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- 45. Le comité a déjà examiné ce cas en février et mai 1976 et a présenté, à chacune de ces sessions, un rapport intérimaire.
- 46. Les allégations mentionnées dans les diverses plaintes concernent l'arrestation ou la disparition de dirigeants ou d'anciens dirigeants syndicaux, l'annulation de la personnalité juridique d'associations de professeurs et le financement des organisations syndicales agricoles.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- Arrestation ou disparition de dirigeants ou anciens dirigeants syndicaux
- 47 Les plaignants avaient communiqué les noms de nombreux dirigeants ou anciens dirigeants syndicaux et travailleurs qui avaient été arrêtés. Le gouvernement a fourni certaines informations sur plusieurs des personnes citées par les plaignants. Il a en outre indiqué à plusieurs reprises que personne n'est ou n'a été détenu en raison de sa qualité de syndicaliste ou de ses activités syndicales mais bien pour des contraventions aux lois en vigueur.
- 48 A sa session de mai 1976, le comité avait recommandé au Conseil d'administration:
- a) de noter que plusieurs des syndicalistes arrêtés avaient été libérés;
- b) de prier le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les faits précis pour lesquels les syndicalistes ou anciens syndicalistes mentionnés dans les plaintes étaient encore détenus ou avaient été condamnés;
- c) de souligner que, si le gouvernement estime les syndicalistes détenus coupables de délits, ceux-ci devraient être déférés devant les tribunaux pour être jugés, et de prier le gouvernement de communiquer des informations à cet égard.
- 49 Plusieurs organisations plaignantes ont adressé de nouvelles allégations concernant l'arrestation de dirigeants syndicaux. Certaines d'entre elles n'avaient pu être analysées pour la session antérieure du comité et d'autres ont été reçues depuis cette session. Pour sa part, le gouvernement a adressé des informations sur certaines personnes mentionnées dans les plaintes par des communications datées des 26 mai, 6 août, 29 septembre, 1er, 18 et 27 octobre, 4 et 8 novembre 1976.
- 50 Une communication émanant de la Fédération industrielle du bâtiment, du bois et des matériaux de construction du Chili (FIEMC), datée du 7 avril 1976, a été reçue par l'intermédiaire de l'Organisation des Nations Unies. Il est allégué dans cette lettre que José Sagredo Pacheco, fondateur du syndicat des charpentiers de Santiago et ancien dirigeant national de la FIEMC, a été arrêté à son domicile à l'aube du 3 novembre 1975 et que les membres de sa famille sont sans nouvelles de lui depuis lors. Le 18 mai 1976, l'Union internationale des syndicats des travailleurs du bâtiment, du bois et des matériaux de construction a adressé une lettre relative à cette même personne.
- 51 Le 14 avril 1976, la FSM a envoyé un télégramme protestant contre l'arrestation de José Weibel, ancien dirigeant des travailleurs de l'hôpital San José de Santiago, qui aurait eu lieu le 29 mars 1976. Cette personne ainsi que son frère Ricardo Weibel auraient disparu depuis lors.
- 52 Une autre communication de la Fédération syndicale mondiale (FSM), du 20 mai 1976, concerne l'arrestation de Victor Diaz, ancien dirigeant national de la Centrale unique des travailleurs du Chili (CUT), et de Bernardo Araya Zuleta, ancien secrétaire national de la CUT, et les mauvais traitements dont ces personnes auraient été victimes.
- 53 Une communication conjointe de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et de la Confédération mondiale du travail (CMT), du 4 juin 1976, dresse une liste de personnes dont la vie serait en danger, liste complétée dans une deuxième lettre de la CMT datée du même jour. Outre Victor Diaz, Bernardo Araya et José Sagredo, déjà mentionnés plus haut, figurent les noms de Mario Zamorano Donoso, ancien dirigeant de la Fédération du cuir et des chaussures, Jaime Donato Avendaño, dirigeant national des travailleurs de l'électricité, Eloy Ramirez, président de la Fédération des travailleurs de la presse, Manuel Recabarren Rojas, dirigeant syndical des travailleurs de l'imprimerie, et José Aguilera, dirigeant ouvrier de l'Action catholique.
- 54 Le 23 juin 1976, la CMT a envoyé copie d'une lettre adressée au Président de la République du Chili. Cette lettre se réfère à des dirigeants syndicaux à qui, selon la CMT, aucun délit n'est reproché et dont les arrestations ont été effectuées en vertu de l'état de siège. Des informations, identiques à celles analysées ci-dessus, sont ainsi communiquées à propos de José Sagredo Pacheco et Bernardo Araya Zuleta. Des renseignements complémentaires sont également fournis à propos de Jaime Donato Avendaño, déjà cité dans la communication précédente de la CMT, qui aurait été arrêté le 4 mai 1976 par la DINA et dont il serait impossible de connaître le lieu de détention. La CMT cite encore les noms d'autres syndicalistes: Mario Navarro Castro, arrêté à plusieurs reprises depuis le changement de régime et qui se trouverait à l'heure actuelle au camp de Puchuncavi; Oscar Castro Ramirez, détenu depuis le 24 novembre 1974, ainsi que plusieurs membres de sa famille dont on serait sans nouvelles; Patricio Rojas Lara, médecin, arrêté le 13 juin 1975; Enrique Gerding Kopp, journaliste, arrêté à deux reprises et actuellement détenu à Puchuncavi.
- 55 Le 23 août 1976, la CMT a adressé une nouvelle liste de personnes arrêtées, parmi lesquelles figurent des syndicalistes déjà mentionnés dans des communications antérieures ainsi que les noms de Domingo César Cerda Cuevas, ancien dirigeant des indigènes paysans, et Luis Emilio Recabarren González, ancien dirigeant syndical de l'Université technique de l'état. La CMT précise que toutes les personnes ainsi mentionnées ont été arrêtées par la DINA sans mandat d'arrêt, sans que les familles aient été informées et sans que les autorités administratives reconnaissent ces mesures d'arrestation. Selon la CMT, les familles ont la certitude, appuyée sur des preuves, que ces personnes ont été appréhendées; le décret-loi no 1009 sur la protection des détenus n'est pas appliqué du fait qu'on procède aux arrestations dans la rue pour éviter d'éventuels témoignages. Tous les recours légaux sont, selon la CMT, sans effet, les autorités répondant que la personne en cause n'a pas été arrêtée.
- 56 Le 27 août 1976, la Fédération internationale syndicale de l'enseignement (FISE) a adressé une lettre qui fait référence, entre autres personnes, à Braulio Albarracin et Juan Gianelli, tous deux professeurs, et aux dirigeants ouvriers Vicente Atencio Cortés, Marta Lidia Ugarte et Nicomedes Toro Bravo, tous arrêtés au cours du mois d'août.
- 57 Dans ses diverses communications adressées depuis la dernière session du comité, le gouvernement indique que certaines personnes mentionnées dans les plaintes sont actuellement détenues. Il s'agit de:
- - Oscar Castro Ramirez, arrêté en vertu de la loi sur la sécurité de l'état pour s'être livré à des activités subversives contre la sécurité de l'état, en sa qualité de militant actif d'un parti politique déclaré illégal; en revanche, les membres de sa famille n'ont pas été arrêtés; selon le gouvernement, aucune information ne permet de supposer que cette personne exerçait des fonctions de dirigeant syndical;
- - Mario Alberto Navarro Castro, arrêté pour les mêmes motifs que la personne citée précédemment. Selon le gouvernement, son arrestation n'est due en aucun cas à ses fonctions de conseiller du Parti communiste au sein de la CUT;
- - Carlos Villalobos Sepúlveda, ancien député socialiste, condamné au total à neuf ans et un jour de prison pour diverses actions illicites contre l'ordre public: incitation à la subversion, outrage au Président de la République, incitation à la destruction de biens publics; etc. Selon le gouvernement, il n'a pas été condamné pour les activités syndicales que parfois il exerça.
- 58 D'autres personnes ont vu leur peine commuée en exil. Il s'agit de:
- - Andrés Gómez Toledo, condamné pour importation illicite d'armes, peine commuée en exil le 8 juillet 1976;
- - Aldo René Mayor Olivos, condamné à dix ans de prison, peine commuée en exil le 13 janvier 1976. A quitté le pays pour la France le 30 mars 1976;
- - Edgardo Vargas Alvarez, condamné à trois ans de prison, peine commuée en exil le 4 mars 1976.
- 59 Le gouvernement indique que certaines personnes ont été libérées. Il s'agit de:
- - Hernán Biott Vidal, Pablo Jerla Rios et Eliecer Valencia Ovarzo, libérés le 7 mai 1976;
- - Adolfo Tomis Lara Cortés, Ramón Iván Núñez Prieto, Luis Patricio Padilla Hermosilla et Luis Nibaldo Retamales Ortubia, libérés le 26 mai 1976;
- - Enrique Gerding Kopp et Patricio Rojas Lara, que le gouvernement déclare être en liberté et dont la presse chilienne a annoncé la libération le 26 mai 1976;
- - Manuel Sergio Dinamarca Figueroa, qui était détenu au camp de Tres Alamos depuis décembre 1975 en vertu de l'état de siège, a été libéré le 11 septembre 1976. Le gouvernement précise que sa détention n'était pas due à ses activités de conseiller du Parti socialiste au sein de la CUT;
- - Oscar de la Fuente Muñoz, qui était détenu pour atteinte à la sûreté de l'état en tant que militant d'un parti politique déclaré illégal, a été libéré le 11 septembre 1976. Le gouvernement précise que sa détention n'était pas due à ses activités syndicales et qu'il a repris ses fonctions au sein de la Confédération Ranquil;
- - Eloy Ramírez, qui figure dans la liste des personnes libérées le 11 septembre 1976;
- - Braulio Albarracin, remis en liberté le 11 septembre 1976.
- Le gouvernement précise en outre que les deux cent cinq personnes détenues en vertu de l'état de siège et élargies le 11 septembre 1976 ont été mises en liberté sans aucune restriction.
- 60 Le gouvernement déclare, à propos de certaines autres personnes, qu'elles n'ont pas été arrêtées et qu'il ne possède pas d'informations à leur sujet. Il s'agit de: Domingo César Cerda Cuevas, Victor Diaz López, Jaime Patricio Donato Avendaño, José Sagredo Pacheco, Vicente Atencio Cortés, Juan Gianelli, Marta Lidia Ugarte et Nicomedes Toro Bravo. Le gouvernement remarque que certaines de ces personnes occupaient des fonctions au sein du Parti communiste. Pour ce qui est d'Exequiel Ponce, le gouvernement relève que la PISE reconnaît qu'il se trouve dans la clandestinité, fait dont le gouvernement ne peut être tenu pour responsable.
- 61 Enfin, le gouvernement signale que d'autres personnes ont quitté le pays ou sont à même de le quitter. C'est le cas de:
- - Bernardo Araya Zuleta, qui a quitté le Chili le 7 avril 1976, par le col de "Caracoles" à destination de l'Argentine dans un véhicule de transports internationaux (il était allégué qu'il avait été arrêté le 2 avril 1976);
- - Mario Zamorano Donoso, qui a quitté le pays le 13 mai 1976 en partant de l'aéroport de Pudahuel vers l'Argentine (selon les allégations, il aurait été arrêté le 6 mai 1976);
- - Maria Sara Montes Oyarzún à qui un sauf-conduit a été accordé alors qu'elle se trouvait réfugiée à l'ambassade du Venezuela. Le gouvernement indique qu'il confirme ainsi les informations qu'il avait déjà données à propos de cette personne selon lesquelles elle n'était pas détenue. Le gouvernement signale que ce cas est une preuve de plus des fausses informations contenues dans de nombreuses plaintes.
- 62 Le comité note que plusieurs personnes mentionnées dans les plaintes, dont certaines, selon le gouvernement, ne sont pas des syndicalistes, ont été mises en liberté. Le comité note en outre avec intérêt que les libérations décrétées le 11 septembre 1976 des personnes détenues en vertu de l'état de siège n'ont pas été assorties de conditions. Toutefois, le comité remarque que des syndicalistes ont été emprisonnés, parfois pendant d'assez longues périodes, sans que des charges précises semblent avoir été retenues contre eux. Le comité rappelle à cet égard qu'il a déjà indiqué au gouvernement que l'arrestation, par les autorités, de syndicalistes contre lesquels aucun chef d'inculpation n'est relevé peut entraîner de sérieuses restrictions à la liberté syndicale. Le gouvernement devrait prendre des dispositions afin que les autorités intéressées reçoivent des instructions appropriées pour prévenir le risque que comportent pour les activités syndicales les mesures d'arrestation.
- 63 Il ressort également des informations communiquées par le gouvernement qu'il y a quelques personnes mentionnées par les plaignants qui sont encore détenues sans qu'elles aient été déférées devant les tribunaux. Le comité estime que la présentation rapide d'un détenu devant le juge compétent constitue l'une des garanties fondamentales de l'individu, garantie qui est reconnue par des instruments tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies et par la Déclaration américaine des droits et des devoirs de l'homme. Dans le cas de personnes ayant des activités syndicales, il s'agit de l'une des libertés civiles qui devraient être assurées par les autorités afin de garantir plus réellement l'exercice des droits syndicaux.
- 64 Par ailleurs, le comité constate avec regret que, malgré les demandes réitérées du Conseil d'administration, le gouvernement ne mentionne pas les faits précis qui auraient pu être à l'origine de la détention de certaines personnes arrêtées en vertu de l'état de siège.
- 65 Le comité note également que, selon le gouvernement, certaines personnes citées par les plaignants n'ont pas été arrêtées et qu'aucune information n'est disponible à leur égard. Le comité doit cependant indiquer, à propos de quelques-unes de ces personnes, qu'il a eu connaissance de communications provenant de parents proches et apportant certaines précisions quant aux circonstances dans lesquelles elles auraient été arrêtées. Les textes de ces documents ont été adressés au gouvernement pour qu'il présente ses observations à leur sujet. Ces communications concernent Jaime Patricio Donato Avendaño, Victor Manuel Diaz López, et Hector Manuel Contreras Rojas. L'une de ces communications précise que ces arrestations étaient illégales du fait notamment qu'elles ont été effectuées sans mandat d'arrêt et que les familles n'ont pas été avisées. Dans une communication du 18 octobre, le gouvernement se réfère aux informations qu'il a déjà transmises à propos de ces personnes.
- 66 D'autre part, le comité note que, comme indiqué au paragraphe 61 ci-dessus, certaines personnes qui, selon les plaignants, auraient été arrêtées, ont quitté le pays, dont en particulier Bernardo Araya Zuleta pour lequel avait été reçue également une communication émanant de proches parents qui donnait des précisions au sujet de l'arrestation de cette personne et se référait à sa disparition ultérieure.
- 67 Le comité constate que les documents adressés par des parents contredisent les informations fournies par le gouvernement sur les personnes dont il déclare qu'elles n'ont pas été arrêtées et qu'il n'a pas de renseignements à leur égard. Le comité a déjà exprimé sa préoccupation au sujet de cette question et souhaite que le gouvernement entreprenne de nouvelles recherches à propos de ces personnes et en communique les résultats le plus tôt possible.
- 68 Le comité constate enfin que le gouvernement n'a pas donné de réponses concernant certaines personnes qui avaient été mentionnées par les plaignants. Il s'agit de José Aguilera, Luis Emilio Recabarren González, Manuel Recabarren Rojas, José Weibel et son frère Ricardo Weibel.
- Annulation de la personnalité juridique de certaines associations de professeurs
- 69 A sa session de mai 1976, le comité avait décidé d'ajourner l'examen de cet aspect du cas.
- 70 Des allégations émanant de la CISL, de la CMT et de la FISE se rapportaient à l'annulation de la personnalité juridique de plusieurs associations: la "Société nationale des professeurs", 1"'Union des professeurs du Chili", la "Société des professeurs des écoles normales", 1"'Association de l'enseignement de l'industrie et des mines" et 1"'Association des professeurs de l'enseignement commercial et technique". Ces associations, soulignaient les plaignants, étaient depuis de nombreuses années les défenseurs de la fonction enseignante et avaient conquis par leur action de nombreux droits pour leurs membres. L'annulation de leur personnalité juridique entraînait la confiscation de leurs biens, meubles et immeubles, et quelque quatorze professeurs auraient perdu tous leurs biens.
- 71 Dans une communication antérieure à la session de mai 1976 du comité, le gouvernement avait déclaré qu'il avait été tenu compte, pour prendre cette mesure, des éléments suivants: a) la violation par celles-ci des dispositions légales pertinentes contenues dans le titre XXXIII du livre I du Code civil et le décret no 1540 de 1966 réglementant l'octroi de la personnalité juridique aux associations et fondations; b) la création, par le décret no 678 de 1974, de l'ordre des professeurs chiliens dont les buts et objectifs sont semblables à ceux que ces associations avaient ou s'étaient arrogés. Celles-ci, ajoutait le gouvernement, avaient, de manière répétée, fait des déclarations politiques, s'étaient définies elles-mêmes comme des organisations syndicales, prétendant agir en tant que telles, provoquer des grèves et des arrêts du travail, etc., alors que ces activités sont expressément interdites par l'article 6 du décret no 1540 précité, selon lequel les associations ne pourront poursuivre de buts syndicaux ou lucratifs, comme d'ailleurs les entités qui doivent être régies par un statut légal propre. Par ailleurs, l'article 23, paragraphe 4, des mêmes dispositions prévoit que les associations ne pourront modifier substantiellement leurs objectifs statutaires et il appartiendra au Président de la République d'apprécier s'il en a été ainsi.
- 72 Dans le cas présent, poursuivait le gouvernement, les associations en question ont non seulement modifié substantiellement leurs objectifs statutaires mais ont mené des activités contraires à l'ordre public, comme les arrêts du travail et les grèves, de caractère clairement politique et partisan sous le prétexte de mobiles professionnels. A cet égard, l'article 559 du Code civil dispose notamment que les associations peuvent être dissoutes par l'autorité qui a autorisé leur existence ou par la loi, en dépit de la volonté de ses membres, si elles en viennent à compromettre la sécurité ou les intérêts de l'Etat, ou ne poursuivent pas l'objectif pour lequel elles ont été créées. L'article 24, paragraphe 1, du décret précité, poursuivait le gouvernement, autorise le Président de la République à annuler la personnalité juridique de toute association qu'il estime en opposition avec les lois, l'ordre public ou les bonnes moeurs, qui ne respecte pas les objectifs pour lesquels elle a été constituée ou enfreint gravement ses statuts. C'est dans ces circonstances, continuait le gouvernement, que la personnalité juridique des associations précitées a été annulée.
- 73 Pour ce qui est de l'affectation des biens de ces associations, le gouvernement citait les articles 549 et 561 du Code civil chilien. Selon le premier, les avoirs d'une association n'appartiennent à aucun de ses membres et, d'après le second, l'association dissoute disposera de ses biens de la manière prescrite par ses statuts. Si ceux-ci ne prévoient rien à cet égard, ces biens reviendront à l'Etat qui aura l'obligation de les affecter à des buts analogues, qui seront déterminés par le Président de la République. L'article 35 du décret-loi no 678, portant création de l'ordre des professeurs du Chili, ajoutait le gouvernement, dispose que le patrimoine de l'ordre comprendra les biens des associations professionnelles actuelles des différentes branches de l'enseignement au fur et à mesure que ces organismes fusionneront avec l'ordre. Ces biens doivent néanmoins être affectés de préférence à l'usage des membres de la branche correspondante de l'enseignement, sous la forme et dans les conditions fixées par le règlement. Le gouvernement niait donc qu'il y ait eu confiscation des biens des associations en question et soulignait que leur liquidation serait effectuée par une commission où siégeraient des membres desdites associations.
- 74 Le comité estime qu'il ne semble pas, d'après les informations disponibles, que les associations citées par les plaignants aient été des organisations syndicales qui, selon les principes de la liberté syndicale, ne devraient pas être dissoutes par voie administrative. Elles n'avaient pas été créées en vue de poursuivre des buts syndicaux et ne pouvaient pas exercer légalement des activités syndicales en raison de la forme sous laquelle elles avaient été constituées (voir ci-dessus paragraphe 71). Le comité a eu connaissance en outre d'une communication de l'une d'entre elles, l'Union des professeurs du Chili, qui a déclaré poursuivre exclusivement des objectifs de bien-être pour ses membres. Le comité fait encore observer que les enseignants s'étaient auparavant regroupés à des fins syndicales au sein du Syndicat unique des travailleurs de l'éducation (SUTE).
- Financement d'organisations syndicales agricoles
- 75 par une communication du 2 août 1976, la CMT a adressé un rapport sur les mesures qui auraient été prises à l'encontre d'organisations syndicales agricoles.
- 76 Le rapport se réfère au Statut de la formation professionnelle et de l'emploi, promulgué le 1er mai 1976, qui, selon les plaignants, méconnaît totalement les droits acquis des travailleurs en matière de financement des organisations syndicales agricoles. Jusqu'au changement de régime, précise le rapport, les employeurs de l'agriculture versaient, en vertu d'une loi de 1967, 2 pour cent des salaires payés dans leur entreprise à la Direction du travail. Les sommes ainsi recueillies étaient versées pour moitié au Fonds d'éducation et de développement syndical et pour moitié aux fédérations et confédérations agricoles de travailleurs. Le fonds en question servait à financer les programmes d'éducation générale et sociale réalisés par les organisations ainsi que certains services rendus aux paysans.
- 77 Le décret-loi 1446 portant statut de la formation professionnelle et de l'emploi a mis fin à ce système, contrairement à ce qui avait été décidé par la Commission du travail agricole chargée d'examiner les dispositions du projet de Code du travail en ce domaine. Selon les plaignants, cette commission s'était en effet accordée pour maintenir le système de financement des organisations agricoles, étant entendu toutefois que les organisations d'employeurs pourraient avoir accès au Fonds d'éducation et de développement syndical pour leurs propres programmes de formation.
- 78 Ce statut entrera en vigueur le 1er janvier 1977. Toutefois, les plaignants précisent que, pour la présente année, les ressources du Fonds d'éducation et de développement syndical pourront financer des programmes d'études et de recherches sans référence à la loi sur les syndicats agricoles. Selon les plaignants, les organisations agricoles seront ainsi certaines de devoir disparaître, d'autant que la suspension de la négociation collective empêchera de négocier avec les entreprises un système qui aurait remplacé celui actuellement existant. En outre, l'appauvrissement des travailleurs agricoles rend impossible une augmentation des cotisations.
- 79 Dans sa communication du 29 septembre 1976, le gouvernement indique que le Statut de la formation professionnelle constitue un ensemble de normes qui permettra aux travailleurs de trouver les moyens suffisants pour se perfectionner et obtenir ainsi une possibilité réelle de progrès. Pour ce qui est du financement des organisations agricoles, le gouvernement remarque que la loi de 1967 établissait un véritable impôt sur le travail qui portait préjudice au développement de l'emploi dans l'agriculture. Pourtant, ajoute le gouvernement, les sommes ainsi perçues furent insuffisantes pour les besoins de la formation agricole, d'autant que le système ne rapportait au plus que 34 pour cent de ce qu'il aurait dû produire. En pratique, la cotisation n'était recueillie que pour les domaines les plus proches des centres urbains, la collecte des fonds étant trop onéreuse pour les exploitations plus lointaines. Le système avait de plus un caractère discriminatoire du fait qu'il n'existait pas pour les autres branches d'activité. Enfin, l'application par le gouvernement de la réforme agraire a modifié la structure de la propriété agricole et les fonds qui seraient recueillis sur la base de la loi de 1967 seraient vraiment insuffisants.
- 80 Le comité prend note des informations communiquées par les plaignants et des commentaires formulés à leur sujet par le gouvernement. Le comité considère qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur le financement de la formation professionnelle, sinon pour analyser les questions qui auraient trait à l'exercice des libertés syndicales.
- 81 Conformément au système antérieur, 50 pour cent des contributions de l'employeur étaient destinées à financer les syndicats agricoles. La suppression de cette contribution obligatoire des employeurs ne pourrait pas être considérée comme une violation des principes de la liberté syndicale. Cependant, elle constitue une mesure qui limite considérablement l'obtention de ressources financières de la part des syndicats agricoles. Ces organisations se verraient ainsi dans une situation très difficile pour assurer leur fonction essentielle de défense des intérêts professionnels de leurs membres. Afin d'éviter de telles conséquences, le gouvernement devrait rechercher, en compagnie des organisations agricoles de travailleurs et d'employeurs, des solutions permettant de compenser cette perte de ressources.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 82. Dans ces conditions, et pour ce qui est du cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) au sujet des allégations concernant l'arrestation ou la disparition de syndicalistes et d'anciens syndicalistes;
- i) de noter avec intérêt que plusieurs des syndicalistes arrêtés ont été libérés, mais de rappeler de nouveau au gouvernement que l'arrestation par les autorités de syndicalistes contre lesquels aucun chef d'inculpation n'est relevé peut entraîner de sérieuses restrictions à la liberté syndicale;
- ii) de constater que certaines personnes mentionnées par les plaignants sont encore détenues sans qu'elles aient été déférées devant les tribunaux et de signaler que la présentation rapide d'un syndicaliste détenu devant le juge compétent constitue une des libertés civiles qui devraient être assurées par les autorités afin de garantir plus réellement l'exercice des droits syndicaux;
- iii) de regretter que, malgré les demandes réitérées du Conseil d'administration, le gouvernement n'ait pas mentionné les faits précis qui auraient pu être à l'origine de la détention de certaines personnes arrêtées en vertu de l'état de siège;
- iv) d'exprimer sa préoccupation au sujet des allégations selon lesquelles certains syndicalistes seraient disparus à la suite de leur arrestation, de demander au gouvernement d'entreprendre de nouvelles recherches à propos des personnes mentionnées au paragraphe 65 ci-dessus et pour lesquelles le gouvernement déclare ne pas avoir de renseignements, et d'en communiquer les résultats le plus tôt possible;
- v) de noter toutefois que certaines des personnes qui auraient été arrêtées ont quitté le pays;
- vi) de prier le gouvernement de fournir des informations sur la situation des personnes mentionnées au paragraphe 58 ci-dessus;
- b) au sujet des allégations concernant l'annulation de la personnalité juridique de certaines associations de professeurs, de prendre note des considérations exprimées au paragraphe 74 ci-dessus;
- c) au sujet des allégations concernant le financement des organisations syndicales agricoles, d'attirer l'attention du gouvernement sur les considérations exprimées aux paragraphes 80 et 81 ci-dessus et de l'inviter à rechercher, en compagnie des organisations agricoles de travailleurs et d'employeurs, des solutions permettant de compenser les pertes de ressources subies par les syndicats agricoles;
- d) de prendre note de ce rapport intérimaire, étant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport au Conseil d'administration lorsqu'il aura reçu les informations sollicitées plus haut.
- Genève, 12 novembre 1976. (Signé) Roberto AGO, Président.