Display in: English - Spanish
- 175. La plainte de la Confédération internationale des syndicats libres et de la Confédération mondiale du travail est contenue dans une communication conjointe en date du 31 décembre 1968. Le texte en ayant été transmis au gouvernement le 16 janvier 1969, celui-ci a présenté sur elle ses observations par une communication en date du 13 février 1969.
- 176. Le Tchad a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations relatives à l'arrestation et à la détention de dirigeants syndicaux
A. Allégations relatives à l'arrestation et à la détention de dirigeants syndicaux
- 177. Après avoir indiqué que, le 10 janvier 1968, les deux organisations syndicales nationales, la Confédération tchadienne du travail et l'Union nationale des travailleurs du Tchad, avaient fusionné pour former l'UNATRAT, les plaignants allèguent que, le 21 février 1968, sept dirigeants nationaux de cette organisation auraient été arrêtés sous l'inculpation de complot contre la sûreté de l'Etat et internés.
- 178. Les plaignants déclarent que ces sept dirigeants ont été par la suite transférés à la maison d'arrêt de Fort-Lamy où ils se trouveraient au secret, toute visite et tout contact avec eux étant interdits, même à leur famille.
- 179. Les plaignants terminent en déclarant que, « depuis leur arrestation, ces dirigeants syndicaux sont restés détenus sans jugement » et que « rien ne laisse prévoir que le gouvernement du Tchad se dispose à ouvrir effectivement un procès régulier » après une détention qui, au moment du dépôt de la plainte et selon cette dernière, se prolongeait depuis dix mois.
- 180. Dans ses observations, le gouvernement déclare tout d'abord que « la République du Tchad dont la Constitution proclame son attachement aux principes de la démocratie et à la garantie des droits du citoyen fondés sur les principes de liberté, d'humanité et d'égalité ne saurait délibérément violer sa Constitution en arrêtant arbitrairement des citoyens, encore moins entraver l'exercice du droit syndical reconnu par le Code du travail et au plus haut degré par la convention internationale no 87 dont il respecte scrupuleusement les termes ».
- 181. Le gouvernement déclare ensuite que, si quelques membres de l'UNATRAT se trouvent actuellement en détention préventive, c'est pour avoir participé à des activités subversives contraires aux lois nationales et internationales. Les intéressés, poursuit le gouvernement, qui sont au nombre de quatre et non plus de sept, trois d'entre eux ayant été relâchés, ont, par l'apposition d'affiches et la distribution de tracts, incité la population à la révolte; ayant échoué dans cette voie, indique le gouvernement, ils ont adressé des lettres aux officiers supérieurs de l'armée tchadienne incitant ces derniers à s'emparer du pouvoir; « des documents authentiques et irréfutables - précise le gouvernement - existent qui étaieront cette déclaration ».
- 182. « Les premières investigations - déclare encore le gouvernement - ont révélé que leur entreprise a été téléguidée. Aussi le gouvernement voudrait éviter une erreur judiciaire en les jugeant d'après ces résultats estimés encore insuffisants. Il a donc, dans un souci d'une justice plus grande, demandé aux autorités compétentes de poursuivre l'enquête afin d'élucider cette affaire. »
- 183. En terminant, le gouvernement déclare qu'« en attendant, aucune atrocité ni sévices n'est exercé sur » la personne des intéressés qui « reçoivent journellement la visite de leurs parents et amis ».
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 184. Il ressort des éléments dont dispose le comité que, sur les sept dirigeants mentionnés par les plaignants, quatre, au moins, se trouvent en détention. D'après le gouvernement, la mesure qui a frappé les personnes en cause est étrangère aux activités syndicales de ces dernières et trouve son origine dans un complot contre la sûreté de l'Etat auquel elles auraient participé.
- 185. Dans tous les cas impliquant l'arrestation, la détention ou la condamnation d'un dirigeant syndical, le comité, estimant que c'était à l'individu de bénéficier d'une présomption d'innocence, a considéré qu'il appartenait au gouvernement de montrer que les mesures prises par lui n'avaient pas leur origine dans les activités syndicales de celui auquel lesdites mesures s'étaient appliquées. C'est pourquoi, dans les cas de ce genre, le comité n'a conclu que des allégations relatives à l'arrestation, la détention ou la condamnation de syndicalistes n'appelaient pas un examen plus approfondi qu'après avoir pris connaissance des observations des gouvernements donnant le détail des mesures prises à l'encontre des intéressés et établissant de manière suffisamment précise et circonstanciée que ces mesures étaient étrangères à l'exercice des libertés syndicales et avaient leur origine dans une action dépassant le cadre syndical, soit préjudiciable à l'ordre public, soit de nature politique.
- 186. En vertu du principe rappelé ci-dessus, le comité estime devoir, comme il l'a fait dans de nombreux cas antérieurs, recommander au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir faire connaître les motifs exacts de l'arrestation des personnes en cause et, notamment, les actes spécifiques qui, aux yeux du gouvernement, ont justifié les mesures dont les intéressés ont été l'objet en précisant, comme le gouvernement paraît laisser entendre qu'il serait disposé à le faire, quelle est la nature des documents mentionnés par lui et dont il est question ci-dessus au paragraphe 181 in fine.
- 187. Ayant noté par ailleurs que le gouvernement ne contestait pas le fait que quatre au moins des dirigeants mentionnés dans la plainte se trouvent en détention préventive, apparemment depuis plus d'un an, le comité croit devoir rappeler que dans de nombreux cas antérieurs, à l'occasion desquels on avait allégué que des dirigeants ou des membres de syndicats avaient été détenus à titre préventif, il a toujours exprimé l'avis que des mesures de détention préventive peuvent comporter une sérieuse atteinte à l'exercice des droits syndicaux, qu'il semblerait nécessaire de justifier par l'existence d'un danger grave et qui pourrait faire l'objet de critiques, à moins qu'elle ne soit accompagnée de garanties judiciaires appropriées accordées dans un délai raisonnable; le comité a déclaré aussi que tout gouvernement devrait se faire une règle de veiller au respect des droits de l'homme et, en particulier, du droit de toute personne détenue d'être jugée promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante.
- 188. Dans le cas d'espèce, il semble ressortir des déclarations du gouvernement rapportées au paragraphe 182 ci-dessus que l'affaire dont il est question se trouve à l'heure actuelle dans sa phase d'instruction. En vertu du principe rappelé au paragraphe précédent, le comité croit devoir recommander au Conseil d'administration d'exprimer l'espoir que les intéressés seront, soit relâchés, soit déférés le plus promptement possible devant une instance judiciaire, et de prier le gouvernement de bien vouloir tenir à cet égard le Conseil d'administration au courant de l'évolution de la situation.
- 189. En outre, dans le cas où les personnes en cause seraient traduites devant un tribunal, le comité, conformément à sa pratique constante, recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir fournir le texte du jugement rendu lorsque celui-ci l'aura été ainsi que celui de ses considérants.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 190. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de prier le gouvernement de bien vouloir faire connaître les motifs exacts de l'arrestation des dirigeants syndicaux mentionnés dans la plainte et, notamment, les actes spécifiques qui, à ses yeux, ont justifié les mesures dont les intéressés ont été l'objet en précisant quelle est la nature des documents dont il est question ci-dessus au paragraphe 181 in fine;
- b) d'exprimer l'espoir que les intéressés seront, soit relâchés, soit déférés le plus promptement possible devant une instance judiciaire impartiale et indépendante, et de prier le gouvernement de bien vouloir le tenir à cet égard au courant de l'évolution de la situation;
- c) dans le cas où les personnes en cause seraient traduites devant un tribunal, de prier le gouvernement de bien vouloir fournir le texte du jugement rendu lorsque celui-ci l'aura été ainsi que celui de ses considérants;
- d) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité fera de nouveau rapport lorsqu'il sera en possession des informations complémentaires sollicitées du gouvernement dans les alinéas précédents.