Display in: English - Spanish
- 305. La plainte du Conseil des syndicats de Guyane britannique (B.G.T.U.C.) a été adressée directement au B.I.T le 3 juillet 1964. Le 29 juillet 1964, le Secrétaire général des Nations Unies a transmis au B.I.T un exemplaire de la plainte qui lui avait été transmise, le 21 juillet de la même année, par la Confédération internationale des syndicats libres. Par une communication en date du 15 janvier 1965, le gouvernement du Royaume-Uni a soumis des observations sur la plainte.
- 306. Le gouvernement du Royaume-Uni a ratifié la convention (no 11) sur le droit d'association (agriculture), 1921; la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, en déclarant que leurs dispositions sont applicables, sans modification, à la Guyane britannique. Le gouvernement du Royaume-Uni a également ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et l'a déclarée applicable, avec modifications, à la Guyane britannique.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 307. La présente plainte, qui a trait à des événements censés avoir eu lieu en Guyane britannique avant l'élection du gouvernement actuel en décembre 1964, est dirigée contre l'ancien gouvernement, dans lequel le Parti progressiste populaire (P.P.P.) était au pouvoir, l'Organisation progressiste de la jeunesse (P.Y.O.), rattachée à ce parti, ainsi que contre l'organisation désignée par le plaignant comme « un syndicat soutenu et financé par le gouvernement et le parti, connu sous le nom de Syndicat des travailleurs agricoles de Guyane (G.A.W.U.) ». Il est allégué que le président du G.A.W.U, M. Harry Lall, était un membre du P.P.P de l'Assemblée législative; il avait été arrêté par le gouverneur le 13 juin 1964, date à partir de laquelle M. Macie Hamid, un autre député P.P.P, mais non membre du G.A.W.U, assumait les fonctions de président, tandis qu'un autre non-syndiqué, M. George Henry, qui avait été exclu du corps législatif par décision des tribunaux, devenait vice-président.
- 308. Le plaignant allègue qu'à la suite d'un arrêt de travail survenu dans la plantation de Leonora le 17 février 1964, les ministres de l'ancien gouvernement, des députés P.P.P, des sénateurs, le P.P.P, le P.Y.O et le G.A.W.U ont déclenché une campagne de terreur et d'intimidation contre les travailleurs du sucre appartenant à l'Association civique de la main-d'oeuvre (M.P.C.A.), affiliée à l'organisation plaignante, afin de les empêcher de se rendre au travail. Au cours de cette campagne, déclare le plaignant, 24 travailleurs du sucre ont été tués, un grand nombre blessés, tandis que 134 maisons étaient incendiées et 540 détruites ou gravement endommagées.
- 309. Le 13 juin 1964, le gouverneur a été investi de pouvoirs d'urgence et, depuis cette date, il a fait arrêter trente et une personnes - ministres et députés P.P.P et dirigeants de la P.Y.O et du G.A.W.U.
- 310. Le plaignant allègue que tous ces événements découlent du fait qu'en février 1964 le G.A.W.U, avec l'appui du gouvernement précédent, a déclenché une série de grèves afin de contraindre l'Association des producteurs de sucre à reconnaître le G.A.W.U comme agent de négociation. Le 17 juin 1963, le G.A.W.U avait formulé une demande de reconnaissance, tandis que le M.P.C.A, qui prétendait grouper 67 pour cent des travailleurs, s'opposait à cette requête en demandant au Département du travail de vérifier les listes de membres; cette demande ne fut pas acceptée. Le plaignant allègue qu'en octobre 1963 le G.A.W.U, énergiquement soutenu par Mme Janet Jagan, alors ministre de l'Intérieur, et par le ministre du Travail, qui était à ce moment-là M. Chandisingh, ainsi que par plusieurs des autres ministres du P.P.P, ont contraint par la terreur plus de 4 000 travailleurs à quitter le M.P.C.A, mais dans les deux mois, 3 000 avaient rejoint les rangs de cette organisation. A la suite de ces faits, selon le plaignant, l'ancien gouvernement a conçu un plan visant à la destruction des sucreries et des récoltes de canne et à provoquer des arrêts de travail. Il a fallu faire appel aux troupes britanniques pour empêcher la destruction de la sucrerie de Leonora. Le plaignant énumère toute une série de cas d'incendie qui auraient eu lieu dans d'autres plantations.
- 311. Les membres du M.P.C.A ont tenté de continuer à travailler; niais, en février 1964, est-il allégué, des coupeurs de canne ont été entraînés de force hors des plantations; leurs maisons ont été endommagées, tandis que les habitations de ceux qui étaient restés à leur poste étaient dynamitées. Le plaignant énumère une longue série d'actes de violence sur des personnes et de dommages, et signale que des dirigeants du M.P.C.A ont été menacés de mort; avec l'approbation du commissaire à la police, le M.P.C.A a constitué des comités de vigilance.
- 312. Il est allégué que l'une des méthodes utilisées par le G.A.W.U pour empêcher les membres du M.P.C.A de continuer à travailler consistait à recruter des milliers de jeunes gens et de femmes membres de l'Organisation progressiste des femmes, dont la présidente est l'épouse de l'ancien premier ministre adjoint, pour occuper les plantations. Selon le plaignant, ils ont lapidé les forces de la police qui ont été contraintes de se défendre avec des gaz lacrymogènes. Il prétend que, le 6 mars 1964, l'un des « squatters » - une certaine Mme Kawasillia - fut tué par un tracteur conduit par un membre du M.P.C.A qui, attaqué par les agitateurs, avait perdu le contrôle de sa machine. Tous les notables de l'ancien gouvernement assistèrent aux funérailles.
- 313. Le 19 février 1964, les quatre syndicats - dont le M.P.C.A. - ayant négocié des conventions avec l'Association des producteurs de sucre, demandèrent au gouverneur de faire appel aux troupes britanniques afin de prêter main forte à la police dont les forces étaient insuffisantes pour maîtriser la situation. Le 26 février, les membres de l'opposition au sein de l'Assemblée accusèrent le gouvernement P.P.P d'encourager les terroristes. Le 3 mars, le Congrès des syndicats demanda au nouveau gouverneur de recourir aux troupes britanniques.
- 314. Le 24 mars 1964, le M.P.C.A demanda au commissaire au travail de conseiller à l'ancien ministre du Travail de prier l'O.I.T d'envoyer une commission d'enquête. Le 30 avril, l'ancien ministre invita le M.P.C.A à le rencontrer, en compagnie de représentants du G.A.W.U et de l'Association des producteurs de sucre. Le M.P.C.A refusa, parce qu'il n'était pas disposé à participer à des discussions auxquelles prendrait part un syndicat «responsable d'activités terroristes, de meurtres et d'autres actes de violence contre des membres du M.P.C.A. ».
- 315. Le 16 mai, l'ancien ministre du Travail annonça que le gouverneur, sur avis du Conseil des ministres, avait constitué une commission d'enquête. Le plaignant fit objection, arguant que tous les membres désignés sympathisaient avec le P.P.P. Le président de la Commission démissionna et un nouveau président fut nommé dont l'impartialité ne fut pas mise en doute par le plaignant. Celui-ci demanda alors aux tribunaux une ordonnance de suspension (injunction), et la Commission s'ajourna sine die jusqu'au moment où les tribunaux se seraient prononcés en la matière.
- 316. Le B.G.T.U.C, le M.P.C.A et la Chambre de commerce continuèrent à insister pour l'adoption de règlements d'urgence et le recours aux troupes britanniques afin de maintenir l'ordre public, mais l'ancien ministre de l'Intérieur, Mme Jagan, se refusa à adopter des règlements d'urgence, bien que le commissaire à la police, qui assistait à une entrevue, eût, selon les allégations, admis l'utilité d'un recours aux troupes britanniques, étant donné l'insuffisance des forces de police. L'ancien ministre n'a conseillé au gouverneur de proclamer l'état d'urgence que le 22 mai 1964, la situation s'étant encore aggravée et les troubles s'étant généralisés.
- 317. Dans une communication en date du 15 janvier 1965, le gouvernement du Royaume-Uni déclare qu'à la suite des élections de décembre 1964, un nouveau gouvernement a été constitué en Guyane britannique et que, partant, les ministres mentionnés dans les allégations n'exercent plus leur charge.
- 318. Le réponse du gouvernement du Royaume-Uni est accompagnée de certaines observations présentées par le gouvernement actuel de la Guyane britannique.
- 319. Le gouvernement actuel de la Guyane britannique déplore que le gouvernement précédent n'ait pas envoyé de réponse et déclare qu'il ne peut présenter des commentaires satisfaisants sans procéder à des recherches approfondies qui, étant donné le laps de temps écoulé, ne pourraient fournir de preuves concluantes. Le gouvernement actuel tient à assurer le Comité qu'il accepte les dispositions des conventions nos 84 et 98, ainsi que celles de la convention no 87, appliquée avec modifications, et qu'il en favorisera l'application.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 320. Dans des cas antérieurs, le Comité a estimé, lorsqu'il était saisi d'allégations relatives à des violations des droits syndicaux par un gouvernement précédent, que, bien que le gouvernement au pouvoir ne puisse être tenu responsable d'événements qui se sont produits sous son prédécesseur, il est, sans aucun doute, responsable de toutes les conséquences qui peuvent en découler depuis son accession au pouvoir.
- 321. En l'absence de toute observation quant au fond des allégations, le Comité est dans l'impossibilité de dire si les conséquences des événements allégués continuent à se produire, il n'est notamment pas encore en mesure de se rendre compte de la situation relative du M.P.C.A, du G.A.W.U et de l'Association des producteurs de sucre et de leurs relations réciproques. Il ignore quels peuvent avoir été les résultats de la Commission d'enquête instituée par le gouvernement précédent; enfin, il ignore, en supposant que les allégations soient fondées, quelles mesures le gouvernement peut avoir prises ou a l'intention de prendre pour indemniser les personnes à charge des membres du M.P.C.A qui auraient été tués parce qu'ils avaient refusé de participer à une grève encouragée par le gouvernement précédent lui-même, ou pour indemniser les travailleurs dont les maisons ont été détruites. Dans le cas no 260, relatif à l'Irak, les observations du gouvernement intéressé ayant été jugées insuffisantes pour que le Comité fût en mesure de décider si des événements ayant eu lieu sous le gouvernement précédent continuent à avoir des répercussions sous le gouvernement qui lui a succédé, le Comité avait prié le gouvernement de lui fournir des observations supplémentaires avant de présenter ses conclusions au Conseil d'administration.
- 322. Le Comité fait également observer que, dans le rapport présenté en vertu de l'article 22 de la Constitution de l'O.I.T pour la période 1962-1964 sur les mesures prises pour donner effet, en Guyane britannique, aux dispositions de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, le gouvernement du Royaume-Uni déclare que deux membres du G.A.W.U ont été accusés d'actes séditieux commis le 7 mars et le 2 avril 1964. Le G.A.W.U aurait joué à l'époque un rôle actif dans la campagne de terrorisme contre les membres du M.P.C.A. Aussi, le Comité estime-t-il que les jugements des tribunaux chargés d'enquêter sur ces incidents pourraient fournir des informations quant à la situation générale qui existait alors et qu'ils pourraient aider le Comité à formuler ses conclusions.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 323. Dans ces conditions, le Comité, tout en constatant le changement de gouvernement survenu en Guyane britannique depuis l'époque où les incidents mentionnés par le plaignant se seraient produits, recommande au Conseil d'administration:
- a) de prier le gouvernement de bien vouloir fournir des informations plus complètes sur les événements allégués dans la plainte;
- b) de prier le gouvernement, en ce qui concerne les poursuites intentées contre les deux membres du Syndicat des travailleurs agricoles de Guyane mentionnés dans le paragraphe 322 ci-dessus, de lui fournir également le texte des jugements lorsque ceux-ci auront été rendus;
- c) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le Comité soumettra un autre rapport au Conseil d'administration lorsque les informations demandées dans les alinéas a) et b) ci-dessus lui seront parvenues.