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- 35. Le Comité a déjà eu à connaître de ce cas à sa session de novembre 1960, époque à laquelle il a présenté un rapport au Conseil d'administration, qui l'a approuvé à sa 147ème session (15-18 novembre 1960). Ce rapport contient les conclusions définitives du Comité au sujet de certaines des allégations du cas. En conséquence, il ne sera question dans le présent document que des allégations restées en suspens.
- 36. En devenant Membre de l'Organisation internationale du Travail le 10 novembre 1960, le gouvernement de la République du Congo (Brazzaville) a déclaré que la République du Congo demeurait liée par les obligations découlant de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, dont les dispositions avaient été déclarées antérieurement applicables par la France à l'Afrique équatoriale française.
A. Allégations relatives à l'arrestation de dirigeants syndicaux
A. Allégations relatives à l'arrestation de dirigeants syndicaux
- 37. Les plaignants allèguent que, le 10 mai 1960, à la suite d'une grève déclenchée le 2 mai par les travailleurs de la Compagnie d'eau et d'électricité, M. Julien Boukambou, secrétaire général de la C.G.A.T, aurait été arrêté, ainsi que MM. Tauley Nganga, Matsika Aimé et Déoudi Ganga, tous trois membres du bureau confédéral.
- 38. Dans sa réponse du 30 juin 1960, le gouvernement admet l'arrestation des personnes mentionnées par les plaignants; il nie toutefois que ces arrestations aient eu un lien quelconque avec la grève des travailleurs de la Compagnie d'eau et d'électricité.
- 39. A l'appui de cette assertion, le gouvernement déclarait qu'aucun des dirigeants des syndicats ayant participé à la grève autres que la C.G.A.T n'avait été inquiété, que la grève s'était prolongée après les opérations de police incriminées, que les pourparlers entre les employés, le patronat et le gouvernement n'avaient jamais été interrompus et que la grève s'était terminée par un accord paritaire.
- 40. C'est non pas en tant que dirigeants syndicaux - déclarait le gouvernement - que les intéressés ont été arrêtés, mais bien en tant qu'animateurs du mouvement politique connu sous le nom d'Union de la jeunesse congolaise, dont le gouvernement affirmait qu'il troublait l'ordre public et, usant de méthodes illégales, portait atteinte à la sécurité de l'Etat.
- 41. A sa session de novembre 1960, le Comité avait constaté qu'il ressortait des explications détaillées fournies par le gouvernement que la C.G.A.T et ses dirigeants - parallèlement peut-être à des activités syndicales authentiques - semblaient se livrer à une activité politique dont la portée dépassait le cadre normal d'une action de défense des intérêts professionnels de leurs adhérents. Le Comité avait alors estimé que, sur cette base, il lui aurait été possible de recommander au Conseil d'administration de décider que, faute d'une preuve établissant qu'il y ait eu en l'occurrence atteinte à la liberté syndicale, cet aspect du cas n'appelait pas de sa part un examen plus approfondi. Le gouvernement ayant toutefois indiqué dans sa réponse que l'affaire se trouvait à l'instruction, le Comité, conformément à sa pratique constante, avait chargé le Directeur général d'obtenir du gouvernement des informations sur le résultat des procédures d'instruction engagées.
- 42. Dans une communication du 29 mars 1961, le gouvernement fournit à cet égard les indications suivantes. L'information en cause a été ouverte du chef de menées subversives, infraction prévue et réprimée par la loi du 2 octobre 1959; elle s'est déroulée dans un total respect des règles sur la procédure pénale en vigueur. Les avocats choisis par certains des prévenus ont été avisés dans les formes et les délais légaux des divers actes de la procédure, et en dehors de la correspondance écrite échangée avec eux, ils ont pu librement visiter leurs clients détenus, chaque fois qu'ils l'ont demandé.
- 43. Le gouvernement indique en terminant que «cette procédure s'est d'ailleurs achevée par un non-lieu général prononcé par ordonnance du 27 décembre 1960, elle-même précédée de l'élargissement des inculpés détenus, intervenu courant novembre 1960 ».
- 44. Dans ces conditions, étant donné les explications fournies par le gouvernement, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
- Allégations relatives à une série de lois portant atteinte à la liberté syndicale
- 45. Par une communication du 13 octobre 1960, la F.S.M allègue qu'une série de lois d'exception votées le 11 mai 1960 par l'Assemblée nationale et promulguées le 12 mai portent atteinte à la liberté syndicale.
- 46. Au dire des plaignants, la première de ces lois rend obligatoire la déclaration préalable des associations et autorise leur dissolution; il est prévu que, dans un délai de trente jours, les associations existantes devront renouveler leur déclaration et faire connaître, simultanément, la composition de leur patrimoine mobilier et immobilier et leur bilan financier.
- 47. Dans sa réponse, le gouvernement déclare que, contrairement aux allégations de la F.S.M, la loi no 19/60, du 11 mai 1960, rendant obligatoire la déclaration préalable pour les associations et autorisant la dissolution des associations contraires à l'intérêt général de la nation, n'est pas applicable aux organisations syndicales, mais seulement aux associations régies par la loi du 1er juillet 1901. Il en résulte - poursuit le gouvernement - que les syndicats ne sont pas astreints à déclarer la composition de leur patrimoine mobilier et immobilier, non plus que leur bilan financier.
- 48. La F.S.M allègue qu'une seconde loi tend à limiter la liberté de la presse et d'expression, portant ainsi atteinte aux droits des travailleurs et des syndicats.
- 49. Le gouvernement indique que la loi no 20/60, du 11 mai 1960, dénoncée par les plaignants comme portant atteinte aux droits des travailleurs et des syndicats par la limitation de la liberté d'expression, ne tend qu'à réprimer la provocation aux désordres ou la résistance à l'application des lois de l'autorité publique.
- 50. Les plaignants déclarent qu'une troisième loi permet au gouvernement de prendre des mesures d'éloignement, d'internement ou d'expulsion contre les citoyens dangereux, « ainsi qu'il l'a fait avec les militants syndicaux et autres démocrates ».
- 51. Dans sa réponse, le gouvernement indique que la loi no 21/60, du 11 mai 1960, permettant au gouvernement de prendre certaines mesures contre les individus dangereux ne vise nullement les dirigeants syndicaux «ou autres démocrates », mais uniquement les fauteurs de troubles et, d'une façon générale, les personnes dont les agissements sont dangereux pour l'ordre et la sécurité publics.
- 52. Au dire de la F.S.M, une autre loi permet à l'autorité d'interdire les réunions publiques, réduisant ainsi le droit fondamental de tout syndicat d'organiser des réunions de ses membres et paralysant de ce fait toute activité syndicale.
- 53. La loi no 23/60, du 11 mai 1960, sur les réunions publiques - déclare le gouvernement - contient un article 3 qui exempte d'une déclaration préalable les réunions d'ordre strictement professionnel tenues par les syndicats professionnels ou unions et fédérations de syndicats.
- 54. La F.S.M allègue enfin que le droit de réquisition des travailleurs dans les entreprises et le travail forcé ont été rendus légaux, portant du même coup une grave atteinte au droit de grève.
- 55. En ce qui concerne la loi no 24/60, du 11 mai 1960, sur les réquisitions - déclare le gouvernement -, «il y a lieu de remarquer qu'elle a pour objet de préserver en cas d'impérieuse nécessité le fonctionnement des entreprises et services indispensables à la satisfaction des besoins vitaux de la population ».
- 56. Le gouvernement précise qu'un décret no 60/170, du 28 mai 1960, a limité les entreprises et services rentrant dans le champ d'application de la loi aux activités hospitalières, de lutte contre les endémies, de lutte contre l'incendie, de distribution d'eau et d'électricité, aux transports et à la protection de la navigation aérienne.
- 57. Le gouvernement ajoute que le principe posé par l'article 2 du Code du travail selon lequel le travail forcé ou obligatoire est interdit de façon absolue reste le principe de base du droit du travail de la République du Congo, et il rappelle que« la convention internationale (no 29) sur le travail forcé, 1930, exclut de cette appellation le travail exigé dans toutes les circonstances mettant en danger ou risquant de mettre en danger la vie ou les conditions normales d'existence de l'ensemble ou d'une partie de la population ».
- 58. En ce qui concerne cette dernière allégation, le Comité a constaté que les réquisitions autorisées par la loi sont limitées à certaines branches d'activité, précisées par un décret. Dans l'ensemble, il semble que ces secteurs soient effectivement indispensables à la sécurité de la population. Parmi elles, le Comité a toutefois relevé les transports, ce qui, si l'expression n'est pas autrement précisée, élargit considérablement la notion de service essentiel.
- 59. A ce propos, le Comité rappelle que, dans un cas antérieur intéressant l'Argentine, il avait constaté que, bien qu'une mesure de mobilisation des cheminots adoptée par le gouvernement ne fût pas destinée à restreindre les droits syndicaux en tant que tels, mais qu'elle ait été motivée par la situation d'exception créée par la grève des chemins de fer, les droits en question s'en étaient néanmoins trouvés affectés dans la pratique. Il avait estimé alors qu'il ne paraissait pas avoir existé un état de crise nationale aiguë tel que celui que le Comité avait constaté dans un cas intéressant les Etats-Unis, où il avait eu à connaître d'une réquisition des chemins de fer, lesquels avaient été placés sous le contrôle de l'armée, et où il avait conclu que le cas n'appelait pas un examen plus approfondi uniquement après avoir constaté que ladite réquisition n'avait pas constitué une mesure arbitraire mais qu'elle avait été motivée par des considérations d'intérêt général dans des circonstances très particulières de crise nationale, puisqu'il s'agissait d'assurer l'envoi de fournitures et de munitions aux troupes des Nations Unies engagées en Corée, et que la mesure de réquisition n'avait été prise qu'une fois épuisés tous les moyens de solution du conflit prévus par la loi.
- 60. Tout en reconnaissant qu'en l'espèce, il n'est pas allégué que la loi incriminée ait été appliquée à des fins antisyndicales, le Comité juge néanmoins opportun d'attirer l'attention du gouvernement sur la possibilité d'abus que comporte la mobilisation ou réquisition des travailleurs - notamment lors de conflits du travail - et de souligner l'inopportunité d'un recours à de semblables mesures si ce n'est afin de permettre le fonctionnement des services essentiels dans des circonstances de la plus haute gravité. En outre, le Comité attire l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il a toujours attachée à ce que, dans les cas où les grèves sont interdites dans les activités essentielles, des garanties appropriées soient accordées pour sauvegarder pleinement les intérêts des travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défense de leurs intérêts professionnels.
- 61. Par ailleurs, il ressort assez clairement des observations détaillées et précises fournies par le gouvernement au sujet des diverses allégations formulées par la F.S.M concernant les textes législatifs mentionnés plus haut que ces textes, loin d'avoir pour objet une limitation de la liberté syndicale, réservent au contraire expressément certains des droits essentiels des travailleurs et de leurs organisations, dont l'exercice aurait pu sans cela être entravé par l'application des lois en question.
- 62. Dans ces conditions, tenant compte du fait qu'il n'est pas allégué que la législation incriminée ait, en fait, été appliquée de manière à porter atteinte à la liberté syndicale, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que, sous réserve des observations contenues aux paragraphes 58 à 60 ci-dessus, cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 63. Etant donné ce qui précède, et sous réserve des observations contenues aux paragraphes 58 à 60 ci-dessus, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que le cas dans son ensemble n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.