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Definitive Report - Report No 98, 1967

Case No 358 (Mexico) - Complaint date: 26-SEP-63 - Closed

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  1. 28. La plainte de la Fédération syndicale mondiale fait l'objet d'une communication en date du 26 septembre 1963. Elle a été transmise au gouvernement, qui a fait parvenir ses observations le 29 février 1964.
  2. 29. Le Mexique a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il n'a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 30. Les plaignants alléguaient qu'au début d'août 1963 un groupe de dirigeants syndicaux, au nombre desquels figuraient la plupart des anciens membres du Comité exécutif national du Syndicat des cheminots de la République mexicaine - dont M. Demetrio Vallejo Martinez, secrétaire général - avaient été condamnés à diverses peines d'emprisonnement. M. Vallejo Martinez a été frappé d'une peine de seize années d'emprisonnement, qui fut confirmée en deuxième instance. En fait, d'après les plaignants, ces sentences auraient constitué un acte de répression contre le droit de grève et d'autres droits syndicaux exercés par les personnes ayant fait l'objet de ces condamnations. En mars 1959, en effet, les cheminots se sont mis en grève après l'échec des négociations en vue d'obtenir une augmentation de salaire et l'amélioration des conditions de travail, et le gouvernement aurait déclenché une violente campagne de répression contre les grévistes, se soldant par l'arrestation de cinq mille travailleurs. Les dirigeants du syndicat furent arrêtés, et leur procès fut instruit. Plusieurs centaines de grévistes furent licenciés. M. Vallejo Martinez ainsi que d'autres dirigeants furent accusés de s'être livrés à des actes de subversion et restèrent en prison pendant quatre ans, en attente des jugements.
  2. 31. Dans sa réponse, en date du 26 février 1964, le gouvernement commençait par préciser avant toute chose que le Syndicat des cheminots de la République mexicaine ne faisait pas partie de la Fédération syndicale mondiale et que cette dernière organisation ne pouvant s'arroger un droit de représentation qu'elle ne possédait pas, la plainte par elle formulée ne saurait, par conséquent, être prise en considération.
  3. 32. Sur le fond même de la plainte, le gouvernement alléguait que M. Vallejo Martínez et les autres inculpés, après avoir été nommés à la direction du syndicat en cause, fomentèrent, en cette qualité, une série de troubles, de mouvements séditieux et d'actes de violence tendant à perturber l'économie du pays et à renverser les institutions établies. En conséquence, le gouvernement mexicain, estimant que des délits de subversion sociale (disolución social) avaient été commis, et qu'ils étaient dirigés contre l'économie et contre le fonctionnement des transports publics, etc., sollicita l'intervention des autorités judiciaires. Les délits en question relevant du droit commun, les inculpés furent condamnés en tant que criminels de droit commun. Au cours des procédures qui suivirent, ces mêmes personnes furent reconnues coupables en première et deuxième instances. Toutefois, la Cour suprême, qui constitue le tribunal de dernière instance, n'avait pas encore prononcé sa sentence. Les inculpés ont pu choisir eux-mêmes leurs avocats, les audiences auxquelles ils ont pris part ont été publiques, et aucun d'entre eux n'a été isolé ou mis au secret; d'autre part, tout les délais légaux ont été respectés.
  4. 33. Le gouvernement joignait à sa réponse le texte de la sentence prononcée par le deuxième juge de district du District fédéral en matière pénale, dans le procès instruit contre les personnes en cause. Il joignait également un certificat émanant du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale attestant que ledit organisme avait en sa possession le procès-verbal des assemblées tenues en janvier 1962 au cours desquelles furent élus les membres des différents organes exécutifs syndicaux, et notamment les membres du Comité exécutif général et du Comité général de surveillance et de contrôle du Syndicat des cheminots de la République mexicaine. Enfin, le gouvernement envoyait également copie d'une lettre du 27 décembre 1963 adressée au ministère du Travail et de la Prévoyance sociale par le secrétaire général de ce syndicat, où il était donné réponse à diverses questions formulées par le ministère.
  5. 34. Il ressort notamment des réponses contenues dans ce dernier document que te Syndicat des cheminots de la République mexicaine est le seul à grouper les travailleurs des chemins de fer, au nom desquels il a conclu des contrats collectifs de travail, qu'il n'appartient à aucune fédération nationale ou internationale et que, par conséquent, il n'est pas non plus membre de la Fédération syndicale mondiale, qu'il n'a jamais donné mandat à la Fédération syndicale mondiale pour porter plainte contre le gouvernement mexicain pour violations de la liberté syndicale; que le gouvernement mexicain n'a jamais porté atteinte à la liberté syndicale au préjudice des travailleurs, et encore moins au préjudice des cheminots; que jamais cinq mille cheminots n'ont été arrêtés, et qu'enfin, ce que l'on sait, c'est que M. Vallejo Martinez et ses compagnons ont été jugés en première instance pour des délits de droit commun et qu'ils ont entamé une procédure de recours.
    • Question préalable de la recevabilité de la plainte
  6. 35. En examinant ce cas lors de sa trente-septième session (juin 1964), le Comité a relevé qu'en une occasion précédente, le Secrétaire général des Nations Unies avait transmis à l'O.I.T une plainte du Conseil local des travailleurs des chemins de fer de Tierra Blanca (Veracruz, Mexique), relative à la détention de M. Vallejo Martinez. Cette plainte avait été communiquée au gouvernement mexicain, lequel déclarait que les signataires de la plainte n'avaient pas, au moment où ils déposèrent cette dernière et contrairement à leur affirmation, qualité de président et de secrétaire de l'organisme susmentionné et c'est pourquoi ils n'avaient pas compétence pour le dépôt de ladite plainte. Dans ces conditions, le Comité avait demandé qu'on lui fournisse les renseignements nécessaires pour éclaircir la situation. Ceux-ci n'ayant pas été fournis, le Comité était arrivé à la conclusion suivante:
    • Etant donné qu'il n'a pas été possible au Comité d'obtenir les renseignements qu'il avait sollicités sur l'organisation plaignante et que, d'autre part, il n'a pas pu être fixé sur la qualité véritable des signataires de la plainte, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que, dans ces conditions, la plainte ne peut être considérée comme recevable en vertu de la procédure en vigueur.
  7. 36. Dans le cas présent, a observé le Comité à sa trente-septième session, le gouvernement soutient que le Syndicat des cheminots de la République mexicaine n'étant pas affilié à la Fédération syndicale mondiale, celle-ci ne peut s'arroger un droit de représentation qui n'est pas le sien, en conséquence de quoi la plainte qu'elle soumet est irrecevable.
  8. 37. Le Comité a rappelé à sa trente-septième session que, conformément à la procédure en vigueur au Comité de la liberté syndicale, les allégations formulées ne seront recevables que si elles sont soumises par une organisation nationale directement intéressée à la question, par des organisations internationales d'employeurs ou de travailleurs jouissant du statut consultatif auprès de l'O.I.T, ou d'autres organisations internationales d'employeurs ou de travailleurs, lorsque ces allégations sont relatives à des questions affectant directement les organisations membres de ces organisations internationales.
  9. 38. Dans le cas présent, a relevé le Comité, la plainte a été présentée par la Fédération syndicale mondiale, organisation internationale de travailleurs jouissant du statut consultatif auprès de l'O.I.T. Il n'est pas nécessaire, de ce fait, et conformément à la procédure exposée plus haut, que l'organisation mentionnée compte le Syndicat des cheminots de la République mexicaine parmi ses affiliés pour pouvoir formuler une plainte concernant des faits qui auraient touché ledit Syndicat et son ancien comité exécutif.
  10. 39. Dans ces conditions, le Comité a décidé que, pour les motifs exposés, la plainte formulée par la Fédération syndicale mondiale était recevable conformément à la procédure en vigueur.
  11. 40. Cette décision a été portée à la connaissance du gouvernement par une lettre en date du 19 juin 1964.
    • Allégations relatives aux condamnations infligées à divers dirigeants syndicaux
  12. 41. Les plaignants alléguaient que la plupart des anciens membres du Comité exécutif national du Syndicat des cheminots de la République mexicaine avaient été condamnés à titre de représailles contre la grève qu'ils avaient organisée. De son côté, le gouvernement soutenait que les condamnations prononcées contre ces personnes avaient été motivées par le fait que les inculpés avaient commis des délits de droit commun et notamment des actes de subversion. Afin de justifier cette assertion, le gouvernement joignait le texte de la sentence prononcée en première instance contre les inculpés, dans lequel sont énumérés les actes qui leur sont reprochés, ainsi que les fondements juridiques des peines prononcées.
  13. 42. Lors de son examen du cas à sa trente-septième session (juin 1964), le Comité a rappelé que lorsque des gouvernements ont répondu à des allégations selon lesquelles des syndicalistes ou des travailleurs ont été arrêtés, en déclarant que les personnes en question ont été, en réalité, emprisonnées du fait de leurs activités subversives pour des raisons de sécurité intérieure ou pour un délit de droit commun, le Comité a considéré de façon réitérée qu'il devait toujours suivre la règle consistant à demander aux gouvernements intéressés de fournir des informations complémentaires, aussi précises que possible, au sujet des détentions en cause et des motifs exacts qui les ont dictées. Si, dans certains cas, le Comité a estimé que les allégations relatives à l'arrestation ou à la détention de militants syndicaux n'exigeaient pas un examen plus poussé, c'est qu'il avait reçu des gouvernements certaines informations prouvant d'une manière suffisamment évidente et précise que ces arrestations et détentions n'avaient rien à voir avec les activités syndicales, mais étaient le résultat d'activités étrangères au mouvement syndical, néfastes pour l'ordre public ou dirigées contre le régime politique.
  14. 43. Le Comité a fait observer que, conformément à ce qu'indiquait le gouvernement dans sa réponse, les personnes visées par la plainte avaient été condamnées en première et en deuxième instance pour des délits de droit commun. Dans le volumineux extrait de jugement de première instance, communiqué par le gouvernement, les actes des divers inculpés sont analysés dans le détail, ainsi que leur participation aux faits qui leur sont reprochés. M. Vallejo Martinez a été condamné pour des délits de subversion sociale (disolución social) dirigés contre l'économie et contre le fonctionnement des transports publics, et pour le délit comparable à celui de rébellion privée (resistencia de particulares). Les autres inculpés ont été condamnés pour la totalité ou pour certains de ces délits.
  15. 44. En analysant les nombreux éléments de preuve joints au dossier de l'affaire, le magistrat concluait que ces preuves ne laissaient aucun doute quant aux liens étroits existant entre des cellules politiques communistes et les activités des inculpés, ni sur le fait que ces derniers n'agirent pas dans l'objet déterminé d'appuyer une revendication ouvrière, mais que leur objectif principal était de se prévaloir de l'organisation syndicale pour mettre sur pied un mouvement de caractère politique et subversif. Le juge indiquait que, dans ce cas précis, « la caractéristique du délit de subversion sociale, savoir le fait, pour quiconque, de persuader une ou plusieurs personnes ou de les inciter par quelque moyen que ce soit à accomplir des actes de provocation dans l'objet de troubler l'ordre public, a été abondamment démontré au cours du procès », dans la mesure où les dirigeants communistes auxquels fut intenté le procès, ainsi que certains autres inculpés recourant aux moyens d'agitation exposés dans la sentence, induisirent ou incitèrent les cheminots et les travailleurs affiliés aux organisations auxquelles ils s'adressèrent et dont ils sollicitèrent l'appui, au nom de la solidarité, ainsi que le prolétariat en général, à se livrer à des actes de provocation dans l'objet de troubler l'ordre public, en parvenant à paralyser le réseau ferroviaire du pays, à la suite de l'arrêt de toute activité auquel furent persuadés tous les cheminots, « ainsi qu'il est établi en toute certitude dans la présente sentence ».
  16. 45. Les actes soumis à l'examen du juge ont également été considérés comme dirigés contre l'économie et contre le fonctionnement des transports publics, ainsi que comme des moyens de pression sur les autorités, et comparables au délit de rébellion privée (resistencia de particulares). D'après le juge, le premier a été commis du fait de l'arrêt des communications ferroviaires dans le pays, les travailleurs ayant été incités à se livrer à la subversion contre les institutions nationales, ainsi qu'à des actes de provocation dans le dessein de troubler l'ordre public. Le délit contre l'économie s'est produit du fait du bouleversement du marché intérieur par des moyens illicites. Enfin, le délit de pression sur les autorités a été commis du fait que les accusés se sont prévalus des grèves pour que les autorités interviennent non seulement en dehors de toute procédure légale, mais encore contre les décisions de la Commission fédérale de conciliation et d'arbitrage.
  17. 46. Dans sa communication du 29 février 1964, le gouvernement a fait savoir que « la Cour suprême, qui constitue le tribunal de dernière instance, n'a pas encore prononcé de sentence; c'est à elle qu'il appartiendra, en définitive, de décider des mesures à prendre dans cette affaire ». De cette déclaration, le Comité a inféré que le cas n'avait pas encore été réglé par cette instance judiciaire suprême.
  18. 47. A sa trente-septième session, le Comité a rappelé avoir toujours suivi, par le passé, la règle consistant à ajourner l'examen de cas ayant été soumis à un tribunal judiciaire national, lorsque la procédure devant cette instance pouvait lui fournir des éléments d'information propres à lui permettre de déterminer si la plainte était justifiée ou non. De même, le Comité a fait remarquer en d'autres occasions qu'il a demandé plusieurs fois au gouvernement de lui envoyer des informations sur les poursuites judiciaires et sur leurs résultats.
  19. 48. Dans ces conditions, le Comité a pris note avec intérêt de la sentence que lui avait communiquée le gouvernement; toutefois, l'affaire se trouvant encore devant une instance judiciaire, il a prié le gouvernement de bien vouloir lui communiquer le résultat de la procédure engagée devant la Cour suprême de justice et décidé en attendant de réserver ses conclusions sur ce cas.
  20. 49. A ses trente-huitième, trente-neuvième et quarantième sessions (novembre 1964, février 1965 et mai 1965, respectivement), le Comité, n'ayant pas reçu du gouvernement les renseignements demandés, décidait d'ajourner l'examen de ce cas.
  21. 50. Par une communication en date du 20 mai 1965, le gouvernement déclarait que, dans l'objet de fournir les renseignements demandés, le procureur général de la République avait été prié de communiquer les faits du cas, dont il ressortait que le jugement rendu (en seconde instance) par le tribunal de la première zone (à juge unique) (Tribunal Unitario del Primer Circuito) avait fait l'objet d'un recours d'amparo (garantie des droits individuels) devant la première chambre de la Cour suprême de justice, laquelle, à la date de la communication, n'avait pas encore rendu son arrêt.
  22. 51. En conséquence, à ses quarante et unième et quarante-deuxième sessions (novembre 1965 et février 1966), le Comité ajournait une fois de plus l'examen du cas. Par une communication en date du 4 mars 1966 émanant de la délégation permanente du Mexique à Genève, le gouvernement transmettait le texte du jugement rendu le 20 mai 1964 par le tribunal de la première zone (à juge unique) (Tribunal Unitario del Primer Circuito), qui confirmait presque entièrement le jugement rendu par le tribunal de première instance; cependant, ce jugement prononçait un non-lieu en ce qui concerne l'accusation de rébellion privée, uniquement pour les personnes qui avaient été inculpées sous ce chef d'accusation. En outre, le tribunal de seconde instance établit que dix des condamnés avaient dans l'intervalle purgé les peines correspondant aux autres délits et le déclarait dans son jugement. Il ramenait à onze ans et quatre mois de prison la condamnation frappant M. Vallejo Martinez et fixait celles des autres condamnés à des périodes d'emprisonnement allant de deux ans et huit mois, pour certains, à onze ans et deux mois, pour d'autres.
  23. 52. A sa quarante-troisième session (mai 1966), le Comité, dans l'attente de l'arrêt de la Cour suprême de justice, ajournait une fois de plus l'examen du cas. Par une communication en date du 12 janvier 1967, émanant de la délégation permanente du Mexique à Genève, le gouvernement transmettait le texte de deux jugements en date du 24 mars 1966 prononcés par la première chambre de la Cour suprême de justice sur les recours d'amparo nos 6958/64 et 7634/64, intentés par M. Vallejo Martínez et d'autres inculpés contre l'arrêt du tribunal de deuxième instance. Il ressort du texte des jugements de la Cour suprême que d'autres recours analogues, interjetés par les autres condamnés, furent résolus de la même façon. Dans les attendus de ses jugements, la Cour suprême de justice fait un commentaire détaillé des éléments qui, conformément aux dispositions du Code pénal fédéral, constituent chacun des trois délits dont l'arrêt du tribunal de seconde instance établit qu'ils furent effectivement commis, de même que des faits incriminés et des preuves apportées.
  24. 53. Il est indiqué, dans une partie des attendus, que le délit de troubles sociaux visant à la dissolution de l'Etat tel qu'il est défini à l'article 145 du Code pénal fédéral, et qui rentre dans le cadre des délits contre la sécurité intérieure de la nation, doit être considéré comme faisant partie des délits couramment désignés sous la dénomination de délits politiques. L'énoncé des attendus fait ressortir que les activités ayant motivé la condamnation de M. Vallejo Martinez et d'autres inculpés sous ce chef d'accusation ont consisté en l'élaboration et la mise en oeuvre de programmes visant à employer le mouvement syndical à des fins subversives, dans le but de saper la structure juridique et politique de l'Etat, telle qu'elle est définie par la Constitution de 1917, pour la remplacer par un régime socialiste.
  25. 54. A ce propos sont rappelées diverses perturbations qui auraient été provoquées à l'occasion de certains conflits du travail, en 1955 et 1956, par des personnalités politiques agissant dans les milieux syndicaux, de même que les grèves des cheminots qui eurent lieu en 1959. Ces dernières, qui touchèrent au début les Chemins de fer nationaux mexicains, furent à l'origine de négociations au cours desquelles des augmentations de salaire furent offertes aux cheminots, sur la base de propositions formulées par le secrétariat au Travail; cependant, la grève qui avait été déclenchée f ut déclarée inexistante, puisqu'il n'était pas établi qu'elle avait été décrétée par la majorité des travailleurs prévue par la loi. M. Vallejo Martinez, secrétaire général du Syndicat, ordonna aux cheminots de ne pas regagner leurs postes; le secrétariat au Travail n'en poursuivit pas moins ses efforts de conciliation et parvint à la solution du problème en obtenant la reprise du travail. Par la suite, des mouvements de grève éclatèrent dans les Chemins de fer du Sud-Pacifique, les Chemins de fer mexicains et la Compagnie du terminus de Veracruz. Les grèves qui eurent lieu dans ces entreprises furent également déclarées inexistantes par les autorités, car il n'était pas prouvé qu'elles aient été décrétées conformément aux dispositions de la loi. Dans tous ces cas, les cheminots reçurent l'ordre de reprendre le travail dans un délai de vingt-quatre heures, ce qu'ils ne firent pas, car ils avaient pour instruction de ne pas retourner à leurs postes aussi longtemps qu'il ne serait pas fait droit à leurs exigences. Les suspensions du travail se poursuivant dans les Chemins de fer nationaux mexicains, les autorités de police intervinrent, puis, lorsque la grève se généralisa, les forces armées entrèrent en jeu à leur tour, en arrêtant les dirigeants du Syndicat ainsi que des centaines de travailleurs. Les attendus du jugement font état de déclarations de même que de documents tendant à prouver l'intervention « d'éléments communistes » dans le conflit, ainsi que la mise en pratique de consignes politiques par les dirigeants du Syndicat.
  26. 55. En substance, la Cour suprême de justice estima que la conclusion à laquelle était parvenu le juge de district, qui avait été confirmée par le tribunal de seconde instance, était conforme au droit, car il était établi que les condamnés avaient incité les travailleurs à ébranler par la subversion la vie institutionnelle du pays au moyen de grèves et d'arrêts du travail effectués en dehors de toute procédure légale, en s'opposant directement à l'autorité de l'Etat; or cela constitue une violation des dispositions de l'article 145 du Code pénal précité, lequel punit tout ressortissant du pays ou étranger qui incite ou induit, par un moyen quelconque, d'autres personnes à ébranler la vie institutionnelle du pays. A ce propos, les sentences dont le texte a été communiqué par le gouvernement insistent sur le fait que l'attitude prise par les accusés ne visait pas à obtenir les avantages pour la classe ouvrière, mais à faire échec à l'autorité de l'Etat à des fins subversives.
  27. 56. En ce qui concerne le délit d'atteintes aux voies générales de communication, la Cour suprême de justice fait valoir que toutes les locomotives employées sur le réseau ferroviaire ont été immobilisées comme conséquence directe et en exécution des instructions télégraphiques ordonnées par M. Vallejo Martinez. La Cour suprême fait observer que, pour commettre le délit visé à l'article 167, paragraphe VII, du Code pénal, point n'est besoin de recourir à la force ou à la violence contre des machines.
  28. 57. En ce qui concerne le délit commis contre l'économie du pays, la Cour suprême le considéra de même comme pleinement établi puisque les actes perpétrés par les accusés avaient causé indubitablement des perturbations dans le pays du fait que des milliers de tonnes de produits et de matières premières étaient restées immobilisées, ce qui avait eu pour résultat de priver bien des lieux de la République mexicaine des approvisionnements habituels et nécessaires aux consommateurs, d'où un enchérissement de la vie et la paralysie de nombreuses opérations commerciales qui constituent pour une grande part la vie économique de la nation; tout cela constitue le délit visé à l'article 254, paragraphe Ill, du Code pénal fédéral, lequel punit toute personne qui, par un moyen autre que des publications fausses, exagérées ou tendancieuses, cause des perturbations sur le marché intérieur.
  29. 58. La Cour suprême de justice souligne que les sanctions prononcées ne violent pas les garanties individuelles puisqu'elles ont été appliquées conformément aux dispositions des articles 51 et 52 du Code pénal fédéral dans les limites maximales et minimales fixées, et compte tenu du caractère dangereux des accusés. Enfin, la Cour suprême de justice, jugeant que la violation des droits individuels n'était pas établie, décida de rejeter le recours d'amparo.
  30. 59. Le Comité relève que, en réponse aux allégations formulées par les plaignants selon lesquelles la détention et la condamnation des anciens membres du Comité exécutif national du Syndicat des cheminots de la République mexicaine constituaient un acte de répression contre le droit de grève et d'autres droits syndicaux, le gouvernement a présenté le texte intégral des sentences prononcées par les tribunaux de première et de seconde instance en jugement ordinaire, de même que le texte intégral de deux des sentences exécutoires prononcées par la Cour suprême de justice à l'occasion du recours d'amparo interjeté par M. Vallejo Martinez et d'autres accusés. Il ressort des documents soumis que, le cas ayant été porté devant les instances judiciaires compétentes offrant, semble-t-il, les garanties d'une procédure régulière, ces instances estimèrent que les actes imputés à M. Vallejo Martinez et aux autres accusés constituaient des délits sanctionnés par le Code pénal fédéral.
  31. 60. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de prendre acte que, ainsi qu'il ressort des sentences judiciaires rendues dans le cadre de ce cas, dont le texte intégral - attendus y compris - a été communiqué par le gouvernement, M. Vallejo Martinez et les autres accusés ont été traduits en jugement devant les tribunaux ordinaires en bénéficiant, semble-t-il, des garanties d'une procédure régulière, et condamnés pour divers délits sanctionnés par le Code pénal;
    • b) de prendre acte que la Cour suprême de justice n'a pas fait droit au recours d'amparo interjeté contre la sentence par les intéressés;
    • c) compte tenu des éléments figurant aux alinéas a) et b) ci-dessus, et conformément aux principes énoncés au paragraphe 42 ci-dessus, de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
      • Allégations relatives à l'arrestation et au renvoi de grévistes
    • 61. En ce qui concerne les autres allégations, selon lesquelles cinq mille travailleurs auraient été arrêtés et plusieurs centaines d'entre eux licenciés à la suite de la grève de 1959, le Comité, se fondant sur la documentation fournie par le gouvernement, relève qu'effectivement plusieurs centaines de travailleurs furent arrêtés lors de ce conflit (voir ci-dessus paragr. 54), semble-t-il, parce qu'ils avaient poursuivi la grève en obéissant à des consignes qui leur avaient été données illégalement, en dépit du fait que ces grèves avaient été déclarées inexistantes. En revanche, par une communication en date du 29 février 1964, le gouvernement a transmis à sa décharge le texte d'une déclaration du secrétaire général du Syndicat des cheminots de la République mexicaine, déclaration faite en réponse à un questionnaire de décembre 1963, émanant du secrétariat au Travail et à la Prévoyance sociale, c'est-à-dire postérieurement aux événements en question et aux élections auxquelles le syndicat précité avait procédé en 1962 (voir plus haut paragr. 33 et 34). Il apparaîtrait, d'après cette déclaration, que le syndicat directement en cause ne formulait contre le gouvernement aucune accusation de violation de la liberté syndicale, ce qui, en tout état de cause, semblerait indiquer qu'à cette date la situation s'était normalisée.
  32. 62. Eu égard aux informations communiquées par le gouvernement, dont il est fait état au paragraphe précédent, et étant donné que ces allégations ont été formulées en termes généraux, sans que des détails importants en soient donnés, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle plus de sa part un examen plus approfondi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 63. Dans ces conditions, en ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) en ce qui concerne les allégations relatives aux condamnations prononcées contre divers dirigeants syndicaux:
    • i) de prendre acte que, ainsi qu'il ressort des sentences judiciaires rendues dans le cadre de ce cas, dont le texte intégral - attendus y compris - a été communiqué par le gouvernement, M. Demetrio Vallejo Martinez et les autres accusés ont été traduits en jugement devant les tribunaux ordinaires en bénéficiant, semble-t-il, des garanties d'une procédure régulière, et condamnés pour divers délits sanctionnés par le Code pénal;
    • ii) de prendre acte que la Cour suprême de justice n'a pas fait droit au recours d'amparo interjeté contre la sentence par les intéressés;
    • iii) compte tenu des éléments figurant aux sous-alinéas i) et ii) ci-dessus, et conformément aux principes énoncés au paragraphe 42 plus haut, de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi;
    • b) en ce qui concerne les allégations relatives à l'arrestation et au renvoi de grévistes, compte tenu des informations communiquées par le gouvernement, dont il est fait état plus haut au paragraphe 61, et étant donné que ces allégations ont été formulées en termes généraux sans que des détails importants en soient donnés, de décider que cet aspect du cas n'appelle plus de sa part un examen plus approfondi.
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