséquence de tentatives visant à limiter leurs droits syndicaux.
- 413. Le gouvernement indique que les cas des 48 travailleurs licenciés ont été soumis au tribunal du travail conformément aux dispositions du Code du travail; certains des plaignants ont librement décidé de refuser d'ester en justice et ont accepté une indemnité de licenciement de leurs employeurs. Selon le gouvernement, aucun de ces travailleurs n'appartenait à un syndicat légalement reconnu.
- 414. Le gouvernement a indiqué le 28 avril 1981 que les questions soulevées dans la communication de la CMT du 30 mars 1981 étaient du ressort du ministère de l'Intérieur et de la Défense nationale, et il a précisé qu'il ne manquerait pas de transmettre ultérieurement les informations pertinentes.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 415. Le présent cas concerne des allégations relatives à la non-reconnaissance d'une organisation syndicale, à des arrestations, à des mauvais traitements et à l'expulsion de dirigeants et de membres de syndicats, à une violation des locaux syndicaux et à une action sur des comptes bancaires syndicaux, ainsi qu'au licenciement injustifié de 48 travailleurs.
- 416. Au sujet de la reconnaissance d'une organisation syndicale, le comité prend note des explications fournies par le gouvernement selon lesquelles cette reconnaissance n'a pas pu avoir lieu parce que l'organisation intéressée ne s'est pas conformée à certaines formalités légales prévues par le Code du travail. Le comité constate que ces formalités (article 285 du code) ne paraissent pas contraignantes et que l'organisation semble avoir poursuivi ses activités même sans les avantages qui accompagnent l'enregistrement aux termes du code.
- 417. En ce qui concerne les allégations relatives aux arrestations, aux mauvais traitements et aux expulsions de dirigeants et de membres de syndicats, le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle aucun de ces dirigeants n'a de rapports avec les syndicats haïtiens et qu'aucune mesure n'a été prise contre eux en raison d'activités syndicales. Le comité tient à rappeler que, par le passé, il a exposé son opinion sur l'application de mesures qui, bien qu'étant de nature politique et ne visant pas à restreindre les droits syndicaux en tant que tels, peuvent néanmoins avoir des répercussions sur l'exercice de ces droits. Dans le présent cas, il importe de signaler que les mesures de détention préventive peuvent comporter une grave ingérence dans les activités syndicales qu'il semblerait nécessaire de justifier par l'existence d'une situation grave ou par un état d'urgence et pourraient donner lieu à des critiques à moins qu'elles ne soient accompagnées de garanties judiciaires appropriées, accordées dans un délai raisonnable; lorsqu'il y a des allégations de mauvais traitements subis par les détenus, en particulier, le comité a souligné l'importance de procéder à une enquête sur les faits de manière à établir les responsabilités et de prendre les mesures nécessaires, notamment de donner des instructions spécifiques ainsi que d'appliquer des sanctions efficaces pour qu'aucun détenu ne fasse l'objet de mauvais traitements.
- 418. Au sujet des allégations relatives à la violation des locaux et aux ingérences en matière de comptes bancaires des syndicats, le comité note que le gouvernement n'a pas fait de commentaires sur ces points. Néanmoins, il juge important de rappeler, comme il l'a fait observer par le passé, que l'occupation de locaux syndicaux et le gel d'avoirs bancaires syndicaux peuvent constituer une grave ingérence des pouvoirs publics dans les activités syndicales et peuvent, par conséquent, aller à l'encontre du principe selon lequel les syndicats doivent avoir le droit d'organiser leur activité et d'exercer légalement ce droit sans intervention des pouvoirs publics. En outre, la Conférence internationale du Travail, dans sa résolution de 1970 concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, a mis un accent particulier sur le droit à la protection des biens syndicaux. Le comité souhaiterait recevoir toute observation que le gouvernement voudrait formuler à cet égard.
- 419. Quant au licenciement de 48 travailleurs, le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle ceux d'entre eux qui l'ont voulu ont pu soumettre leur cas au tribunal du travail et ceux qui ont décidé de ne pas ester en justice ont librement accepté une indemnité de licenciement de la part de leurs employeurs. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur les raisons précises qui ont motivé ces licenciements ainsi que sur les résultats des recours présentés par certains des travailleurs licenciés.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 420. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'adopter le présent rapport intérimaire et, notamment, les conclusions suivantes:
- Au sujet des allégations concernant le décès de M. Siméon Jean Baptiste et l'emprisonnement de 45 syndicalistes mentionnés par l'organisation plaignante, le comité prie le gouvernement de fournir ses observations.
- Au sujet du défaut de reconnaissance d'une organisation syndicale, le comité constate que cette organisation ne s'est pas conformée aux formalités légales normales prévues par la législation et, en tout état de cause, a apparemment poursuivi ses activités sans être enregistrée.
- En ce qui concerne les allégations d'arrestations, de mauvais traitements et d'expulsion de dirigeants et de militants syndicaux, le comité désire attirer l'attention du gouvernement sur les principes selon lesquels les mesures de détention préventive peuvent comporter une grave ingérence dans les activités syndicales, qu'une enquête devrait être effectuée et que des mesures appropriées devraient être prises lorsqu'il y a des allégations de mauvais traitements de détenus.
- En ce qui concerne les allégations relatives à la violation des locaux syndicaux et au gel d'avoirs bancaires, le comité note que le gouvernement n'a pas fait de commentaires sur ces points; il attire son attention sur l'importance du droit à la protection des fonds et biens syndicaux, et le prie de transmettre toutes observations qu'il pourrait formuler à cet égard.
- Au sujet des allégations concernant le licenciement de 48 travailleurs, le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur les raisons précises qui ont motivé ces licenciements ainsi que sur le résultat des recours présentés par certains des travailleurs licenciés.