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- HISTORIQUE DU CAS
- 199 Par une communication en date du 31 mai 1955, ultérieurement complétée par trois lettres en date des 27 juin, 1er juillet et 16 juillet 1955, la Fédération nationale des syndicats chrétiens du livre, papier, carton et industries connexes (Paris) a déposé une plainte auprès du Directeur général du B.I.T alléguant que des atteintes seraient portées à l'exercice des droits syndicaux par le gouvernement français.
- 200 Plus précisément, l'organisation plaignante alléguait que les travailleurs de la presse et des imprimeries non affiliés aux organisations membres de la C.G.T étaient systématiquement et effectivement écartés de la profession par l'application d'un texte législatif remontant à 1944 et tendant à réserver à la C.G.T le monopole de la constitution des équipes de travail dans les imprimeries de presse. De l'avis du plaignant, il en serait résulté une situation incompatible avec les dispositions des conventions (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, conventions ratifiées par le gouvernement de la France.
- 201 Par une communication en date du 5 novembre 1955, le gouvernement français a fait parvenir au Directeur général du B.I.T ses observations sur la plainte de la Fédération nationale des syndicats chrétiens du livre, papier, carton et industries connexes.
- 202 Le gouvernement, dans sa réponse, rappelait que les travaux préparatoires des deux conventions invoquées par le plaignant faisaient apparaître que celles-ci ne visaient pas les clauses de sécurité syndicale et de closed-shop. Par ailleurs, le gouvernement signalait qu'une proposition de loi avait été adoptée par l'Assemblée nationale et se trouvait alors devant le Conseil de la République, proposition de loi tendant à protéger la liberté syndicale et à en garantir le libre exercice à tous les travailleurs et, en particulier, prévoyant la nullité de toute disposition ou accord tendant à obliger un employeur à n'embaucher ou à ne conserver à son service que les adhérents d'un syndicat déterminé et édictant à l'encontre de tout employeur qui méconnaîtrait ces dispositions des sanctions pénales.
- 203 Saisi du cas à sa treizième session (Genève, novembre 1955), le Comité a tout d'abord rappelé que, lors de l'examen de plusieurs cas antérieurs, il avait constaté que la Conférence estimait que les clauses de sécurité syndicale et de closed-shop constituaient des questions relevant de la réglementation et de la pratique nationales. A ce propos, il citait à nouveau une déclaration de la Commission de la Conférence chargée d'examiner cette question, déclaration conçue en ces termes : « La Commission s'est finalement mise d'accord pour exprimer dans son rapport, l'opinion que la convention no 98 ne devrait d'aucune façon être interprétée comme autorisant ou interdisant les clauses de sécurité syndicale et que de telles questions relèvent de la réglementation et de la pratique nationales. Le Comité rappelait enfin qu'en adoptant le rapport de la Commission, la Conférence s'était ralliée à ce point de vue.
- 204 Cela posé, le Comité a estimé que l'allégation selon laquelle, en appliquant le texte incriminé par le plaignant, le gouvernement français aurait violé une convention ratifiée par lui ne semblait pas pouvoir être retenue.
- 205 Le Comité a noté d'autre part qu'il ressortait de la réponse du gouvernement qu'une législation nouvelle était en voie d'être promulguée, législation dont le résultat serait de réformer la situation contre laquelle s'élevait le plaignant. Le Comité a constaté que si le gouvernement adoptait une mesure semblable, celle-ci, étant donné l'interprétation de la Conférence mentionnée plus haut, serait également compatible avec la convention no 98.
- 206 En conséquence, le Comité avait recommandé au Conseil d'administration de décider que le cas n'appelait pas de sa part un examen plus approfondi, recommandation que le Conseil a acceptée en adoptant le dix-septième rapport du Comité.
- DEMANDE DE REOUVERTURE DU CAS
- 207 Depuis l'adoption des conclusions du Comité par le Conseil d'administration, conclusions dont, conformément à la procédure en vigueur, la teneur a été communiquée à l'organisation plaignante, cette dernière, par une lettre en date du 22 décembre 1955 adressée au Directeur général du B.I.T, s'élève contre la décision du Conseil d'administration et demande que le cas dans son ensemble soit examiné à nouveau.
- 208 De son côté, la Confédération internationale des syndicats chrétiens, dans une communication en date du 2 février 1956, adressée au Directeur général, dit avoir eu connaissance de la lettre du 22 décembre émanant de la Fédération des syndicats chrétiens du livre et appuie la demande de réouverture du cas qui y est formulée.
- 209 Dans sa communication du 22 décembre 1955, le plaignant se déclare indigné de la « facilité avec laquelle le B.I.T a décidé qu'il n'y avait pas violation de la convention no 98 ». Il émet l'opinion que le régime de pluralisme syndical tel qu'il existe en France ne saurait être comparé au régime que connaissent les pays anglo-saxons, où la pluralité, de l'avis du plaignant, est moins une question de fond que de forme ; il déclare que la conception du Comité qui assimile la situation dépeinte par le plaignant comme une espèce de closed-shop est absolument erronée. Le plaignant reproche en outre au Comité de n'avoir pas essayé de se procurer le texte incriminé par lui et qui accorde le monopole syndical à la Fédération du livre C.G.T. Après avoir exprimé sa déception devant la décision prise, le plaignant formule en terminant une demande expresse de réexamen du cas.
- 210 Dans sa communication du 2 février 1956, la Confédération internationale des syndicats chrétiens déplore à son tour la décision du Conseil d'administration. Elle fait siennes les observations contenues dans la lettre du 22 décembre 1955 émanant de la Fédération nationale des syndicats chrétiens du livre. Elle laisse entendre ensuite que le Conseil d'administration aurait disposé de la plainte de cette dernière organisation à la suite de l'assurance donnée par le: gouvernement français qu'un texte de loi modifiant la situation allait être voté dans un très bref délai ; elle ajoute enfin que ledit texte serait en suspens devant le Conseil de la République et ne serait pas près d'aboutir. C'est ce dernier fait - ainsi que les observations contenues dans la lettre du 22 décembre de la fédération plaignante - qui justifie aux yeux de la C.I.S.C un réexamen du cas, réexamen auquel elle demande qu il soit procédé.
A. A. Conclusions du comité
A. A. Conclusions du comité- 211. Le Comité a noté que l'interprétation de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, adoptée par lui dans son rapport antérieur, n'est autre que celle qui a été approuvée par la Conférence lors de l'adoption de la convention. D'après cette interprétation, les pays - et plus particulièrement les pays de pluralisme syndical - ne seraient nullement tenus, aux termes de la convention, de tolérer, soit en droit, soit en fait, les clauses de sécurité syndicale, tandis que les autres pays qui les admettent ne seraient pas mis dans l'impossibilité de ratifier la convention.
- 212. A cet égard, le Comité prend note de la promulgation, le 27 avril 1956, de la loi no 56-416 (Journal officiel du 28 avril 1956), qui établit des garanties contre les actes de discrimination syndicale en matière d'emploi.
- 213. Aux termes de l'article 1er, a), de cette loi, « il est interdit à tout employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en ce qui concerne notamment l'embauchage, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, l'avancement, la rémunération et l'octroi d'avantages sociaux, les mesures de discipline et de congédiement ». Cet article précise en outre que les employeurs ne devront faire usage d'aucun moyen de pression en faveur ou à l'encontre d'une organisation syndicale quelconque. La loi dispose encore que l'utilisation des marques syndicales ou des labels ne pourra pas avoir pour effet de porter atteinte aux dispositions de l'article 1er cité plus haut et précise que sera « nul et de nul effet, notamment, toute disposition ou accord tendant à obliger l'employeur à n'embaucher ou à ne conserver à son service que des adhérents du syndicat propriétaire de la marque ou du label ». La loi édicte enfin des sanctions pénales en cas d'infraction à ses dispositions, sanctions qui consistent en une amende de 4.000 à 24.000 francs et de 24.000 à 240.000 francs en cas de récidive.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 214. Dans ces conditions, étant donné les observations contenues au paragraphe 211 ci-dessus, le Comité maintient les conclusions qu'il avait formulées dans son dix-septième rapport et, étant donné d'autre part que la loi qui est analysée au paragraphe 213 ci-dessus met un terme à la situation même contre laquelle les plaignants s'étaient élevés, recommande au Conseil d'administration de décider qu'il n'y a pas lieu de donner davantage suite à ce cas.
- Genève, le 29 mai 1956. (Signé) Roberto AGO, Président.