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A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 10. Dans sa communication du 20 mars 1954 relative à de prétendues violations des droits syndicaux dans sept pays différents, la Fédération syndicale mondiale allègue que le gouvernement du Pérou aurait introduit dans le pays un régime de terreur contraire aux intérêts des travailleurs et, en particulier, au mouvement syndical péruvien. Dans l'ensemble, la plainte était rédigée en termes généraux ; elle contenait toutefois des allégations spécifiques relatives à des personnes dont le plaignant donnait les noms. Le secrétaire général de la Fédération des travailleurs du sud du Pérou, qui est également dirigeant du Comité de réorganisation syndicale des travailleurs du Pérou, M. Simón Herrera Farfani, aurait été arrêté à Cuzco en février 1953. Après un séjour dans une prison de Lima, M. Farfani serait décédé au camp de concentration de El Frontôn des suites des tortures et des mauvais traitements dont il aurait été l'objet. Les détenus de ce camp de concentration vivraient dans des conditions épouvantables il n'y aurait pas de bâtiments, les détenus seraient contraints de se réfugier parmi les rochers et seraient soumis à la torture. Parmi les dirigeants syndicaux envoyés à El Frontôn figurerait M. Raúl Acosta Salas, secrétaire général de la Fédération des travailleurs d'Arequipa ; il aurait été soumis à des tortures particulières « en raison de son rôle dirigeant dans l'organisation du mouvement syndical du Pérou et notamment dans la magnifique lutte des travailleurs d'Arequipa pour leurs droits et leurs libertés ».
- 11. L'organisation plaignante a été informée, par une lettre en date du 22 juin 1954, de son droit de présenter des informations complémentaires à l'appui de sa plainte. Par une communication en date du 24 juillet 1954, l'organisation plaignante a fait savoir qu'elle considérait les données fournies dans sa plainte originale comme constituant des éléments de preuve suffisants.
- 12. Dans sa communication en date du 7 janvier 1957, le gouvernement déclare avoir adopté toutes les dispositions nécessaires pour garantir l'exercice normal du droit d'organisation, droit qui est établi par la Constitution péruvienne. Les organisations syndicales et leurs dirigeants jouissent de la plus grande liberté. Le Président de la République, dans un message prononcé le 1er janvier 1957, déclarait entre autres choses qu'il n'existait pas, au Pérou, de prisonniers politiques ; il ajoutait qu'aucune publication n'était soumise à la censure. Le gouvernement s'attachera à établir « une définition claire des droits de grève et de lock-out dans les limites de leur exercice légal ainsi que de la libre organisation syndicale, que l'on doit empêcher d'osciller entre l'inertie et la déviation... ». En annexe à sa réponse, le gouvernement communique copie du décret suprême du 28 juillet 1956, par lequel sont abrogées toutes les lois de sécurité et d'exception et amnistiés tous les condamnés pour motifs politiques. Aux termes de l'article 2 « l'amnistie politique est décrétée et, par suite, les actions judiciaires sont interrompues et les peines annulées pour toutes les personnes, civiles ou militaires, poursuivies ou condamnées par des cours martiales, des tribunaux d'exception, des conseils de guerre de tous ordres, militaires, navals, de l'armée de l'air ou de la police, et des tribunaux ordinaires, pour des motifs politiques et sociaux ». L'article 5 ordonne la libération immédiate de tous les citoyens amnistiés.
- 13. Dans sa dernière communication, en date du 19 février 1957, le gouvernement péruvien ajoute qu'à ce jour personne n'a été arrêté au Pérou en raison de ses activités syndicales. Dès le 28 juillet 1956, date de l'accession au pouvoir de l'actuel gouvernement, tous les prisonniers politico-sociaux ont été mis en liberté et toutes les personnes exilées ont été autorisées à réintégrer le Pérou sans qu'elles aient eu besoin, pour ce faire, d'obtenir un visa. Le gouvernement estime que l'adoption de cet ensemble de mesures et la certitude que la liberté d'association est aujourd'hui respectée dans le pays devraient permettre au Comité de disposer d'un cas se rapportant à des événements appartenant à une époque révolue.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 14. Les allégations dont le Comité se trouvait saisi dans le cas présent se rapportent à des faits qui se sont produits en 1953 et en 1954 ; le gouvernement alors au pouvoir aurait déchaîné une campagne de terreur éminemment préjudiciable au mouvement syndical. De nombreux travailleurs et syndicalistes auraient été arrêtés et torturés. A titre d'exemple, le plaignant donne le nom de deux dirigeants syndicaux qui auraient été placés dans des camps de concentration et torturés. L'un d'eux, M. Simón Herrera Farfani, serait mort des suites des tortures et des mauvais traitements qui lui auraient été infligés. La réponse gouvernementale, postérieure de près de trois ans aux événements relatés dans la plainte, émane du nouveau gouvernement, qui a accédé au pouvoir en juillet 1956. Dès sa prise de pouvoir, le gouvernement a ordonné la libération de tous les prisonniers politico-sociaux et a autorisé le retour inconditionnel de tous les exilés. La loi d'amnistie du 28 juillet 1956 interrompit toutes les affaires de caractère politique ou social en instance devant les tribunaux. La réponse du gouvernement cite une déclaration faite le 1er janvier 1957 par le Président de la République et relative à la politique du gouvernement en matière syndicale.
- 15. Dans un certain nombre de cas antérieurs, le Comité a estimé qu'il était vain d'examiner plus avant des plaintes relatives à une situation politique ayant cessé d'exister. Dans le cas no 13 mettant en cause la Bolivie, le Comité, saisi d'allégations relatives à des violations de la liberté syndicale dont se serait rendu coupable un gouvernement antérieur, a considéré que le gouvernement au pouvoir « ne pouvait évidemment être tenu responsable de faits qui se sont produits sous le régime de son prédécesseur » ; le Comité poursuivait toutefois en ces termes « il n'en a pas moins une responsabilité manifeste quant aux conséquences que ces faits auraient pu continuer à engendrer depuis son arrivée au pouvoir ». Dans le cas actuellement soumis au Comité, les allégations qu'il contient se rapportent à des mesures de répression antisyndicales prises plusieurs années avant l'accession au pouvoir du présent gouvernement. Celui-ci, par une loi d'amnistie, a mis un terme à toutes les procédures en instance se rapportant à des affaires de caractère politique ou social et a donné les assurances les plus formelles que nul, aujourd'hui, n'était détenu en raison de ses activités syndicales.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 16. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration, étant donné le changement politique intervenu au Pérou et les assurances données par le gouvernement actuel quant au respect de la liberté syndicale dans ce pays, de décider qu'il serait inopportun de poursuivre l'affaire.