Display in: English - Spanish
- 222. Lorsque le Comité a examiné ce cas à sa session du mois d'octobre 1962, il a soumis au Conseil d'administration un rapport intérimaire contenu aux paragraphes 136 à 243 de son soixante-septième rapport, lequel a été approuvé par le Conseil à sa 154ème session (mars 1963).
- 223. Le paragraphe 243 du soixante-septième rapport du Comité, qui contient les recommandations de ce dernier au Conseil d'administration, est ainsi conçu
- 243. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de proposer au gouvernement d'organiser un enquête impartiale, prompte et exhaustive, qui serait suivie d'une tentative visant à une reprise des négociations dans le but d'aboutir à un règlement par voie d'accord, ainsi qu'il est recommandé aux paragraphes 241 et 242 ci-dessus;
- b) de noter que le Comité a ajourné à sa session de mai 1963 la suite de son examen de l'allégation formulée par les plaignants, selon laquelle le gouvernement ne s'acquitte pas de l'obligation qui lui incombe d'assurer l'application de la convention de 1949 sur le droit d'organisation et de négociation collective, afin de permettre au gouvernement d'indiquer s'il est en mesure d'accepter cette recommandation, et que le Comité fera à nouveau rapport au Conseil d'administration à la 155ème session de celui-ci.
- 224. Cette décision du Conseil d'administration a été portée à la connaissance du gouvernement du Royaume-Uni par une lettre en date du 13 mars 1963.
- 225. Lors de sa réunion du 27 mai 1963, le Comité a pris connaissance d'une lettre du gouvernement, reçue le 8 avril 1963, et dans laquelle le gouvernement déclare accepter la recommandation du Comité et indique avoir décidé d'organiser une enquête sur les questions soulevées dans la plainte, enquête qui doit être menée par l'Honorable Lord Cameron, D.S.C, Q.C, juge à la Cour suprême d'Ecosse, assisté des assesseurs désignés par la partie intéressée.
- 226. Le Comité a soumis au Conseil d'administration un second rapport intérimaire contenu aux paragraphes 280 à 284 de son soixante-dixième rapport, lequel a été approuvé par le Conseil à sa 155ème session.
- 227. Le paragraphe 284 du soixante-dixième rapport du Comité, qui contient les recommandations de ce dernier au Conseil d'administration, est ainsi conçu
- 284. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de prendre note avec satisfaction de la déclaration du gouvernement d'où il ressort que ce dernier accepte la recommandation contenue au paragraphe 243 du soixante-septième rapport du Comité et a décidé d'organiser un enquête sur les questions soulevées dans la plainte, enquête qui doit être menée par l'Honorable Lord Cameron, D.S.C, Q.C, assisté d'assesseurs désignés par les parties intéressées;
- b) de prier le gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant de l'évolution de la situation et fournir le rapport et les constatations résultant de l'enquête lorsque ceux-ci seront disponibles.
- 228. Cette décision du Conseil d'administration a été portée à la connaissance du gouvernement du Royaume-Uni par une lettre en date du 13 juin 1963.
- 229. Lors de sa séance des 4 et 5 novembre, le Comité, comme le signale le paragraphe 3 de son soixante-douzième rapport, a ajourné l'examen du cas en attendant que le gouvernement l'informe sur les conclusions de l'enquête.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 230. En annexe à une lettre datée du 11 décembre 1963, le gouvernement a transmis une copie du rapport de Lord Cameron, qui avait été soumis au Parlement le 28 novembre 1963. Dans sa lettre, le gouvernement attire particulièrement l'attention sur le paragraphe 303 dudit rapport, dont la teneur est la suivante:
- Il m'apparaît donc - et ceci est consigné aux paragraphes 264 à 283 des allégations précises formulées contre les quatre banques et dont certaines ont été signalées par moi comme ne constituant pas des actes de violation de l'article 2, paragraphe 2, de la convention no 98, en ce sens qu'elles ont trait à des événements survenus bien avant la signature de cette convention, et ne se rattachant pas à une ligne de conduite uniformément suivie après cette date - que les allégations qui, chronologiquement, sont valables, sont pour la plupart dépourvues de preuves, ou de toute évidence gravement exagérées, ou présentées sous un faux jour. Sur la question plus large de savoir si, compte tenu de l'ensemble des circonstances admises et des faits prouvés, on pourrait dire que les plaignants ont réussi à établir qu'il y a bien eu violation de l'article 2, paragraphe 2, dans l'un quelconque des cas qui y sont prévus, je conclurais, si la décision m'appartenait, que les plaignants n'y sont pas parvenus.
- 231. Le gouvernement attire aussi l'attention sur les conclusions du rapport de Lord Cameron qui font état de suggestions tendant à améliorer les relations dans le secteur bancaire en général, et qui révèlent que l'enquête a permis d'assurer une amélioration durable des relations existant au sein du secteur précité.
- 232. Le gouvernement déclare ensuite que le ministre du Travail s'est rallié au point de vue de Lord Cameron selon lequel le Syndicat national des employés de banque (N.U.B.E.) « n'est pas parvenu à prouver que le gouvernement de Sa Majesté a violé » la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Le ministre, poursuit le gouvernement, « s'est également montré favorable aux suggestions visant une amélioration des relations de travail dans le secteur bancaire », et il a recommandé aux organisations intéressées de les examiner sans délai et attentivement. En conclusion, le gouvernement ajoute que « les fonctionnaires du Département se sont mis en rapport avec ces organisations afin de les aider à mettre ces suggestions à profit ». Le gouvernement demande que le contenu de sa lettre et du rapport de Lord Cameron soit porté à la connaissance du Comité.
- 233. Les deux premières parties du rapport sont formelles. Les parties III et IV précisent la forme et l'historique de la plainte, qu'elles analysent brièvement.
- 234. Dans la partie V de son rapport, Lord Cameron examine les articles pertinents de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, qui a été ratifiée par le Royaume-Uni.
- 235. Il se réfère particulièrement à l'article 2 de la convention, lequel est ainsi conçu:
- 1. Les organisations de travailleurs et d'employeurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes d'ingérence des unes à l'égard des autres, soit directement, soit par leurs agents ou membres, dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration.
- 2. Sont notamment assimilées à des actes d'ingérence au sens du présent article des mesures tendant à provoquer la création d'organisations de travailleurs dominées par un employeur ou une organisation d'employeurs, ou à soutenir des organisations de travailleurs par des moyens financiers ou autrement, dans le dessein de placer ces organisations sous le contrôle d'un employeur ou d'une organisation d'employeurs.
- 236. A ce sujet, Lord Cameron fait observer que ledit article 2 est muet quant aux buts pour lesquels la domination ou le contrôle est recherché ou réalisé, mais que « [ces mesures tendant à provoquer la création d'organisations de travailleurs ou à les soutenir] doivent viser à la domination; de sorte que le simple fait d'encourager la création d'organisations de travailleurs, ou de les soutenir, ne contrevient pas en soi aux dispositions de cet article ». Toutefois, les plaignants ont soutenu que cette domination devrait fournir un prétexte aux banques pour ne pas reconnaître le N.U.B.E et ne pas lui accorder le droit de négocier. Selon Lord Cameron, cette allégation soulève une question délicate qui « ne découle pas expressément des termes de cet article », soit « la question de savoir dans quelle mesure un employeur a le droit de choisir le syndicat ou l'association de travailleurs qu'il acceptera pour représenter l'ensemble du personnel, lorsqu'il existe plus d'un syndicat ou d'une association pouvant revendiquer des affiliés parmi des salariés de la ou des mêmes catégories ». C'est pourquoi Lord Cameron précise qu'il se réservera de formuler certaines observations sur des questions plus générales soulevées par cette enquête.
- 237. Lord Cameron fait encore observer que, selon lui, bien que la plainte ne soit pas fondée sur l'article 4 de la convention, les plaignants font état de certaines infractions à l'article précité apparemment dans l'intention d'avancer qu'un système national de négociation devrait être institué et que le N.U.B.E devrait avoir le droit d'être reconnu en tant que représentant des employés. Toutefois, la plainte n'étant pas fondée sur cet article, il a refusé de la considérer comme si tel était le cas, encore qu'il n'estime pas que le libellé de l'article 4 puisse autoriser pareille vue.
- 238. Lord Cameron se réfère aux arguments qui lui ont été soumis et qui portent sur des points d'interprétation. De l'avis de l'avocat de la District Bank, le pluriel utilisé au paragraphe 1 de l'article 2 de la convention implique que l'article tout entier ne peut s'appliquer aux actes d'employeurs qui ne sont pas membres d'une organisation d'employeurs. Selon les plaignants, le terme « organisation d'employeurs » figurant au paragraphe 2 de l'article 2 embrasse des personnes morales telles que les sociétés par actions. Lord Cameron rejette ces arguments et estime, quant à lui, que le mot « employeurs » contenu dans le paragraphe 2 de l'article 2 doit être compris comme englobant le singulier, d'autant que l'on trouve dans le texte français le mot « un employeur ».
- 239. Selon lui, il serait regrettable qu'une plainte soulevant « dans le fait et dans le principe, des questions profondes et importantes, doive être tranchée sur un point technique d'interprétation ».
- 240. Le Comité prend note que Lord Cameron rejette l'allégation selon laquelle l'article 2 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ne peut être interprété comme s'appliquant aux employeurs qui ne sont pas membres d'organisations d'employeurs.
- 241. Les parties VI et VII du rapport concernent la portée de l'enquête et l'audition des premiers témoins. L'auteur du rapport expose en particulier les motifs pour lesquels il a limité l'enquête aux cas des quatre banques mises en cause par les plaignants, sans l'étendre à tout le secteur bancaire. Après avoir entendu les avocats des deux parties, Lord Cameron statue qu'aux termes de son mandat, il est tenu de se limiter à l'examen des questions particulières exposées dans la plainte qui a été soumise au B.I.T par le N.U.B.E, du mémoire joint à la plainte et aux annexes y afférentes, et des éléments contenus dans les réponses apportées à cette plainte au sujet des quatre banques visées dans cette dernière. Lord Cameron ajoute: «j'avais été chargé non pas de présider une commission d'enquête de la façon ordinairement appliquée dans les conflits du travail, mais plutôt pour mener une enquête extra-statutaire au sujet d'allégations formulées auprès d'une instance internationale extérieure, ainsi que sur les réponses données à ces allégations par les parties directement visées ou nommées ».
- 242. Le Comité prend note des motifs que Lord Cameron a exposés à l'appui de sa décision de limiter l'enquête aux questions intéressant les quatre banques mises en cause dans la plainte examinée par le Comité et relève qu'à cet égard, l'enquête a donné suite à la recommandation faite par le Conseil d'administration aux fins qu'une enquête soit organisée par le gouvernement sur les questions soulevées dans la plainte.
- 243. La partie VIII du rapport est consacrée à l'audition des témoins déposant en faveur des plaignants et des associations de personnel intéressées. En fait, ces dépositions couvrent en substance toutes les questions qui ont déjà été soumises au Comité par les plaignants ou qui sont contenues dans les déclarations émanant des associations de personnel de ces banques. Dans l'enquête toutefois, aucun témoin n'a été entendu en tant que représentant de la direction des banques mises en cause, bien que celles-ci aient précédemment soumis leurs propres observations au Comité. Cependant, les avocats des quatre banques respectives ont interrogé les témoins cités par les plaignants et les associations de personnel. En ce qui concerne cet aspect de l'affaire, Lord Cameron fait état de la protestation formulée par l'avocat du N.U.B.E lors de la décision prise par les banques de ne pas produire de témoins, mais, précise Lord Cameron, « il m'a paru que la substance réelle de cette plainte était que cette décision privait le Conseil de la possibilité de contre interroger tous les témoins qui auraient pu être cités mais je n'ai pas considéré que l'objet ou la portée de cette enquête ait été limité ou affecté de quelque façon par cette décision ».
- 244. A cet égard, le Comité estime que lorsqu'un gouvernement accepte, en réponse à une recommandation du Conseil d'administration, d'effectuer une enquête nationale du genre de celle qui a été organisée en l'espèce, les questions de procédure qui peuvent se poser au cours d'une telle enquête doivent, de toute évidence, être réglées par l'organe chargé de l'enquête et ne sauraient être examinées plus avant par le Comité, lorsqu'il est saisi des résultats de l'enquête.
- 245. La partie IX du rapport résume l'audition des derniers témoins par les avocats des parties.
- 246. La partie X du rapport est consacrée aux « conclusions de fait » de Lord Cameron. Dans cette partie, Lord Cameron passe en revue les très nombreux faits allégués et donne son avis quant à la question de savoir dans quelle mesure chacun d'entre eux est fondé ou non en ce qui concerne chacune des quatre banques mises en cause dans la plainte. Aux paragraphes 284 à 303, il formule des conclusions générales sur les éléments de l'enquête, dont certains des aspects essentiels seront examinés ci-dessous.
- 247. Pour ce qui concerne les allégations du N.U.B.E relatives à sa représentativité, l'auteur du rapport établit que celui-ci compte, dans le District Bank et la Martins Bank, environ 40 pour cent d'adhérents, proportion qui est beaucoup plus élevée dans la National Provincial Bank, mais qu'il groupe sept cents adhérents dans la Yorkshire Bank contre cinq cents membres de l'association de personnel. De toute façon, le N.U.B.E a « réussi à grouper un nombre respectable d'affiliés, considéré soit en chiffre absolu par rapport à l'ensemble des effectifs du personnel, soit en valeur relative par rapport au nombre des affiliés aux associations de personnel... ; il semblerait que cet argument constitue au moins un facteur déterminant qui serait d'un grand poids dans toute délibération ou discussion concernant la reconnaissance du syndicat en tant que partie à des négociations ou en qualité de représentant de ses affiliés ».
- 248. Aucune des quatre banques n'a octroyé la reconnaissance au N.U.B.E, en ce sens que la direction des banques n'a aucun contact personnel avec les fonctionnaires du syndicat, bien qu'elle accepte de considérer la correspondance du syndicat au sujet des conditions d'emploi et autres questions ou, tout au moins, d'en accuser réception. Les banques soutiennent que si elles n'ont pas reconnu le N.U.B.E, c'est qu'elles estiment que les intérêts légitimes du personnel sont suffisamment défendus par les associations de personnel. Le rapport constate que dans les locaux des quatre banques, aucune disposition n'a été prise, à titre officiel, pour faciliter les réunions du N.U.B.E et que celui-ci n'a reçu aucune aide pour distribuer son matériel imprimé ou afficher ses avis ou communiqués; à ce sujet, Lord Cameron relève que « comme aucune des banques ne reconnaît le caractère représentatif du syndicat, il n'est pas illogique, par voie de conséquence, qu'elles n'offrent à celui-ci aucun » [de ces services], Lord Cameron ajoute que l'aide effective dont bénéficient, à cet égard, les associations de personnel, leur confère une position plus forte sur les plans du recrutement et de la publicité.
- 249. Lord Cameron admet qu'avant 1945 la direction de la District Bank a exercé une discrimination à l'encontre des membres du syndicat (alors connu sous un autre nom) et a usé de pression pour qu'ils le quittent. En revanche, l'auteur du rapport n'a trouvé aucune preuve de tels procédés dans le cas des trois autres banques, ni dans celui de la banque précitée depuis le changement de direction survenu en 1945.
- 250. En ce qui concerne la question générale de la domination par l'employeur, Lord Cameron constate que rien ne permet d'établir « qu'une influence ou qu'une pression ait été directement exercée par l'une quelconque des quatre banques sur des adhérents ou des membres du bureau de leurs associations de personnel, pour les amener à modifier leurs statuts selon le goût de l'employeur, pour influencer le choix ou l'élection des membres du bureau ou pour influencer de quelque façon leurs actes alors qu'ils étaient en fonctions », et relève qu'il n'a trouvé aucun élément de preuve solide à l'appui des allégations selon lesquelles les associations de personnel ne seraient pas indépendantes, ou seraient dominées par les employeurs, ou encore recevraient une aide financière ou autre aux fins énoncées à l'article 2, paragraphe 2, de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Au sujet de l'aide financière que les associations de personnel auraient reçue des banques, Lord Cameron estime qu'il ressort des éléments de l'enquête que la distribution du matériel imprimé des associations de personnel est facilitée par l'utilisation du système d'expédition de la banque, et que les responsables des associations se servent parfois des fournitures de bureau de la banque et que les principaux fonctionnaires desdites associations perçoivent leur traitement intégral des banques, bien qu'ils consacrent, durant leurs heures de travail et avec le consentement de leurs employeurs, un temps plus ou moins considérable aux activités de leurs associations. Toutefois, l'auteur du rapport n'estime pas que de tels avantages financiers soient de nature à placer des associations de personnel sous le contrôle ou la domination des employeurs - au sens que ces deux termes revêtent dans leur acception courante - ni qu'ils aient été accordés dans un tel dessein, ou encore qu'ils aient eu un effet appréciable sur l'aptitude de ces associations à être financièrement indépendantes. Aussi rejette-t-il l'argument des plaignants selon lequel les avantages en question impliquent une domination.
- 251. Lord Cameron examine ensuite l'allégation des plaignants selon laquelle le fait que les statuts des associations de personnel leur interdisent de recourir à la grève implique qu'elles acceptent une tutelle permanente des banques. L'auteur du rapport n'a trouvé aucun élément tendant à démontrer que les banques obligent les associations à rédiger leurs statuts dans ce sens, et relève que les accords présentement en vigueur aux fins des règlements des différends prévoient l'arbitrage indépendant et dont les décisions lient les parties.
- 252. Dans ces conditions, Lord Cameron formule, au sujet de l'allégation de la violation de l'article 2, paragraphe 2, de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, les conclusions reproduites dans la lettre émanant du gouvernement du Royaume-Uni et citées au paragraphe 230 ci-dessus, conclusions aux termes desquelles il précise ce qui suit quant à la question de savoir si les plaignants ont su prouver pareille violation: «Je conclurais, si la décision m'appartenait, que les plaignants n'y sont pas parvenus. »
- 253. Ce faisant, Lord Cameron exprime son propre avis, tout en reconnaissant que la responsabilité ne lui incombe pas de trancher la question de savoir si, parmi les faits établis, il en est qui enfreignent une convention internationale du travail. Le Comité attache la plus grande importance au principe selon lequel la question de savoir si une convention internationale du travail a été violée ou non relève d'un jugement international et non national. En l'espèce, l'institution d'une enquête nationale a été proposée aux fins d'éclairer et d'élucider un grand nombre de faits complexes et controversables qui, compte tenu des circonstances, n'auraient pu être établis de façon satisfaisante par le recours à une procédure internationale. Le Comité accepte sans réserves les conclusions relatives aux points de fait, mais - tout en prenant note de la thèse de Lord Cameron selon laquelle, s'il lui appartenait de décider, il considérerait les faits établis comme n'étant pas de nature à violer la convention - estime que toute décision sur la question de savoir si les faits qui lui sont soumis constituaient ou constituent une violation de la convention, à supposer que la question doive être tranchée un jour, doit faire l'objet des procédures internationales appropriées.
- 254. Dans la partie XI de son rapport, Lord Cameron formule ensuite ses conclusions générales.
- 255. A son avis, le fait qu'un syndicat revendique la reconnaissance ne prive pas les employeurs de leur droit de choisir librement l'association ou le syndicat qu'ils entendent reconnaître, mais, selon Lord Cameron, cette liberté soulève une autre question quant à la liberté du choix - à savoir, « la faculté ou le droit d'un employeur de choisir entre deux ou plus de deux syndicats ou associations d'employés recrutant leurs membres parmi des personnes du même ou des mêmes grades, celui ou celle qu'il reconnaîtra comme l'organisation représentative desdits employés ». A ce sujet, Lord Cameron fait état de l'examen du cas no 96 (Royaume-Uni) par le Comité de la liberté syndicale et qui montre que les employeurs ont ce droit.
- 256. Cette référence à la portée des conclusions formulées dans le cas no 96 appelle certaines observations de la part du Comité. Au sujet du cas précité, le Comité a conclu que rien dans l'article 4 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, «n'impose au gouvernement l'obligation de recourir à des mesures de contrainte pour obliger les parties à négocier avec une organisation déterminée, mesures qui », comme le Comité l'a reconnu dans un cas précédent, « auraient pour effet de transformer le caractère de telles négociations ». Dans ce cas-ci, les clauses de sécurité syndicale avaient été instituées par les employeurs en accord avec de très importants syndicats représentant près de 100 pour cent des travailleurs. Sur la base des faits qui lui avaient été soumis, le Comité a estimé qu'il ne lui incombait que d'examiner s'il était porté atteinte à l'exercice des droits syndicaux par suite d'un différend intersyndical ayant conduit à la reconnaissance de certains syndicats aux fins de négociation collective, alors que les employeurs avaient refusé de reconnaître l'organisation plaignante et que le gouvernement s'était abstenu d'intervenir dans l'affaire. Le Comité conclut que les plaignants n'avaient pas fourni de preuves suffisantes pour démontrer que le refus des employeurs de reconnaître l'organisation plaignante en qualité d'organisation représentative aux fins de négociation collective constituait en l'espèce une atteinte à l'exercice des droits syndicaux.
- 257. Les faits qui intéressent le cas considéré ici sont fondamentalement différents. L'article 4 de la convention fait état des « mesures appropriées aux conditions nationales » qui « doivent, si nécessaire, être prises... ». La question de savoir quelles mesures sont appropriées et nécessaires doit être tranchée sur la base des faits particuliers à chaque cas.
- 258. Lord Cameron fait ensuite état du désir exprimé par le N.U.B.E de voir instituer un système national de négociation. A l'appui de son affirmation qu'un tel système serait plus efficace, le N.U.B.E a attiré l'attention sur les actuelles modalités d'application des échelles de salaires découlant des accords ou des sentences arbitrales qui intéressent le syndicat et le Comité des représentants des banques de change de Londres. Toutefois, Lord Cameron estime qu'il importe, avant que cette question puisse être utilement examinée, de régler les problèmes plus urgents qui subsistent quant aux relations entre les parties directement impliquées dans le cas considéré ici.
- 259. A son avis, l'un des problèmes est celui que pose l'attitude des parties l'une à l'égard de l'autre. Selon lui, l'un des éléments qui a influencé les associations de personnel a été la prétention du N.U.B.E d'être reconnu à l'exclusion des associations. Des années durant, les quatre banques sont restées sur leur position à l'égard du N.U.B.E. Or, l'attitude du syndicat n'a pas toujours été conséquente puisque, en 1955, il était prêt à s'associer avec le Conseil central des associations de personnel des banques aux fins de l'établissement d'un mécanisme de négociation avec le Comité des représentants des banques de change de Londres. Lord Cameron précise que depuis qu'un accord final n'a pu être réalisé à cette époque l'attitude du N.U.B.E face à toute coopération s'est durcie. Un certain assouplissement de la position du N.U.B.E. - que Lord Cameron croit avoir observé au cours de l'enquête - marquerait, si tel était le cas, « une évolution dont il faut se féliciter, et qui mérite d'être encouragée ». A ce sujet, il relève aussi qu'il ne voit aucun indice qui pourrait faire croire que les quatre banques songeraient à ne plus reconnaître que les associations de personnel et qu'il ne lui paraît pas qu'elles aient quelque raison de le faire. Il ajoute toutefois que, bien que le N.U.B.E ne soit pas reconnu en qualité d'organisation représentative aux fins de négociation collective et que ses cotisations soient plus élevées que celles de n'importe laquelle des associations de personnel, un grand nombre d'employés des quatre banques ont choisi de s'y affilier.
- 260. Cette évaluation générale des faits amène Lord Cameron à formuler, aux paragraphes 319 à 339 de son rapport, un certain nombre d'observations et de suggestions finales.
- 261. Toutes ces circonstances, déclare Lord Cameron, « donnent à penser que les quatre banques, ainsi que le N.U.B.E, auraient sans doute avantage à reconsidérer leur situation avec réalisme et à la lumière des faits » établis par l'enquête.
- 262. Tout d'abord, il estime qu'il est certains points dont la direction des banques doit tenir compte. L'un des faits qui l'a frappé est que les banques n'acceptent pas les représentations orales des responsables du N.U.B.E, alors qu'elles acceptent celles qui leur sont communiquées par écrit. Comme l'enquête l'a établi, la Midland Bank, la Westminster Bank, et pour certaines questions, la Williams Deacon's Bank accordent au N.U.B.E le droit de faire des représentations, et son secrétaire général se voit conférer le droit d'entretien personnel avec le président de la Lloyds Bank; de même, le N.U.B.E participe à un mécanisme de négociation avec le C.W.S et les Trustee Savings Banks. S'il est vrai que les exigences parfois excessives du N.U.B.E peuvent constituer l'une des raisons pour lesquelles les quatre banques n'ont pas revu leur attitude à l'égard du syndicat, Lord Cameron doute néanmoins que le refus d'avoir aucun contact avec une organisation soit toujours le meilleur moyen de combattre les points de vue extrêmes qu'elle soutient, lorsque cette organisation est représentative d'un très grand nombre de salariés. Selon lui, il ne devrait pas être très difficile de renoncer à toute distinction entre les représentations écrites et orales et, vu l'importance que les parties attachent à une telle mesure, cela permettrait d'écarter l'un des obstacles à une amélioration radicale des relations entre le N.U.B.E et les quatre banques. Lord Cameron ajoute : « J'estime également qu'il serait indiqué et utile que les quatre banques, lorsqu'elles seront amenées à étudier le présent rapport et ses conclusions, tiennent compte de la mesure dans laquelle le N.U.B.E est parvenu à un modus vivendi avec d'autres banques... » Selon Lord Cameron, le N.U.B.E est « fondé, dans une certaine mesure », d'un point de vue pratique, et compte tenu de son importance numérique, à avancer qu'il devrait pouvoir faire entendre sa voix plus efficacement qu'il ne peut le faire en soumettant uniquement des représentations écrites, lorsqu'il veut attirer l'attention de la direction de telle ou telle banque sur des questions intéressant ses membres.
- 263. Lord Cameron, invitant ensuite le N.U.B.E à reconsidérer sa propre attitude, déclare qu'« un autre point mérite », à son avis, « d'être souligné et de retenir sérieusement l'attention des responsables de la politique du N.U.B.E. : les résultats de l'enquête devraient les amener à reconsidérer leur attitude envers les associations de personnel à la lumière de la situation de fait qui existe aujourd'hui ». Il blâme le N.U.B.E de n'avoir pas su « apprécier l'indépendance réelle des associations de personnel, telle qu'elle découle de leurs statuts et de leur fonctionnement actuels », non plus que l'importance numérique de leurs membres, reproche au syndicat l'attitude qu'il a parfois adoptée dans le passé et le désapprouve de ne pas vouloir oublier ses anciens griefs et de ne pas tenir compte des réalités présentes.
- 264. S'adressant à la fois au N.U.B.E et aux associations de personnel, Lord Cameron relève qu'un nouvel examen de la situation devrait « conduire les hommes conscients de leurs responsabilités, aussi bien au sein du N.U.B.E que dans les associations de personnel, à reconnaître réciproquement que leurs organisations respectives... sont non seulement représentatives [des travailleurs de la même branche d'activité] », mais encore qu'elles ont des intérêts communs, si ce n'est identiques.
- 265. De l'avis de Lord Cameron, il ne fait aucun doute qu'une notable amélioration des relations entre les parties directement intéressées pourrait être réalisée et que, dans l'intérêt du secteur bancaire tout entier, il importe de prendre les mesures propres à assurer cette amélioration. Et il ajoute, remarque significative, que « les circonstances qui ont motivé cette plainte, la suite donnée par le Comité lorsqu'il l'aura examinée, ainsi que la procédure de la présente enquête, au cours de laquelle les faits et les arguments ont été présentés, avec précision et compétence, tout cela donne à penser que l'occasion d'opérer une telle amélioration durable se présente maintenant à tous les intéressés, et une telle occasion pourrait ne pas se représenter facilement ».
- 266. Sans vouloir indiquer de solution précise, Lord Cameron estime qu'une première et sage mesure serait que toutes les parties s'efforcent, avec l'aide des fonctionnaires du ministère du Travail, d'étudier dans quelle mesure et comment les représentations du N.U.B.E sur les questions intéressant ses membres pourraient être transmises à la direction des quatre banques ou à leurs représentants et être examinées par eux et avec eux dans des échanges de vues oraux et écrits, mais sans préjudice de la pleine reconnaissance dont jouissent à l'heure actuelle les associations de personnel.
- 267. Toutefois, l'auteur du rapport rejette toute revendication du N.U.B.E du droit de représentation exclusive des employés de banque et se réfère de nouveau à ce qu'il appelle le « droit incontesté pour un employeur de choisir parmi deux ou plusieurs organisations de travailleurs celle qu'il est disposé à reconnaître comme représentant ses employés, et avec laquelle il est prêt à négocier les conditions d'emploi ». Mais, selon lui, l'existence du N.U.B.E, qui groupe des membres à l'échelon national, constitue un fait qui, pour des raisons pratiques, ne peut plus être ignoré que celle des associations de personnel indépendantes. Compte tenu des relations qui existent déjà entre le syndicat et le Comité des représentants des banques de change de Londres, et étant donné l'existence de fait, et du N.U.B.E et du Conseil central des associations de personnel des banques, Lord Cameron avance que c'est au niveau national qu'il pourrait y avoir le plus de possibilités d'accord. Tout accord sur des questions générales de portée nationale aurait immanquablement des répercussions sur les relations du secteur bancaire.
- 268. Le Comité constate que tous les points et faits qui lui avaient été soumis ont été pleinement examinés dans l'enquête de Lord Cameron. A l'issue de cette enquête, Lord Cameron a présenté un rapport détaillé et complet établissant que les plaignants ont démontré certains faits, mais n'ont pu en prouver d'autres. Bien qu'il ait estimé que les éléments de l'enquête ne révèlent aucune infraction aux dispositions de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, il précise, quant à la façon dont il conçoit son mandat, qu'il n'entend pas trancher des « questions graves et importantes de [fait et de principe]... sur un point technique d'interprétation ». Dans cette perspective, l'enquête a incontestablement montré qu'un nombre considérable d'éléments subsistaient et subsistent encore, qui ne sont nullement favorables à de saines relations de travail dans le secteur bancaire. Bien qu'il ait limité son enquête aux questions concernant les quatre banques visées par la plainte, et que ses recommandations aux fins d'un examen immédiat aient trait essentiellement à ces questions, Lord Cameron a formulé un certain nombre de suggestions quant aux mesures qui pourraient être prises en vue d'une amélioration durable des relations professionnelles, amélioration qui profiterait au secteur bancaire tout entier et dont la réalisation exigerait la coopération des employeurs et des employés de tout le secteur en général.
- 269. En proposant au gouvernement du Royaume-Uni d'organiser une enquête impartiale, prompte et exhaustive, le Conseil d'administration lui proposa encore, sur la recommandation du Comité, que l'enquête, si elle était effectivement instituée, soit suivie d'une tentative visant à une reprise des négociations dans le but d'aboutir à un règlement par voie d'accord. Lord Cameron a formulé un certain nombre de suggestions sur la ligne de conduite et les mesures futures qui pourraient aider à la réalisation d'un tel règlement, la première mesure dans l'ordre chronologique consistant pour les parties à tâcher d'obtenir le concours des fonctionnaires du ministère du Travail. Ce faisant, il a relevé que l'heure présente offrait aux intéressés l'occasion de rechercher, par voie de négociation, les moyens propres à assurer une amélioration de l'ensemble de la situation, occasion qui ne se reproduirait peut-être plus.
- 270. Dans sa lettre en date du 11 décembre 1963, le gouvernement déclare qu'il « s'est montré favorable aux suggestions » de Lord Cameron « visant une amélioration des relations de travail dans le secteur bancaire » et que « les fonctionnaires du Département se sont mis en rapport avec ces organisations afin de les aider à mettre ces suggestions à profit ».
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 271. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de prendre note que l'enquête instituée par le gouvernement du Royaume-Uni, sur la proposition du Conseil d'administration, et confiée à un juge de la Cour suprême (l'Honorable Lord Cameron, D.S.C, Q.C.), a été menée à bonne fin et que le rapport rédigé par Lord Cameron sur cette enquête a été présenté au Parlement par le ministre du Travail et a été publié et transmis à l'Organisation internationale du Travail;
- b) de prendre note que la portée de l'enquête correspond à celle de la plainte au sujet de laquelle le Conseil d'administration a recommandé au gouvernement de mener pareille enquête;
- c) de prendre note que Lord Cameron rejette l'argument selon lequel l'article 2 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, né peut être interprété comme s'appliquant aux employeurs qui ne sont pas membres d'organisations d'employeurs;
- d) de noter que le rapport de Lord Cameron contient, conformément aux voeux exprimés par le Comité aux paragraphes 241 et 242 de son soixante-septième rapport, un certain nombre de suggestions sur les mesures immédiates et ultérieures qui pourraient conduire à une amélioration durable des relations de travail du secteur bancaire, et de prendre encore note de la déclaration du gouvernement selon laquelle les fonctionnaires du ministère du Travail se sont mis en rapport avec les organisations intéressées afin de les aider à mettre ces suggestions à profit;
- e) d'inviter le gouvernement à envisager l'opportunité d'encourager l'adoption de méthodes appropriées pour déterminer le caractère représentatif des organisations de travailleurs lorsque cela se révélera nécessaire;
- f) de demander au gouvernement de tenir le Conseil d'administration au courant de toute évolution de la situation dès qu'il en verra la possibilité.