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- 49. La plainte originale est contenue dans une communication du 16 octobre 1963, qui a été transmise à l'O.I.T par le Secrétaire général des Nations Unies. Par deux communications du 12 et du 20 novembre 1963, respectivement, des informations complémentaires ont été envoyées à l'appui de la plainte. Ces communications ont été transmises au gouvernement du Royaume-Uni qui, par deux communications du 10 et du 12 février 1964, respectivement, a fait parvenir les observations formulées par le gouvernement de la Guyane britannique au sujet des plaintes.
- 50. Le gouvernement du Royaume-Uni a ratifié la convention (no 11) sur le droit d'association (agriculture), 1921; la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et en a déclaré les dispositions applicables sans aucune modification à la Guyane britannique. Il a ratifié également la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et en a déclaré les dispositions applicables avec modifications à la Guyane britannique.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 51. Dans la communication du 16 octobre 1963, M. Richard Ishmael, en sa qualité de président général de l'organisation syndicale dénommée « Association civique des travailleurs » (M.P.C.A.), de président du Conseil des syndicats de la Guyane britannique (B.G.T.U.C.) et de premier vice-président du Congrès des syndicats des Caraïbes, allègue que le Parti progressiste populaire (P.P.P.) et tout l'appareil gouvernemental de la Guyane britannique ont reçu pour instruction de contraindre les travailleurs des plantations de canne à sucre, en usant de menaces, à se retirer de l'Association civique de la main-d'oeuvre. M. Ranji Chandisingh, ministre du Travail, Mme Janet Jagan, ministre de l'Intérieur, et M. Ashton Chase, président du Sénat, auraient participé à cette campagne. Par sa communication du 12 novembre 1963, le M.P.C.A a communiqué différents documents à l'appui de sa plainte. Ces documents comprennent des déclarations faites sous serment par des travailleurs victimes de mesures d'intimidation; diverses coupures de journaux; la copie d'une lettre adressée par le B.G.T.U.C et la copie d'une lettre adressée par ce conseil au secrétaire d'Etat pour le Commonwealth, lettre qui fait état des mesures d'intimidation dirigées contre les membres de l'Association (une copie de cette dernière lettre a été adressée au premier ministre de la Guyane britannique, M. C. B. Jagan). Le 20 novembre 1963, les plaignants ont envoyé d'autres informations complémentaires encore.
- 52. De toutes les informations contenues dans les différentes communications des plaignants, il ressort qu'en octobre 1963, le Syndicat des travailleurs agricoles de Guyane aurait lancé une campagne en vue d'amener les travailleurs des plantations de canne à sucre affiliés à l'Association civique de la main-d'oeuvre à quitter cette association pour devenir membres du Syndicat. Des ministres, des députés et des sénateurs appartenant au P.P.P auraient participé à cette campagne, les plaignants en donnent une liste, où figurent les noms de M. Victor Downer, M. Macie Hamid, M. G. Robertson, députés; de M. Hubert Thomas et de M. Ashton Chase, sénateurs; de M. Ranji Chandisingh, ministre du Travail, et de Mme Janet Jagan, ministre de l'Intérieur. D'après des déclarations parues dans le périodique du Syndicat des travailleurs agricoles de Guyane, cette campagne aurait été lancée pour les raisons suivantes: le Syndicat s'est efforcé de se faire reconnaître par l'Association des producteurs de sucre, en faisant valoir qu'il fallait organiser une votation et appeler les travailleurs à se prononcer afin d'établir son caractère majoritaire; l'Association des producteurs de sucre a rejeté cette demande, toutefois, et a invité le Syndicat à présenter ses registres, pour vérifier l'effectif de ses membres; étant donné que le Syndicat n'aurait pu revendiquer de caractère majoritaire sur la base de ses registres, il a été décidé de lancer une campagne pour amener les travailleurs des plantations de canne à sucre à changer d'organisation et à s'affilier à lui.
- 53. D'après les déclarations faites sous serment et communiquées par les plaignants, un certain nombre de travailleurs auraient fait l'objet de mesures d'intimidation de la part de militants du Parti progressiste populaire et de l'Organisation des jeunesses progressistes, lesquels auraient recouru à des menaces dirigées contre les biens et l'intégrité physique des travailleurs en question pour les amener à quitter l'Association civique de la main-d'oeuvre et à s'affilier au Syndicat des travailleurs agricoles de Guyane. M. Hubert Thomas, sénateur, Mlle Edith Jagan, chargée du bureau du Parti progressiste populaire à New Amsterdam, et M. Victor Downer, député, auraient pris part à la campagne d'intimidation. Dans l'une des déclarations faites sous serment, déclaration qui a été publiée dans l'organe officiel de l'Association civique de la main-d'oeuvre, l'ancien secrétaire adjoint du Syndicat des travailleurs agricoles de Guyane déclare qu'en septembre 1963, à l'occasion d'une conférence du Syndicat à laquelle il a participé et qui s'est déroulée en présence de M. Ashton Chase, sénateur, et de M. Ranji Chandisingh, ministre du Travail, ce dernier aurait affirmé que tous ceux qui appuyaient le Parti progressiste populaire devaient s'attacher à l'élimination de l'Association civique de la main-d'oeuvre, car cette organisation syndicale, par ses revendications continuelles, faisait du tort au gouvernement: les augmentations de salaire et les avantages sociaux, en effet, se traduisaient par une baisse des impôts perçus par le gouvernement sur l'industrie sucrière; or ces contributions étaient nécessaires au gouvernement qui, s'il ne les percevait pas, tomberait.
- 54. Les plaignants font savoir que, à la suite de la campagne menée contre l'Association civique de la main-d'oeuvre, 2.814 membres ont quitté l'Association mais que, un mois plus tard, 2.212 travailleurs s'y étaient affiliés de nouveau en signant à cet effet l'autorisation nécessaire pour que leurs cotisations syndicales puissent être retenues par l'employeur. De nombreux travailleurs auraient demandé toutefois que le système en vigueur soit modifié et que la retenue ne soit plus indiquée sur les enveloppes de salaire, afin que les terroristes qui les contraignaient à montrer ces enveloppes ne puissent savoir s'ils étaient affiliés ou non à l'Association. Indépendamment de cela, au moins soixante-dix représentants de l'Association auraient renoncé à exercer leurs fonctions au sein des commissions paritaires constituées dans les différents domaines, en raison des menaces qui leur auraient été adressées. Les plaignants signalent encore que toutes les affiches et toutes les brochures qui invitaient les travailleurs à quitter l'Association civique de la main-d'oeuvre ont été imprimées par la New Guiana Company Ltd., qui appartiendrait au P.P.P.
- 55. Dans sa réponse du 10 février 1964, le gouvernement du Royaume-Uni déclare que la Guyane britannique est autonome sur le plan intérieur et que les questions qui font l'objet des allégations dont est saisi le Comité sont du ressort des ministres du gouvernement de la Guyane britannique. Le gouvernement de la Guyane britannique, dans la note qu'il envoie au sujet de la plainte contenue dans la communication du 15 octobre 1963, nie catégoriquement avoir participé, lui ou ses ministres, à la campagne lancée parle Syndicat des travailleurs agricoles de Guyane. Le commissaire au travail déclare expressément que les fonctionnaires de l'Etat et les fonctionnaires du ministère du Travail en particulier, n'ont pris aucune part à cette affaire. Il est faux, selon le gouvernement, que certains ministres se soient rendus dans les régions où la campagne en question était menée pour y prendre une part active. Pour ce qui est des déclarations prêtées au ministre du Travail, selon lesquelles le gouvernement soutiendrait les travailleurs dans leurs efforts en vue d'éliminer l'Association civique de la main-d'oeuvre, le gouvernement signale que le ministre du Travail a ouvert la dernière assemblée annuelle du Syndicat des travailleurs agricoles de Guyane, de même qu'une réunion des travailleurs des plantations de canne à sucre qui s'est tenue sous les auspices dudit Syndicat: il n'aurait fait aucune déclaration, toutefois, qui corresponde à l'accusation dont il fait l'objet de la part des plaignants. Le gouvernement joint à ses observations la copie du discours prononcé par le ministre du Travail le 9 septembre 1962 lors d'une réunion patronnée par le Syndicat en cause.
- 56. Le gouvernement affirme qu'aucun acte de violence n'a été commis à l'occasion de la campagne menée par le Syndicat des travailleurs agricoles de Guyane. Il serait notoire au contraire que des dirigeants de l'Association civique de la main-d'oeuvre auraient eu recours à des actes d'intimidation à l'encontre des travailleurs qui désiraient quitter l'Association. Depuis quelque temps, les travailleurs ne seraient pas satisfaits de l'activité déployée par l'Association et des pratiques antidémocratiques dont elle userait. Selon le gouvernement, qui cite divers exemples à l'appui de ce qu'il avance, les dirigeants de l'Association se trouveraient coupés de la masse des affiliés. Les travailleurs, de leur côté, auraient le sentiment que les dirigeants de l'Association se sont si bien installés à leur poste qu'il est impossible de modifier la direction de l'Association. Tout cela serait à l'origine de la campagne lancée contre cette dernière.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 57. En ce qui concerne les accusations relatives aux actes d'intimidation auxquels aurait recours le Syndicat des travailleurs agricoles de Guyane, le gouvernement considère qu'il ne lui appartient pas d'y répondre. Il relève, toutefois, qu'il convient de faire preuve de prudence dans l'appréciation des déclarations faites sous serment qui ont trait à des actes d'intimidation et de violence. Quant à l'argument selon lequel la New Guiana Company Ltd. appartiendrait au Parti progressiste populaire, il déclare que cette compagnie est une société à responsabilité limitée qui compte des centaines d'actionnaires.
- 58. Le Comité se trouve placé devant des informations très nombreuses qui révèlent des divergences fondamentales entre les déclarations des plaignants et les observations fournies par le gouvernement du Royaume-Uni. Il n'est pas possible au Comité d'établir quelle est la réalité des faits sur la base des informations dont il dispose. En outre, les observations du gouvernement sont fondées sur des informations fournies par le gouvernement de la Guyane britannique, et le Comité prend note de la déclaration du gouvernement du Royaume-Uni que, sur le plan interne, la Guyane britannique est autonome et que les questions soulevées dans les allégations formulées sont du ressort exclusif du gouvernement de la Guyane britannique. Parallèlement, toutefois, le gouvernement du Royaume-Uni reste responsable des relations internationales de la Guyane britannique.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 59. Dans ces conditions, tenant compte du fait que la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, a été déclarée applicable à la Guyane britannique avec une seule modification relative à l'enregistrement des organisations, laquelle n'affecte pas les questions soulevées dans la présente affaire, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de prier le gouvernement du Royaume-Uni d'attirer l'attention du gouvernement de la Guyane britannique sur l'importance que le Conseil d'administration attache aux principes selon lesquels:
- i) les travailleurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières;
- ii) les organisations de travailleurs ont le droit d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action, les autorités publiques devant s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal;
- b) d'exprimer l'espoir que, conformément aux obligations découlant de l'article 11 de ladite convention, toutes les mesures nécessaires et appropriées seront prises en vue d'assurer aux travailleurs de la Guyane britannique le libre exercice du droit syndical.
- Genève, 4 juin 1964. (Signé) Roberto AGO, président.