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- 4. Par une communication en date du 20 juin 1959, adressée directement à l'O.I.T, la Fédération internationale des journalistes libres d'Europe centrale et orientale et des pays baltes et balkaniques (New-York) a déposé une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de la Hongrie.
- 5. Cette plainte contenant des allégations selon lesquelles des personnes auraient été arrêtées et condamnées à mort, il lui a été appliqué la procédure d'urgence prévue en pareil cas en vertu d'une décision prise par le Conseil d'administration à sa 140-0 session a (novembre 1958).
- 6. Conformément à cette procédure, le Directeur général, par une lettre en date du 3 juillet 1959, a porté le texte de la plainte à la connaissance du gouvernement en priant ce dernier de lui faire parvenir ses observations à ce sujet dans les plus brefs délais.
- 7. Le gouvernement hongrois a répondu par une communication en date du 4 août 1959.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 8. Dans leur communication du 20 juin 1959, les plaignants indiquent que la plainte déposée par eux fait suite à celle qu'ils avaient déposée le 14 mars 1957 et dans laquelle ils citaient, entre autres choses, le nom de huit journalistes et écrivains, membres d'organisations professionnelles, qui avaient été arrêtés.
- 9. A la suite d'une enquête effectuée depuis par l'organisation plaignante, celle-ci déclare avoir établi que de nombreux autres journalistes et écrivains hongrois ont été exécutés, emprisonnés ou condamnés à mort et elle donne une liste de trente-quatre noms en regard desquels est indiqué le sort qui aurait été réservé aux personnes en question. D'après les plaignants, parmi les personnes mentionnées sur cette liste, trois seulement auraient été relâchées. Les plaignants affirment que les mesures dont les personnes citées par eux auraient été victimes auraient pour origine la lutte déployée par lesdites personnes pour défendre le droit de libre expression et les libertés individuelles.
- 10. L'organisation plaignante voit dans ces mesures - prises à la suite du soulèvement de Hongrie - autant d'atteintes aux droits de l'homme et aux principes de la liberté syndicale et elle en appelle à l'Organisation internationale du Travail pour que cette dernière contraigne le gouvernement hongrois à respecter les engagements qui sont les siens du fait de l'appartenance de la Hongrie à l'Organisation des Nations Unies et à l'O.I.T.
- 11. Dans sa réponse en date du 4 août 1959, le gouvernement dit avoir reçu le texte de la plainte de la Fédération internationale des journalistes libres d'Europe ainsi que la demande d'observations à son sujet qui l'accompagnait. Etant donné toutefois qu'à son avis, une telle demande d'observations constituerait une tentative inconstitutionnelle du Conseil d'administration de s'immiscer dans les affaires intérieures de la République populaire de Hongrie, le gouvernement de cette dernière déclare n'entendre donner, dans le cas d'espèce comme pour toutes autres communications semblables à l'avenir, aucune autre réponse que celle qu'il avait déjà fournie le 21 mai 1957 à l'occasion de la première série de plaintes présentées le 14 mars 1957 par la Fédération internationale des journalistes libres.
- 12. A cette occasion, le gouvernement avait tout d'abord déclaré estimer que la plainte de la Fédération internationale des journalistes libres fondait son argumentation sur une présentation tendancieuse des événements, une défiguration des faits réels et sur des calomnies servant expressément des considérations politiques. En ce qui concerne l'arrestation de certains journalistes et écrivains hongrois, le gouvernement présentait les observations suivantes. Il découle du principe de l'égalité des citoyens devant la loi (article 49 (1) de la Constitution hongroise) que toute personne - sans égard à sa profession - qui commet un délit constituant une infraction aux règles juridiques en vigueur doit être poursuivie en justice selon les règles ordinaires de la procédure. Il n'est pas fait d'exception pour les journalistes et les écrivains; parmi ceux-ci, ceux qui ont été poursuivis l'ont été non pas «pour avoir usé du droit de liberté d'expression », comme l'affirment les plaignants, mais pour avoir commis des crimes et déployé une activité aboutissant à des meurtres et à des actes de terrorisme. A la suite des actes de subversion dont ils se sont rendus coupables, ils ont été condamnés en vertu du Code pénal déjà en vigueur avant le mois d'octobre 1956.
- 13. Le gouvernement poursuivait en déclarant estimer à cet égard que tout Etat a le droit incontestable de poursuivre en justice, dans le cadre de l'exercice de sa souveraineté, tous ceux qui commettent des délits visant au renversement de l'ordre étatique légal. Il soutenait donc fermement la position que la question de l'arrestation de certains journalistes et écrivains hongrois constituait une affaire intérieure de la République populaire de Hongrie et que, par suite, la question n'entrait pas dans les attributions d'organisations internationales.
- 14. En conclusion, le gouvernement exprimait l'espoir « que les organes compétents de l'Organisation internationale du Travail, après avoir procédé, sur la base des renseignements fournis par le gouvernement hongrois, à une étude objective de la plainte de la Fédération internationale des journalistes libres, seraient amenés à constater que la discussion de la plainte - d'ailleurs dépourvue de tout fondement - ne rentrait pas dans les attributions de l'Organisation internationale du Travail et qu'elle relevait d'autant moins de la compétence du Comité de la liberté syndicale ».
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 15. La question de la compétence du Comité a déjà été tranchée affirmativement par ce dernier dans le précédent cas relatif à la Hongrie. La situation étant sensiblement analogue dans le cas présent, le Comité a estimé qu'il était compétent pour l'examiner.
- 16. D'autre part, la dernière plainte de la Fédération internationale des journalistes libres ayant trait en partie aux mêmes faits allégués que dans le cas no 160, en ce sens qu'elle complète - par une nouvelle liste de personnes arrêtées ou exécutées - les plaintes présentées alors, et le gouvernement, pour y répondre, renvoyant aux observations qu'il avait présentées à cette occasion, le Comité a estimé qu'il y avait lieu pour lui de présenter au Conseil d'administration des recommandations analogues quant au fond à celles qu'il lui avait présentées en conclusion de son examen du cas no 160, en octobre 1957.
- 17. Ce faisant, toutefois, le Comité tient à insister sur un fait nouveau, qui s'est produit depuis son examen du cas no 160, à savoir que la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 - toutes deux ratifiées par la Hongrie - sont entrées en vigueur pour ce pays le 6 juin 1958. Les rapports de la Hongrie sur l'application de ces conventions sont toutefois parvenus trop tard, en 1959, pour pouvoir être examinés par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 18. Dans ces conditions, le Comité, repoussant la prétention du gouvernement hongrois selon laquelle la question sort du champ de la compétence du Comité et déplorant vivement le refus du gouvernement hongrois de fournir des informations sur les graves allégations formulées par les plaignants aux termes desquelles des membres d'organisations syndicales auraient été emprisonnés, condamnés à mort et, dans certains cas, exécutés, recommande au Conseil d'administration:
- a) de noter que la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, sont entrées en vigueur pour la Hongrie le 6 juin 1958 et d'appeler en conséquence l'attention des autorités hongroises sur l'importance de l'application effective de toutes les dispositions de ces deux instruments;
- b) de réaffirmer l'importance qu'il attache au principe selon lequel, lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou criminels que le gouvernement considère comme étant étrangers à leurs activités syndicales, les personnes en question, comme toutes autres personnes, devraient être jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante;
- c) d'adresser un appel au gouvernement hongrois pour que celui-ci envisage d'urgence la possibilité de commuer les condamnations à mort qui, selon les allégations formulées, auraient été prononcées.
- Genève, 9 novembre 1959. (Signé) Paul RAMADIER, Président.