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66. Le comité a déjà été saisi de ce cas à sa trente-deuxième session, tenue en mai 1962, à l'occasion de laquelle il a soumis au Conseil d'administration un rapport contenant, d'une part, ses recommandations définitives sur la plupart des allégations formulées, d'autre part, certaines conclusions ainsi qu'une demande d'informations complémentaires sur les autres allégations. Ce rapport, le soixante-cinquième, a été approuvé par le Conseil d'administration le 29 juin 1962, à la fin de sa 152ème session.
66. Le comité a déjà été saisi de ce cas à sa trente-deuxième session, tenue en mai 1962, à l'occasion de laquelle il a soumis au Conseil d'administration un rapport contenant, d'une part, ses recommandations définitives sur la plupart des allégations formulées, d'autre part, certaines conclusions ainsi qu'une demande d'informations complémentaires sur les autres allégations. Ce rapport, le soixante-cinquième, a été approuvé par le Conseil d'administration le 29 juin 1962, à la fin de sa 152ème session.- 67. Saisi de nouveau du cas à sa trente-quatrième session, tenue au mois de mai 1963, le comité a, une fois encore, présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. Ce rapport, qui est contenu aux paragraphes 145 à 174 du soixante-dixième rapport du comité, a été adopté par le Conseil d'administration lors de sa 155ème session, le 1er juin 1963.
- 68. Les conclusions qui y étaient contenues ayant été portées à la connaissance du gouvernement par une lettre en date du 7 juin 1963, celui-ci a répondu par une communication en date du 28 janvier 1964, dont le comité a été saisi à sa trente-sixième session, tenue au mois de février 1964.
- 69. Dans sa réponse, constatait le comité à sa session de février 1964, le gouvernement déclarait avoir pris bonne note des recommandations du comité et indiquait qu'il ne manquerait pas d'en tenir compte à l'occasion de la réforme de la législation nationale du travail à laquelle il procédait en collaboration avec les organisations patronales et ouvrières du pays.
- 70. Le comité a en conséquence recommandé au Conseil d'administration de prendre note de la déclaration du gouvernement et de prier ce dernier de bien vouloir le tenir au courant de toute évolution de la situation en la matière.
- 71. Cette recommandation ayant été approuvée par le Conseil d'administration à sa 159ème session (juin 1964), la demande qu'elle impliquait a été portée à la connaissance du gouvernement par une lettre en date du 18 juin 1964.
- 72. Le gouvernement a répondu par une communication en date du 23 janvier 1968, où il fait le point de la situation.
- 73. Le Portugal n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; il a ratifié, par contre, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
- 74. Dans sa communication du 23 janvier 1968, le gouvernement formule tout d'abord, en guise d'introduction, un certain nombre de remarques d'où il ressort qu'une réforme assez profonde de la législation sociale portugaise est en cours, que des progrès ont déjà été accomplis et que d'autres sont en voie de l'être. Le gouvernement insiste, cependant, sur le fait que ce n'est que lorsque toutes les dispositions en cours de préparation seront entrées en vigueur qu'il sera possible d'en apprécier pleinement l'orientation générale. Il déclare vouloir toutefois, dès à présent, attirer l'attention sur ce qui a été fait à ce jour.
- 75. Avant de reprendre point par point les questions soulevées par le comité à l'occasion de ses examens antérieurs de l'affaire, le gouvernement rappelle encore, cependant, n'être lié que par les dispositions de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et non par celles de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, à laquelle il n'est pas partie.
- A. Question préalable posée parla non-ratification par le Portugal de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948
- 76. A cet égard, le gouvernement fait valoir que, comme le prévoit la Constitution de l'O.I.T, la convention no 87, « tout en méritant le plus grand respect de la part du Portugal, n'a toujours pour lui », du fait qu'il ne l'a pas ratifiée, « que le caractère d'une recommandation et ne l'oblige pas à introduire dans sa législation nationale des normes qui correspondent à cet instrument international, bien qu'il ait le devoir d'exposer au Conseil d'administration, à des périodes appropriées, quelles difficultés l'empêchent de ratifier ladite convention ».
- 77. Certes, reconnaît le gouvernement, le principe de la liberté syndicale est contenu dans la Constitution de l'O.I.T depuis que la Déclaration de Philadelphie fait partie intégrante de cette dernière, et - ajoute-t-il - « peut-être pourra-t-on admettre que l'Organisation est compétente pour examiner les allégations relatives à la violation de ce principe, même lorsque lesdites allégations ne concernent pas des infractions résultant de la ratification » des conventions de liberté syndicale.
- 78. Cependant, affirme le gouvernement, « si l'on ne veut pas retirer toute signification juridique à l'acte de ratifier la convention no 87, il semble que l'on ne saurait confondre le principe affirmé dans la Constitution de l'O.I.T et les normes détaillées que contient ladite convention ».
- 79. En conclusion, le gouvernement exprime l'opinion que si la liberté d'association, en tant que règle générale, doit s'imposer à tous les Etats Membres, il pourra exister des différences de conception quant à la méthode à suivre pour atteindre le but visé.
- 80. Tout en reconnaissant que la non-ratification, par le Portugal, de la convention no 87 a pour effet de ne pas entraîner pour ce pays les mêmes obligations que s'il était partie à cet instrument, le comité tient à rappeler qu'en matière de liberté syndicale c'est précisément pour compléter les mécanismes de contrôle prévus pour veiller à l'application des conventions ratifiées qu'a été institué le mécanisme spécial dont le Comité de la liberté syndicale est un des rouages et qui - partant du principe selon lequel, « en ce qui concerne les droits syndicaux, l'Organisation internationale du Travail a pour fonction de contribuer à l'application effective du principe général de la liberté d'association, qui est l'une des principales sauvegardes de la paix et de la justice sociale » - est habilité à examiner les plaintes déposées en la matière contre les Etats Membres de l'Organisation, que ceux-ci aient ou n'aient pas ratifié les conventions relatives à la liberté syndicale.
- 81. Comme il l'avait fait dans plusieurs cas antérieurs et, en particulier, à l'occasion de son examen du cas même dont il est aujourd'hui de nouveau saisi, le comité tient à rappeler qu'il a toujours considéré « qu'il devrait, en prenant la responsabilité d'appliquer ce principe, qui lui a été confiée, être guidé dans sa tâche en s'inspirant, entre autres, des dispositions en rapport avec ce principe que la Conférence a approuvées et incorporées dans la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et dans la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, qui permettent d'établir une base de comparaison lorsqu'il s'agit d'examiner telle ou telle allégation ».
- 82. C'est dans cet esprit que le comité - étant donné que le gouvernement a d'ailleurs présenté ses observations sur le fond de l'affaire - entend examiner le cas afin de faire rapport à son sujet au Conseil d'administration.
- B. Examen de l'affaire quant au fond
- a) Limitation du nombre des organisations syndicales qui peuvent être constituées
- 83. Sur ce point, dont une analyse détaillée figure aux paragraphes 13 à 25 de son soixante-cinquième rapport, le comité avait recommandé au Conseil d'administration:
- a) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à la limitation du nombre des organisations syndicales pouvant être constituées, d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur l'importance qu'il a toujours attachée au principe généralement accepté selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit de constituer les organisations de leur choix et celui de s'affilier à ces organisations, sans autorisation préalable, et sur le fait qu'à son avis les dispositions du décret-loi no 23050, du 23 septembre 1933, interdisant la reconnaissance de plus d'un syndicat par branche professionnelle et par district sont incompatibles avec ce principe.
- 84. Dans sa communication du 23 janvier 1968, le gouvernement fait à cet égard les commentaires suivants. Le gouvernement rappelle, d'une part, qu'au Portugal l'affiliation aux syndicats n'est pas obligatoire, d'autre part, que cette affiliation n'est limitée par aucune considération d'ordre idéologique ou social. Toujours constitués sur l'initiative des travailleurs - poursuit le gouvernement - les syndicats auront nécessairement l'orientation que leur donneront les affiliés. Il n'y aurait violation du principe de la liberté syndicale - déclare le gouvernement - que si l'affiliation était obligatoire ou que si les syndicats n'admettaient que les travailleurs d'une orientation déterminée.
- 85. Cela dit, le gouvernement indique que l'article 3 du décret-loi no 23050, qui prévoyait qu'un seul syndicat serait reconnu par catégorie professionnelle et par district, « n'est plus actuel ». En effet, déclare le gouvernement, le décret-loi no 27228, de 1936, a permis la constitution de syndicats englobant plusieurs districts et, depuis sa promulgation, des dizaines de syndicats ont été créés, dont la base est très différente de celle du district.
- 86. Le gouvernement cite ensuite certaines des recommandations adoptées par le troisième Colloque national du travail, tenu en 1963, où il est parlé de l'utilité d'une restructuration et d'un regroupement des syndicats trop faibles, d'un assouplissement des concepts de « profession » et de « catégorie professionnelle », d'une possibilité de faire représenter les professions non organisées par les syndicats existants, etc. Le gouvernement déclare que, conformément à cette orientation et grâce à la grande souplesse des dispositions législatives en cause, de nombreux syndicats cherchent aujourd'hui à se « restructurer », avec l'entière approbation du gouvernement.
- 87. Le gouvernement souligne ensuite que, malgré les dispositions du décret-loi no 23050, on a toujours reconnu qu'une même profession peut être représentée, dans la même région, par plus d'un syndicat, selon la branche d'activité économique à laquelle elle se rattache. A titre d'exemple, le gouvernement cite le cas des employés de bureau de l'industrie de la laine qui se sont affiliés au syndicat de ladite industrie et non à ceux des employés de bureau, bien qu'il existe de tels syndicats dans les régions intéressées.
- 88. Le gouvernement attire également l'attention sur le fait que l'existence de syndicats n'a pas empêché la constitution d'autres associations de travailleurs dans les mêmes régions chaque fois que les intéressés l'ont jugé opportun, ainsi, la création en 1965 de l'Association des infirmières et infirmiers portugais n'a suscité aucune opposition bien qu'il existât déjà un syndicat correspondant.
- 89. Il semble ressortir des explications fournies par le gouvernement en ce qui concerne les questions formant cet aspect du cas qu'une certaine libéralisation du régime se soit fait jour ou, du moins, soit envisagée. Cette libéralisation paraît notamment s'être manifestée par une application moins rigoureuse des dispositions du décret-loi no 23050 en ce que des syndicats ont pu être constitués sur une base autre que celle du district; elle paraît s'être traduite également dans le fait qu'une même profession a pu, dans la même région, être représentée par plus d'un syndicat; elle paraît se manifester encore par la plus grande souplesse des concepts de « profession » et de « catégorie professionnelle » préconisée par le Colloque national du travail de 1963.
- 90. Le comité prend note de cette tendance à une évolution, mais estime devoir se former une idée précise de la mesure dans laquelle le régime antérieur a été modifié. Dans ses observations, le gouvernement déclare que l'article 3 du décret-loi no 23050, qui prévoyait qu'un seul syndicat serait reconnu par catégorie professionnelle et par district, « n'est plus actuel » et que le décret-loi no 27228, de 1936, a permis la constitution de syndicats englobant plusieurs districts. Il ne semble pas que l'on puisse déduire des explications fournies par le gouvernement que la promulgation du décret-loi no 27228 ait eu pour conséquence l'abrogation, soit du décret-loi no 23050 dans son ensemble, soit de son seul article 3. Si l'on se reporte, en effet, au texte du décret-loi no 27228, on constate qu'en vertu de l'article unique constituant ce décret-loi « le sous-secrétaire d'Etat aux Corporations et à la Prévoyance sociale pourra autoriser la création de syndicats nationaux pour des zones de deux districts ou plus lorsque l'on constate qu'il n'est pas possible d'organiser certaines professions d'une autre façon ». De ce dernier membre de phrase, il ressort que ce n'est qu'en cas d'impossibilité d'organiser une profession selon la règle du syndicat unique par district qu'il pourra être dérogé à cette règle. Le paragraphe 2 de l'article unique du décret-loi no 27228 précise, d'ailleurs, que ces syndicats ou sections syndicales porteront la dénomination de « syndicat national des (profession) du district de... » « conformément à ce qui est prévu au premier paragraphe de l'article 5 du décret-loi no 23050 ».
- 91. Si l'interprétation de la situation par le comité est exacte, et ce dernier recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir indiquer si tel est bien le cas, il n'apparaît pas au comité qu'il y ait lieu, pour lui, de modifier les conclusions auxquelles il avait abouti au paragraphe 88 a) de son soixante-cinquième rapport, à savoir qu'un système selon lequel seul un syndicat peut être reconnu par district et par profession n'est pas compatible avec le principe, généralement admis, selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit de créer les organisations de leur choix ainsi que celui de s'affilier à ces organisations.
- 92. Le comité note cependant que, dans ses observations, le gouvernement fait valoir que l'existence de syndicats n'a pas empêché la constitution d'autres associations de travailleurs dans les mêmes régions lorsque les intéressés l'ont jugé opportun en citant l'exemple de l'Association des infirmières et infirmiers créée en dépit du fait qu'il existât déjà un syndicat correspondant.
- 93. Le comité souhaiterait savoir si les associations ainsi créées parallèlement aux syndicats existants sont habilitées à représenter les travailleurs au même titre et dans les mêmes conditions que lesdits syndicats et, dans la négative, quelles sont les possibilités d'action de ces associations, leur rôle et leur statut exact.
- 94. Le comité recommande donc au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir fournir les renseignements dont la nature est précisée au paragraphe précédent.
- b) Obligation de soumettre les statuts des syndicats à l'approbation des autorités
- 95. Au sujet de cet aspect du cas, qui est analysé en détail aux paragraphes 26 à 37 de son soixante-cinquième rapport, le comité avait recommandé au Conseil d'administration:
- b) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à l'homologation des statuts syndicaux par les autorités, d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur le fait qu'à son avis:
- i) les restrictions apportées par l'article 15 e) du décret-loi no 23050 au droit des syndicats de fixer eux-mêmes la proportion des cotisations versées à leurs filiales qui sera remise au syndicat principal ne sont pas compatibles avec le principe généralement accepté selon lequel les organisations de travailleurs devraient avoir le droit d'élaborer librement leurs statuts et règlements et d'organiser leur gestion, ainsi que leurs activités;
- ii) une situation qui subordonne l'existence légale d'une organisation syndicale à l'approbation des statuts syndicaux par l'autorité administrative, tout en imposant comme condition que ladite autorité, à sa discrétion, s'assurera que l'existence de l'organisation projetée se justifie du point de vue des intérêts économiques et sociaux de la communauté - situation qui semble subsister en vertu des dispositions du décret-loi no 23050 - n'est pas compatible avec le principe généralement accepté selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit de constituer des organisations syndicales « sans autorisation préalable »;
- iii) pour les raisons indiquées aux paragraphes 35 à 37 ci-dessus, les dispositions de l'article 15 b) et c) du décret-loi no 23050 ne sont pas compatibles avec les principes généralement acceptés selon lesquels les organisations de travailleurs devraient avoir le droit d'élaborer leurs statuts et règlements, d'organiser leurs activités et de formuler leurs programmes, les autorités publiques devant s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal, et la législation nationale ne devant pas être de nature, ou ne devant pas être appliquée de façon à compromettre la jouissance réelle de ce droit.
- 96. Dans ses observations, le gouvernement déclare avoir donné son accord de principe à un nouveau texte de l'article 15 du décret-loi no 23050 qui lui a été présenté récemment par les organismes chargés de donner suite aux conclusions des colloques nationaux du travail. En outre, le gouvernement déclare que la rédaction proposée répond à ses yeux, de manière satisfaisante, à l'observation formulée au sujet du droit des syndicats de déterminer la part des cotisations qu'ils doivent recevoir de leurs sections et d'organiser librement leur gestion et leurs activités.
- 97. Tel qu'il est cité par le gouvernement, le texte proposé pour remplacer l'ancien article 15 du décret-loi no 23050 a la teneur suivante:
- Les statuts contiendront obligatoirement les règles nécessaires à l'organisation du syndicat et à la réalisation de ses objectifs, notamment celles qui concernent:
- a) le nom de l'organisation, l'indication de son siège et de ses buts;
- b) la structure du syndicat, le mode de désignation des organes de direction et leur compétence;
- c) l'administration de l'organisme et sa comptabilité;
- d) les modalités d'admission des membres, leurs droits et obligations et les sanctions applicables; en cas de non-exécution des obligations statutaires;
- e) droits d'admission, contributions, procédure pour la révision périodique de celles-ci et délais de paiement;
- f) création, fonctionnement et dissolution des sections locales, sections féminines, délégations et groupes par profession ou par activité;
- g) système de consultation des délégués;
- h) organisation des écoles professionnelles et des services;
- i) activités culturelles;
- j) procédure de dissolution du syndicat.
- 98. Le comité constate que, de ce nouveau projet de texte, ont été éliminées les dispositions de l'article 15 du décret-loi no 23050 sur lesquelles, au paragraphe 37 de son soixante-cinquième rapport, le comité avait formulé des critiques; ces dispositions, contenues aux alinéas b) et c) de l'article 15, prévoyaient que les statuts des syndicats devraient obligatoirement contenir, d'une part, un engagement de respecter les principes et les buts de la communauté nationale et la renonciation expresse à toute forme d'activité intérieure ou extérieure contraire aux intérêts de la nation portugaise, d'autre part, une reconnaissance du fait que le syndicat constitue un facteur de coopération active avec tous les autres facteurs de l'économie nationale et, par suite, une renonciation à la lutte des classes.
- 99. Le comité estime que la suppression de ces deux clauses pourrait représenter une amélioration par rapport au régime antérieur. Il recommande donc au Conseil d'administration d'exprimer l'espoir qu'il sera tenu compte de cet avis lors de l'adoption du texte final destiné à remplacer l'actuel article 15 du décret-loi no 23050 et de prier le gouvernement de bien vouloir fournir le texte dont le libellé aura été adopté lorsque ce texte aura été promulgué.
- c) Restrictions au droit des syndicats d'élire leurs représentants
- 100. Sur cet aspect de l'affaire, dont une analyse détaillée figure aux paragraphes 43 à 50 de son soixante-cinquième rapport, le comité avait recommandé au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel les organisations de travailleurs doivent avoir le droit d'élire librement leurs représentants et d'organiser leur gestion ainsi que leurs activités, et de déclarer incompatibles avec ledit principe les dispositions du décret-loi no 25116, du 12 mars 1935, soumettant à l'approbation du gouvernement les résultats des élections syndicales, comme celles du décret-loi no 32820, du 31 mars 1942, autorisant le gouvernement à nommer des commissions administratives en remplacement des comités de direction élus par les syndicats.
- 101. Au sujet des questions soulevées dans cet aspect du cas, le gouvernement donne les explications suivantes.
- 102. Le gouvernement fait observer, tout d'abord, que le décret-loi no 25116 mentionné par les plaignants, qui prévoit l'obligation de faire homologuer par le ministre des Corporations et de la Prévoyance sociale les élections effectuées dans les syndicats, ne mentionne cette obligation que brièvement en son article 3, et il indique que la disposition législative qui établit l'obligation de la sanction ministérielle pour les élections syndicales est en réalité le paragraphe 5 de l'article 15 du décret-loi no 23050. C'est donc à cette disposition - poursuit le gouvernement - que le troisième Colloque national du travail se réfère lorsque, dans l'une de ses conclusions, il recommande au gouvernement de modifier le système établi « de manière à le rendre plus compatible avec l'autonomie et l'efficacité des organisations ».
- 103. Dans cet esprit, déclare le gouvernement, deux projets ont été élaborés pour une nouvelle loi sur les syndicats qui modifient substantiellement le régime actuel en supprimant, notamment, l'obligation de l'homologation ministérielle. Selon ces projets, déclare le gouvernement, « la vérification des pouvoirs se fera, dans chaque syndicat, par des commissions élues par l'assemblée générale de l'organisation même, et il est prévu un recours en justice contre les décisions de ces commissions ».
- 104. Tout en estimant probable que l'orientation générale, ainsi dessinée, sera celle que l'on adoptera, le gouvernement déclare toutefois ne s'être pas prononcé définitivement sur les textes des propositions faites.
- 105. Le gouvernement affirme que, d'ailleurs, même avec le système actuel, l'intervention administrative a pour seul but de vérifier que les élections se déroulent régulièrement.
- 106. Même si, comme le dit le gouvernement, l'intervention administrative n'a, en vertu du système actuel, qu'un but de vérification de la régularité des élections, le comité estime qu'il serait hautement préférable, comme on l'envisage maintenant, que cette vérification soit effectuée par des organes élus par l'assemblée générale des syndicats, avec possibilité de recours devant les tribunaux contre les décisions prises par ces organes.
- 107. Le comité note, toutefois, que le nouveau système envisagé ne consiste encore qu'en des projets que le gouvernement déclare lui-même n'avoir pas encore acceptés.
- 108. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration, d'une part, d'exprimer l'espoir que la réforme envisagée en matière d'élections syndicales interviendra dans un proche avenir et qu'il sera tenu compte, à cette occasion, de l'avis exprimé au paragraphe 106 ci-dessus, d'autre part, de prier le gouvernement de bien vouloir communiquer le texte définitif adopté en la matière lorsque celui-ci aura été promulgué.
- d) Suspension et dissolution des organisations syndicales par voie administrative
- 109. En ce qui concerne cet aspect du cas, analysé aux paragraphes 51 à 55 du soixante-cinquième rapport du comité, celui-ci avait recommandé au Conseil d'administration:
- ......................................................................................................................................................
- i) d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée au principe selon lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs ne devraient pouvoir être dissoutes ou suspendues par voie administrative;
- ii) d'exprimer l'avis que les dispositions des articles 10 et 20 du décret-loi no 23050, du 23 septembre 1933, ne sont pas compatibles avec ce principe.
- 110. En ce qui concerne la question mentionnée dans la note de bas de page du paragraphe 105 ci-dessus (voir également la seconde partie du paragraphe 100 ci-dessus), le gouvernement déclare, tout d'abord, avoir fait procéder à des études visant à modifier le décret-loi no 32820, de 1942, qui permet de nommer, à titre exceptionnel, des commissions administratives en remplacement des comités élus des syndicats. Le résultat de ces études vient d'être connu et soumis au gouvernement - déclare celui-ci -, et il y est proposé que les seuls cas où les syndicats pourraient être gérés par des commissions « soient ceux où leurs organes de gestion auraient été suspendus par décision judiciaire » (voir paragraphe 112 ci-dessous).
- 111. Le gouvernement déclare ensuite que le problème de la dissolution des syndicats est étroitement lié à celui de la suspension des organes de direction, « c'est-à-dire à la question complexe de la responsabilité des dirigeants ».
- 112. A cet égard, le gouvernement cite le texte d'un projet de nouvel article 21 du décret-loi no 23050 en vertu duquel « sont personnellement responsables de la violation des dispositions de la législation ou des statuts, les membres des organismes de gestion qui peuvent être destitués à la suite d'une action intentée devant les tribunaux du travail par tout affilié ou par le ministère public »; en vertu de ce projet, « le juge peut, sur demande du plaignant ou du ministère public, décider la suspension des organismes de gestion pour la durée du procès »; le projet prévoit, enfin, que « tant que durera la suspension, qui ne pourra excéder le temps nécessaire à de nouvelles élections, le syndicat sera géré par une commission de trois à cinq membres ». De son côté, un projet de nouvel article 20 du décret-loi no 23050 énumère les causes possibles de dissolution d'un syndicat, soit une résolution prise dans ce sens par l'assemblée générale du syndicat ou la constatation que l'organisation exerce des activités contraires à la loi. Dans ce dernier cas, ajoute le gouvernement, le projet prévoit aussi que, pour la durée de l'enquête, le tribunal pourra décider la suspension des organismes de gestion.
- 113. Le gouvernement déclare, en outre, que l'on étudie en ce moment la procédure de dissolution et la manière de nommer les membres des commissions provisoires.
- 114. Encore que le nouveau système envisagé paraisse à première vue constituer une certaine amélioration par rapport à ce qui existe actuellement, le comité, constatant que rien de définitif n'a encore été décidé dans le domaine considéré, estime devoir attendre pour se prononcer. Il recommande donc au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir le tenir au courant de toute évolution en la matière.
- e) Cotisations syndicales obligatoires
- 115. Sur cet aspect du cas, qui est analysé aux paragraphes 56 à 62 de son soixante-cinquième rapport, le comité avait recommandé au Conseil d'administration:
- b) ... d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur le fait qu'à son avis le pouvoir- que le décret-loi no 29931, du 15 septembre 1939, confère au ministre compétent - d'obliger tous les travailleurs de la catégorie professionnelle intéressée à verser des cotisations au syndicat national unique, dont la création est autorisée par branche professionnelle et par district, n'est pas compatible avec le principe selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit de s'affilier aux organisations « de leur choix ».
- 116. Dans ses observations, le gouvernement attire l'attention sur le fait que l'article 2 du décret-loi no 29931, qui permet au ministère des Corporations et de la Prévoyance sociale de rendre obligatoire la cotisation syndicale pour certaines catégories de travailleurs, stipule que cette obligation ne sera décrétée que « lorsque les circonstances le justifient ». Le gouvernement précise que, dans la plupart des cas, l'usage de cette faculté a dépendu de la conclusion préalable de conventions collectives, « la décision gouvernementale n'étant pas autre chose que la formule légale nécessaire pour donner effet à des normes établies par convention ».
- 117. Le gouvernement ajoute que c'est cette politique qui a permis de maintenir les cotisations de très nombreux syndicats à un niveau très bas tout en leur donnant, sans aucun subside, les revenus et l'indépendance dont ils ont besoin pour exercer dûment leurs fonctions.
- 118. «On ne voit pas, du reste - poursuit le gouvernement - dans quelle mesure la cotisation obligatoire porte atteinte au principe de la liberté syndicale, du moment qu'elle ne s'accompagne jamais de l'obligation de s'affilier au syndicat, qui, elle, serait contraire à ce principe. A titre d'explication, il nous semble immoral que le syndicat défende les intérêts de tous les travailleurs, par exemple lorsqu'il conclut pour tous une convention collective dans laquelle sont prévues de meilleures conditions de salaire et de travail, et qu'il ne soit soutenu que par les contributions de quelques-uns. Si tous doivent en retirer un profit, tous aussi doivent en partager les charges. »
- 119. Sans entendre se prononcer sur la valeur de l'argumentation avancée par le gouvernement dans le paragraphe précédent, le comité tient à faire remarquer que, dans les pays où il existe plusieurs syndicats, la cotisation obligatoire, imposée par la loi, pourrait assumer le caractère d'un impôt si elle devait être versée au bénéfice d'un syndicat déterminé qui se trouverait ainsi favorisé par rapport aux autres et équivaloir, dans certaines circonstances, à une violation des principes de la liberté syndicale. Certes, là où il existe un monopole syndical - comme c'est le cas au Portugal où le syndicat national unique autorisé par branche professionnelle et par district est doté du privilège de représenter tous les salariés syndiqués ou non, et de conclure en leur nom des conventions collectives - la cotisation obligatoire peut évidemment apparaître comme un corollaire logique du système. C'est ce système, toutefois, que le comité a jugé n'être pas compatible avec les principes de la liberté syndicale.
- 120. Ce que le comité a entendu faire valoir, en effet, lorsqu'il a examiné cet aspect du cas dans son soixante-cinquième rapport, c'est que l'obligation légale de cotiser à un monopole syndical, indépendamment de toute affiliation, avait pour effet de consacrer et de renforcer davantage ledit monopole, lequel, par définition, relevait d'un système contraire au principe selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit de constituer les organisations de leur choix ainsi que celui de s'y affilier.
- 121. Les explications fournies par le gouvernement ne faisant pas apparaître de changement dans la situation analysée dans le soixante-cinquième rapport du comité, celui-ci recommande au Conseil d'administration de confirmer sur ce point les conclusions auxquelles il avait alors abouti et qui sont citées au paragraphe 115 ci-dessus.
- f) Contrôle des négociations collectives et homologation des conventions collectives par l'autorité gouvernementale
- 122. Au sujet de cet aspect de l'affaire, lequel est analysé aux paragraphes 63 à 74 du soixante-cinquième rapport du comité, celui-ci avait recommandé au Conseil d'administration:
- ......................................................................................................................................................
- i) d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée aux principes selon lesquels:
- 1) les organisations de travailleurs et d'employeurs devraient avoir le droit d'organiser leurs activités et de formuler leurs programmes, et les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal;
- 2) la libre négociation des conditions de travail par les organisations de travailleurs et les employeurs et organisations d'employeurs constitue un élément essentiel de la liberté syndicale;
- 3) les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter le droit des syndicats de chercher à améliorer, par voie de négociations collectives ou par tout autre moyen licite, les conditions de vie et de travail de ceux qu'ils représentent ou à en entraver l'exercice légal;
- 4) des mesures appropriées aux conditions nationales devraient être prises, au besoin, pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire entre les employeurs et les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi;
- ii) d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur le fait que, de l'avis du Conseil d'administration, la législation prévoyant l'intervention, dans les négociations collectives, de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale et soumettant les conventions collectives à l'approbation des autorités publiques n'est pas compatible avec les principes énoncés aux alinéas 1) à 4) ci-dessus.
- 123. Sur ces questions, le gouvernement relève tout d'abord qu'elles ont trait aux normes de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et non à celles de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. A cet égard, il rappelle que les allégations formulées par le plaignant l'avaient été à une époque où le Portugal n'était pas encore partie à la convention no 98, qui a été ratifiée par lui en 1964.
- 124. Le gouvernement indique ensuite que, du fait de la ratification de la convention no 98, les normes de cet instrument ont force de loi. « Dans ces conditions - ajoute-t-il - la ratification aurait pour effet d'abroger toute prescription législative antérieure qui serait inconciliable avec lesdites normes. »
- 125. Le gouvernement déclare qu'en fait, avant même que la convention soit ratifiée, la législation portugaise avait été profondément modifiée de façon à « éviter tout conflit avec l'instrument international ».
- 126. Le gouvernement mentionne une série de textes législatifs d'où il ressort que « l'application et le perfectionnement des contrats et des accords collectifs, ainsi que leur interprétation et leur intégration » relèvent de la compétence exclusive de « commissions corporatives », organismes tripartites, établis par les contrats eux-mêmes et dans lesquels les représentants des travailleurs et des employeurs sont obligatoirement en nombre égal.
- 127. Le gouvernement signale, toutefois, « la présence dans ces commissions d'un représentant de l'Etat, soit le délégué de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale », qui est chargé d'orienter la rédaction des clauses des conventions collectives. Cependant - ajoute le gouvernement -, « cette orientation technique, purement arbitrale et qui sert de soutien, ne peut être imposée à l'accord auquel parviendraient les parties contractantes ».
- 128. Il paraît ressortir des explications présentées par le gouvernement et des textes législatifs mentionnés par lui qu'une certaine libéralisation se soit fait jour par rapport au régime en vigueur au moment du dépôt de la plainte et que l'intervention de l'Etat en matière de négociations collectives soit moins directe qu'elle ne l'était auparavant. Le comité constate, cependant, que cette intervention subsiste et exprime l'avis que l'« orientation » de la part du représentant de l'autorité publique lors de la rédaction des clauses des conventions collectives, si elle ne revêt pas exclusivement le caractère d'une aide technique, ne paraît pas être dans l'esprit de la convention no 98. Cette opinion semble devoir être renforcée si l'on songe qu'en vertu du décret-loi no 43179, du 23 septembre 1960, mentionné par le gouvernement dans ses observations, les commissions corporatives non seulement comptent un représentant de l'Institut national du travail et de la prévoyance sociale, mais que ce représentant est président desdites commissions (articles 1 et 26).
- 129. Le comité recommande, en conséquence, au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que l'intervention d'un représentant de l'autorité publique dans la rédaction des conventions collectives telle qu'elle est prévue par la législation portugaise n'est pas dans l'esprit de la convention no 98, dont l'article 4 prévoit le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre employeurs et travailleurs, et d'appeler sur ce qui précède l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
- 130. En ce qui concerne l'homologation des conventions collectives, le gouvernement déclare estimer qu'elle « est indispensable en vue du registre et de la publication nécessaires ». « Pour terminer - indique le gouvernement-, il faut remarquer que, lors de l'homologation ministérielle, on ne peut jamais remplacer ou modifier les textes sur lesquels les parties se sont librement mises d'accord. »
- 131. Le comité prend note des indications fournies par le gouvernement, d'où il paraît ressortir que l'homologation des conventions collectives n'est qu'une simple formalité consistant à « enregistrer » lesdites conventions. Avant de se prononcer, cependant, sur cet aspect de l'affaire, le comité souhaiterait savoir si l'homologation peut être refusée; dans l'affirmative, dans quelles conditions et pour quels motifs; enfin, s'il existe des voies de recours contre le refus d'homologation.
- 132. Le comité recommande donc au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir fournir les informations complémentaires dont la nature est précisée au paragraphe précédent.
- g) Restriction au droit des syndicats de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs
- 133. Sur ce point, dont une analyse détaillée figure aux paragraphes 38 à 42 de son soixante-cinquième rapport, le comité avait recommandé au Conseil d'administration:
- c)... d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur l'importance qu'il attache au principe généralement accepté selon lequel les organisations syndicales devraient avoir le droit de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs, et d'exprimer l'avis que la subordination d'une telle affiliation à l'autorisation du gouvernement n'est pas compatible avec ce principe.
- 134. Dans ses observations, le gouvernement ne fait pas allusion à la question de l'affiliation des syndicats à des organisations professionnelles internationales, mais ne mentionne que la représentation « dans des organisations ou des congrès internationaux ». Il indique que cette représentation n'est pas interdite, mais qu'elle dépend de l'autorisation du gouvernement.
- 135. Mentionnant l'état le plus récent de la législation nationale, le gouvernement déclare: « Considérant que la structure de l'organisation professionnelle portugaise assure une représentation internationale plus efficace lorsque celle-ci se fait par l'intermédiaire des organismes supérieurs qui réunissent les syndicats, la législation prévoit expressément que ladite représentation appartient aux organismes en question (corporations) et, dans ces cas, il n'est pas fait mention d'aucune autorisation préalable. »
- 136. Rien, dans les observations du gouvernement, ne laisse apparaître que la situation en matière d'affiliation des syndicats à des organisations internationales de travailleurs ou de participation aux travaux et réunions de ces dernières ait changé par rapport à ce que le comité avait constaté dans son soixante-cinquième rapport.
- 137. Dans ces conditions, le comité ne peut que recommander au Conseil d'administration de confirmer les conclusions qui sont citées au paragraphe 133 ci-dessus.
- h) Interdiction des grèves d'après la législation portugaise
- 138. En ce qui concerne cet aspect du cas, qui est analysé aux paragraphes 75 à 82 du soixante-cinquième rapport du comité, ce dernier avait recommandé au Conseil d'administration:
- ......................................................................................................................................................
- i) de prendre acte, à propos du mécanisme de règlement des différends prévu en vertu de la législation portugaise, de la déclaration du gouvernement portugais, selon laquelle est à (étude « l'adoption de dispositions complémentaires qui donnent aux travailleurs des garanties plus efficaces encore, pour ce qui est de leurs revendications sociales, que celles qu'ils ont actuellement »;
- ii) d'appeler l'attention du gouvernement portugais sur le fait que le droit de grève, en tant que moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels, est généralement reconnu aux travailleurs et à leurs organisations, et sur l'importance que le Conseil d'administration attache au principe selon lequel, lorsque les grèves sont restreintes ou interdites, ces restrictions ou interdictions devraient s'accompagner de procédures de conciliation et d'un système d'arbitrage indépendant et impartial;
- iii) d'exprimer l'espoir que le gouvernement portugais tiendra pleinement compte de ce principe au cours de l'examen de la situation qui, selon ses déclarations, a présentement lieu, en vue de promulguer des dispositions complémentaires relatives au mécanisme de règlement des différends, et de demander au gouvernement portugais de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant de tout fait nouveau en la matière;
- ......................................................................................................................................................
- 139. Au sujet de cet aspect de l'affaire, le gouvernement commence par indiquer qu'il est tout à fait partisan du principe énoncé dans la deuxième partie de l'alinéa ii) cité plus haut. En vertu de dispositions nouvelles, déclare ensuite le gouvernement, il appartient aux conseils des corporations (du moins de certaines d'entre elles) « de traiter les questions d'intérêt général pour la branche d'activité, ainsi que pour les travailleurs, dans le cadre des attributions de la corporation qui rendent celle-ci compétente en matière de conciliation, tant que d'autres organismes ne seront pas constitués ».
- 140. Le gouvernement fait valoir que ce système constitue un moyen rapide « et qui assure la participation des intéressés » pour la solution des conflits collectifs. Il admet, cependant, que ledit système puisse être encore perfectionné et indique que la possibilité d'attribuer les fonctions de conciliation à d'autres organes des corporations est à l'étude.
- 141. D'après le gouvernement, la législation actuelle accorde aux travailleurs et aux entreprises la possibilité de demander à un organe paritaire des corporations, s'ils le désirent, « la conciliation et l'arbitrage nécessaires ».
- 142. Le gouvernement ajoute s'être efforcé, par la promulgation de lois sociales avancées, d'éliminer le plus possible les causes d'éventuels conflits collectifs. Il déclare qu'au cours des dernières années aucun conflit pouvant être qualifié de « conflit collectif » ne s'est produit en imposant « l'adoption de mesures autres que les moyens normaux de conciliation ».
- 143. En terminant, le gouvernement déclare que le fait qu'au cours des dernières années il ne se soit pas produit de cas de privation des droits politiques pour faits de grève enlève toute portée pratique au problème posé par l'interdiction faite aux personnes ne jouissant pas de leurs droits politiques de faire partie d'un syndicat et, à fortiori, d'assumer des fonctions syndicales. Le gouvernement déclare que ce problème n'en fera pas moins l'objet d'un examen à l'occasion de la révision de la législation syndicale à laquelle il procède.
- 144. Le comité recommande au Conseil d'administration de prendre note des informations fournies par le gouvernement au sujet des méthodes de règlement des conflits du travail et de prier ce dernier de bien vouloir le tenir au courant de toute évolution de la situation en la matière.
- i) Conclusion générale des observations du gouvernement
- 145. En guise de conclusion générale aux observations présentées par lui, le gouvernement déclare avoir fourni toutes les informations demandées par le Comité de la liberté syndicale au sujet de chacun des points soulevés dans la plainte de la Confédération internationale des syndicats libres et sur lesquels des éclaircissements étaient encore nécessaires. Le gouvernement se déclare, cependant, « disposé à fournir tout autre élément qui pourrait encore être considéré comme utile et à faciliter toute appréciation directe que le Comité de la liberté syndicale pourrait vouloir porter sur la réalité sociale du Portugal ».
- 146. Le comité, sans préjuger de la suite qui pourra lui être éventuellement donnée, recommande au Conseil d'administration de prendre note avec intérêt de cette déclaration du gouvernement.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 147. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) au sujet des allégations relatives à la limitation du nombre des organisations syndicales qui peuvent être constituées et dont il est question aux paragraphes 83 à 94 ci-dessus:
- i) de prier le gouvernement de bien vouloir indiquer si la situation en ce qui concerne le système du syndicat unique par district et par profession est telle qu'elle est décrite dans le présent rapport;
- ii) notant, toutefois, la déclaration du gouvernement selon laquelle l'existence de syndicats n'a pas empêché la constitution d'autres associations de travailleurs dans les mêmes régions, de prier le gouvernement de bien vouloir indiquer si les associations, ainsi créées parallèlement aux syndicats existants, sont habilitées à représenter les travailleurs au même titre et dans les mêmes conditions que lesdits syndicats et, dans la négative, quelles sont les possibilités d'action de ces associations, leur rôle et leur statut exact;
- b) au sujet des allégations relatives à l'obligation de soumettre les statuts des syndicats à l'approbation des autorités et dont il est question aux paragraphes 95 à 99 ci-dessus:
- i) de noter que le projet de texte, cité par le gouvernement et destiné à remplacer éventuellement l'article 15 du décret-loi no 23050, du 23 septembre 1933, ne contient plus les dispositions qui prévoyaient que les statuts des syndicats devraient obligatoirement contenir, d'une part, un engagement de respecter les principes et les buts de la communauté nationale et la renonciation expresse à toute forme d'activité intérieure ou extérieure contraire aux intérêts de la nation portugaise, d'autre part, une reconnaissance du fait que le syndicat constitue un facteur de coopération active avec tous les autres facteurs de l'économie nationale et, par suite, une renonciation à la lutte des classes;
- ii) d'émettre l'avis que la suppression de ces deux clauses constituerait une incontestable amélioration par rapport au régime antérieur;
- iii) d'exprimer l'espoir qu'il sera tenu compte de cet avis lors de l'adoption du texte final destiné à remplacer l'actuel article 15 du décret-loi no 23050;
- iv) de prier le gouvernement de bien vouloir fournir le texte dont le libellé aura été adopté lorsque ce texte aura été promulgué;
- c) au sujet des allégations relatives aux restrictions apportées au droit des syndicats d'élire leurs représentants et dont il est question aux paragraphes 100 à 108 ci-dessus:
- i) d'exprimer l'espoir que la réforme envisagée en matière d'élections syndicales interviendra dans un proche avenir et qu'il sera tenu compte, à cette occasion, de l'avis exprimé par le comité au paragraphe 106 ci-dessus selon lequel il serait hautement souhaitable que la vérification de la régularité des élections soit effectuée par des organes élus par l'assemblée générale des syndicats, avec possibilité de recours devant les tribunaux contre les décisions prises par ces organes;
- ii) de prier le gouvernement de bien vouloir communiquer le texte définitif adopté en la matière lorsque celui-ci aura été promulgué;
- d) au sujet des allégations relatives à la suspension et à la dissolution des organisations syndicales par voie administrative, et dont il est question aux paragraphes 109 à 114 ci-dessus:
- i) de prendre note des informations fournies sur ce point par le gouvernement concernant les réformes qui sont envisagées;
- ii) de prier le gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant de toute évolution de la situation en la matière;
- e) au sujet des allégations relatives à l'interdiction des grèves d'après la législation portugaise et dont il est question aux paragraphes 138 à 144 ci-dessus:
- i) de prendre note des informations fournies par le gouvernement concernant les méthodes de règlement des conflits collectifs du travail et de sa déclaration selon laquelle des réformes sont, à cet égard, à l'étude,
- ii) de prier le gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant de toute évolution de la situation en la matière;
- f) au sujet des allégations relatives au contrôle des négociations collectives et à l'homologation des conventions collectives par l'autorité gouvernementale, dont il est question aux paragraphes 122 à 132 ci-dessus:
- i) d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que l'intervention d'un représentant de l'autorité publique dans la rédaction des conventions collectives, telle qu'elle est prévue par la législation portugaise, si elle ne revêt pas exclusivement le caractère d'une aide technique, ne paraît pas être dans l'esprit de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiée par le Portugal, dont l'article 4 prévoit le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre employeurs et travailleurs;
- ii) d'appeler, sur ce qui précède, l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations;
- iii) de prier le gouvernement de bien vouloir indiquer si l'homologation des conventions collectives par le ministre compétent peut être refusée; dans l'affirmative, dans quelles conditions et pour quels motifs; enfin, s'il existe des voies de recours contre le refus éventuel d'homologation;
- g) au sujet des allégations relatives aux cotisations syndicales obligatoires et dont il est question aux paragraphes 115 à 121 ci-dessus:
- i) de noter que les explications fournies par le gouvernement ne font pas apparaître de changement dans la situation analysée par le comité dans son soixante-cinquième rapport;
- ii) d'appeler, en conséquence, une fois encore l'attention du gouvernement sur le fait qu'à son avis le pouvoir conféré au ministre compétent d'obliger tous les travailleurs de la catégorie professionnelle intéressée à verser des cotisations au syndicat national unique dont la création est autorisée par branche professionnelle et par district n'est, pour les raisons indiquées au paragraphe 120 ci-dessus, pas compatible avec le principe selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit de s'affilier aux organisations de leur choix;
- h) au sujet des allégations relatives aux restrictions apportées au droit des syndicats de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs et dont il est question aux paragraphes 133 à 137 ci-dessus:
- i) de noter que rien, dans les observations du gouvernement, ne fait apparaître que la situation en matière d'affiliation des syndicats à des organisations internationales de travailleurs ou de participation aux travaux et réunions de ces dernières ait changé par rapport à ce que le comité avait constaté dans son soixante-cinquième rapport;
- ii) d'appeler, en conséquence, une fois encore l'attention du gouvernement sur l'importance que le conseil attache au principe généralement accepté, selon lequel les organisations syndicales devraient avoir le droit de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs, et d'exprimer l'avis que la subordination d'une telle affiliation à l'autorisation du gouvernement n'est pas compatible avec ce principe;
- i) de prendre note, sans préjuger de la suite qui pourra éventuellement lui être donnée, de la déclaration faite par le gouvernement en conclusion de ses observations, selon laquelle il se dit « disposé à fournir tout autre élément qui pourrait encore être considéré comme utile et à faciliter toute appréciation directe que le Comité de la liberté syndicale pourrait vouloir porter sur la réalité sociale du Portugal ».